MADANIYA
La bataille d’Alep,
un échec au plan de partition de la
Syrie,
une consécration du Hezbollah au rang de
stratège
René Naba
Jeudi 8 décembre 2016
Alep, un tournant
majeur de la guerre, une lourde défaite
de l’opposition djihadiste et de ses
parrains occidentaux, un camouflet
magistral pour la France.
La Syrie
et ses alliés ont infligé une lourde
défaite à leurs adversaires dans la
guerre déclenchée contre ce pays il y a
six ans, en reprenant le contrôle de la
vieille ville d’Alep, un tournant majeur
de la guerre, la première étape vers la
mise en échec du plan de partition de la
zone, attribué aux Occidentaux.
A 48
heures d’une conférence internationale
des «pays refusant la guerre totale» en
Syrie, cette percée militaire a
constitué un camouflet magistral pour la
France, organisatrice de cette
rencontre.
La chute
d’Alep Est, l’ancien bastion des
djihadistes, a obéi à un scénario
identique à celui observé pour la chute
de Yabroud, le verrou de Damas à 80 km
au nord-est de la capitale, le 15 mars
2014, le jour même du rattachement de la
Crimée à la Russie par référendum. Elle
a rendu sans objet la conférence Paris
et sans voix le chœur des
islamophilistes qui s’esbaudient depuis
six ans sur les lucarnes nationales,
faisant étalage de leur fausse science,
en même temps que de leur imposture.
Vers une réduction
de la voilure de la France
Sur fond
d’éradication populaire des principaux
responsables français de la guerre de
Syrie (Nicolas Sarkozy, Alain Juppé,
François Hollande, Laurent Fabius,
Manuel Valls), la défaite d’Alep, au
delà la défaite de Syrie, se range parmi
les défaites majeures qui ont jalonné
l’histoire militaire et diplomatique
française depuis deux siècles. Très
exactement depuis Waterloo, en 1815, en
passant par Fachoda, l’expédition du
Mexique, Sedan (1880), la capitulation
devant l’Allemagne nazie au terme de 39
jours de combat, en juin 1940, enfin
Dien Bien Phu, 1954, l’expédition de Suez
(1956)et l’Algérie (1962).
Un tel
palmarès explique la relégation
diplomatique dont la France est l’objet,
que l’historien Marcel Gauchet a
diagnostiqué dans un verdict sans appel:
«En juin 1940, la France a brutalement
cessé d’être une grande puissance».
Dans la
foulée de sa déconfiture de Syrie, la
France, nolens volens, est conduite à
réduire sa voilure. Faute de s’être
donnée les moyens de sa politique, la
voilà réduite à la politique de ses
moyens.
Les plans de
bataille du Hezbollah dans la guerre de
Syrie enseignés dans les académies
militaires russes.
La
reconquête d’Alep par les forces
gouvernementales syriennes a signé le
retour dans le giron du pouvoir central
du «pays utile» représenté par les cinq
grandes villes syriennes de Syrie
(Damas, Alep, Homs, Hama, Lattaquieh).
Revers
stratégique et psychologique majeur pour
l’opposition djihadiste, cette victoire
retentissante du pouvoir baasiste et de
ses alliés internationaux et régionaux
(Russie Iran Hezbollah) pourrait
modifier l’issue du conflit.
« Il faut
savoir ce que l’on veut. Quand on le
sait, il faut avoir le courage de le
dire; quand on le dit, il faut avoir le
courage de le faire ».
Georges
Clemenceau.
L’ancien
prisonnier politique syrien, Michel
Kilo, transfuge communiste vers les
pétromonarchies, le constatera sans
ambages: «L’Arabie saoudite est un pays
qui ne connait ni la démocratie, ni les
Droits de l’Homme. Un pays à qui fait
défaut le sens de l’arabité et de
l’Islam. L’Arabie et les autres
pétromonarchies du Golfe souhaitent la
destruction de la Syrie et non
l’instauration de la démocratie dans ce
pays», proclamera l’ancien commensal du
Prince Bandar Ben Sultan, le comandant
en chef des djihadistes durant la
première phase de la guerre de Syrie.
«Al Bab»
(La Porte), à trente km à l’Est d’Alep
pourrait constituer la prochaine étape
de l’offensive gouvernementale en vue de
verrouiller l’accès à la capitale
économique de la Syrie et figer la
progression des forces kurdes et turques
dans la zone frontalière, prélude à
l’effondrement djihadiste en Syrie. La
poursuite de l’offensive gouvernementale
en direction de ses derniers bastions,
particulièrement Idlib, et Raqqa,
porterait le coup de grâce au plan de
démembrement du pays et de sa mise sous
tutelle atlantiste.
S’inspirant du précédent de Benghazi
dans l’affaire libyenne, Alep, au regard
des stratèges turcs et occidentaux,
devait servir de tête de pont tant pour
l’aide humanitaire que pour le
déferlement et le ravitaillement
militaire des djihadistes pour une
désagrégation du régime par une guerre
d’usure.
De l’aveu même des Russes, un
des grands artisans de ce retournement
est le Hezbollah, promu désormais au
rang de stratège.
Sur le rôle du Hezbollah et
de l’Iran en Syrie
La
guerre de Syrie a consacré le Hezbollah
au rang de stratège et propulsé la
formation chiite comme interlocuteur
direct du commandement militaire russe
dont les plans de bataille menés depuis
cinq ans dans ce pays font désormais
objet d’un enseignement dans les
académies militaires russes.
«A
l’avant garde du combat, le Ayatollah
est parvenu à neutraliser rapidement les
effets de la percée opérée par les
djihadistes, le 28 octobre 2016, à la
faveur de la trêve humanitaire dans le
secteur ouest de la métropole économique
de Syrie et à colmater les brèches
notamment dans la secteur abritant les
postes névralgiques de l’armée syrienne,
l’Académie militaire et la Cité Assad,
rapporte le journal libanais «Al Akhbar»
dont la version arabe du récit se trouve
sur ce lien à l’intention des locuteurs
arabophones.
Le
Hezbollah, qui a eu à déplorer la perte
en Syrie de plusieurs dirigeants du
premier rang, –notamment Mohammad
Badredddine, le chef de la branche
militaire du Hezbollah, Jihad Moughniyeh,
le fils du fondateur de la branche
militaire du Hezbollah, Imad Moughniyeh,
Samir Kintar, l’ancien doyen des
prisonniers politiques arabes en Israël
ainsi que le commandant de sa défense
balistique anti aérienne–, est parvenu à
anticiper la riposte djihadiste.
Déjouant
leur offensive menée à l’aide de douze
camions chargés d’explosifs, le
Hezbollah a implosé le détachement
adverse constitué par des assaillants de
«Jaych Al Fatah» et de groupuscules qui
lui sont alliés, menant une bataille de
rue, nettoyant immeuble après immeuble
jusqu’à refouler les survivants hors de
la zone des combats, ajoute le quotidien
beyrouthin.
Au des
résultats de la bataille et face à
l’habileté manœuvrière tactique et
stratégique dont les chefs militaires du
Hezbollah ont fait preuve sur le théâtre
des opérations à Alep, tant face à la
«grande épopée du 28 octobre, que dans
l’opération dite «La conquête Abou Omar
Saraqbeh» qu’auparavant dans le secteur
de Dera’a (sud de Syrie), lors du
déferlement djihadiste dans la bataille
de «Cheikh Miskine», le commandement
militaire russe a demandé, à la mi
novembre 2016, une rencontre directe
avec le commandement du Hezbollah pour
lui réclamer ses plans de bataille pour
y être enseigné dans les académies
militaires de Russie, poursuit le
journal.
Le
commandant Abou Omar Saraqeb dirigeait
la plus importante coalition de rebelles
et djihadistes en Syrie, à l’origine de
la conquête de Jisr Al Choughour.
L’annonce de sa mort a été faite sur
Twitter par son groupe le Front Fateh
al-Cham, anciennement Jabhat An Nosra
qui a renoncé il y a quelques mois à son
rattachement à Al-Qaïda. Le groupe fait
partie de la coalition internationale
anti djihadiste dirigée par les
États-Unis.
La
rencontre militaire Russie Hezbollah de
la mi novembre est la première du genre
entre ces deux partenaires de la guerre
de Syrie. Jusque là, les échanges entre
les deux parties se faisaient dans le
cadre de la concertation quadripartite
régulière se tenant au sein des PC
commun de Bagdad (Russie, Iran, Syrie,
Hezbollah) ou au sein des cellules
d’opérations conjointes en Syrie même
sur le champ de bataille.
Depuis
l’intervention militaire russe en Syrie,
le 1er septembre 2015, le Hezbollah
avait pris soin d’éviter le contact
direct avec la hiérarchie militaire
russe en raison de leurs divergences sur
leur approche respective du conflit
israélo-arabe.
Lors de
la visite de Dimitri Medvedev en Israël,
fin novembre 2026, le président russe
soulevé auprès de ses interlocuteurs
israéliens leurs divergences à propos de
l’Iran et du Hezbollah, spécifiant: Le
Hezbollah n’est pas une organisation
terroriste et l’Iran n’est pas notre.
Les deux (Iran et Hezbollah) sont nos
partenaires dans la guerre de Syrie».
La
bataille pour la reconquête d’Alep a
ainsi conféré au Hezbollah un statut de
stratège et non plus de simple exécutant
de la stratégie iranienne, un acteur
majeur sur le plan militaire face à
Israël et en Syrie.
Sur le plan militaire: Hemeimine et
Tartous, S.400 Triumph, Missiles auto
moteur Bourk et canons Pantsyr.
La
Russie dispose de deux bases en Syrie,
la base aérienne à Hemeimine, au sud-est
de la ville de Lattaquieh et
l’importante base navale de Tartous. Le
dispositif de défense comporte des
missiles de croisière K. 300P montées
sur camion avec radar et pouvant porter
jusqu’à 300 kms, des batteries de
missiles S.400 TRIUMPH, basées à
Hemeimine dont le rayon d’action couvre
l’ensemble de la Méditerranée orientale
(Syrie, Turquie, Chypre, Liban Israël),
assurant la protection de fait non
seulement de l’espace aérien de la
Syrie, mais également la zone de
déploiement du Hezbollah dans le sud
Liban.
Son rayon d’action est de 20 à 400 km en
surface pour 3 à 300 km d’altitude.
En
superposition à la task force navale
articulée autour du porte-avions «Amiral
Kouznetsov», ce dispositif est complété
par un système anti missiles auto moteur
BOURK, l’un des moyens de défense
aérienne de moyenne portée le plus
efficace au monde. La ligne de défense
immédiate est assurée depuis Hemeimine
par un système de canons PANTSYR. La
Russie a en outre doté l’armée syrienne
d’un système de défense anti aérienne S.
200 VE.
La Chine, percée stratégique majeure
en Méditerranée: Tartous (Syrie) et
Cherchell (Algérie)
En 2016,
la Chine a fait son entrée sur le plan
militaire en Syrie, percée stratégique
majeure de l’Empire du Milieu en
Méditerranée, obtenant l’aménagement
d’une plate forme navale opérationnelle
pour la marine chinoise dans le
périmètre de la base russe de Tartous.
Soucieuse de soulager la trésorerie
russe et de soutenir l’effort de guerre
syrien, la Chine a octroyé une aide
militaire de 7 milliards de dollars à la
Syrie dont les forces combattent dans la
bataille d’Alep, les djihadistes
Ouïghours, (chinois musulmans), où près
de 3.500 familles, soit près de dix
mille personnes, sont implantés à Alep
Est.
Les
Ouïghours, de mémoire d’observateur, ne
sont jamais morts pour la Palestine, pas
un. Mais nombreux l’ont été contre la
Syrie, dans un dévoiement sectaire de
leur idéologie.
Les
Ouïghours djihadistes sont originaires
de la province de Xingjiang, à
l’extrême-ouest de la Chine, frontalière
de huit pays (Mongolie, Russie,
Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan,
Afghanistan, Tadjikistan, Pakistan et
Inde).
Au
regard de la Chine, la Syrie sert de
réceptacle au terrorisme mondial, y
compris pour l’intérieur chinois.
Bon
nombre d’Ouïghours combattent en Syrie,
sous la bannière du «Mouvement Islamique
du Turkménistan de l’EST», une
organisation séparatiste de lutte armée
dont l’objectif est l’établissement d’un
«État Ouïghour Islamique» au Xinjiang.
Les
combattants Ouïghours ont reçu l’aide
des services de renseignements turcs
pour leur transfert vers la Syrie, via
la Turquie. Ce fait a généré une tension
entre les services de renseignements
turcs et chinois en ce que la Chine
s’inquiète du rôle des Turcs dans le
soutien aux combattants Ouïghours en
Syrie, rôle qui pourrait augurer d »un
soutien turc aux combats au Xinjiang.
Pour aller plus loin sur la
connexion truque avec les Ouïghours :
La Chine
qui dispose déjà de facilités portuaires
pour sa flotte opérant en Méditerranée,
notamment à la grande base navale
algérienne de Mers El Kébir, envisage de
prolonger son effort en obtenant de
nouvelles facilités pour sa flotte à
Cherchell. La ville sur la côte
méditerranéenne, abrite l’académie
militaire interarmes, la plus grande
académie militaire interarmes d’Afrique.
Aux
extrémités du Mare Nostrum, une ligne
médiane va ainsi d’Alger au port grec du
Pirée, la place forte chinoise pour le
commerce européen, avec les places
fortes navales chinoises à Tartous et
Cherchell. Une ligne perçue par
l’ensemble de la planète comme la
nouvelle ligne de démarcation des
nouveaux rapports de forces mondiaux.
Une ligne tracée à l’encre de Chine. Une
encre indélébile. A quelques encablures
du Colosse de Rhodes.
Hic
Rhodus Hic Salta: Le passage du Rubicon
se fera aussi par la Méditerranée
occidentale, l’Afrique du Nord, le
Maghreb, le ponant du Monde arabe,
l’ancienne Ifriqiya de l’époque romaine.
Sur la stratégie chinoise en
Méditerranée, notamment les rapports
Chine Algérie :
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