Actualité
Qassem Souleimany et Hassan Nasrallah,
les nouveaux Giap et Cienfuegos
René Naba
8 décembre 2014
Qassem Souleimany, le nouveau Giap du
Moyen-orient
Inconnu des
bonimenteurs médiatiques, méconnu d’une
large fraction des crypto-spécialistes
de la communauté du renseignement, connu
et reconnu des connaisseurs, respecté ou
redouté selon le positionnement de ses
interlocuteurs, il est le cauchemar des
Israéliens, le croquemitaine de
l’Occident, l’enfant chéri des laissés
pour compte de la société consumériste
et de la civilisation des loisirs, le
porte étendard des contestataires de
l’ordre israélo-américain.
A rebours du
transfuge socialiste Bernard Kouchner,
«deux fois juif car à moitié juif», à
rebours de son rival Bandar Ben Sultan,
le cappo di tutti capi de la nébuleuse
islamiste qui inondera la planète de ses
djihadistes erratiques sans tirer le
moindre coup de feu contre Israël, son
ennemi supposé, ce fils d’un père paysan
juif de Kerman est triplement farsi, en
tant que chiite, en tant que
révolutionnaire, en tant que combattant
pour la libération de la Palestine.
Commandant de
l’ombre (1), sa rigueur, sa discrétion
et son efficacité l’imposent comme le
Giap du Moyen Orient, du nom du
vainqueur des Français, en 1955, le
général Vo N’Guyen Giap à Diên Biên Phú
(2), première défaite militaire majeure
d’une puissance atomique de la sphère
occidentale, membre permanent du conseil
de sécurité de l’ONU, face aux peuples
basanés, «la seule bataille rangée et
perdue par un armée européenne durant
toute l’histoire des décolonisations»,
selon l’expression de l’historien Jean
Pierre Rioux.
Lui, Qassem
Souleimany, 56 ans, chef de la
prestigieuse «Brigade de Jérusalem» des
Pasdarans, dont la transcription en
arabe claque comme baïonnettes aux
vents, «Faylaq Al Qods Lil harath As
Saouri Al Irani». Faylaq Al Qods, «Jerusalem
brigade» et non «Jobhat an Nosra» ou «Jound
As Sham», voire Ansar Eddine» ou
les horribles borborygmes de Boko Haram
ou de Da’ech, comme pour rappeler la
permanence de la revendication iranienne
et chiite dans le combat pour la
libération de la Palestine.
Du vaste polygone
de tir permanent du Moyen Orient, Qassem
Soleimany émerge comme le grand
vainqueur de la confrontation régionale
du printemps arabe, le verrou de l’Irak,
malgré les coups de butoirs sanglants et
les attentats répétitifs des
takifiristes contre la communauté chiite
depuis dix ans, malgré toutes les
tentatives de déstabilisation menée par
les Etats Unis et Israël depuis le
Kurdistan irakien, malgré la guerre
psychologique menée par les monarchies
arabes contre le «péril chiite».
Lui, l’allié
indéfectible de la frange résistante de
la population libanaise, le sauveur de
la Syrie, celui qui tiendra tête à la
coalition islamo-atlantiste dans les
mémorables batailles de Syrie durant
trois ans: De Bab Amro, en Février
2012, à Al Qoussayr, en Mai 2013, et à
Yabroud, au printemps 2014.
Bab Amro, qui se
devait d’être «le Stalingrad du Moyen
Orient», selon les assurances de
l’ancien premier ministre du Qatar Hamad
Ben Jassem à la diplomatie française,
qui sera, par les abus de la brigade
Al-Farouk du commandant dissident Abdel
Kader Tlass, le Trafalgar de la
stratégie franco turque. Une défaite
cuisante de l’opposition off-shore
mercenaire du Qatar, doublée deux ans
plus tard d’une défaite aussi
retentissante à Homs. Vouée à devenir la
«capitale de la révolution», la ville
pliera, elle, sous la pression des
assauts syriens. Ses djihadistes évacués
sous bonne escorte, le 7 Mai 2014, le
jour même du 3eme tour du scrutin
présidentiel libanais, implosant la
candidature à la magistrature suprême
libanaise de Samir Geagea, l’homme lige
des Israéliens et des Américains au
Liban.
Sur la défensive au
début du printemps arabe, avec un bloc
atlantiste le vent en poupe, et des
alliés en difficulté en Syrie et au
Liban (le hezbollah), Qassem Souleimany
a réussi à opérer un retournement en
faveur de son camp en portant la menace
sur le flanc sud de l’Arabie saoudite,
son espace vital, le Yémen, où ses
sympathisants houthistes (chiites) ont
obtenu, à la mi octobre 2014, la tête du
chef de file du camp saoudien, le
premier ministre Mohamad Ba Soundah, aux
termes de violents combats dans le
périmètre de défense de Sana’a, la
capitale, le jour même de la rencontre à
New York entre les ministres des
affaires étrangères d’Iran et d’Arabie
saoudite Jawad Zarif et Saoud Al Faysal.
Jihad Moughniyeh,
assistant de Qassem Souleymani, et le
missile Fateh 110 à Hezbollah
Luxe de détail,
soucieux sans doute d’assurer la relève
d’un commandement de qualité, Qassem
Souleimany s’est doté depuis la guerre
de Syrie, en 2011, d’un assistant de
choix en la personne de Jihad Moughniyeh,
fils d’Imad Moughnyieh, Hajj Radwane, le
fondateur de la branche militaire du
Hezbollah, tué dans un attentat à Damas,
en 2008, dont la progéniture fait
désormais office d’agent de liaison avec
la formation de son père.
No passaran: Par
deux fois, rompant son mutisme habituel,
il fixera la ligne rouge de la stratégie
occidentale. En Syrie, en septembre
2013, alors que le croassement de la
bulle médiatique occidentale prédisait
un bombardement massif du bloc
atlantiste des centres de pouvoir de
Damas avec la caution des
pétromonarchies du Golfe, en guise de
représailles contre l’usage supposé
d’armes chimiques par le régime de
Bachar Al Assad, Qassem Soleimany
met le holà, avisant qu’un bombardement
de la Syrie embraserait le Moyen-orient.
A Gaza, en juillet
2014, alors qu’une conjuration
s’appliquait à désarmer les Palestiniens
en vue de leur finlandisation, le sphinx
iranien rompait à nouveau le silence
pour rendre son verdict: Pas
question de désarmer ni le Hamas ni le
Jihad Islamique, citant nommément ces
deux formations, en hommage implicite à
ses alliés Mohamad Deif, le chef de la
branche militaire du Hamas, et Ramadan
Challah, le chef du djihad islamique,
comme pour signifier la fin de
l’ostracisme dont était l’objet le
Hamas, la branche palestinienne des
Frères Musulmans, déconsidéré par son
alignement sectaire sur le Qatar,
l’autre pôle du salafisme wahabite du
Monde arabe.
No Passaran, le mot
d’ordre tonné à deux reprises a entraîné
un rétropédalage en douceur du camp
atlantiste et de ses supplétifs arabes,
d’une manière d’autant plus accélérée
que dans l’épreuve de force, les
Pasdaran ont livré subrepticement au
Hezbollah gardiens des missiles à
moyenne portée Fateh 110, plaçant l’Etat
major israélien à Tel Aviv à portée des
tirs de la milie chiite. Disposant d’un
rayon d’action de 350 km, propulsé par
du carburant solide, à une vitesse de
mach 3,5 soit 4.500 km/heure, Fateh 110
a entrainé un bouleversement des
rapports de force sur le front nord de
la confrontation israélo-arabe.
Récidiviste en
Irak, comme en auparavant en Syrie,
l’homme procédera à un déploiement
furtif de ses hommes autour du
sanctuaire chiite de la ville sunnite de
Samarra brisant net la marche de Da’ech
sur Bagdad. Il récidivera en pleine
négociation de Vienne sur le nucléaire
iranien, le 22 novembre 2014, freinant
l’offensive de Da’ech contre Ramadi, clé
de la région sunnite d’Al Anabr qui
aurait permis le déferlement djihadiste
vers l’Arabie saoudite.
Il savourera alors
avec une particulière délectation
l’appel de Laurent Fabius à l’Iran de se
joindre à la coalition occidentale dans
le combat contre Da’ech, c’est à dire
contre le monstre engendré par le bloc
atlantiste et les pétromonarchies pour
combattre précisément l’Iran, via son
allié syrien dans une guerre de
substitution. Cet appel lancé par une
des personnalités européennes les plus
en pointe contre l’Iran a retenti comme
un désaveu de la diplomatie française
dans la guerre de Syrie, un constat
d’impuissance et, dans le cas de Laurent
Fabius, une reddition sans condition à
la prépondérance de l’Iran dans la
gestion des affaires de la zone.
Hassan Nasrallah, à
l’égal du mythique Camilo Gorriarán
Cienfuegos., la «sentinelle de
l’indépendance libanaise».
En tandem avec son
alter ego iranien, le Hezbollah se
distinguera par une série de magistrales
et époustouflantes victoires, tant
contre Israël qu’en Syrie, suscitant
l’admiration de bon nombre de
spécialistes militaires occidentaux,
s’offrant le luxe, cas unique dans les
annales militaires, de faire sauter le
verrou de Damas, Yabroud, le 15 mars
2014, le jour même du référendum de
rattachement de la Crimée à la Russie, à
la date commémorative du 3eme
anniversaire du soulèvement populaire en
Syrie.
«Le Hezbollah a
réussi à assumer un rôle distinctif
croissant dans la direction des
opérations de l’armée syrienne lors
d’offensives majeures des forces
gouvernementales. A Qoussayr (Juin
2013), le Hezbollah a pris directement
en main le commandement des opérations,
assumant, parallèlement, la surveillance
aérienne permanente du champ de
bataille, via des drones», relèvera «The
Brookings Doha Center Report», dans sa
livraison de Mai 2014 signée de Charles
Lister.
Au 9 juin 2014, le
bilan des pertes s’élevait à 162.402
personnes, dont plus de 53.978 civils,
parmi lesquels 8.607 enfants, tuées dans
ce conflit opposant régime et rebelles
mais devenu complexe avec des combats
également entre rebelles et djihadistes
en majorité étrangers, selon un bilan de
l’Observatoire syrien des droits de
l’homme (OSDH), sis au Royaume
Uni. Parmi les morts figurent 42.701
combattants rebelles, dont plus de
13.500 djihadistes du Front Al-Nosra et
de l’Etat islamique en
Irak et au Levant (EIIL), ainsi que
61.170 membres des forces
gouvernementales: 37.685 soldats et
23.485 miliciens.
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/06/09/le-regime-decrete
une-nouvelle-amnistie-en-syrie_4434798_3218.html
En deux ans
(2012-2014), le Hezbollah mettra ainsi
en échec six offensives majeures des
djihadistes de Syrie visant à percer les
lignes de défense du parti chiite, à
coups de vagues humaines, dans la zone
frontalière syro libanaise, dans le
secteur Ersal-Brital, décimant les
unités d’élite des assaillants
takfiristes, constituées de troupes
coinjontes de Da’ech et de Jobhat An
Nosra… avec le soutien d’Israël. Par
trois fois en Syrie (Al-Qoussayr,
Yabroud, et dans le périmètre de la base
militaire de Menagh, dans la région
d’Alep, assiégée de nombreux mois par le
géorgien Tarkhan Batirashvili – Abou
Omar al-Shishani), Hassan Nasrallah, à
la tête de ses hommes, fera la
preuve de sa science militaire et de la
maîtrise du commandement.
Se posant en égal
des mythiques «barbudos» cubains, il
assumera un rôle comparable au
légendaire Camilo Gorriarán Cienfuegos,
l’adjoint opérationnel de Fidel Castro
et d’Ernesto Che Guevara de La Serna, le
voltigeur de pointe de l’armée
révolutionnaire cubaine, le commandant
de l’avant, celui qui opéra, à la tête
de la Colonne n°2 «Antonio Maceo», la
percée décisive vers La Havane, dont il
s’emparera le 2 janvier 1959, à 27 ans.
Rompues à la guerre de guérilla, ses
troupes d’élite réussiront l’exploit non
seulement de renverser le cours de la
guerre, mais de modifier radicalement
les règles d’engagement des combats dans
la zone de confrontation
israélo-libanaise, tenant en respect
Israël, la principale puissance
militaire du Moyen-Orient, la terreur
absolue des Arabes, qu’il narguera avec
un drone de sa fabrication, le drone «Ayoub»,
tandis que son complice iranien
détournait, à son profit, un drone
américain, faisant tous les deux la
preuve de la maîtrise technologique de
la surveillance aérienne.
Le lancement le 2
octobre 2012 d’un avion sans pilote du
Hezbollah en direction d’Israël a
constitué la première incursion aérienne
réussie de l’aviation arabe depuis la
guerre d’octobre 1973, il y a 40 ans.
Son survol du site nucléaire de Dimona,
dans le Néguev, a démontré l’absence
d’étanchéité du «dôme d’acier»
israélien, édifié avec de coûteux moyens
avec l’aide américaine en vue
d’immuniser le ciel israélien de toute
attaque hostile. Cet exploit militaire
du Hezbollah, et par voie de conséquence
de l’Iran, est apparu comme une
spectaculaire démonstration de leur
capacité technologique à forte portée
psychologique tant à l’égard d’Israël
que des États-Unis, qu’à l’encontre du
groupement des pays sunnites gravitant
dans l’orbite atlantiste. Une percée
technologique attestée deux ans plus
tard par le Hamas dans son combat à
Gaza, en juillet 2014, infligeant un
camouflet majeur à Israël en apportant
la preuve manifeste de l’absence total
d’étanchéité de son «dôme d’acier», qui
s’est révélé en fin de compte un
parapluie troué.
Le Hezbollah est
certes inscrit sur les «liste des
organisations terroristes» tant de
l’Union européenne, à tout le moins sa
branche militaire, que de l’Arabie
saoudite, au même titre d’ailleurs que
les anciens pupilles de l’Occident, les
Frères Musulmans, Jobhat An Nosra et
Da’ech.
Mais par rapport
aux organisations sunnites, le Hezbollah
dispose d’un avantage comparatif
incontestable en termes de crédibilité
dissuasive concrétisée par sa présence,
solitaire, sur l’ultime champ de
bataille contre Israël, en tant
qu’ultime barrage de retenue à une
reddition générale arabe face au diktat
israélo américain.
Une crédibilité
concrétisée par le fait que de tous les
protagonistes du conflit, Hassan
Nasrallah ne désertera jamais le champ
de bataille, alors que ses
contestataires sunnites Saad Hariri, le
chef du camp saoudo américain au Liban,
se planquera en Arabie saoudite, et le
chef politique du Hamas Palestinien,
Khaled Mecha’al, à Doha, à une trentaine
de kms de la plus importante base
militaire américaine du tiers-monde et
le prédicateur Ahmad Al-Assir, la dague
salafiste du Qatar sur le flanc du
hezbollah, evaporé dans la nature.
Une crédibilité dissuasive concrétisée
enfin par le fait que la formation
chiite est la seule instance arabe à
proclamer son attachement effectif au
combat pour la libération de la
Palestine, matérialisé par ses combats
contre Israël et son attachement à la
célébration de la journée mondiale d’«Al
Qods», commémorée chaque année le
dernier vendredi du mois de Ramadan, en
l’absence de la moindre participation
sunnite, alors que la Palestine est dans
sa très grande majorité peuplée de
sunnites et d’une minorité chrétienne
arabe, dont la population ne comporte
aucun chiite; et que la responsabilité
de la défense des Lieux Saints Musulmans
incombe aux vingt pays arabes qui se
réclament du sunnisme, la branche
majoritaire de l’Islam.
Alors qu’Israël
parachève la phagocytose de la
Palestine, démarche ultime avant
l’estocade finale, la reconnaissance
d’Israël comme «État Juif», verrouillant
ainsi toute revendication future des
Palestiniens à un hypothétique «Droit au
retour» sur la terre de leurs ancêtres,
le Hamas, de même que les autres
déclinaisons de la nébuleuse islamiste
sunnite se sont curieusement engagés
dans le combat anti Assad, plutôt que de
se lancer à la reconquête de sa terre
natale, la Palestine, en un tragique
dévoiement de sa stratégie.
Nasrallah versus
Bandar: Chaos débout
Fruit d’une
copulation ancillaire du Prince Sultan
Ben Abdel Aziz avec une roturière
d’extraction modeste, l’ancien «Great
Gatsby» de la vie diplomatique
américaine s’est imposé comme l’homme
fort du Royaume du fait de la maladie
d’une large fraction de l’équipe
dirigeante frappée de pathologie
handicapante, que cela soit le Roi
Abdallah d’une lourde cardiopathie que
le prince héritier Salmane, atteint
d’Alzheimer, voire même le ministre des
Affaires étrangères Saoud Al-Faysal.
Intronisé par le
général David Petraeus, en personne,
avant que l’ancien chef du renseignement
américain ne soit emporté par un jeu de
galipettes inconsidérées, une affaire
d’Embedded à l’américaine, Bandar
passait pour être le nouvel homme
providentiel de la stratégie saoudo
américaine. Pour beaucoup d’observateurs
occidentaux cités par le journal néo
conservateur «The Wall Street Journal»,
l’homme des rétro-commissions des
transactions militaires saoudiennes, de
l’ordre de 13 milliards de dollars, du
retentissant scandale Tornado, pouvait
réussir là où la CIA a échoué.
Mais celui qui
avait vocation à devenir le sauveur
suprême de l’Occident et de l’Islam
wahhabite, s’est révélé piètre stratège,
et, dans sa confrontation avec le
Hezbollah, son bilan, un piètre bilan.
Par cinq fois,
Bandar a mordu la poussière face Hassan
Nasrallah, le contraignant à prendre le
chemin de l’exil, entraînant dans sa
chute l’ensemble de sa fratrie, son
aîné, Khaled Ben Sultan, vice-ministre
de la défense et propriétaire du journal
«Al Hayat» et son cadet, Salman Ben
Sultan, le chef opérationnel du PC
conjoint islamo atlantiste à Amman.
En 2006, la riposte
balistique victorieuse du Hezbollah
libanais face à l’aviation israélienne,
de même que la destruction du navire
amiral de la flotte israélienne, ont
semé la consternation dans le camp
saoudo américain, fragilisant l’héritier
politique du clan Hariri.
En 2007, la
neutralisation du camp palestinien de
Nahr el Bared, (Nord du Liban), en
neutralisant le chef de file des
djihadistes Chaker Absi, à la solde de
l’Arabie saoudite, a mis en échec d’en
faire voulait une zone de non droit, en
vue de parasiter le Hezbollah sur son
arrière garde.
En 2008, l’affaire
du réseau des transmissions stratégiques
du Hezbollah s’est soldée par une
capitulation en rase campagne de ses
adversaires, particulièrement le chef
druze Walid Joumblatt, à l’époque le fer
de lance du clan Hariri.
Enfin en 2013-2014,
les revers de Syrie, en complément de la
perte considérable représentée par
l’assassinat de sa dague sécuritaire, le
capitaine Wissam Hassan, chef de la
section des renseignements des forces de
sécurité intérieure libanaise, dynamité
trois mois après la décapitation de la
hiérarchie militaire syrienne. Ce bilan
ne tient pas compte de l’éradication de
l’excroissance salafiste du Qatar, Ahmad
al Assir, le 25 juin 2013, le jour même
de la destitution déguisée de son
commanditaire l’Emir du Qatar, Cheikh
Khalifa Ben Hamad Al Thani, à la date
anniversaire du 13 me anniversaire du
dégagement militaire israélien, sous
l’effet des coups de butoir du
Hezbollah.
Dernier intervenant
sur le champ de bataille syrien, après
les escouades de djihadistes de
Tchétchénie à la Tunisie en passant par
la Belgique, le Kosovo et la France, de
même que les Moudjahidines Khalq,
formation de l’opposition iranienne
islamo marxiste, et le clan Hariri, le
Hezbollah a brisé net la stratégie
islamo-atlantiste, écrabouillant au
passage ses anciens compagnon d’armes,
les soldats perdus du Hamas, dans la
mémorable bataille des tunnels de
Qoussyar: «Par ses brillantes
performances non seulement à Qoussayr, à
Lattaquieh et Homs, mais aussi dans sa
contribution à la défense de la base
aérienne de Menagh, (Nord Syrie), Hassan
Nasrallah a bien mérité le titre de
«Seigneur de la résistance», admettra le
site nassérien du Caire.
CF. Hassan
Nasrallah, Le seigneur de la résistance
http://www.al-akhbar.com/node/190273
Invincible à ce
jour, artisan de deux dégagements
militaires israéliens du Liban sans
négociation ni traité de paix, ferme
soutien du Hamas face aux offensive
israéliennes, le Hezbollah demeure, n’en
déplaise aux esprits chagrins, le
phénomène politico-militaire majeure de
l’histoire arabe contemporaine; l’ultime
digue de retenue face au grand naufrage
arabe, glanant au passage le titre envié
de «sentinelle de l’indépendance
libanaise».
Le Hamas, dans
l’attente de son chemin de Canossa,
garde-frontière d’Israël.
En comparaison, le
Hamas, unique mouvement de libération
nationale de confession sunnite, a
déserté la Syrie après 16 ans
d’hospitalité, par alignement sectaire,
pour installer son QG à Doha à 35 km de
la base du Centcom, la plus importante
base du tiers monde des États-Unis, le
protecteur d’Israël, la caution de tous
les assassinats extrajudiciaires des
pères fondateurs du mouvement
palestinien.
Beaucoup ont
déploré ce positionnement qui lui vaudra
la désaffection de l’Iran et du
Hezbollah, davantage en phase désormais
avec le Djihad Islamique, l’organisation
palestinienne rivale du Hamas sur le
plan islamiste.
Le premier
percement balistique de l’espace aérien
israélien par sa trajectoire
transnationale, de Gaza à Tel Aviv,
opéré en riposte à «Bordure protectrice»
a rompu la réclusion du Hamas
consécutive à son alignement sectaire
sur les pétromonarchies rigoristes,
replacé la revendication palestinienne
au centre du débat international et
renfloué la branche palestinienne des
Frères Musulmans.
En renouant ses
relations avec ses anciens frères
d’armes le Hezbollah et l’Iran, le Hamas
s’est replacé parmi les principaux
interlocuteurs de ce conflit. Un exploit
technologique réalisé avec le concours
exclusif – bien exclusif de l’Iran, du
Hezbollah et de la Syrie, c’est à dire
«les renégats de l’Islam», selon la
nomenclature de l’Islam djihadiste
salafiste wahhabite, en gros les
pétromonarchies sous tutelle américaine.
Mieux, la
destruction d’un drone israélien au
dessus de l’espace aérien iranien, le 24
Août 2014, en pleine négociation d’une
trêve israélo-palestinienne au Caire
sous l’égide de l’Égypte, alors qu’une
coalition internationale s’amorçait pour
un combat collectif contre Da’ech, a
offert à l’Iran l’occasion de refaire un
retour spectaculaire sur la scène
palestinienne, en s’engageant à
amplifier ses fournitures militaires à
la résistance palestinienne, se
réservant même la possibilité d’une
«réponse fracassante», selon le général
Amir-Ali Hajizadeh, le commandant des
forces aérospatiales des Gardiens de la
Révolution», l’armée d’élite du régime
islamique iranien.
Le drone furtif de
type Hermès, qui échappe au contrôle
radar, survolait le périmètre
stratégique de Natanz, un site nucléaire
qui abrite 16.000 centrifugeuses.
Dans l’attente du
feu vert iranien pour emprunter son
chemin de Canossa à Téhéran, le Hamas
devrait songer au sort respectif du
Vietnam et de la Palestine, l’un
réunifié par la force de la volonté,
l’autre pulvérisée par la force du
sectarisme, dont le fer de lance a été
réduit quelque temps au rôle de
garde-frontières d’Israël.
Cf. à ce propos:
«Le Hamas garde-frontière des
Israéliens».
http://www.al-akhbar.com/node/196947
Certes l’Iran et le
Ayatollah ont payé un lourd tribut à la
guerre avec l’assassinat du chef de la
cyber-guerre iranienne une semaine après
le coup de fil Obama-Rouhani au
surlendemain du discours de Benyamin
Netanyahu à l’ONU, en septembre 2013,
ainsi que l’attentat meurtrier contre
l’ambassade iranienne à Beyrouth et le
meurtre de Hassan Lakiss, le chef de la
force balistique du Hezbollah.
Certes l’Iran et le
Hezbollah font face à une nuisance
permanente de la part des pays
occidentaux, qui y mènent une guerre
médiatique électronique permanente, via
un vaste réseau d’opposants,
http://www.elcorreo.eu.org/Ottawa-a-cree-un-vaste-reseau-d-opposants-iraniens,
mais, de l’aveu même des experts
israéliens, la formation chiite a
décuplé ses capacités opérationnelles,
de même que sa puissance de feu,
sécurisant ses voies de ravitaillement
via la Syrie, induisant une nouvelle
dissuasion balistique par la guerre
asymétrique.
Un risque demeure
toutefois: la crainte d’une
démobilisation psychologique et
politique de l’Iran et du Hezbollah en
cas d’arrangement irano-américain qui
ouvrirait la possibilité au camp
atlantiste de consolider la position
d’Israël dans la zone.
A en juger par
l’hypothèse émise par un historien
américain Gareth Porter, selon lequel la
menace nucléaire iranienne aurait été
fabriquée de toute pièce par les
Américains et les Israéliens en vue de
créer le prétexte à une intervention
militaire contre la Révolution islamique
iranienne en vue de l’anéantir pour y
faire coup double: sécuriser les
pétromonarchies et sanctuariser Israël
dans la foulée de la destruction de
l’Irak.
CF. à ce
propos: “In a new book and in a
conversation with Haaretz, U.S.
historian Gared Porter charges that U.S.
and Israeli policies on Iran have been
based on fabricated evidence. By Shemuel
Meir
www.haaretz.com/mobile/.premium-1.596104?v=6E194EAD96A098E3E35F468C35E6547 Was
the Iranian threat fabricated by Israel
and the U.S.?
Quoiqu’il en soit,
pour la deuxième fois de son existence,
Bandar, au terme de ce printemps
calamiteux tant pour sa personne que
pour son royaume, prendra le chemin de
l’exil. La première fois en 2008,
après la découverte d’un complot ourdi
par ses soins avec ses collègues de la
base aérienne de Ryad, mais qui sera
démasqué par les services russes.
La deuxième fois,
en, février 2014, entraînant dans sa
chute celle de son clan, le clan sultan,
avec l’éviction du ministère de la
défense de son demi-frère, Khaled Ben
Sultan, le propriétaire du journal «Al
Hayat», l’ancien interface du général
Norman Schwarzkopf durant la première
guerre contre l’Irak, en 1990.
L’Arabie saoudite a
perdu la sympathie des Arabes et des
Musulmans lorsqu’elle s’est détournée de
la Palestine pour attiser les conflits
inter arabes, donnant la priorité au
châtiment de l’Irakien Saddam Hussein,
puis du libyen Mouammar Al Kadhafi,
enfin du syrien Bachar Al Assad.
Le Royaume se
voulait un géant sur un champ de ruines.
Il a obtenu le champ de ruines, le
meilleur service rendu à Israël en
favorisant la destruction de la Syrie,
sans le moindre coup de feu de la part
de l’état hébreu, en butte désormais à
la concurrence de la Turquie pour le
leadership du Monde sunnite, un exploit
rare dans les annales de la stratégie
militaire de l’histoire de l’humanité.
Ni le Surge de
l’ISIS, dont l’acronyme en arabe est
Da’ech, dans le nord de l’Irak, en juin
2014, pas plus que la déstabilisation de
l’Iran dans le Sistan sunnite, dans
l’est du pays, par l’Arabie saoudite,
via le Pakistan et leur homme-lige,
Abdel Rahim Zadeh, chef de «L’armée de
la justice», n’auront eu raison de la
détermination iranienne, entraînant même
par ricochet une convergence tacite
entre l’Iran et les États Unis, pour la
première fois depuis l’instauration de
la République islamique il y a 34 ans, à
l’occasion de cette nouvelle invasion
barbare.
A delà de leur
dissemblance, le Hezbollah et le Hamas,
gros perturbateurs du jeu régional,
font face à une identique menace de
désarmement, le sunnite palestinien via
le tandem Égypte Arabie saoudite dans le
cadre des négociations visant à lever le
blocus de Gaza et sa reconstruction; le
chiite libanais via le nouveau
croquemitaine régional, Da’ech, une
excroissance pathologique de l’alliance
saoudo-américaine.
Tant sur le plan
palestinien, avec son soutien militaire
désormais affiché aux combattants
palestiniens, que sur le plan irakien,
avec son soutien militaire désormais
reconnu par Massoud Barzani, l’Iran se
pose désormais en acteur incontournable
du jeu régional.
L’Iran, de l’aveu
même du chef kurde, a été le premier
pays à avoir fourni des armes aux
Peshmergas kurdes pour contenir la
progression des djihadistes de l’État
islamique à Irbil, «un danger non
seulement pour les chiites mais aussi
pour le Kurdistan, où cohabitent
plusieurs communautés religieuses,
un danger pour la Syrie, l’Irak et le
reste du Monde». http://www.al-akhbar.com/node/214255
Au delà de la
préservation du glacis chiite en Irak,
l’Iran a intérêt à contenir les Kurdes
en Irak pour éviter toute ferveur
nationaliste dans ses propres zones à
population kurde. L’empressement de la
France a volé au secours des Kurdes
répondrait au souci de Paris de se
maintenir sur la photo et de ne pas
laisser le monopole de l’aide à l’Iran,
un pays qu’elle a durement combattu
depuis 35 ans depuis sa co belligérance
avec Saddam Hussein dans sa guerre
contre la révolution islamique
iranienne.
De cette étape, un
constat s’impose toutefois: en dépit
d’un blocus de 34 ans, de deux guerres
de substitution l’une via l’Irak de
Saddam Hussein, l’autre contre la Syrie
de Bachar Al Assad, aucun conflit
régional ne saurait désormais être réglé
en l’absence d’un consensus de la
totalité des protagonistes de la zone, y
compris l’Iran, contestataire à l’ordre
hégémonique israélo-américain; une
évolution qui marque la fin de la
suprématie de ce duo, qui avait imposé
son unilatéralisme depuis l’effondrement
du bloc soviétique, dans la décennie
1990, de concert avec l’Arabie saoudite,
leur supplétif régional.
Pays frontalier de
l’Irak et de l’Afghanistan, les deux
plus importants abcès de fixation de
l’armée américaine de l’époque
contemporaine, bordant tout aussi bien
le golfe arabo-persique que l’Océan
indien, l’Iran représente la plus forte
concentration industrielle de la zone
intermédiaire qui va du sud de l’Europe
aux confins de l’Inde.
La réussite de sa
stratégie valoriserait sa politique
d’autosuffisance technologie et
militaire, de la même manière qu’un
succès politique ou militaire du
Hezbollah chiite libanais réhabiliterait
l’esprit de résistance face à la
finlandisation des esprits en cours dans
le monde arabe, à l’effet de réhabiliter
la guérilla criminalisée sous l’ère Bush
au prétexte de la «guerre contre le
terrorisme». Un succès durable de
l’Iran pourrait faire perdre à Israël
son statut de relais stratégique majeur
de l’Occident dans la zone et frapperait
de caducité l’option arabe de
vassalisation à l’ordre israélo
américain, déterminant du coup la
nouvelle hiérarchie des puissances dans
l’ordre régional. Tel est le véritable
enjeu, sans doute le plus important par
sa force d’attraction symbolique, de la
confrontation irano israélienne, via la
Syrie, et la nouvelle opération de
police internationale menée par les
parrains originels du djihadisme
planétaire contre leurs anciens
supplétifs.
Pour aller plus
loin
Références
-
Qassem Souleimany: Le commandant de
l’ombre : http://www.newyorker.com/reporting/2013/09/30/130930fa_fact_filkins
-
Diên Biên Phú : La bataille dura 170
jours, du 20 novembre 1953 au Mai
1954, les 57 derniers étant
évidemment les plus effroyables. Au
gré des mois, le camp de Diên Biên
Phú reçut ainsi les effectifs
équivalents à quelque 17 bataillons
soit plus de 15 700 hommes dont plus
de 5 000 légionnaires. Les troupes
au sol furent appuyées par 227
avions de combat et bénéficièrent
des rotations logistiques d’une
centaine d’avions de transport.
-
Le corps expéditionnaire français
fit face à près de 100 000
Vietnamiens, combattants et coolies
confondus, qui déplorèrent, pour
leur part, entre 8 000 et 12 000
tués et 15 000 à 20 000 blessés,
selon les sources les plus
autorisées.
-
Quelle diplomatie occidentale
vis-à-vis du Hezbollah : http://www.al-akhbar.com/node/195961
-
Le Hamas, garde-frontière des
Israéliens
http://www.al-akhbar.com/node/196947
-
Des dirigeants du golfe en Israël
pour une coordination contre l’Iran
http://www.al-akhbar.com/node/192522
-
Ezzat Ad Doury (Irak) et Moussa
Koussa (Libye) enrôlés par Bandar
http://www.al-akhbar.com/node/193732
-
Qatar demande une garantie de Hassan
Nasrallah : http://www.al-akhbar.com/node/195894
-
Haytham Mannah – Hassan Nasrallah
http://www.al-akhbar.com/node/194813
-
Bandar à Moscou: Tentative de coup
d’état en Syrie juillet 2012 en
rapport avec le transfuge Manaf
Tlass
http://www.alquds.co.uk/?p=103989
-
Le plan d’Al Qaida sur trente ans
http://www.al-akhbar.com/node/199615
-
Iran-Frères musulmans
http://www.al-akhbar.com/node/203328
-
Egypte-Hezbollah, premier contact
officiel à Beyrouth : http://www.al-akhbar.com/node/203633
-
Le cadeau empoisonné de l’opposition
syrienne à Assad: La vente du Golan
à Israël
http://www.raialyoum.com/?p=63274
Le sommaire de René Naba
Le
dossier Iran
Les dernières mises à jour
|