En point de mire
France : Indignité nationale
René Naba
Photo:
D.R.
Dimanche 8 février 2015
Publié en
partenariat avec le site
madaniya.info
«les Lignes de
fuite sont les plus belles, mais elles
comportent un plus grand risque, celui
de se transformer en lignes de mort» –
Antonin Artaud
La France en
porte à faux vis à vis des djihadistes
français de Syrie et des binationaux
franco syriens de l’opposition syrienne
off shore
Paris 01.02.15- Le
Conseil Constitutionnel, l’instance
juridictionnelle suprême de France, a
validé vendredi 23 janvier la
possibilité de déchoir de sa nationalité
un binational naturalisé français et
condamné pour terrorisme; une mesure que
la droite souhaite systématiser après le
carnage de Charlie Hebdo qui a décimé
l’équipe rédactionnelle de
l’hebdomadaire satirique.
Deux semaines après
les attentats de Paris, de la porte de
Vincennes et de Montrouge, le
rétablissement de la peine d’indignité
nationale paraît devoir placer la France
en porte à faux tant vis à vis des
djihadistes français de Syrie que vis à
vis des binationaux franco-syriens de
l’opposition off shore syrienne.
Cette mesure fait
apparaître rétrospectivement les
djihadistes bi nationaux, non seulement
comme des paumés de l’Islam et de la
République, mais également comme des
«fusibles» commodes des options
stratégiques erronées de la diplomatie
française, tant par le soutien
résolu du pouvoir sarko-hollandais aux
pétromonarchies, grandes pourvoyeuses du
djihadisme planétaire, que par son
encouragement inconsidéré à un
engagement sans nuance en Syrie.
De l’indignité
Nationale
L’indignité
nationale est une infraction pénale
rétroactive créée par l’ordonnance du 26
août 1944, à la suite de la Seconde
Guerre mondiale. C’est un crime d’une
très grande gravité commis par un
militaire ou un civil, réprimé en France
principalement durant l’épuration. La
dégradation nationale en est la peine.
Éléments
constitutifs du crime
Le crime
d’indignité nationale consiste à avoir
«postérieurement au 16 juin 1940, soit
sciemment apporté en France ou à
l’étranger une aide directe ou indirecte
à l’Allemagne ou à ses alliés, soit
porté atteinte à l’unité de la nation ou
à la liberté des Français, ou à
l’égalité entre ceux-ci» (ordonnance du
26 décembre 1944).
Au vu de
l’ordonnance du 26 décembre 1944,
l’adhésion à certains partis ou
mouvements (Milice, LVF, PPF,etc.), la
participation à certains actes
(expositions en faveur de l’Allemagne ou
de ses doctrines) ou l’exercice de
certaines fonctions (emplois supérieurs
dans les services de propagande, au
commissariat général aux questions
juives, etc.) relèvent notamment du
crime d’indignité nationale.
Le concept
d’indignité nationale répond à l’idée
suivante: tout Français qui, même sans
enfreindre une règle pénale existante,
s’est rendu coupable d’une activité
antinationale caractérisée s’est
déclassé; il est un citoyen indigne dont
les droits doivent être restreints dans
la mesure où il a méconnu ses devoirs.
Ce dispositif vise à empêcher le retour
de djihadistes français de Syrie par
le«retrait ou la déchéance de la
nationalité française pour les
terroristes binationaux».
La déchéance de
nationalité est une mesure inique
Si elle est
applicable pour les binationaux, la
déchéance de nationalité est illégale
pour les Français qui n’ont qu’une seule
nationalité. D’après les conventions
internationales signées par la France,
aucun pays ne peut rendre apatride une
personne.
Huit personnes ont
été déchues de la nationalité française
entre 1996, date d’entrée en vigueur de
la loi, et 2006. Le Conseil
constitutionnel, saisi d’une question
prioritaire de constitutionnalité a
validé le principe de déchéance,
d’autant que les trois auteurs des
attentats des 7 au 9 janvier étaient
tous Français.
Autrement dit, elle
s’appliquera de plein droit aux
«indigènes de la République» mais en
exemptera les «Français de souche», les
Français convertis à l’Islam, parfois
les plus virulents djihadistes selon le
schéma classique du «zèle du néophyte».
Une telle
discrimination renvoie au précédent de
la «cristallisation des retraites des
anciens combattant coloniaux» et
institue une ségrégation dans
l’application des peines, contraire au
principe de l’égalité des citoyens
devant la loi. Pis, elle valide, dans
l’ordre subliminal, le «privilège du
sang» sur le «lien du sol» dans la
pénologie française, une thématique
chère au Front National, préconisant la
primauté du «jus sanguinis» sur le «jus
solis».
La France en
porte à faux des djihadistes français de
Syrie
la France se
trouve en porte à faux vis à vis de ses
djihadistes qui sont théoriquement ses
alliés objectifs. Des mercenaires de
leur guerre de Syrie, commis pour le
«sale boulot» pour le compte de
l’alliance atlantique et de
pétromonarchies du Golfe. Un alibi
occidental dans une guerre de prédation
économique de la Syrie et de guerre de
substitution à l’Iran au point que le
combat contre le pouvoir syrien a été
encouragé par la propagande officielle
française.
Pour mémoire: Le
congrès de lancement de l’opposition
syrienne off shore s’est tenu à Paris en
juillet 2011, sous le parrainage de
Bernard Henry Lévy, Bernard Kouchner et
Laurent Fabius, l’ancien et le nouveau
ministre des Affaires étrangères, en
présence de représentants des Frères
musulmans de Syrie, la matrice d’Al
Qaida et de Jabhat An Nosra, et les
présidents successifs de cette
opposition mercenaire du Qatar ont été
reçus à l’Elysée au plus haut niveau de
l’état, alors qu’une structure de la
DGSE, les services secrets français,
était déployée au Nord-Liban, proche de
la ville sunnite de Hama (Syrie), pour
faire office de plateforme de
ravitaillement et d’encadrement des
opposants syriens sous férule de la
confrérie, sans compter la campagne de
mobilisation médiatique orchestrée par
les sous traitants de l’administration
française nichée dans des meurtrières au
sein de la presse de référence et
opérant en sniper, à l’instar de Pierre
Vladimir Glassman, alias Ignace
Leverrier (connu en arabe sous le
sobriquet d’Al kazzaz), animateur au
sein du journal Le Monde du blog
Un œil borgne sur la Syrie.
Si l’engagement
djihadiste en Syrie a épargné aux
Occidentaux le péril d’une intervention
aléatoire, l’effet boomerang s’est
révélé catastrophique sur eux. Des
journalistes français pris en otage par
les alliés de la France, sous
gardiennage de djihadistes français, le
meilleur allié de la France, le Qatar,
sinistre, via Ansar Eddine, le Mali, un
pays relevant du pré carré français en
Afrique; deux faits qui ont révélé la
duplicité de la France plaçant le
pouvoir dans une situation intenable
devant son opinion, rendant surtout
caduc son discours moralisateur.
Encourager le
pyromane sur une nappe inflammable, ne
préjuge en rien de la maîtrise de
l’incendie, ni de la prévention des
dégâts. C’est le propre de
l’apprenti sorcier. Ou du pompier
pyromane. Chauffer à blanc des esprits
fragiles, sans prévoir les conséquences,
est le propre de la démagogie.
Les djihadistes
français, des paumés de l’Islam et des
paumés de la République
L’alliance de la
France avec les régimes rétrogrades
arabes, sous couvert de lutte pour la
démocratie, a libéré les tabous et
provoqué bon nombre de vocation.
Abusés par la propagande officielle
française, les djihadistes français, des
paumés de l’Islam et des paumés de la
République, apparaissent comme les
dindons d’une farce tragique en ce que
le levier djihadiste en France a été
amplifié par un désir d’exaltation et de
compensation des aspirants djihadistes
devant un fort sentiment de frustration
généré par les contraintes des dures
réalités quotidiennes d’un pays en crise
économique, exacerbée par une
islamophobie ambiante.
Les djihadistes
pâtissent d’une lourde pathologie. Le
fait que la Syrie soit prioritaire à
leurs yeux et non la Palestine donne la
mesure de l’inversion mentale de ces
personnes. Les Arabes sont récidivistes
dans ce domaine.
Une répétition qui
constitue, sauf sursaut, la marque d’un
mal quasi incurable. C’est en effet la
deuxième fois en trente ans, que la
religion musulmane est instrumentalisée
pour dévier le combat de libération de
la Palestine. La première fois, en
Afghanistan (1980-1989) où pendant près
de dix ans, 50.000 arabo afghans ont
combattu l’Union soviétique, principal
fournisseur à l’époque de matériel
militaire aux pays arabes du champ de
bataille (Égypte, OLP, Syrie, Irak,
Algérie), sans tirer le moindre coup de
feu en faveur de la Palestine.
La France en
porte à faux vis à vis des binationaux
franco-syriens de l’opposition syrienne
off shore.
S’il est légitime
que la France sanctionne d’une manière
exemplaire ces nationaux ayant commis
des actes de grande infamie, elle ne
devrait pas s’offusquer ou s’indigner
que la Syrie sanctionne de manière
analogue les ressortissants syriens
porteurs la nationalité française ayant
appelé à la guerre que la Syrie.
Par transposition
du schéma français au cas syrien, «la
peine d’indignité nationale» pourrait
être logiquement prononcée contre les
binationaux franco syriens, membres de
l’opposition syrienne off shore, sans
que la France n’ait à redire, en vertu
du principe de cohérence: «La création
d’une telle peine, pour symbolique
qu’elle soit, aura la vertu de rappeler
que prendre les armes contre son pays
est de la même nature que la
collaboration avec l’occupant pendant la
deuxième guerre mondiale,» a déclaré
Annick Lepetit, porte-parole des députés
socialistes, mardi 20 janvier. On ne
saurait mieux dire.
En vertu de quel
principe, sinon, un syrien de
nationalité française est-il-habilité à
lancer un appel à l’insurrection contre
son pays d’origine, alors qu’il a déjà
opté pour la nationalité de son pays
d’adoption-, qui plus est depuis la
capitale de l’ancienne puissance
coloniale. En toute impunité?
Que n’-a-t-il
déclenché, le tandem originel de
l’opposition off shore, sinon une guerre
de libération nationale contre leur pays
d’adoption, à tout le moins une lutte
contre la nécrose du circuit décisionnel
français, ou mieux un combat contre la
corruption des élites françaises et la
connivence de la classe
politico-médiatique.?
Imagine-t-on le
tollé suscité par un français naturalisé
syrien lançant depuis Damas un appel au
soulèvement contre le pouvoir français?
Que n’a-t-elle, la
France, observé à l’égard de ses
binationaux franco syriens la
philosophie qui a guidé au
rétablissement de la «peine d’indignité
nationale» ?
Le précédent
harki et la fonction d’un bi national
franco arabe.
Le précédent des
«Harkis algériens» aurait dû inciter le
tandem à la prudence. Amère
expérience de ces supplétifs algériens
de l’armée française, qui ont pris le
parti de la France contre leur pays
natal, l’Algérie, placé, à leur
rapatriement en Métropole, en réclusion
dans des conditions de grande précarité
aux confins de l’hexagone, dans une
démarche d’une grande ingratitude, avant
d’être réhabilité un demi siècle plus
tard.
Que n’ont-Ils,
l’universitaire franco syrien, Bourhane
Ghalioune, premier président de
l’opposition off shore syrienne, et sa
porte parole Basma Kodmani, médité le
sort tragique des Harkis, plutôt que de
s’exposer à l’infamante accusation de
«supplétifs de l’ancienne puissance
coloniale»? A défaut de tempérer leurs
ardeurs, le précédent harki aurait pu
aiguiser leur lucidité, leur épargnant
ainsi le sort infâme des vaincus: Des
comparses gravitant dans le néant de
leur insignifiance, zombie de la bulle
médiatique.
Que n’a-t-il, ce
tandem, renoncé à sa nationalité
française, -et surtout à son salaire
français-, pour rejoindre, sur le
champ,sur le terrain de la bataille, ses
compagnons de lutte. Ou partager le sort
pitoyable des réfugiés, plutôt que se
vautrer dans le luxe tapageur des hôtels
cinq étoiles?
Le combat pour la
démocratie en Syrie aurait sans doute
gagné en crédibilité et en efficacité.
La fonction d’un
bi-national n’est pas d’être le
porte-voix de son pays d’accueil, ni son
porte-serviette, mais d’assumer avec
vigueur la fonction d’interface exigeant
et critique. Un garde-fou à des
débordements préjudiciables du pays
d’origine et du pays d’accueil.
Au delà des
critiques de nature politique, ce qui ne
sera pas pardonné au tandem franco
syrien de l’opposition off shore est
d’avoir ancré dans l’imaginaire français
l’image d’Arabes, porte serviettes des
Français. Des arabes «larbins des
français». Impardonnable crime .
Dans l’intérêt bien
compris des deux camps, le partenariat
binational se doit de se faire, sur un
pied d’égalité et non sur un rapport de
subordination de l’ancien colonisé, le
faisant apparaître comme le supplétif de
son ancien colonisateur. De même, le
devoir d’un intellectuel progressiste
est de faire conjuguer Islam et
progressisme et non de provoquer
l’abdication intellectuelle des
progressistes devant un islamisme
basique, invariablement placé sous les
fourches caudines israélo-américaines.
L’Arabie
Saoudite, grand vaincu de la guerre de
Syrie (au même titre que la France)
Au delà des propos
post mortem de circonstance vantant les
qualités du défunt roi Abdallah,
«défenseur de la paix» Stephen
Harper-Canada), «grand homme d’état dont
l’action a profondément marqué
l’histoire de son pays (François
Hollande-France), «dirigeant sincère et
courageux» (Barack Obama- États Unis),
l’Arabie saoudite passera dans les
annales de la décennie 2010 comme le
grand vaincu de la guerre de Syrie, au
même titre que la France, dont les
dérapages se sont répercutés sur son
national par de sanglants attentats
terroristes (Mohammed Merah en 2012,
Mehdi Nemmouche geôliers de journalistes
français otages de djihadistes en Syrie
en 2013-2014, ainsi que les frères
Kouachi (contre Charlie Hebdo en 2015).
En pointe dans
l »affaire des caricatures du prophète
Mohammad, dont Charlie Hebdo en paiera
un lourd tribut, en pointe dans la
guerre de destruction de la Syrie, un
pays anciennement sous son mandat
qu’elle amputera du district
d’Alexandrette avant de procéder à sa
destruction en alliance avec les
djihadistes, cobelligérante avec Saddam
Hussein de la guerre contre l’Iran
khomeiniste (1979-1989), un des
principaux pollueurs nucléaire de la
planète, équipementier du régime
d’apartheid d’Afrique du Sud, d’Israël
(Dimona) et de l’Iran impériale
(Eurodif), La France a été à l’avant
garde des pays prônant la
dénucléarisation de l’Iran et de
l’imposition des sanctions. Pour toutes
ces raisons, la France pourrait être la
grande zappée de cette séquence
historique alors qu’un rapprochement
s’amorce entre les États Unis et l’Iran,
puissance régionale en phase ascendante,
au terme d’un ostracisme de près de 35
ans.
L’amitié ne saurait
se limiter à du copinage. Elle
n’implique pas la complaisance, mais une
exigence de qualité et la loyauté dans
le combat et la critique.
La déontologie le
commande. Le libre exercice de l’esprit
critique est un des fondements de la
démocratie et le principe de l’égalité
des armes dans un débat, un impératif de
survie de la démocratie.
Reçu de
René Naba pour publication
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