MADANIYA
FIFA-Qatar : Le GNRD,
alternative aux prescripteurs
occidentaux ? 2/3
René Naba
Mardi 6 septembre 2016
Acte II : Le 2e protagoniste GNRD
(Global Network for Rights and
Development)
Le GNRD émule de
Human Right Watch et d’Amnesty
International
GNRD, Organisation Non
Gouvernementale fondée en 2008, dispose
d’une importante infrastructure avec son
siège central à Stavanger (Norvège), de
deux sièges européens, le premier à
Genève (Suisse), la pépinière des ONG,
le deuxième à Bruxelles, siège des
institutions européennes ainsi qu’à
Valence (Espagne) et des bureaux
régionaux au Moyen Orient, à Amman
(Jordanie) et à Doubaï (Émirats Arabes
Unis). Le tout secondé par une armée
d’activistes volontaires, d’informateurs
et de bénévoles.
Observateur de plusieurs
consultations électorales post
«printemps arabe» tant en Tunisie, qu’en
Égypte, qu’au Sud Soudan, qu’en Algérie,
GNRD s’est distingué dans un remarquable
colloque, en Février 2015 à Genève
groupant le gratin des responsables
services de renseignements des pays les
plus immergés dans le domaine du
terrorisme (Pakistan, Turquie,
Afghanistan, Jordanie, France), soit
comme commanditaire, soit comme
manipulateur, soit comme maître d’œuvre
du terrorisme et de la guerre contre le
terrorisme.
http://www.madaniya.info/2015/05/18/le-terrorisme-en-chiffres/
Par sa force de frappe, l’extrême
réactivité de ses agents, GNRD pourrait
mettre en question le rôle prescripteur
des deux instances internationales
d’inspiration occidentale et se poser en
alternative de porte-parole de la
problématique des droits de l’homme et
des sujets y afférents, porteuse d’une
vision du sud de l’hémisphère
occidental. Elle se pose de ce fait en
émule d’Amnesty International et de
Human Right Watch.
Le directeur de
GNRD, un être détonnant, une combinaison
explosive
Lou’ay DIB Badeer, le directeur du
GNRD, est un être détonnant dans toute
l’acception du terme. Une combinaison
explosive. Palestinien originaire de
Rafah, la bande rebelle de Gaza,
activiste dans sa jeunesse, norvégien
d’adoption, dont il porte la
nationalité, édile municipal de son pays
d‘accueil, intrépide brasseur
d’affaires, consultant de firmes
pétrolières et fondateur d’une ONG
redoutable de dynamisme, il suscite
admiration et détestation pour toutes
ses qualités.
Les rumeurs les plus invraisemblables
courent à son sujet : homme de main de
Mohamad Dahlane, le gauleiter des
Israéliens dans les territoires
palestiniens sous occupation
israélienne, dague secrète des Emirats
Arabes Unis dans sa lutte contre le
Qatar, parrain des néo islamistes,
cheval de Troie de l’autorité
palestinienne pour éperonner les
criminels de guerre israéliens. La liste
et longue à la mesure du halo de mystère
qu’il suscite.
Quiconque connaît un tant soit peu le
tissu social palestinien et l’historique
des solidarités inter claniques saurait
aisément que la famille Badeer
partageait ses sympathies, comme bon
nombre de familles palestiniennes, entre
les deux dirigeants charismatiques du
Mouvement National Palestinien, Yasser
Arafat, chef du Fatah, et Georges
Habbache, chef de l’organisation
marxiste Le FPLP (Front Populaire pour
la Libération de la Palestine).
Tâche indélébile dans son parcours,
crime impardonnable, Lou‘ay s’est
engagé, adulte, reliquat d’une jeunesse
militante, dans la traque des criminels
de guerre israéliens coupables de
forfaiture à Gaza et ailleurs.
Circonstance aggravante commuée en
crime imprescriptible, Lou‘ay Dib Badeer
a eu l’outrecuidance de braver les
États-Unis et Israël forçant l’admission
de son ONG en tant que membre
observateur au Conseil Économique et
Social des Nations Unies. Un affront que
les Israéliens, généralement réputés
pour leur magnanimité, n’ont pas voulu
oublier.
Audace ou imprudence, présumant de ses
forces et sans doute de l’impunité de
son ONG, le directeur du GNRD a lancé
une enquête conjointe tant au Népal
qu’au Qatar sur les conditions des
travailleurs népalais sur les chantiers
de la Coupe du Monde de Football. Sujet
tabou s’il en est au Qatar.
Mal lui en prit : En Août 2014, les deux
enquêteurs du GNRD sont arrêtés à Doha
et maintenu en détention pendant 20
jours au motif que leur mandant est
téléguidé par les Émirats Arabes Unis,
un pays qui nourrit une vive méfiance à
l’égard du Qatar du fait que son compère
pétro-monarchique est le parrain
financier de la confrérie des Frères
Musulmans, artisan d’un coup d’état
contre Abou Dhabi.
De surcroît une vive rivalité oppose les
deux principautés sur la conduite de la
guerre pétro-monarchique contre le Yémen
(1), conduisant Abou Dhabi à se retier
de la coalition monarchique au printemps
2016.
Les détracteurs de GNRD tirent
argument de son financement flou pour
l’accuser de «rouler pour Abou Dhabi».
Son site en effet mentionne trois
donateurs, l’entreprise personnelle du
directeur, «Deeb consulting», ainsi que
«Advanced Security Technology» et «Kaoud
Law», des firmes installées dans les
Émirats.
Sauf à considérer que les ONG financées
par les fonds atlantistes sont seules
exemptes de toute suspicion,
-particulièrement les cyber-activistes
du «printemps arabe» par le Freedom
House et le NED (National Endowment For
Democracy)-, la quasi-totalité des
institutions non gouvernementales
bénéficient de subventions de nature
philanthropique… ou paraphilantropique,
comme en témoigne «Reporters sans
Frontières» du temps de la présidence de
son fondateur Robert Menard, désormais
compagnon de route du parti xénophobe
français le Front National.
L’accusation contre GNRD est
classique. Elle relève de la rengaine
qui consiste à accuser son chien de la
gale pour justifier sa noyade.
En fait, la détention des deux
enquêteurs du GNRD relevait, selon toute
vraisemblance, d’une opération
d’intimidation, visant à donner aux
autorités du Qatar le temps de gommer
les preuves accumulées sur la
maltraitance des travailleurs immigrés
affectés aux chantiers du Mondial.
Neuf mois plus tard, le délai normal
d’une gestation, l’affaire du GNRD
trouve son prolongement en Norvège, en
Mai 2015, un mois pile avant que
n’éclate publiquement le scandale de la
FIFA avec la renonciation de Joseph
Blatter à exercer un nouveau mandat,
juste après le vote entérinant sa
reconduction.
Un scandale qui a entraîné la remise en
question des conditions d’attribution au
Qatar de la Coupe du Monde du Football.
Tel un chien dans un jeu de quille,
Loua’y Dib Badeer va en subir de plein
fouet les conséquences.
Acte III : L’entrée
en scène de la Norvège
Le Qatar et la Norvège sont aux
antipodes l’un de l’autre quant à leur
conception de la démocratie et des
droits de l’homme, notamment dans
l’exercice du pouvoir.
Principe des vases communicants ?
Principe de solidarité monarchique,
quand bien même tout pourtant les
oppose. Chantage du Qatar sur la Norvège
? Hyper fébrilité du Qatar à l’annonce
de la création d’un mouvement
d’opposition qatari ayant pour siège Le
Caire «Tamarrod Qatar», deux mois avant
le lancement de l’enquête du GNRD (2)?
Pression indirecte israélienne en vue de
museler une ONG présentée par le
Jerusalem Post comme une machine de
guerre de l’autorité palestinienne
contre l’état Hébreu ? Quoi qu’il en
soit, la foudre s’abat sur GNRD, le 15
mai 2015, avec son bataclan habituel.
Manu militari, une descente musclée du
pôle financier O’Kokrim et de la police
norvégienne au siège de GNRD à Stavanger
a entraîné une perquisition en règle non
seulement du bureau du directeur mais de
l’ensemble de l’immeuble sur fond
d’accusation de «blanchiment d’argent».
Sauf que la procédure était entachée
de graves irrégularités :
- 1re irrégularité :
Le mandat de perquisition a été émis
par un juge adjoint, de permanence
de nuit, et non comme il est d’usage
en cas de procédure d’urgence, par
un directoire de trois juges.
De surcroît, la première page du
mandat n’était revêtue d’aucune
signature authentifiant l’acte,
alors que les dispositions légales
prévoient le paraphe de toutes les
pages d’un mandat, ainsi que le
cachet de l’autorité ordonnatrice de
la procédure. Cette omission
tendrait à considérer la première
page comme nulle et non avenue.
- 2e irrégularité :
La perquisition est intervenue dix
jours après l’émission du mandat de
perquisition. Ce décalage de dix
jours pose le problème du bien-fondé
de l’urgence de la procédure.
- 3e irrégularité :
Le mandat spécifiait la perquisition
du bureau du Directeur du GNRD et
non la totalité le siège, alors que
la perquisition a porté sur la
totalité des pièces de
l’institution, soit les dix bureaux
et les deux salles de conférence, la
totalité des dossiers se trouvant
tant au siège de GNRD qu’au domicile
du son Directeur, soit au total
50.000 feuillets, ainsi que les
ordinateurs. Les données
électroniques de cinq ordinateurs
ont été copiées. Les documents ont
été rendus une semaine plus tard,
une partie endommagée, une autre
partie manquante.
De surcroît, la police a refusé de
rendre les documents sans rapport avec
le problème financier (blanchiment
d’argent). Tant la police norvégienne
qu’OKokrim n’ont pas communiqué la
nature des documents et objets saisis
tant au siège qu’au domicile du
Directeur.
Ils ont refusé à l’épouse du directeur
de disposer d’une copie des factures des
bijoux et objets précieux saisies. Ce
faisant, en la privant de justificatifs,
la police norvégienne peut suggérer leur
origine frauduleuse.
- 4e irrégularité :
La fille du directeur du GNRD,
mineure, a été interrogée par la
police, sans l’autorisation de ses
parents et en leur absence et
l’absence de tout témoin. Une
démarche qui peut s’assimiler à une
forme d’intimidation et d’abus de
droit faisant planer le risque
d’entacher la totalité de la
procédure d’irrégularité.
- 5e irrégularité :
La police a ordonné l’arrêt du
travail de l’institution lors de la
perquisition pour «un certain
temps», donnant à penser que la
cessation d’activités de l’ONG
pourrait se prolonger durant un
mois. Cette tentative d’obstruction
du fonctionnement de GNRD a tourné
court. Sur objection de l’avocat de
l’ONG, observant que cette mesure ne
figurait pas dans le mandat de
perquisition, les employés de
l’établissement ont été autorisés à
rejoindre leur poste de travail le
lendemain.
- 6e irrégularité :
Chaque collaborateur a été invité à
témoigner, sous forme d’un
questionnaire rédigé en norvégien,
alors que les vingt employés de
GNRD, dans leur grande majorité
étaient des étrangers et ne
parlaient pas le norvégien.
Devant le refus des collaborateurs de
l’ONG de répondre sur un questionnaire
rédigé dans une langue qu’ils ne
maîtrisaient pas, une traduction du
questionnaire en anglais a été faite
oralement. Mais l’un des participants,
de nationalité canadienne, a exigé et
obtenu un questionnaire rédigé en
anglais afin de se donner le temps de la
réflexion avant d’y répondre et de
signer le document.
Incident cocasse :
Les enquêteurs ignoraient que GNRD était
une ONG à but non lucratif. Ils
donnaient l’impression d’ignorer les
raisons de leur présence sur les lieux,
allant même jusqu’à prélever un
échantillon d’eau d’une fontaine
installée dans les bureaux à titre
décoratif.
À propos de l’accusation de
blanchiment : L’enquête a pris
note du fait que la totalité de la
comptabilité de l’ONG était gérée par
une société norvégienne de grande
réputation. Le directeur du cabinet
comptable a certifié que la comptabilité
de GNRD est «légale et propre». La
perquisition s’est accompagnée d’une
campagne médiatique de la presse
norvégienne reprenant les thèses
officielles, sans le moindre recoupement
avec GNRD ou avec son directeur.
En guise de bouquet final :
Sans doute la véritable raison de cette
perquisition musclée, sur les 50.000
feuillets saisis, de même que les
document avariés figurent une pièce
maîtresse d’une valeur inestimable : la
compilation documentaire devant servir
de base à un ouvrage majeur sur le
terrorisme dans le monde, avec une
recension, pays par pays, des connexions
et des financement du djihadisme
planétaire.
Un ouvrage de mille pages. Une
encyclopédie que le GNRD devait publier
prochainement, en complément à son
colloque de Genève de Février 2015.
Les chapitres concernant la Norvège,
Israël, le Qatar et les États-Unis sont
portés manquants. Et ceci pourrait
expliquer cela.
Pareil procédé avait été emprunté par
les États-Unis pour intercepter le
rapport des inspecteurs de l’ONU sur les
armes chimiques, à leur retour de Bagdad
à New York, lors de l’offensive
médiatique préludant à l’invasion
américaine de l’Irak, en 2003. Une
mauvaise manière faite à la légalité
internationale qui tend à se généraliser
dans les grandes démocraties
occidentales.
Référence
1- Sur la rivalité entre les Émirats
Arabes Unis et le Qatar à propos des
Frères Musulmans, notamment sur le plan
médiatique dans la conquête de l’opinion
européenne, CF ce lien :
http://www.dailymail.co.uk/news/article-3277345/Cameron-Arab-Sheiks-web-influence-infiltrated-Britain-shadowy-nexus-PM-s-cronies-secretively-lobbied-Middle-East-paymasters.html
2- «Tammarod Qatar» – Le Ramadan
2014, qui a débuté le 29 Juin, est riche
en surprises. La proclamation d’un
califat sur les territoires conquis par
Da’ech en Irak et en Syrie, avec la
désignation du chef de l’ISIS Abou Bakr
Al Baghdadi, comme premier Calife, s’est
accompagnée parallèlement de la
naissance au Caire d’un mouvement
d’opposition au Qatar. Le mouvement
«Rébellion du Qatar» (Tammarod Qatar)
Le chef de ce mouvement Khaled Al
Heyl, s’est engagé à «mettre un terme à
la corruption dans cet émirat du Golfe»,
dans une déclaration au quotidien
libanais «Al Akhbar», indiquant que le
choix de la capitale égyptienne ne
relevait du hasard mais répondait à son
souci de tirer le meilleur profit des
tribunes médiatiques existant Caire.
Ancien responsable d’une société de
«Qatar pour les investissements et le
développement», il a indiqué que son
mouvement comptait déjà 650 membres dont
85 % résidant à l’intérieur de la
principauté, qui se recrute aussi bien
au sein du cabinet princier que du
ministère des Affaires étrangères qu’au
sein de l’armée.
Pour aller plus loin pour le
lecteur arabophone
http://www.al-akhbar.com/node/209553
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