MADANIYA
La Syrie comme levier électoraliste
René Naba
Lundi 5 décembre 2016
La tétanie
française.
La
France envisage de tenir une conférence
des pays «refusant la logique de guerre
totale» en Syrie, le 10 décembre, en
substitution au naufrage de l’opposition
off shore syrienne pro-monarchique, dans
une tentative désespérée de se maintenir
à flot sur le plan diplomatique, après
une succession de revers retentissants
sur la Syrie, à l’arrière plan d’un rare
exemple de décomposition du pouvoir
conduisant le président François
Hollande à renoncer un nouveau mandat,
fait sans précédent dans les annales de
la Vème République.
Le
renoncement de ce chef de guerre sur la
scène internationale, en Syrie et au
Mali, a retenti comme une captulation en
rase campagne. Dans cette perspective,
la conférence apparaît comme un lot de
consolation d’un président en fin de
mandat (Barack Obama) à un président en
phase terminale d’un mandat
crépusculaire.
Jamais
pareil spectacle de tétanie au sommet de
l’état ne s’est offert aux citoyens
français, même au plus fort de la
rivalité entre François Mitterrand et
Jacques Chirac, lors de la 1 ère
cohabitation socialo-gaulliste
(1986-1988), ou de la rivalité
inter-gaulliste entre le président
Jacques Chirac et son ministre de
l’Intérieur Nicolas Sarkozy (2004-2006)
ou encore au sein de la droite entre
Jacques Chirac et Valéry Giscard
d’Estaing (1976) ou enfin entre les
socialistes François Mitterrand et
Michel Rocard (1978-1980).
Cet
exercice de la diplomatie française est
d’autant plus frénétique qu’il se situe
à proximité d’échéances électorales
capitales, alors que François Hollande,
dans les abîmes des sondages, a dû jeter
l’éponge et que les principaux
dirigeants de la droite française
responsables de la guerre de Syrie,
Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, étaient
projetés vers les oubliettes de
l’Histoire à la faveur des primaires
préliminaires à la campagne
présidentielle de 2017.
La
gauche, insensible aux risques de
fragmentation, présentait 17 candidats
aux suffrages des électeurs, en lice
début décembre à la fin de la primaire
de droite marquée par la victoire de
François Fillon.
Le projet de
conférence des pays «refusant la logique
de guerre totale» substitut au naufrage
de l’opposition off shore syrienne pro
monarchique
La Syrie
paraît devoir constituer un levier
électoraliste à connotation démagogique
pour le pouvoir socialiste en France, à
en juger par les démarches incessantes
entreprises par le Quai d’Orsay, à
proximité de la primaire socialiste
devant désigner son prochain candidat
aux élections présidentielles français
du 22 avril 2017.
Le 20
octobre 2016, l’Élysée a ainsi réservé
un accueil triomphal aux «Casques
Blancs» opérant en Syrie dans une
opération destinée, à la veille de
l’attribution du Prix Nobel de la Paix,
à conférer une visibilité accrue à une
organisation financée par des organismes
américains, opérant exclusivement dans
les zones sous contrôle djihadiste.
Ci joint une étude allemande montrant
que de nombreux « casques blancs » sont
membres de groupes salafistes.
L’objectif sous-jacent était de
signifier aux États Unis et à la Russie
son mécontentement de sa mise à l’écart
des négociations internationales sur la
Syrie.
La
nouvelle démarche française relève d’une
séquence symbolique, marquée par le
recueillement de François Hollande le 25
novembre sur la tombe du caporal Albert
Chenouf, victime de Mohamad Merah dans
le sud de la France, et par l’accueil le
1 er décembre du maire d’Alep.
Entre temps, la recomposition du
paysage politique en Syrie, sous égide
russe, a plongé dans la panique la
diplomatie française, redoublant sa
fureur, au point de faire capoter, via
le chœur des islamophilistes de la
blogosphère à sa dévotion, une
conférence sur la Syrie qui devait se
tenir au Mémorial de Caen, le 26
Novembre 2016.
Le camouflet russe a été d’autant
plus cinglant que l’émissaire
palestinien chargé de sonder pour le
compte du Kremlin les divers
protagonistes syriens sur la possibilité
de tenir une conférence en Syrie même
entre le pouvoir baasiste et
l’opposition a pris soin de contourner
l’escale de Paris.
Dans une
tentative désespérée de remettre en
selle la diplomatie française, dont elle
est la roue dentée, Basma Kodmani, s’est
fendue d’une interview à TELERAMA, dans
laquelle l’ancienne porte-parole de
l’opposition off shore syrienne, en
tenue vert kaki, comme pour démontrer sa
combativité, se déclarait disposée à
«négocier avec la Russie», alors que
Moscou n’en avait nullement l’intention,
à tout le moins à ce stade des
préparatifs.
Prenant
acte de la déconfiture de l’opposition
pro-monarchique syrienne, autrement dit
l’alliance des forces obscurantistes
parrainées par les pays les plus
rétrogrades du Monde arabe, Paris a
proposé la tenue d’une conférence des
pays «refusant la logique de guerre
totale» dans un curieux retournement de
situation, qui place la France sur la
défensive après avoir été en pointe dans
la militarisation du conflit syrien par
son soutien inconditionnelle et absolu
au Qatar et à la Turquie, les
protecteurs de la Confrérie des Frères
Musulmans et des autres groupements
djihadistes.
La
conférence se tiendra en présence des
pétromonarchies arabes du golfe, les
bailleurs de fonds des djihadistes, des
États Unis, leur protecteur, et des pays
européens, traditionnelle roue dentée de
la stratégie atlantiste, alors que de
larges secteurs d’Alep Est, bastion des
djihadistes, sont désormais sous le
contrôle du pouvoir central.
Indice
d’une politique aberrante, en six ans de
guerre, la France a indirectement abondé
la trésorerie de Jabhat An Nosra de 16
millions d’euros, à titre de rançon à la
libération de quatre otages journalistes
français. Avec en prime, à ce groupement
terroriste, la caution de la «Patrie des
Droits de l’homme», paradoxalement le
pays européen le plus sinistré par le
terrorisme islamiste. Plus masochiste tu
meurs.
Un
satisfecit émanant, comme il se doit, de
Laurent Fabius, le ministre des Affaires
étrangères le plus désastreux de la Vème
République. Venant du plus capé des
hiérarques socialistes, un tel quitus a
résonné comme une insulte vivante à
l’intelligence.
Alors
que les forces gouvernementales
syriennes sont lancées dans la
reconquête d’Alep-Est et que le «Rizbollah»
(selon la prononciation française
matinée d’hébreu en vigueur chez les
éditocrates) est promu au rang de
stratège par ses interlocuteurs russes,
ces petits cailloux du faux petit poucet
à l’intention de l’électorat français
retentissent comme autant de calculs
électoralistes. Un acte de nanisme
politique.
Sur ce
lien un échantillon des fabulations de
la graphomane de Libération sur la Syrie
:
Et ses
divagations sur Zohrane Allouche, chef
du groupement djihadiste Jaych Al Islam,
présenté comme étant «le combattant
islamiste que tous adoraient détester».
Si une
éventuelle conférence inter-syrienne se
tenait sous le parrainage exclusif de la
Russie, elle signerait par la même la
relégation définitive de la France sur
la scène diplomatique internationale, un
des plus fébriles membres de l’Otan dans
la guerre de Syrie.
Au début
de la guerre, en sa qualité d’ancienne
puissance mandataire, la France se
positionnait en chef de file du «Groupe
des pays amis de la Syrie», qui
regroupait 105 pays, plaçant de surcroît
à la tête de l’opposition off shore,
deux bi-nationaux franco-syriens:
Bourhane Ghalioune (Président) et Basma
Kodmani (Porte-parole). Près de six ans
après, elle doit se contenter du statut
de pays «affinitaire».
Le délaissement de
la France prélude à son déclassement
Le
forcing diplomatique du tandem Nicolas
Sarkozy-BHL sur la guerre de Libye en
coordination avec Hillary Clinton,
doublé du forcing de François Hollande
pour le bombardement de la Syrie,
prolongé du rôle de petit télégraphiste
des Israéliens de Laurent Fabius dans
les négociations sur le nucléaire
iranien, ont fini par générer un
agacement prodigieux que Barack Obama a
voulu signifier à sa façon à ses
interlocuteurs français.
Le
président américain, tout au long de sa
double mandature présidentielle
(2008-2016), -couvrant aussi bien la
présidence Nicolas Sarkozy que la
présidence François Hollande-, n’a
jamais,- bien jamais- effectué une
visite d’état, voire une visite
officielle en France, pourtant la
«Patrie du Marquis de La Fayette», «le
plus ancien allié des États Unis»,
limitant ses passages aux célébrations
du débarquement de Normandie;
Et pour
sa tournée d’adieu à l’Europe, Barack
Obama a choisi Berlin, le nouveau centre
de l’Europe et non Paris, pour prendre
congé de ses partenaires européens;
signe indiscutable sinon d’un
déclassement à tout le moins d’un
délaissement ou d’un délaissement
prélude à son déclassement.
Le
dégagement sans ménagement de Nicolas
Sarkozy, l’ordonnateur des guerres de
Libye et de Libye, de même qu’Alain
Juppé, apparaît rétrospectivement comme
un avertissement sans frais aux futurs
dirigeants de la France.
Au
Royaume Uni, Tony Blair (travailliste) a
été stigmatisé pour son rôle en Irak
(2003) et David Cameron (Conservateur)
fustigé pour son rôle en Libye (2011),
alors qu’en France aucun dirigeant n’a
été incriminé ni pour son rôle en Libye,
ni pour son rôle en Syrie. Sans doute
une marque de la supériorité de la
«Patrie de Droits de l’Homme» sur la
«plus vieille démocratie du Monde».
La
marque du mépris à son peuple d’un pays
prétendument «révolutionnaire» à qui
fait défaut l’éthique de responsabilité.
Pour aller plus loin sur les
socialistes
Laurent Fabius
Manuel Valls
Des rapports entre les socialistes
français et l’islam
Illustration
Photo Stéphane de Sakutin. Pool AP
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