Opinion
Hommage à Madiba,
The Invictus [1918 - 2013]
René Naba
Jeudi 5 décembre 2013
Nelson Rolihlahla Mandela,
Maitre de son destin, capitaine de son
âme.
Paris- Vingt-six
ans durant, Rolihlahla, au nom
prédestiné de «fauteur de troubles»,
déclamera ce poème dans sa cellule de la
prison de Robben Island, puis de
Pollsmoor, comme la marque de sa
détermination à mener son combat jusqu’à
son terme; comme le symbole de sa lutte
résolue face à ces tortionnaires
ségrégationnistes blancs d’Afrique du
sud, le parfait exemple d’un
militantisme intégral; comme la marque
de sa farouche croyance dans le destin
de son pays et de son continent,
l’Afrique, objet de la plus formidable
dépossession de l’histoire de
l’Humanité.
Court poème de
l’écrivain britannique William Ernest
Henley, très repris dans la culture
populaire qui contribua à sa célébrité,
le titre se fonde sur la propre
expérience de l’auteur, qu’il écrivit,
en 1875, sur son lit d’hôpital, à la
suite de son amputation du pied. William
Henley disait de lui-même que ce poème
était une démonstration de sa
résistance.
Invictus (Invaincu,
celui dont on ne triomphe pas), poème
préféré du chef du combat nationaliste
africain, dont il déclinait les vers
comme autant de mot d’ordre, sera
popularisé à l’échelle planétaire par le
film de Clint Eastwood, dont il en
constituera le titre éponyme.
Magistralement
interprété par Morgan Freeman et Matt
Damon, le film retrace en la scellant
l’apothéose de la réconciliation entre
Afrikaners et Noirs, lors de la finale
de la coupe du Monde de Rugby, en
Afrique du sud, en 1995, l’année suivant
l’élection de Mandela à la présidence de
l’Union sud-africaine.
Le tombeur de
l’apartheid, portant le maillot des
Springboks, symbole absolu de
l’Apartheid, remettant la coupe au
capitaine de l’équipe sud-africaine,
François Piennaar, un afrikaner pur
sucre, cimentera «la nation arc en ciel»
par ce coup de génie de Madiba en
propulsant Nelson Mandela au rang
d’icône planétaire. «L’un des deux plus
indiscutables magnifiques personnages du
dernier millénaire, avec le Mahatma
Gandhi», selon l’expression de
l’écrivaine sud-africaine Nadine
Gordimer.
Dans la nuit qui
m’environne,
Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Je loue les Dieux qui me donnent
Une âme, à la fois noble et fière.
Prisonnier de ma
situation,
Je ne veux pas me rebeller.
Meurtri par les tribulations,
Je suis debout bien que blessé.
En ce lieu
d’opprobres et de pleurs,
Je ne vois qu’horreur et ombres
Les années s’annoncent sombres
Mais je ne connaîtrai pas la peur.
Aussi étroit soit
le chemin,
Bien qu’on m’accuse et qu’on me blâme
Je suis le maître de mon destin,
Le capitaine de mon âme.
«Mandela
appartient à l’Histoire», Obama dixit.
Barack Obama, en
pèlerinage à l’Ile de Gorée, point de
départ de la traite négrière, puis à
Robben Island, l’été 2013, a signé dans
l’ordre subliminale le passage de relai
entre le fondateur de la «Nation Arc en
ciel» et le premier président afro
américain de l’histoire de la planète,
le relai d’un pays pluriethnique à un
pays multiracial, et, dans l‘ordre
symbolique, un acte de filiation du
Nouveau monde envers la vieille Afrique,
qu’elle a sinon enfantée, à tout le
moins aider à croître, plus durement que
d’autres.
Une réplique
silencieuse de la vieille Afrique aux
négriers européens avec leur «fardeau de
l’homme blanc» et leur «charge
d’aînesse» arcbouté sur leur vieux
continent pétri de rhumatismes
systémiques, prix de leur excès. Une
claire démonstration de la pleine place
de l’Afrique dans l’histoire.
Mandela est décédé
le 5 décembre 2013 à la veille du Sommet
France Afrique de Paris que l’Afrique du
sud a boudé pour les raisons que son
successeur Jacob Zuma a résumé en ces
termes: «Je ne trouve pas l’intérêt
d’aller à un sommet France-Afrique,
alors que la France n’encourage pas la
démocratie que veut les peuples de ses
colonies. En effet la France ne renforce
et consolide que ses intérêts dans ses
colonies; dès qu’on veut la rappeler à
l’ordre, elle n’hésite pas de
déstabiliser les nationalistes qui
trouvent gênant qu’après le soit disant
indépendance, que les richesses du
colonisé continu de nourrir l’économie
du colonisateur».
…«Nous voyons une Afrique forte qui doit
avoir un leadership encourageant. Et non
une Afrique que la France initie dans un
processus de continuer à renforcer le
pillage des ressources d’Afrique»,
assénera vertement Jacob Zuma,
l’héritier de Mandela à la tête de
l’Afrique du sud, la nouvelle référence
morale du continent, à François
Hollande, le Scipion l’africain du Mali
Bangui, le nouveau gendarme socialiste
de l’Afrique, un continent qui a
longtemps été le champ d’action
privilégié de la France, reléguée en
deux décennies en 5 me position derrière
les Etats-Unis, la Chine, l’Inde et le
Royaume Uni.
Au Panthéon
universel de l’humanité, Mandela rejoint
ainsi les deux autres grandes figures
tutélaires du XX me siècle pour leur
contribution à la morale universelle, le
Mahatma Gandhi (Inde), et, pour l’espace
francophone, le Martiniquais Aimé
Césaire, trois personnalités du tiers
monde colonisé, une consécration qui
retentit comme un camouflet pour les
pays occidentaux avec leur cortège de
nazisme, de fascisme, de totalitarisme
et d’esclavagisme.
Puissent les
fournisseurs de Djembé et de mallettes,
les soiffards et les tricards, les
cerbères de leurs peuples, prendre
exemple sur ces figures de légende.
Et, que dans la
mémoire des peuples en lutte pour leur
liberté leur âme vive éternellement.
So long Madiba.
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