MADANIYA
L’Occident face à l’extrémisme religieux
:
conte d’une folie ordinaire
René Naba
Photo:
D.R.
Jeudi 5 novembre 2015
Texte de
l’intervention de l’auteur au Colloque
de l’Institut Scandinave des Droits de
l’Homme sur le thème :« Le radicalisme
religieux au Moyen Orient : Le Droit à
la connaissance et la liberté de
croyance » Genève 5-6 Septembre 2015
Prologue : De la
religion au Moyen orient
La politique est la résultante de
l’interaction des faits et des hommes ;
des faits objectifs et des hommes,
conditionnés par leur environnement.
La religion est un fait prégnant de
la zone du Moyen Orient, berceau des
trois monothéismes, un cas unique dans
le monde en ce que les trois grandes
religions monothéistes ressortissent des
religions d’Asie.
Espace de communion et d’exclusion,
la religion est un espace concurrentiel
(1). L’instrumentalisation de la
religion à des fins politiques est une
constante de l’histoire. Toutes les
religions y ont eu recours, dans toutes
leurs déclinaisons, que cela soit la
guerre de conquête de la chrétienté en
Amérique latine ou les Croisades vers le
Monde arabe, ou bien à l’inverse, la
conquête arabe vers l’Asie, vers la rive
méridionale de la Méditerranée ou
l’Afrique.
Guerre de religion au sein de
l’espace occidental de la chrétienté
(entre Protestants et Catholiques en
France ou en Irlande du Nord), ou guerre
de religion au sein de l’espace musulman
(entre Sunnites et Chiites), ou enfin le
sionisme, la forme la plus moderne de
l’instrumentalisation de la Bible à des
fins politiques par la mise en œuvre de
la notion du retour à Sion, sur les
débris de la Palestine.
La religion n’est pas condamnable en
soi. Ses dérives si en ce que la piété
n’exclut ni l’intelligence, ni le libre
arbitre. Elle n’interdit pas l’esprit
critique. Elle ne saurait, en tout état
de cause, se dévoyer dans des causes
desservant l’intérêt national. Mais nul
part ailleurs qu’au sein du leadership
sunnite arabe, l’instrumentalisation de
la religion n’a autant dévié de son
objectif, desservant la cause arabe, au
bénéfice de ses commanditaires, les
États-Unis, le meilleur allié de leur
principal ennemi, Israël.
L’Islam, une
religion de dimension planétaire, le
Monde musulman, un déploiement de portée
stratégique
L’Islam se présente comme une
communauté humaine cimentée par une
langue commune de prière (l’arabe), une
continuité territoriale rarissime à
l’articulation des grandes voies de
navigation transocéanique à proximité
des grands gisements énergétiques
de la planète.
Avec près de 1,5 milliards de
croyants, l’Islam est une religion de
dimension planétaire, dont le
déploiement est de portée stratégique.
S’étendant sur cinq continents, groupant
55 pays membres de l’Organisation de la
Conférence Islamique (OCI), le Monde
musulman se situe à l’intersection du
Monde européen et du Monde indien.
Renfermant les 2/3 des ressources
énergétiques, il contrôle quatre des
principales voies de navigations
transocéaniques (Détroit de Gibraltar,
Canal de Suez, Détroit d’Ormuz), avec en
prime le Détroit des Dardanelles.
La créance du Monde
musulman à l’égard de l’Occident
Partenaire majeur de l’Alliance
atlantique durant la guerre froide
soviéto-américaine, le Monde musulman
dispose d’une dette d’honneur à l’égard
de l’Occident, avec la Turquie en
sentinelle avancée de l’Otan sur le
flanc sud de l’URSS, amplifiée par la
participation de 50.000 arabo-afghans à
la guerre contre l’armée rouge en
Afghanistan, avec en surplus la
participation de près de 2 millions
d’arabo africains aux deux guerres
mondiales contre l’Allemagne.
Mais, paradoxalement, en dépit de
cette contribution, unique dans
l’histoire, l’Islam et les Musulmans
constituent une thématique majeure de la
polémologie contemporaine, désormais
promus au rôle d’épouvantail dans la
production intellectuelle occidentale,
alors que les pays musulmans sont les
grands perdants de la coopération
islamo-occidentale.
La Turquie ne dispose même pas d’un
strapontin au sein de l’Union Européenne
et pas une parcelle de la Palestine n’a
été restituée aux Palestiniens, alors
que parallèlement, l’opération française
Serval au Mali, en janvier 2013, pour
neutraliser le groupement Ansar Eddine
du Qatar, de même que l’opération
Sangaris en RCA, ont affranchi la France
de sa dette à l’égard des troupes
d’outremer. En surplomb, les suppliques
du Mufti de l’Otan Youssef Qaradawi,
pour bombarder des pays arabes (Libye,
Syrie), ont libéré les anciennes
puissances coloniales occidentales de
leur dette à l’égard des Arabes et des
Musulmans.
L’Occident, artisan
de l’instrumentalisation de la religion
comme arme politique : Les précédents du
Pakistan et d’Israël
1948 constitue à cet égard une date
charnière avec le démembrement de l’Inde
et la création du Pakistan, selon un
critère religieux, corrélativement à la
création d’Israël, selon le même critère
religieux.
Pour le sionisme la colonisation de
la Palestine a théorisé, par ricochet,
une idéologie de la discrimination,
justifiant a posteriori l’antisémitisme
en ce qu’elle établit dans les faits une
ségrégation entre Juifs et non Juifs.
- Le Pakistan :
dividende des États Unis à l’Arabie
saoudite pour sa conclusion du Pacte
de Quincy (1945) fondant le
partenariat stratégique entre la
grande démocratie américaine et le
régime le plus obscurantisme de la
planète.
- Israël : Le
solde de tout compte de l’Occident
du génocide hitlérien, par la sous
traitance aux pays arabes de
l’antisémitisme récurrent de la
société occidentale. Une
compensation sur bien d’autrui,
génératrice d’une perversion
triangulaire dont les effets se font
sentir encore de nous jours.
67 ans après sa création, l’état
hébreu se réduit à cette équation : un
ghetto dans son environnement régional,
l’Apartheid à l’égard des ses propres
spoliés palestiniens, dans la pure
tradition coloniale (2).
Pakistan et Israël ont signé l’entrée
en force du religieux dans le politique,
particulièrement dans le champ islamique
dont son instrumentalisation la plus
achevée connaîtra sa concrétisation, 32
ans plus tard, d’abord avec la guerre
anti soviétique d’Afghanistan. Elle
prendra ensuite la forme de parrainage
d’oppositions off-shore par le Qatar, la
Turquie et l’Arabie saoudite en Libye et
en Syrie, en 2011, prélude à la mise sur
pied d’une alliance régionale et
internationale « Des amis de la Syrie ».
Pour déboucher, enfin, une nouvelle
alliance internationale et régionale «
Contre le terrorisme » avec les dérives
sanguinaires de Jabhat an Nosra et
Da’ech, sous-tendant une guerre frontale
contre les déclinaisons du concept de
nation, nationalité, concitoyenneté et
nationalisme arabe revendicateur et
contestataire de l’hégémonie
israélo-américaine ; une guerre contre
les armées nationales arabes, concédant
à l’hégémonie israélo-américaine sur la
zone ce que ce duo n’a pu assurer ni par
la paix ni par la guerre.
Les prédicateurs
électroniques
Au plus fort de la rivalité
soviéto-américaine, les Américains ont
déployé une vingtaine de grandes
corporations radiophoniques religieuses
disposant de moyens financiers et
techniques sans équivalent dans les deux
tiers des pays de la planète (TRANS
WORLD RADIO (TWR), suivie d’ADVENTISTE
WORLD RADIO (AWR), FEBA Radio, IBRA
Radio, WYFR-Family Radio, Monitor Radio
et Nexus IBD) en vue de prêcher la bonne
parole atlantiste.
Ces prédicateurs électroniques ont
nourri une prédilection particulière
pour les foyers de tension (Sud du
Liban, Sud du Soudan) et les minorités
ethnico-religieuses des pays fragilisés
par les dissensions intestines
(Arméniens, Kurdes, Berbères) et, depuis
l’invasion de l’Irak, en 2003, pour le
nord kurdophone irakien.
IBRA Radio (International
Broadcasting Radio) a animé au
Moyen-Orient vers le Sud du Liban et la
zone frontalière libano-israélienne une
antenne locale onde courte pour les
émissions de la station HIGH ADVENTURE.
Le Sud du Soudan, peuplé de chrétiens
et d’animistes en rébellion contre le
gouvernement islamique de Khartoum, a
été alimenté par les programmes de «
RADIO ELWA », dirigée depuis MONROVIA
(Liberia) par des missionnaires
anglo-saxons.
Toutefois par son ampleur et ses
capacités, Trans World radio (TWR)
constitue la première radio planétaire
trans frontière de surcroît religieuse.
En comparaison, The Friend of Israël
Gospel Ministry, Église baptiste des
États-Unis, diffuse des émissions en
faveur d’Israël sur 700 stations
américaines et publie la revue Israël My
Glory dans 151 pays, collectant, rien
qu’en 2005, des dons d’un montant de 8,5
millions de dollars en faveur de l’État
hébreu.
L’islam contre le
nationalisme arabe : L’incendie de La
Mosquée Al Aqsa, acte de naissance de
l’islamisme politique
L’incendie de la Mosquée Al Aqsa,
troisième Haut Lieu Saint de l’Islam, le
21 Août 1969, apparaît rétrospectivement
comme l’acte de naissance de l’islamisme
politique, une date fondatrice de
l’histoire de la sphère arabo-musulmane,
devenu au fil des jours un des défis
majeurs de l’histoire contemporaine.
Au départ, cela devait être l’arme
absolue, à double détente, à l’effet,
d’une part, de marginaliser, puis de
neutraliser le nationalisme arabe ainsi
que son chef charismatique, Gamal Abdel
Nasser, déstabilisé par la défaite de
1967, servir, d’autre part, de levier au
combat anti-communiste, sous couvert de
la lutte contre l’athéisme, au plus fort
de la guerre froide soviéto-américaine.
Mais 45 ans après sa mise en œuvre à
l’occasion de l’incendie d’Al-Aqsa, dont
la commémoration est célébrée dans une
indifférence quasi-générale qui frise
l’oubli, l’islamisme politique, c’est à
dire l’instrumentalisation de la
religion musulmane en tant qu’arme de
guerre contre les ennemis de l’Amérique
et des pétromonarchies du Golfe, paraît,
à en juger par son bilan, s’être
retourné contre ses promoteurs, tel un
magistral effet de boomerang. Le Forum
islamique de Rabat qui avait regroupé
alors 35 pays devenus depuis 55,
débouche sur une mutation sémantique qui
masque un réel bouleversement
géostratégique.
Le mot d’ordre d’unité arabe, moteur de
la revendication nationaliste pendant un
quart de siècle, cède le pas à la
solidarité islamique et, au niveau
politique, Nasser, qui succombera un an
plus tard de crise cardiaque, cède la
prééminence au gardien des Lieux Saints
de l’Islam, le Roi Faysal d’Arabie
saoudite.
Sous couvert de solidarité islamique,
un basculement s’opère. Le centre de
gravité du Monde arabe se déplace vers
le Golfe, des Républiques
pro-soviétiques vers les pétromonarchies
pro-américaines, des zones de pénurie
contestataires de la Méditerranée vers
les zones de prospérité léthargique du
Golfe désertique, accentuant les
clivages et la rivalité entre les deux
versants du monde arabe désormais dilué
dans un ensemble plus vaste solidement
encadré, face à Israël, par l’Islam
asiatique, supérieur numériquement aux
musulmans arabes et constitué des
puissances militaires régionales
musulmanes non arabes (Pakistan,
Turquie, Iran). La nomination d’un
asiatique, le Tunku Abdul Rahman, ancien
premier ministre de Malaisie, au poste
de premier secrétaire général de la
Conférence Islamique entérine cette
évolution.
L’Europe, base
arrière des djihadistes arabo afghans
Dans les pays occidentaux, le bloc
atlantiste a instrumentalisé l’Islam
comme frein à l’adhésion des jeunes
générations issues de l’immigration aux
structures contestataires de l’ordre
capitaliste (partis communistes,
syndicats) partant du faux principe
autocratique que l’Islam remplit une
fonction d’obéissance collective au
Prince qu’il soit juste ou injuste,
oubliant surtout que le donneur d’ordre
des prédicateurs de l’Islam européen
était formaté dans le moule wahhabite.
De surcroît, l’Islam, pour leur
clientèle pétro-monarchique et les
autocraties pro occidentales, faisait
office de repoussoir au modèle
démocratique en même temps qu’un
pourvoyeur d’une rente sécuritaire.
Sous l’aile protectrice américaine,
avec le consentement des pays européens,
l’Arabie saoudite a ainsi déployé la
plus grande ONG caritative du monde à
des fins prosélytes à la conquête de
nouvelles terres de mission, dans la
décennie 1970-1980, particulièrement
l’Europe, à la faveur du boom pétrolier
et de la guerre d’Afghanistan.
Pour une poignée de dollars, l’Europe
deviendra la principale plate-forme de
l’Empire médiatique saoudien, le
principal refuge des dirigeants
islamistes, réussissant même le tour de
force d’abriter davantage de dirigeants
islamistes que l’ensemble des pays
arabes réunis.
A – L’Europe, refuge d’Ayman Al
Zawahiri, l’actuel Numéro 1 d’Al Qaida
Soixante dirigeants islamistes
résidaient en Europe occidentale depuis
la guerre anti soviétique d’Afghanistan,
dans la décennie 1980, où les
djihadistes étaient gratifiés du titre
de « combattants de la liberté » par le
fourbe du Panshir, Bernard Henry Lévy,
l’interlocuteur virtuel du Lion du
Panshir, le commandant Massoud Shah.
Quinze d’entre eux disposaient du
statut de « réfugié politique », dans la
plupart des pays européens, Royaume Uni,
Allemagne, Suisse, Norvège, Danemark.
B – Londres, capitale
mondiale de l’Islam contestataire et
plate-forme du déploiement médiatique
international saoudien
Londres comptait parmi ses hôtes les
principaux opposants islamistes tels que
:
- le tunisien Rached
Ghannouchi (An Nahda)
- L’algérien Kamar Eddine
Katbane (vice-président du comité du
FIS algérien (Front Islamique du
Salut)
- Le soudanais Moubarak
Fadel Al-Mahdi
- Le pakistanais Attaf
Hussein (chef du parti d’opposition
Muhajir Qawmi Movement (MQM)
- L’égyptien Adel Abdel
Majid
- Ibrahim Mansour, adjoint
au guide suprême des Frères
Musulmans
- Ali Sadreddine Bayanouni,
contrôleur général des Frères
musulmans de Syrie
- Azzam At Tamimi, membre
du commandement de l’ombre du Hamas,
la branche palestinienne de la
confrérie
- Abou Moussa’b as Soury (Moustapahe
Abdel kader Stt Mzriam), théoricien
des « loups solitaires »
- Abou Hamza Al Masri
(Moustapha Kamal Moustapha)
- Abou Qtada Al falastini
(Omar Mohamad Osmane)
- Abou Farès, nom de
guerre de l’algérien Farouk Daniche
ainsi que brièvement le plus illustre
d’entre eux Oussama ben Laden,
le fondateur d’Al Qaida.
Londres abritait en outre la
rédaction de la revue « Al Ansar »,
périodique djihadiste salafiste, édité
dans la capitale britannique avec une
domiciliation en Suède chez Abdel Karim
Danich, bénéficiant du titre de réfugié
politique.
Elle était en outre la plate-forme
stratégique du déploiement médiatique
international du Royaume Wahhabite qui y
avait entreposé l’essentiel de sa force
de frappe : Une chaîne transfrontalière
MBC (Middle East Broadcasting Center),
deux radios à diffusion
transcontinentale MBC FM et la radio
communautaire britannique SPECTRUM,
ainsi que cinq publications dont deux
fleurons de la presse arabe « Al Hayat »
et « Al Charq Al Awsat ».
Pour aller plus loin sur ce sujet CF
à ce propos,
http://www.renenaba.com/la-fabrication-de-la-violence-et-du-sectarisme-dans-les-medias/
C- La ventilation des autres
réfugiés politiques célèbres
L’Allemagne a figuré en deuxième
position, avec deux exilés de marque :
Issam Al Attar, chef des Frères
Musulmans de Syrie, et Saïd Ramadan,
gendre d’Hassan Al Banna, le fondateur
de la confrérie. Exilé à Aix la
Chapelle, Issam Al Attar, un homme d’une
grande culture religieuse, exerçait son
magistère européen depuis la « Maison de
l’islam » de Francfort, en liaison avec
le Centre Islamique de Genève.
Représentante de la grande bourgeoise
syrienne au sein du pouvoir baasiste, sa
propre sœur, Najah Al Attar, a occupé
pendant 32 ans le poste de ministre de
la culture, avant d’être promue
vice-présidente de la République
syrienne à l’occasion de la dernière
élection présidentielle, en juin 2014.
Quant à Saïd Ramadan, en précurseur,
il avait fondé, en 1961, avec le soutien
du futur Roi Faysal d’Arabie, le «
Centre Islamique de Genève » et pris la
tête d’un organisme islamique de Munich
: Le « Islmische Gemeinschaft in
Deutscland » chargé de recycler les
transfuges musulmans de l’Armée rouge.
Sous sa férule, ses partisans ont joué
un rôle important dans la fondation en
1962 de la Ligue Islamique Mondiale, la
structure parallèle à fondement
religieux mise sur pied par l’Arabie
saoudite pour contrecarrer l’influence
de la diplomatie nassérienne, de même
que l’influence du magistère d’Al Alzhar»,
la plus prestigieuse université
islamique au Monde.
À lire la liste des hôtes de marque
de l’Europe, la « guerre contre le
terrorisme » paraît risible ; indice de
la duplicité de la diplomatie
occidentale tant vis-à-vis de l’opinion
occidentale que vis à-vis du Monde
arabe. Parmi les célèbres réfugiés
politiques figuraient :
- Aymane Al-Zawahiri,
le successeur d’Oussama Ben Laden à
la tête d’Al Qaida. A l’époque, il
exerçait les fonctions de «
Commandeur des groupements
islamistes en Europe » et résidait
en Suisse.
- Talaat Fouad Kassem,
porte-parole de mouvements
islamistes en Europe, bénéficiaire
de l’asile politique au Danemark.
Condamné à 7 ans de prison au moment
de l’assassinat de Sadate, il a été
le premier à rejoindre les rangs des
combattants islamistes afghans où il
s’est distingué au sein des
escadrons de la mort dans des
opérations de guérilla
anti-soviétique.
- Mohamad Chawki Al-Islambouli,
frère du meurtrier de Sadate, Khaled
Al-Islambouli. Innocenté lors du
procès de l’assassinat de l’ancien
chef de l’État égyptien, il a rallié
les rangs des combattants
anti-israéliens au sud-Liban avant
de se rendre à Peshawar. Résidant à
Kaboul, Chawi Al-Islambouli a été
condamné par contumace dans le
procès des « égypto-afghans ».
Le djihadisme
planétaire : Al Qaida / Da’ech
Chess Freeman, ambassadeur des
États-Unis en Arabie saoudite, dans la
décennie 1980, l’admettra sans ambages :
il importait de détourner la jeunesse
saoudienne du combat pour la libération
de la Palestine et le déporter vers
l’Afghanistan, à 5.000 km du champ de
bataille, sous couvert de guerre contre
l’athéisme marxiste.
Le Djihad a pris une dimension
planétaire conforme à la dimension d‘une
économie mondialisée par substitution
des pétromonarchies aux caïds de la
drogue dans le financement de la contre
révolution mondiale. Dans la décennie
1990-2000, comme dans la décennie 2010
pour contrer le printemps arabe.
Si la Guerre du Vietnam (1955-1975),
la contre-révolution en Amérique latine,
notamment la répression anti castriste,
de même que la guerre anti soviétique
d’Afghanistan (1980-1989) ont pu être
largement financées par le trafic de
drogue, l’irruption des islamistes sur
la scène politique algérienne signera la
première concrétisation du financement
pétro monarchique de la contestation
populaire de grande ampleur dans les
pays arabes.
Symbole de la coopération saoudo
américaine dans la sphère arabo
musulmane à l’apogée de la guerre froide
soviéto-américaine, le mouvement
d’Oussama Ben Laden avait vocation à une
dimension planétaire, à l’échelle de
l’Islam, à la mesure des capacités
financières du Royaume d’Arabie. Avec
pour conséquence, le dévoiement de la
cause arabe, particulièrement la
question palestinienne, vers des combats
périphériques (guerre d’Afghanistan,
guerre des contras du Nicaragua contre
les sandinistes), à des milliers de km
de la Palestine.
Dommage collatéral de ce rapports de
puissance, l’Algérie en paiera le prix
en ce que ce pays révolutionnaire, allié
de l’Iran et de la Syrie, le noyau
central du front de refus arabe,
évoluait en électron libre de la
diplomatie arabe du fait de la
neutralisation de l’Égypte par son
traité de paix avec Israël et la
fixation de la Syrie dans la guerre du
Liban.
Oussama Ben Laden, le fondateur d’Al
Qaida, la matrice des groupements
djihadistes takfiristes, était au départ
un officier sous-traitant de Turki Ben
Faysal, à l’époque chef des services de
renseignements saoudiens, sous la
tutelle des Américains, en tandem avec
Hamid Gul, le chef des services de
renseignements pakistanais.
Da’ech, le fruit de la copulation
ancillaire des officiers irakiens
bassistes éradiqué par l’administration
occupante américaine de l’Irak et des
arabes afghans repliés vers l’Irak. Une
alliance scellée sous l’égide de Bandar
Ben Sultan, l’enfant chéri de
l’administration américaine et
beau-frère de Turki Ben Faysal dont il
épousa la sœur.
De l’analyse de ces deux
excroissances, il en découle que le clan
Sideriy en Arabie saoudite, l’allié
privilégié des États Unis,
particulièrement la descendance Faysal,
porte ainsi une lourde responsabilité
dans la prolifération du djihadisme
erratique.
Pour le clan Sideiry, un tel
phénomène présentait un double avantage
en ce qu’il constituait une
manifestation de la pureté doctrinale du
wahhabisme, en même temps qu’il
représentait l’unique force en mesure de
faire front, avec efficacité, aux
ennemis du royaume.
En dépit des bienfaits de ce
phénomène, la dynastie saoudienne a
constamment redouté, toutefois, que le
djihadisme ne s’importe à l’intérieur du
Royaume. Une perspective vécue comme une
crainte muette ; un cauchemar par la
dynastie wahhabite qui explique leur
volonté d’enterrer le « printemps arabe
» de Damas, en exportant l’emballement
de la jeunesse saoudienne vers la Syrie,
l’Irak et le Yémen.
La séquence Bandar-Salmane Ben
Sultan, durant laquelle les deux frères
avaient en charge le dossier syrien
révèle clairement l’entente entre
l’Arabie saoudite et le Qatar visant à
soutenir les groupements djihadistes
tant pour combattre le « régime
nousseyriste de Damas » que « le régime
renégat d’Irak », mettant à la
disposition des groupements de grandes
facilités militaires et financières.
Le PC conjoint aménagé à Attahi, en
Turquie, comprenait certes des officiers
turcs et occidentaux mais aussi des
officiers des pétromonarchies. Sous sa
supervision, le meilleur armement était
acheminé vers les groupements islamistes
et non à l’« Armée Syrienne Libre-ASL ».
Nul ne peut désormais contester
l’implication des services de
renseignements de Turquie, du Qatar et
d’Arabie saoudite dans le financement
des groupements islamiques
Le discours
disjonctif occidental
L’Occident a exercé un Droit de
préemption sur la chrétienté
particulièrement la religion catholique,
quand bien même le christianisme est
natif d’Orient. Au point de s’identifier
résolument à lui sous le terme générique
d’« Occident Chrétien ».
Alors que près de 25 millions
d’arabes chrétiens sont dénombrés, tant
dans le Monde arabe qu’au sein de la
diaspora, il est difficile pour un arabe
de s’affirmer chrétien, de surcroît
patriote, autrement que dans le sillage
occidental. Sous peine de
criminalisation.
Georges Ibrahim Abdallah, en prison
au-delà du délai carcéral réglementaire,
Mgr Hilarion Capucci, Archevêque
Grec-Catholique de Jérusalem, incarcéré
par les autorités israéliennes pour son
soutien à la cause palestinienne, en ont
payé le prix.
De même, le Général Michel Aoun, Chef
du Courant Patriotique Libanais, la
principale formation chrétienne
libanaise et partenaire du Hezbollah,
artisan de l’indépendance du Liban
moderne, est voué aux gémonies quand son
rival, Samir Geagea, l’un des plus
grands criminels de la guerre du Liban,
mais allié d’Israël, est porté aux nues.
Il en est de même de l’alliance
contre-nature scellée entre les «
grandes démocraties occidentales » avec
les pétromonarchies les plus
obscurantistes de la planète au nom de
la « Carbon Democracy », c’est à dire la
sécurisation du ravitaillement
énergétique pour les sociétés
industrialisées, en les préférant à
d’authentiques patriotes de Mohamad
Mossadegh Iran 1953), à Gamal Abdel
Nasser (Égypte 1956).
Récidiviste, la coalition
islamo-atlantiste en fera l’amère
expérience en promouvant ses supplétifs
comme chef de file de l’opposition
off-shore, au détriment d’authentiques
patriotes, tant en Libye qu’en Syrie
expliquant ses déboires dans ces deux
pays.
Un discours disjonctif est un
discours frappé du sceau de la duplicité
en ce qu’il prône la promotion des
valeurs universelles pour la protection
d’intérêts matériels ; un discours en
apparence universel mais à tonalité
morale variable, adaptable en fonction
des intérêts particuliers des États et
des dirigeants.
Ainsi Laurent Fabius donnera quitus à
Jabhat An Nosra estimant que cette
filiale d’Al Qaida, « fait du bon boulot
en Syrie », alors qu’elle est
commanditaire de la tuerie de Charlie
Hebdo, en janvier 2015 et l’artisan de
l’enlèvement de quatre journalistes
français en Syrie.
Nonobstant ce fait, la France prêtera
main forte aux pétromonarchies dans leur
guerre contre le Yémen, favorisant, par
contrecoup, la mainmise d’Al Qaida sur
le Hadramaout, qui contrôle le Détroit
de Bab el Mandeb, depuis le sud Yémen,
alors que son propre premier ministre
Manuel Valls, évoque une « guerre de
civilisations ». Ah les tortuosités de
la rationalité cartésienne.
La politique occidentale en direction
du Moyen orient a généré une virulente
islamophobie doublée d’une arabophobie
provoquant un épouvantable et dramatique
chassé-croisé : 10 000 djihadistes
d’Europe ont rallié les groupements
djihadistes pour des combats en Syrie et
en Irak, alors que, parallèlement plus
d’un million de Syriens et d’Irakiens
ont cherché à gagner l’Europe pour y
trouver refuge.
L’histoire retiendra que les «
grandes démocraties occidentales », par
leur alliance avec les forces les plus
obscurantistes de la planète, par
l’instrumentalisation de l’Islam à des
fins politiques, auront nourri la forme
la plus pernicieuse de la « dialectique
du maître et de l’esclave » en ce que
les maîtres occidentaux sont devenus les
mercenaires de leurs propres esclaves.
Ah les surprises de la « Carbon
Democracy ».
Pour leur malheur et la douleur de
leurs peuples. Pour le malheur des
peuples arabes et de l’ensemble de
l’humanité. Une histoire de fou.
Références
1- Espace de communion et d’exclusion
: Le juif se revendique comme « le
peuple élu », le musulman se vit comme
appartenant à « khairou oummaten
ounjibat lil nass – la meilleure nation
offerte au Monde » et le catholique
appartient à « l’église apostolique
universelle ». Le juif se retrouve à la
Knesseth, l’assemblée des clercs, le
musulman dans « Al Jameh » (le
rassembleur)» et le catholique dans
l’Église- Eklesia assemblée des fidèles.
Ceux se trouvant au sein de l’enceinte
sont dans un état de communion, à
l’extérieur soit des infidèles ou des
renégats et en état d’ex-communion.
2- Pour aller plus loin : « Il est
temps de l’admettre. La politique
intérieure d’Israël est l’apartheid ».
Par par Bradley Burton, paru dans
Haaretz, le 18 août 2015.
http://www.ujfp.org/spip.php?article4351
À propos de l’extrémisme religieux en
Asie et en Afrique, cf.
http://www.madaniya.info/2015/09/16/l-extremisme-religieux-en-asie-et-en-afrique/
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Reçu de René Naba pour publication
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