MADANIYA
Algérie : Le coup d’état pacifique 1/2
Loukmane Khitter
Vendredi 5 juillet 2019
L’Algérie célèbre le 5 juillet 2019 le
57 ème anniversaire de son indépendance,
à l’arrière plan d’un soulèvement
populaire pacifique de grande ampleur
commencé il y a six mois en Février
dernier.
https://www.madaniya.info/ soumet à
cette occasion à ses lecteurs et aux
sites partenaires un dossier en deux
volets intitulé le premier «Algérie: un
coup d’état pacifique; le second:
«l’état de droit, la faillite
algérienne», une étude d’un psychologue
algérien Loukmane Khitter, qui a forgé
en la circonstance un néologisme, «le
coup d’état pacifique», sa contribution
à la science politique contemporaine.
Algérie: Le coup
d’état pacifique 1/2
Par Loukmane
KHITER, pychologue-clinicien (Aix en
Provence), chargé de l’insertion
juridique des jeunes réfugiés mineurs du
Département des Bouches du Rhône.
Ce qui se passe en
Algérie depuis le 22 février 2019 peut
se comprendre dans la répétition
discontinue des révoltes populaires face
à la tyrannie chronique des dominants au
pouvoir qu’ils soient nationaux,
coloniaux, militaires, civils ou
religieux.
Un tel désordre
créatif, artistique et culturel dans sa
forme est éminemment politique. Un coup
d’état pacifique. Cette innovation
sociale nous confronte à une profonde
mutation de la société algérienne face à
la stratégie de neutralisation et
d’annihilation du mouvement populaire.
Le pouvoir en place dispose de tous les
leviers susceptibles de réduire au
silence les revendications d’un peuple
depuis très longtemps banni de la
citoyenneté et de l’exercice
démocratique.
Les revendications
manifestes d’émancipation, de liberté et
de démocratie sont du côté du peuple. Le
côté obscur, non dévoilé, des enjeux de
pouvoir entre les différentes factions,
les clans et leurs alliances de
circonstance, sont du côté du pouvoir.
L’ordre existant, dont le seul objectif
est de perdurer pour maintenir ses
privilèges au détriment de la masse,
fait de la résistance.
A défaut d’un
compromis, il sera contraint d’activer,
en rappel des années 90, ses
sous-traitants, les janissaires de
l’Algérie post-indépendance, tous issus
du carnage de l’éducation nationale, de
l’obscur objet du désir religieux, de la
systémie de la corruption, de l’impunité
et de l’incurie d’une administration
vouée aux ordres.
Le «Hirak»
appartient déjà à l’histoire de
l’Algérie, des Algériens et des
Algériennes qu’il débouche ou non sur la
revendication suprême du mouvement, le
changement du système.
Le changement,
c’est à dire la rupture avec les passés
récents de l’histoire contemporaine
depuis la colonisation française et
jusqu’à l’emprise de l’armée des
frontières, au lendemain de
l’indépendance en 1962 jusqu’à nos
jours; de l’exercice politique,
idéologique et religieux pour faire main
basse sur tout un pays, y compris son
peuple, en prorogeant le statut de
l’indigénat sous couvert de légitimité
révolutionnaire, historique et
religieuse.
Ni l’algérien ni
l’algérienne ne sont considérés comme
des citoyens à part entière. Ils doivent
se soumettre aux diktats du parti unique
et de ses dérivés. Une escroquerie
politique encore souveraine dans les
pratiques comme dans les esprits.
Les multiples
facettes d’une combinaison vicieuse
davantage qu’erronée du FLN (post-indépendance)-
Front de Libéraiton naitonal, au RND,
(Rassemblement National Démocratique),
du FIS (Front Islamique du Salut) au
MSP, (Mouvement de la société pour la
paix, anciennement Mouvement de la
société islamique) (1) et les multiples
du même à l’identique sous couvert
d’étiquettes folkloriques sur la route
de l’infamie civilisationnelle, une
réplique aux traumatismes de la
colonisation plurielle, sur plusieurs
siècles, jusqu’à l’indigestion et le
vomissement de toutes les tares
symboliques, culturelles, historiques et
religieuses.
Que reste t-il
de l’algérien fier, authentique et
indépendant ?
Quelques séquelles
irréductibles, qui surgissent des
entrailles de cette Algérie plusieurs
fois millénaires. Lui, l’algérien, que
toutes les colonisations confondues ont
rêvé d’effacer de sa terre et de sa
pensée.
La rupture, c’est
son ADN, le désordre, son pouvoir, la
révolte, son combat contre l’oppression
des impuissants, des incompétents, des
escrocs, des corrompus, des
falsificateurs, des charlatans, des
faussaires et des trafiquants. A croire,
qu’ils se sont tous donnés rendez-vous
en Algérie mais sûrement pas pour le
bien commun, de ce qui peut nous
rassembler et nous aider à vivre
ensemble.
Le «Hirak», une
révolte, que dis-je, une révolution,
contre la tyrannie, l’injustice et la
décadence d’un pouvoir aux abois. Il
faut être un artiste pour gouverner
l’Algérie. Les imposteurs, les
intégristes et les terroristes ne sont
pas la bienvenue dans le pays du rêve,
de la bravoure et de l’honneur. Des
frontières à l’intérieur, la fulgurance
du peuple est toujours la même, un seul
mot d’ordre, l’insurrection permanente.
L’algérien, l’homme du terroir, connaît
le sens de l’histoire, celle qui le
propulse bien au-delà des idéologies et
des croyances importées d’où qu’elles
viennent.
C’est un homme
libre par essence comme par définition,
un amazigh. Le «Hirak», c’est sa
création, une irruption par effraction,
un règlement de compte pacifique et
civilisé à l’intérieur du pays, une
modeste contribution à l’histoire
contemporaine de l’humanité.
La réconciliation
nationale, ce n’était pas avec les
terroristes mais avec l’histoire
tumultueuse d’un peuple brave et
courageux que le monde entier découvre
dans sa plénitude, sa fécondité, sa
maturité et sa créativité.
Pour aller plus
loin sur l’Algérie
Algérie : Abdel Aziz Bouteflika, un
condensé de l’histoire post coloniale
Une Algérie dans une ambiance délétère,
face à un Maroc en état d’apopléxie
Notes
FLN: Front de
Libération National: Créé en octobre
1954 pour mener la guerre d’independance,
cne contre la France, le FLN et sa
branche armée, l’Armée de libération
nationale, armée, (ALN), engagent la
lutte contre l’empire colonial français.
A l’indépendance, en 1962, le FLN prend
ainsi le pouvoir, et s’en assure
l’exclusivité en instaurant le système
de parti unique.
RND: Le
Rassemblement national démocratique est
un parti politique algérien, fondé en
1997. Traditionnellement allié au FLN,
il compte un nombre significatif de
parlementaires et voit l’un de ses
fondateurs, Abdelkader Bensalah, devenir
chef de l’État par intérim en 2019.
FIS: Le Front
islamique du salut est une formation
politique algérienne militant pour la
création d’un État islamique. Fondée en
février 1989, elle est dissoute en mars
1992 par le tribunal administratif d’Algerie.
Ses responsables successifs ont été
Abbassi Madani et Ali Belhadji
MSP: Le Mouvement
de la société pour la paix, anciennement
Mouvement de la société islamique, est
un parti politique algérien islamiste
créé le 6 décembre 1990 par Mahfoud
Nahnah, qui fut son chef jusqu’à son
décès en 2003. Ses successeurs sont
Aboudjerra Soltani et Abderrazak Makri.
Illustration
Une manifestation à
Alger, vendredi 8 mars 2019. (RYAD
KRAMDI / AFP)
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