Madaniya
Yémen / Arabie Saoudite :
Arabie saoudite versus Houthistes 2/2
René Naba
Lundi 4 mai 2015
Les enjeux
énergétiques : le Détroit dOrmuz
Veine jugulaire du
système énergétique mondial, le golfe
arabo persique constitue, de l’avis de
nombreux observateurs, un possible point
d’impact dérivé de la confrontation
entre l’Iran et l’Arabie saoudite du
fait de la guerre du Yémen.
Un des principaux
ravitailleurs du système énergétique
mondial, le golfe arabo-persique sert en
même temps de gigantesque base militaire
flottante de l’armée américaine, qui s’y
ravitaille à profusion, à domicile, à
des prix défiants toute concurrence,
auprès de ses protégés pétromonarchies.
Tous, à des degrés divers, y paient leur
tribut, accordant sans états d’âme, des
facilités à leur protecteur. La zone
est, en effet, couverte d’un réseau de
bases aéronavales anglo-saxonnes et
françaises, le plus dense du monde
Voie d’eau d’un
millier de km de long et dont la largeur
avoisine 50 km dans sa partie la plus
resserrée, le Golfe est une zone de
jonction entre le Monde arabe et le
Monde perse, entre le sunnisme et le
chiisme, les deux grands rameaux de
l’Islam. Elle borde l’Iran, qui se veut
le fer de lance de la Révolution
islamique, l’Irak, qui s’est longtemps
présenté comme la sentinelle avancée du
flanc oriental du Monde arabe, ainsi que
six monarchies pétrolières de
constitution récente, faiblement
peuplées et vulnérables, mais dont la
production de brut vient au premier rang
du monde.
C’est aussi une zone intermédiaire entre
l’Europe, dont elle est le premier
fournisseur de pétrole, et, l’Asie, qui
seraient les premières touchées par une
éventuelle interruption du trafic
maritime. Le Golfe soutient, enfin,
selon les stratèges occidentaux, le
fameux « arc de l’islam » de la
confrontation dans le tiers-monde, qui
va de l’Afghanistan à l’Angola en
passant par la Corne de l’Afrique.
La plus forte
armada de l’après Vietnam y était
concentrée durant la guerre irako
iranienne (1979-1989). Pas moins de 70
navires, avec au total 30.000 hommes,
appartenant aux flottes de guerre
américaine, soviétique, française et
britannique croisaient dans les eaux du
Golfe, le détroit d’Ormuz, la Mer
d’Arabie et le nord de l’Océan indien. A
cette armada s’ajoutaient les flottes
consacrées à la défense côtière des pays
de la région.
Lors de l’extension du conflit
irako-iranien, à la suite de la décision
de l’Irak de décréter une « zone
d’exclusion maritime », 540 bâtiments
(pétroliers, cargos) ont été coulés ou
endommagés -soit près double du tonnage
coulé pendant la 2me Guerre mondiale
(1939-1945), transformant cette voie
d’eau en un gigantesque cimetière marin.
Une fermeture
totale du Détroit d’Ormuz, par où
transitent 90 pour cent du pétrole
produit par le Golfe, priverait
l’Occident du quart de sa consommation
quotidienne d’énergie.
Vingt
mille navires empruntent cette autoroute
maritime chaque année,
transportant le tiers du ravitaillement
énergétique
de l’Europe. La flotte américaine a
installé à Manama (Bahreïn) le quartier
général de la Vème flotte, en charge de
l’Océan Indien. Elle dispose en outre de
facilités à l’île de Massirah (Sultanat
d’Oman), ainsi que sur la rive africaine
de l’Océan indien, à Berbera (Somalie),
à Mombasa (Kenya) et dans l’île
britannique de Diégo Garcia.
Le Monde arabe regroupe trois des
principales voies de navigation
transocéaniques, mais n’en contrôle
aucune. Le détroit de Gibraltar, qui
assure la jonction entre l’Océan
Atlantique et la Mer Méditerranée, est
sous observation de la base anglaise
située sur le promontoire de Gibraltar,
une enclave située sur le territoire de
l’Espagne. La jonction Méditerranée-Mer
Rouge est sous le contrôle des bases
anglaises situées aux deux extrémités du
Canal de Suez (les bases de Dekhélia et
d’Akrotiri (Chypre) et la base de
Massirah (Sultanat d’Oman).
Enfin, le passage
golfe arabo persique Océan indien est
sous l’étroit contrôle du chapelet de
bases de l’Otan : le camp
franco-américain de Djibouti, la base
aéronavale française d’Abou Dhabi, le QG
du Centcom du Qatar, et la base
aéronavale américaine de Diego Garcia.
En vertu du principe de la liberté de
navigation, la totalité des voies de
passage transocéaniques, à l’exception
du Détroit de Behring, sont sous
contrôle de l’Occident. Du Détroit de
Gibraltar au Détroit du Bosphore, au
Détroit des Dardanelles, au Détroit de
Malacca, au détroit d’Ormuz.
Si la Chine a réussi à contourner ce
goulot d’étranglement en développant sa
« stratégie du collier de perles » par
l’aménagement d’un chapelet de ports
amis le long des ses voies de
ravitaillement, du Sri Lanka à l’Afrique
orientale, à l’Europe avec la zone
franche du Pirée, de même que la Russie
avec Tartous et Banias, sur la côte
syrienne de la Méditerranée, cela n’a
pas été le cas pour le monde arabe.
Au-delà de la mise
au pas de ces deux pays récalcitrants à
l’hégémonie occidentale, la double
épreuve de force contre la Syrie et
l’Iran sous-tend, en complément, une
opération de contournement du détroit
d’Ormuz par substitution de la voie
terrestre à la voie maritime du
transport des hydrocarbures du Golfe
vers l’Europe, via les ports
méditerranéens de la Turquie, à travers
le projet TAP, l’oléoduc trans-anatolien
chargé d’acheminer vers l’Europe la
production de brut des pétromonarchies
et de l’Irak. Le développement de la
capacité de l’oléoduc de l‘ancienne IPC
(Irak Petroleum Cy) des champs
pétroliers du nord de l’Irak vers le
terminal syrien de Banias figure
également dans les projets des
pétroliers, en cas de chute du régime
syrien, réduisant ainsi la trop grande
dépendance de l’Europe occidentale
vis-à-vis des hydrocarbures de l’Algérie
et de la Russie, deux pays hors de la
sphère de l’Alliance Atlantique.
Un impératif au
regard de l’évolution du trafic maritime
mondial : sur les vingt plus grands
ports porte-conteneurs du Monde, treize
se trouvent en Asie, un continent qui
assurera, en l’an 2020, plus de la
moitié des productions mondiales. Dans
la perspective d’une épreuve de force,
les États-Unis ont aménage une base de
drones en Arabie saoudite et parachevé
un nouveau système radar au Qatar en
complément de ceux déjà installés en
Israël et en Turquie pour former un
vaste arc régional de défense
antimissile, alors qu’Abou Dhabi
confiait la protection de ses champs
pétrolifères à une firme israélienne
dirigée par l’ancien député de gauche
Yossi Sarid et l’Arabie saoudite, le
contrôle passager de l’aéroport de
Djeddah, voie d’entrée des centaines de
milliers de pèlerins vers la Mecque, à
un sous traitant saoudien d’une firme
israélienne chargée du traitement des
prisonniers palestiniens des territoires
occupés.
Sur le plan régional
: Sous prétexte du danger d’un axe
chiite, une démonstration de force du
pacte sunnite de la contre-révolution
arabe
Paris- La nouvelle
guerre du Yémen a éclaté en 2004 à la
suite de la capture des principaux chefs
houthistes et la mort au combat de leur
chef, Hussein Al Houthi, tué en
septembre de cette année là par un
missile au cours d‘une opération
clandestine de la CIA en représailles
contre l’attentat contre le destroyer
Cole. Hussein, figure de proue du
mouvement, a été remplacé depuis lors
par son frère Abdul Malik.
À la tête du pays
depuis trente deux ans (1978), le
président Ali Abdallah Saleh avait alors
accusé ses rebelles de vouloir renverser
son régime pour rétablir l’imamat
zayidite, aboli en 1962 à Sanaa, et
d’être manipulés par l’Iran. Les
Houthistes, quant à eux, se plaignent
d’avoir été marginalisés par le
gouvernement sur le plan politique,
économique et religieux, et demandent le
rétablissement du statut d’autonomie
dont ils bénéficiaient avant 1962. Ils
assuraient défendre une identité menacée
selon eux à la fois par la politique du
pouvoir central, qui maintiendrait leur
région dans le sous-développement, et
par la poussée d’un fondamentalisme
sunnite à l’égard duquel Sanaa
entretient souvent l’ambiguïté.
Issus du courant
religieux chiite zayidite, les
Houthistes habitent sur les hauts
plateaux yéménites et notamment la
province de Saada (Nord du pays) et
présentent de nombreuses différences au
niveau du dogme par rapport aux chiites
duodécimains iraniens. Ils représentent
30 pour cent environ des 22,2 millions
de Yéménites qui sont en majorité
sunnites. De plus, ils partagent de
nombreuses interprétations religieuses
avec la majorité sunnite chaféite. Les
houthistes dénient toute
instrumentalisation de leur cause par
une puissance étrangère et insistent au
contraire sur l’aide que le royaume
saoudien apporterait au président.
Minoritaires,
certes, les opposants bénéficient
néanmoins du soutien d’une fraction de
l’armée yéménite fidèle à l’ancien
président Ali Abdallah Saleh, chassé du
pouvoir en 2012 et d’un encadrement
logistique et militaire des « Gardiens
de la Révolution » iranienne.
Mais au-delà du
conflit inter tribal, les Yéménites
nourrissent de solides griefs à l’égard
de l’Arabie saoudite à laquelle ils
reprochent, au delà du contentieux
territorial, d’avoir longtemps entretenu
l’instabilité dans le pays en alimentant
directement le budget de la défense,
contournant ainsi le pouvoir d’état au
bénéfice alternatif des deux principales
confédérations tribales : les Beni
Hached et les Bakil. Cheikh Abdallah
Hussein Al Ahmar, homme fort de la tribu
des Hached, dirigeant du parti d’Al
Islah (la réforme) et Président du
Parlement yéménite, passe pour
bénéficier des subsides saoudiens dans
la nouvelle confrontation. Le parti
Islah, à l’instar du Hamas Palestinien,
a cédé à son clientélisme habituel,
cautionnant cette intervention sur la
même base sectaire que la Confrérie des
Frères Musulmans, pourtant criminalisés
par le royaume.
Empruntant un mode
opératoire identique à la répression du
Bahreïn (1), l’équipée collégiale du
pacte sunnite dans une guerre
disproportionnée contre le pays le plus
pauvre du Monde arabe signe la faiblesse
du régime saoudienne et sa crainte d’une
nouvelle déconfiture militaire
comparable à sa précédente aventure au
Yémen en 2009. « Pour un royaume habitué
au « soft power » et qui a longtemps
sous-traité sa sécurité aux États-Unis,
ce qui ressemble au départ à une
escarmouche se transforme très vite en
épreuve. Elle est suivie de très près
par les Américains, appelés à la
rescousse pour ravitailler l’armée
saoudienne. » Il s’agit de l’engagement
le plus significatif depuis qu’Abdel
Aziz a combattu pour établir le royaume
saoudien », il y a plus d’un siècle,
écrit en décembre l’ambassade américaine
à Riyad, selon un télégramme obtenu par
WikiLeaks et révélé par Le Monde.
Mais le bilan
dressé par les Américains des
bombardements saoudiens jugés «
disproportionnés », aussi massifs
qu’imprécis dans un théâtre d’opération
montagneux, est particulièrement sévère,
même si au final les Saoudiens assurent
avoir repoussé les rebelles. Au point
que lors d’une rencontre avec le
vice-ministre saoudien de la défense qui
a dirigé les opérations, le prince
Khaled Ben Sultan, quelques semaines
plus tard, l’ambassadeur américain
s’inquiète du bon usage fait par
l’aviation saoudienne des images prises
par satellite transmises par les
États-Unis. L’ambassadeur présente au
prince la photo d’un bâtiment bombardé
qui, selon les États-Unis, est un
hôpital. « Cela me dit quelque chose »,
remarque le prince, avant d’ajouter : «
Si nous avions eu des Predator,
peut-être que nous n’aurions pas eu ce
genre de problème.» Et le prince de
mettre en cause la qualité des
informations données par les Yéménites,
relate Gilles Paris dans le Journal le
Monde en date du 7 Décembre 2012 dans un
article intitulé « WikiLeaks : les
ombres d’une campagne saoudienne ».
Dans la nouvelle
expédition du Yémen, l’Arabie saoudite
dispose de Predator et d’un PC conjoint
avec les Américains sans pour autant
qu’il soit assuré de l’issue de la
bataille. Un mois après le début de
l’offensive saoudienne, alors que la
bataille marque le pas, les Américains
ont fait appareiller vers le Golfe
d’Aden le porte-avions Theodore
Roosevelt et le croiseur lance-missiles
Normandy en vue d’épauler leurs alliés
monarchiques
Démonstration de
force ou combat d’arrière garde du pacte
sunnite ?
Le vent de panique
qui s’est emparé de l’Arabie saoudite
aux premiers soulèvements populaires
arabes, en Tunisie et en Égypte, a
déclenché un branle bas de combat sans
précédent dans la péninsule arabique,
avec le rattachement d’office de la
Jordanie et du Maroc au syndicat des
pétromonarchies du Golfe et l’opération
de police à Bahreïn. Une opération sans
risque face une opposition civile
désarmée, dans un pays qui abrite la
base navale de la 5eme flotte américaine
pour la zone Golfe Océan indien.
L’équipée du Yémen
relève toutefois d’un autre registre.
Première guerre frontale du Royaume
depuis sa fondation en 1929, elle
traduit une rupture avec la stratégie
oblique pratiquée par les wahhabites
dans leur confrontation avec leurs
rivaux depuis la fondation du Royaume.
Que cela soit au
Yémen, dans la décennie 1960 contre les
républicains nassériens, ou en
Afghanistan, dans la décennie 1980,
contre l’Union Soviétique, via les «
arabes afghans », ou encore contre
l’Iran Khomeiniste, dans la décennie
1980, via l’irakien Saddam Hussein, un
dirigeant qui se réclamait pourtant
d’une idéologie nationaliste et laïque,
qui se muera en factotum de monarques
rétrogrades et tribaux et en paiera le
prix en termes d’ingratitude ; ou enfin
en Syrie (2011-2015), via les
djihadistes takfiristes du prince Bandar
Ben Sultan.
La coalition anti
Yémen, un assemblage hétéroclite
d’obligés du Royaume
Sans doute l’effet
du hasard, qui n’en est pas moins
révélateur, l’annonce du décès du Roi
Abdallah le 23 janvier 2015 est
intervenue, alors que le Yémen plongeait
dans le chaos à la suite de la démission
collective du président yéménite Abd
Rabbo Mansour Hadi de son gouvernement,
sous les coups de butoir de la milice
chiite Ansar Allah et que Riyad se
hâtait de dresser un mur de 900
kilomètres à sa frontière avec l’Irak
pour se protéger d’une invasion par les
djihadistes de l’état islamique
autoproclamé.
L’objectif officiel
de la guerre est de rétablir la légalité
au Yémen avec le retour du président Abd
Rabbo Hadi Mansour. Son objectif
sous-jacent : la partition du Yémen et
l’aménagement d’une zone de sécurité
pour y installer un gouvernement
fantoche à la dévotion des princes
d’Arabie en vue d’y mener une guerre
d’usure contre leurs adversaires. Mais
la coalition mise sur pied pour châtier
le Yémen représente un assemblage
hétéroclite d’obligés du Royaume, ayant
tous participé dans leur quasi totalité
à la contre révolution lors de la
séquence dite du « printemps arabe »
(Arabie, Bahreïn, Émirats Arabes Unis,
Koweït, Qatar, Jordanie, Maroc).
Cette « tempête
décisive », impressionnante par son
déploiement, représente 150 000
militaires et 100 avions de combat, avec
une contribution de onze pays : Les
Émirats arabes unis 30 avions de combat
; Bahreïn et Koweït 15 appareils chacun
et le Qatar 10.
Jadis rivale sur le
plan arabe de l’Arabie saoudite et
rescapé du néo islamisme de la confrérie
des Frères Musulmans avec l’aide
saoudienne, l’Égypte est réduite de ce
fait au rang d’escorteur. Elle a dépêché
quatre navires de guerre pour sécuriser
le Golfe d’Aden et le Détroit de Bab El
Mandeb (le Détroit des Lamentations) et
participé à des manœuvres conjointes
égypto-saoudiennes sur le territoire
saoudien en vue de donner de l’assurance
et de la contenance aux saoudiens.
Le Soudan, dont le
président Omar Al-Bachir, sous le coup
d’un mandat de justice internationale
pour crime contre l’humanité au Darfour,
opère là un retour remarqué sur la scène
internationale, en consentant à l’envoi
de « chair à canon » pour la défense du
meilleur allié de ses bourreaux
occidentaux. Ferment le ban, la Jordanie
et le Maroc, les deux alliés
stratégiques souterrains d’Israël dans
le Monde arabe, le Hachémite au Machreq
et l’Alaouite au Maghreb.
Le Pakistan,
longtemps chargé de la défense de
l’espace aérien saoudien, traîne les
pieds dans une opération qu’il présume
sans doute aléatoire. Le sultanat
d’Oman, lieu des rencontres secrètes
entre les États Unis et l’Iran, s’est
abstenu de participer à cette expédition
punitive, lancée le 25 mars 2015, en vue
de préempter les décisions du sommet
arabe à Charm El Cheikh (Égypte) qui
devait se tenir le lendemain, en le
plaçant devant le fait accompli, alors
que l’Iran finalisait un accord
international sur l’usage de sa capacité
technologique nucléaire.
La participation du
Qatar à cette équipée pose le problème
des arrières pensées du rival wahhabite
en ce que bon nombre d’observateurs
arabes n’excluent pas l’idée que le
minuscule émirat n’ait voulu créer les
conditions d’un enlisement saoudien dans
le conflit yéménite à l’effet de donner
à Doha une plus grande marge manœuvre
diplomatique sur le plan régional. Dans
cette perspective la participation du
Qatar l’expédition punitive collective
monarchique s’apparente fort à un «
baiser de judas ».
Le refus de la
Turquie et du Pakistan, deux grandes
puissances militaires sunnites, de
participer à la foire d’empoigne
saoudienne a retenti comme un camouflet
majeur pour la cohorte des roitelets du
Golfe.
Cinquante mille
(50.000) « arabes afghans » contre
l’Union soviétique en Afghanistan et
150.000 soldats contre le Yémen et pas
une mobilisation contre Da’ech, leur
excroissance générative. Pas un
réserviste pour La Mosquée Al Aqsa de
Jérusalem, 3me haut lieu de l’Islam,
occupé depuis 48 ans par Israël et dont
le gardien des hauts lieux de l’Islam en
a théoriquement la garde en partage avec
le hachémite de Jordanie ?
Sous couvert du
combat contre l’expansionnisme de «
l’axe chiite », l’objectif subliminal de
cette guerre du bloc sunnite paraît
destinée à entraver tout rapprochement
des pays occidentaux avec l’Iran, chef
de file du courant chiite et de l’axe de
la contestation à l’hégémonie
israélo-américaine dans la zone, avec de
solides points d’ancrage en Irak, du
fait saoudo-américain, en Syrie, au
Liban, via le Hezbollah enfin au Yémen.
Dans une démonstration de force destinée
à témoigner de sa détermination à mettre
en échec les armes saoudiennes, l’Iran a
dépêché une demie douzaine de
patrouilleurs, forçant les États-Unis à
faire pression sur son allié saoudien
pour un arrêt des raids aériens.
L’échec de l’Arabie
saoudite dans sa première épreuve de
force directe sur la scène
internationale ferait voler en éclat
dispositif arachnéen de la stratégie
énergétique façonnée par les États Unis
depuis la découverte du pétrole au début
du XX me siècle, nonobstant les lourdes
conséquences sur la structure du régime
du pouvoir saoudien. Et, corrélativement
à l’issue de la guerre de Syrie,
l’expédition du Yémen déterminera, sans
nul doute, la hiérarchie des puissances
dans l’ordre régional.
Salmane aux forces
armées : « Que Dieu ait en sa sainte
miséricorde les Juifs. Je m’appelle
Kamal (la plénitude ou la perfection)
Dans ce combat
décisif, déterminant pour l’avenir du
royaume, Le roi Salmane a mobilisé la
religion. Devant un parterre d’officiers
supérieurs réunis au palais royal, à la
veille de l’offensive saoudienne, le Roi
Salmane a assuré ses gradés que son
armée avait engagé le combat pour
défendre en premier lieu « l’Islam et le
pays abritant les deux saintes mosquées
de l’islam (La Mecque et Médine) ».
Voulant dans doute
donner des gages aux Israéliens et aux
Américains et faire taire éventuellement
les critiques sur ce qui constitue au
regard du droit international une «
agression caractérisée », le monarque
saoudien s’est exclamé, en un style
décousu, au débit saccadé, sans que ses
propos lapidaires n’aient un lien
quelconque avec la thématique de son
discours : « Que Dieu ait en sa sainte
miséricorde les Juifs (…).
« Je m’appelle
Kamal (terme qui se traduit par
plénitude ou perfection), a-t-il assuré,
précisant qu’il inscrivait son action
dans la fidélité à ses prédécesseurs :
Abdel Aziz, Saoud, Faysal, Khaled, Fahd,
Abdallah, de même que les deux princes
héritiers décédés prématurément Sultan
et Nayef »., soit la totalité du clan
Sideiry qui a gouverné le Royaume
pendant cinquante ans, si l’on excepte
les rois Abdel Aziz, Saoud et Abdallah.
Le discours sur ce
lien :
https://www.youtube.com/watch?v=S4y41nnO5fY&sns=em
« Le trouble et la
confusion constituent la marque de la
politique saoudienne au Yémen. Mohamad
Ben Nayef, ministre de l’intérieur, est
en charge du dossier, mais ignore ce
qu’il fait. Lui et les Américains ont
fermé l’œil sur les Houthistes pour
contrecarrer Al Qaida au Yémen. Il s’est
même impliqué avec eux », Dixit
Moujtahed.
L’équation
désormais est la suivante : Tout soutien
accordé par l’Arabie saoudite à une
quelconque tribu du Yémen signifie par
ricochet un soutien à Al Qaida, dont le
fondateur, ne l’oublions pas, est de
tout même d’origine yéménite, Oussama
Ben Laden. Toutes les tribus ont fait
alliance avec Al Qaida contre les
Houthistes». L’Irak est aussi une autre
sale affaire pour l’Arabie saoudite.
L’alliance du
gouvernement saoudien avec la coalition
anti Da’ech l’a placée en confrontation
directe avec Da’ech », soutient le
gazouilleur.
Ni les États-Unis,
la plus ancienne démocratie du Monde
contemporain, pas plus que le Royaume
Uni, le concepteur de l’« Habeas Corpus
», encore moins la France, la « Patrie
des droits de l’homme » n’ont jamais
émis la moindre critique sur le
comportement exorbitant de l’Arabie
saoudite, tant dans son rôle
d’incubateur du djihadisme planétaire,
que pour sa promotion de l’obscurantisme
dans la sphère musulmane, que pour son
usage inconsidéré de la décapitation en
guise de châtiment suprême, que sur la
réduction la gente féminine du royaume à
la condition de « dépendante ».
Sans illusion sur
les capacités militaires du royaume
qu’il pratiquent depuis soixante dix
ans, les États-Unis ont concédé un
viatique à l’allié saoudien par le vote
d’une résolution du Conseil de sécurité
sous le chapitre VII (Résolution 2216 du
14 avril 2015), davantage dictée par le
souci de compenser la décision russe
d’autoriser la livraison de missiles
S3000 à l’Iran que par la volonté de
neutraliser les houthistes dans leur
contestation de l’ordre wahhabite.
Se pose la question
de la pertinence d’une alliance des «
grandes démocraties du bloc atlantiste »
avec un pays parmi les plus répressifs
et les plus régressifs de la planète
pour l’établissement d’une « ceinture
verte » à dresser autour de la Chine et
la Russie pour contenir leur montée en
puissance. Ce filet de sécurité
pourra-t-il indéfiniment se tendre sans
rompre ? Sans porter gravement atteinte
à la crédibilité des « grandes
démocraties occidentales »? Sans que
celles ci ne se lassent finalement de ce
lourd fardeau et ne songent à emprunter
un schéma s’inspirant du précédent du
Chah d’Iran ?
(CF en additif le
manifeste d’un trentaine
d’universitaires américains déclarant
illégale la guerre saoudienne contre le
Yémen)
L’Arabie saoudite :
un cheval fou, aux flancs percés, lancés
dans une cavalcade éperdue vers
l’inconnu
Le Yémen et l’Irak,
les deux pays frontaliers de l’Arabie
saoudite, ont longtemps constitué les
deux balises stratégiques de la défense
du Royaume wahhabite, le premier au sud,
le second au nord de l’Arabie. C’est
dans ces deux pays que l’Arabie saoudite
a engagé le combat pour assurer la
pérennité de la dynastie wahhabite, à
deux reprises au cours des dernières
décennies. Le Yémen a servi en effet de
champ d’affrontement inter arabe entre
Républicains et Monarchistes du temps de
la rivalité Nasser-Faysal dans la
décennie 1960, et, l’Irak, le théâtre de
la confrontation entre le Chiisme
révolutionnaire et le sunnisme
conservateur du temps de la rivalité
Saddam Hussein-Imam Rouhollah Khomeiny
dans la décennie 1980.
36 ans après la
chute du Chah d’Iran, alors que la
révolution islamique iranienne fait
acter par ses ennemis occidentaux le
droit d’un pays musulman, qui plus est
chiite, à accéder au rang du seuil
nucléaire sans le consentement
occidental, -un camouflet majeur pour
les wahhabites-, l’Arabie saoudite, un
royaume en plein désarroi, en pleine
convulsion (2), accrédite l’image d’un
cheval fou, à la bride lâchée, aux
flancs percés, lancé dans une cavalcade
éperdue en une continuelle fuite en
avant, dont l’échec de son expédition
punitive au Yémen remettra
immanquablement en question son primat
diplomatique sur le Monde arabe et sans
doute l’aptitude du leadership saoudien
au commandement.
Pour emprunter à la
métaphore nautique, l’Arabie saoudite
est devenue un « canon libre »,
c’est-à-dire une puissance aux actions
imprévisibles, incontrôlables et
dangereuses tant pour elle-même que pour
les autres ; un comportement typique des
êtres en perte de confiance en
eux-mêmes, dont plus personne n’a
confiance, quand bien même leur
assistance est sollicitée ponctuellement
de façon spécifique, à court terme.
En ce printemps
2015, la folle équipée saoudienne au
Yémen se présente comme un test décisif
de la viabilité de la dynastie
wahhabite. Avec en embuscade, l’État
Islamique, au Nord en Irak, et au sud,
au Yémen même, Al Qaida qui vient de
s’emparer de la base militaire d’Al
Moukalla, dans le Hadramaout ; L’Etat
Islamique et Al Qaida, ses anciens
pupilles, désormais ses deux concurrents
les plus directs pour le leadership de
la sphère musulmane.
Références
1- Sur Bahreïn
2-Sur l’Arabie
saoudite
3- Sur l’Iran et
les Chiites
4- Sur le Yémen
Yemen scholars
in the West condemn Saudi Arabia’s war
A group of 18 Yemen
scholars and experts based in the United
States and Britai published an open
letter decrying the near month-long
Saudi bombing campaign in the country.
The letter, whose signatories include
academics at Harvard, Oxford and
Columbia universities, argued the Saudi-led
war « is illegal under international law »
and urged American and British officials
to push for a U.N. Security Council
resolution « demanding an immediate,
unconditional ceasefire. »
According to the
United Nations, more than three weeks of
Saudi airstrikes and renewed clashes
between rival factions on the ground
have led to the deaths of some 750
Yemenis and more than 150,000 being
forced to flee their homes. There are
fears of humanitarian catastrophe. « The
targets of the campaign include schools,
homes, refugee camps, water
systems, grain stores and food
industries, » warns the letter. « This
has the potential for appalling harm to
ordinary Yemenis as almost no food or
medicine can enter. »
The Saudi
intervention followed the steady
collapse of the government of President
Abed Rabbo Mansour Hadi, who came to
power with Saudi backing in 2012. A
rebellion led by the Houthis, a Shiite
political movement, seized Yemen’s
capital Sanaa last year. Hadi fled his
sanctuary in the southern city of Aden
last month as Houthi forces approached
and is now in Riyadh.
A complex, local
conflict has been overshadowed by the
narrative of a regional proxy war
between Saudi and Iranian interests. The
Saudis, as well as Hadi, accuse the
Houthis of being Iranian puppets. Some
analysts say the connection between
Tehran and the Houthis has been
exaggerated. American officials are
believed to be displeased with the Saudi
action ; it’s not clear quite what the
Saudi endgame is now that a sustained
military campaign is underway.
All the while, Yemen is unraveling as
both a state and a nation, with a host
of militias – including al-Qaeda’s
Yemeni wing– warring over what remains.
The full letter
reads as follows :
We write as
scholars concerned with Yemen and as
residents/nationals of the United
Kingdom and the United States. The
military attack by Saudi Arabia, backed
by the Gulf Cooperation Council states
(but not Oman), Egypt, Jordan, Sudan,
the UK and above all the US, is into its
third week of bombing and blockading
Yemen. This military campaign is illegal
under international law : None of these
states has a case for self-defense. The
targets of the campaign include schools,
homes, refugee camps, water systems,
grain stores and food industries. This
has the potential for appalling harm to
ordinary Yemenis as almost no food or
medicine can enter. Yemen is the poorest
country of the Arab world in per capita
income, yet rich in cultural plurality
and democratic tradition. Rather than
contributing to the destruction of the
country, the US and UK should support a
UN Security Council resolution demanding
an immediate, unconditional ceasefire
and use their diplomatic influence to
strengthen the sovereignty and
self-government of Yemen. As specialists
we are more than aware of internal
divisions within Yemeni society, but we
consider that it is for the Yemenis
themselves to be allowed to negotiate a
political settlement.
- Robert
Burrowes, University of Washington
- Steve Caton,
Harvard University
- Sheila
Carapico, University of Richmond
- Paul Dresch,
University of Oxford
- Najam Haidar,
Barnard College
- Helen Lackner
- Anne Meneley,
Trent University
- Brinkley
Messick, Columbia University
-
Flagg Miller, University of
California-Davis
-
Martha Mundy, London School of
Economics
-
Thanos Petouris, SOAS-University of
London
-
Lucine Taminian, The American
Academic Research Institute in Iraq
-
Gabriele vom Bruck, SOAS-University
of London
- Lisa Wedeen,
University of Chicago
- Shelagh Weir
- John Willis,
University of Colorado
-
Stacey Philbrick Yadav, Hobart and
William Smith Colleges
- Sami Zubaida,
Birkbeck College, London
Ishaan Tharoor writes about foreign
affairs for The Washington Post. He
previously was a senior editor at TIME,
based first in Hong Kong and later in
New York.
Reçu de
René Naba pour publication
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Yémen
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