Irak
Quand Saddam Hussein devait connaître
le sort d’Anouar El Sadate
Madaniya
Vendredi 4 janvier 2019
Irak-Archives
secrètes 1/3 :
Quand Saddam Hussein (Irak) devait
connaître le sort d’Anouar El Sadate
(Égypte)
Ce récit est la
synthèse de révélations tirées des
archives des services de renseignements
irakiens, complétées par les mémoires du
proconsul américain en Irak Zalmay
Khalil Zadeh parues dans la presse
arabe, notamment deux articles de Jamil
Yassine, dans le site électronique «Ar
Rai Al Yom» propriété de l’influent
journaliste Abdel Bari Atwane.
Le défilé du 6
Janvier 1990.
Les préparatifs
allaient bon train et la répétition
générale se passait dans des conditions
satisfaisantes……. dans les deux camps.
Les tenants du pouvoir baasiste et les
conjurés anti-baasistes.
Le premier défilé
suivant la victoire sur l’Iran se devait
d’être grandiose à la mesure de
l’événement. Fixé au 6 Janvier 1990, le
jour anniversaire de la fondation de
l’armée irakienne, il prévoyait que les
soldats défileraient devant la tribune
présidentielle rendant, de vive voix, un
hommage à leur Président Saddam Hussein
en lui souhaitant longue vie.
Sauf que le jour J,
Saddam Hussein était absent de la
tribune officielle et le spectacle
surréaliste: Des soldats défilant au pas
cadencé devant la tribune présidentielle
criant à tue tête leur hommage à un
président au siège vacant.
L’absence,
inhabituelle en pareille circonstance,
était de mauvais augure. Elle plongea
dans la plus grande perplexité les
services de renseignements et de
sécurité irakiens.
Le Clan Jouboury
à la manœuvre
Le 6 Janvier 1990
est une date qui ne dit rien à grand
monde. Ce jour là, pourtant, l’histoire
de l’Irak et vraisemblablement du Moyen
Orient aurait changé si la conjuration
avait été menée à bien. Un groupe
d’officiers de la garde présidentielle
irakienne, l’épine dorsale du régime
baasiste, avait arrêté cette date pour
abattre leur chef Saddam Hussein.
Des conjurés
majoritairement issus de la tribu
sunnnite d’Al Jouboury, menés par le
capitaine Sattam Ghannam Al Jouboury,
assisté d’Abed Mohammad Jerro Al
Jouboury, qui faisait office du
Secrétaire général du «Mouvement du 6
janvier 1990». Ils devaient procéder à
un coup d’état et éliminer Saddam
Hussein depuis la tribune
présidentielle.
Le Général Mohammad
Jassam Al Jouboury devait se substituer
à Saddam à la tête de l’état Irakien,
alors que l’écrivain Hassan Moutlaq
Roudane Al Rami devait prendre en charge
le secteur de la propagande
(Communication, information, radio,
télévision, édition).
Le schéma
empruntait au modèle de l’émule égyptien
de Saddam Hussein, Anouar El Sadate,
assassiné le 6 Octobre 1981 à l’occasion
du «défilé de la victoire» célébrant le
8 ème anniversaire de la destruction de
Ligne Bar Lev et du franchissent du
Canal de Suez, le 6 Octobre 1973.
Une opération
combinée des blindés et de l’aviation.
L’assaut de la
tribune présidentielle a été programmé
pour intervenir en pleine retransmission
en direct du défilé militaire par les
chaînes de télévision afin de donner un
grand retentissement à l’événement.
Toutes les
précautions avaient été prises pour que
le raid soit meurtrier et concluant: Les
forces blindées et l’aviation devaient
se charger de la besogne par une
opération combinée et synchronisée. Un
détachement de chars devait papillonner
la tribune présidentielle tandis qu’une
escadrille de la chasse irakienne devait
la cibler par des missiles.
Parallèlement, la
brigade affectée à la protection du
palais présidentiel était celle-là même
qui avait été désignée pour s’en emparer
et exterminer toute la hiérarchie
baasiste. Dans chaque division, une
compagnie était chargée de la
neutraliser, de même que la division
chargée de protéger l’imposant bâtiment
de la radio-télévision irakienne devait
prendre le contrôle de l’édifice prélude
à la proclamation du «Communiqué N°1»,
annonciateur de la réussite du coup
d’état et de l’avènement d’un nouveau
régime.
Des instructions
avaient été données pour maintenir la
retransmission du défilé en direct
pendant toute la durée de l’assaut, tant
pour susciter un sentiment de crainte au
sein de la population et l’inciter à la
prudence que pour lui annoncer dans
l’ordre subliminal la fin du régime
baasiste, au pouvoir depuis 22 ans.
Les confidences
fatales d’un frère putschiste à son
frère…., un faux frères, «indic» des
services de renseignements.
En Égypte,
l’assassinat de Sadate visait juste le
président égyptien. Une opération
d’élimination physique de l’artisan du
premier traité de paix entre Israël et
le plus grand état arabe.
En Irak, les
putschistes anti baasistes voulaient se
débarrasser non seulement de Saddam
Hussein, mais éradiquer la totalité du
régime baasiste. «Nous ne sommes pas
disposés à sacrifier nos vies pour paver
la voie à la venue d’un autre
dictateur», assurera l’un des conjurés.
Le putsch était
parfaitement planifié. Un mutisme total
a été imposé à tous les membres de la
conspiration de crainte que l’affaire ne
s’ébruite. Sauf que….
Sauf que l’un des
conjurés s’est confié à son frère lui
demandant son aide. Or le frère s’est
révélé être un faux frère, un «indic»
des services de renseignement. Effet
d’une panique intériorisée ou Routine
bureaucratique ??……..Le fait est que le
frère a rédigé un rapport aux services
de sécurité sur les confidences de son
propre frère. Il lui fut intimer l’ordre
d’observer un mutisme complet sur cette
affaire dans l’attente que soient
dévoilées les ramifications du complot.
13 officiers
passés par le peloton d’exécution.
Les services de
renseignements finirent par démasquer
les meneurs. Treize officiers, tous
appartenant à la tribu Al Jouboury,
seront passés par les armes devant un
peloton d’exécution. Deux d’entre eux
appartenaient à la sécurité personnelle
du président irakien.
La liste des
officiers passés par les armes:
Les capitaines:
-
Sattam Ghannam Majzab Al Jouboury
-
Jamal Chaabane Ahmad Al Jouboury
-
Moudhi Ali Hussein Al Jouboury
-
Mahmoud Abdallah Mahjoub Al Jouboury
-
Ibrahim Ahmad Abdallah Al Jouboury
-
Sabah Abdallah Hussein Al Jouboury
-
Khairallah Hamidi Mohammad Al
Jouboury
-
Saleh Jassem Mohammad Jerro Al
Jouboury
-
Khodr Al Jassem Al Jouboury
-
Moustapha Hadi Al Jouboury
-
Mahmoud Abdallah Mahjoub Al Jouboury
Les deux personnes
suivantes appartenaient à la garde
privée du président irakien :
-
Hassan Nayef Al Jouboury
-
Hussein Askar Mohammad Al Jouboury
Parmi les civils
9 ont été condamnés à mort par pendaison
et neuf à une peine de prison à
perpétuité
La liste des
pendus: Ahmad Gharbi Hassan Al Obeidy,
assistant médical au centre sanitaire de
Zad, Nasser Mahmoud Al Obeidy, Findy
Talal Salameh, Jassem Al Lahibi, Heykal
Al Dourra, Sobhi Al Jouboury, Heykal
Hamed Cheayeb Al Jouboury, le romancier
Hassan Motlaq Rawdane Al Ramli et
Mohammad Jendary.
La liste des
personnes condamnées à perpétuité: Abdel
Mohammed Jerro Al Jouboury, Ghanem Abdel
Taleb Al Jouboury, (ancien capitaine de
l’armée irakienne), Mohammad Saleh
Khalaf Al Jouboury, Mahmoud Mahzouz Al
Jouboury, Hamdi Mohammad Said Al
Jouboury, (ancien officier de la garde
présidentielle), Mahmoud Al Jendary,
intellectuel-haut fonctionnaire, Ibrahim
Hassan Jassem, Awad Mohammad Assi, Jamal
Mahmoud Al Badraowi.
Le mystérieux
Hamed al Jouboury
Un des rescapés a
pu s’enfuir vers le Koweït. Vivant dans
la clandestinité la plus complète, il
s’imaginait vivre à l’abri des sbires de
Saddam. Il sera repéré mais réussira à
s’échapper une fois de plus. Ce
mystérieux personnage ne serait autre
que Hamed Al Jouboury, un personnage clé
du régime bassiste, ancien ministre de
la culture, ancien directeur de cabinet
de Saddam Hussein, ambassadeur d’Irak en
Tunisie. Il abandonnera le service actif
et disparaîtra dans la nature à la suite
des révélations d’un des conjurés
mentionnant son nom parmi les personnes
impliquées dans le putsch. Le fait est
que la grande majorité des conjurés
appartenait à sa tribu.
Hamed Al Jouboury
est le frère de Yassine Alouane Al
Jouboury, assistant personnel de Barzane
Al Takriti, le demi frère de Saddam
Hussein, le chef des services de
renseignements du régime baasiste.
Yassine Alouane Al Jouboury finira sa
carrière comme ambassadeur d’Irak en
Algérie.
La tentative
d’assassinat du 5 Mars 2001
Dans le même ordre
d’idées, un incident singulier s’est
produit le 5 mars 2001 à l’occasion de
la fête d’Al Adha (sacrifice). Saddam
Hussein était présent dans son fief de
Tikrit, sa région natale, et
conformément à la tradition des moutons
avaient été égorgés en son honneur.
Soudain, un jeune
homme qui prétend être doté de dons
exceptionnels s’approche du président et
lui vante sa propre immunité aux armes.
Devant l’incrédulité de l’assistance,
Saddam Hussein demande à son jeune
interlocuteur de lui faire la
démonstration de son immunité.
Le jeune homme
s’exécute et loge une balle dans sa
cavité buccale sans dommages. Perplexe,
l’assistance demande que soit procédé à
l’examen des munitions afin de s’assurer
que les projectiles n’étaient pas
trafiqués.
Voulant pimenter la
fête, Saddam Hussein demanda au jeune
homme de tenter à nouveau l’expérience
en visant cette fois sa tête. Un membre
de la garde présidentielle, faisant mine
de viser la tête du jeune homme, braque
subitement son arme sur Saddam Hussein.
Le chef de la tribu
Bounassar, une tribu alliée au clan du
président irakien, asséna promptement un
gros coup de bâton au garde faisant
dévier la balle sur le couvre chef de
Watbane Takriti, le demi frère du
Président, rouant de coups le meurtrier.
Quant à Watbane,
tout comme d’ailleurs le 2 ème
demi-frère de Saddam Hussein, Barzane,
les deux seront exécutés après
l’invasion américaine de l’Irak par les
autorités d’occupation américaine.
Le jeune homme, mis
au secret, a été soumis à un
interrogatoire serré pour savoir si le
scénario avait été improvisé ou
prémédité. Une vaste campagne
d’arrestation a été aussitôt lancée dans
le secteur de Tikrit pour rechercher
d’éventuelles complicités. Des officiers
de la Garde présidentielle ont déserté
leur poste pour la clandestinité, tandis
que le peloton d’exécution fauchait de
dizaines de conjurés.
L’incident de
Tikrit s’est produit six mois avant le
raid djihadiste du 11 septembre 2001
contre les symboles de l’hyperpuissance
américaine, qui servira de prétexte aux
Américains pour déclencher le compte à
rebours débouchant sur la
déstabilisation et la destruction de
l’Irak, deux ans plus tard, en 2003.
Seize ans après la
première tentative d’élimination de
Saddam Hussein, en 1990, les Américains
auront finalement sa peau au terme d’une
désastreuse invasion de l’Irak, d’un
simulacre de procès et d’une hideuse
pendaison le jour de la fête religieuse
musulmane d’Al Adha (le sacrifice), en
2006.
Pour aller plus
loin sur l’Irak et sur le parti Baas:
L’hécatombe des «faiseurs de guerre»
Moqtada Sadr, un scalp idéal pour George
Bush en fin de mandat
Le nouveau Spartacus des temps modernes
Le Parti Baas : Monstres sacrés ou
sacrés monstres ?
L’élimination d’Abou Bakr Al Baghdadi
signe l’éradication complète du Cercle
de Tall Affar, le noyau turkmène
fondateur de Daech
Version arabe :
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