MADANIYA
France – Radioscopie : De la fonction
d’un binational dans une société
occidentale 5/5
René Naba
Mardi 1er octobre 2019 La fonction d’un bi
national n’est pas d’être le porte-voix
de son pays d’accueil, ni son
porte-serviette, mais d’assumer avec
vigueur la fonction d’interface exigeant
et critique. Un garde-fou à des
débordements préjudiciables tant du pays
d’origine que du pays d’accueil.
Dans l’intérêt bien
compris des deux camps, le partenariat
bi national se doit de se faire, sur un
pied d’égalité et non sur un rapport de
subordination de l’ancien colonisé, le
faisant apparaître comme le supplétif de
son ancien colonisateur en ce que
l’alliance du Faible au Fort tourne
toujours à l’avantage du Plus Fort.
De la même manière,
le devoir d’un intellectuel arabe et
musulman dans la société occidentale est
de faire conjuguer Islam et progressisme
et non de provoquer une abdication
intellectuelle devant un islamisme
basique, invariablement placé sous les
fourches caudines israélo-américaines.
De la Religion
et des guerres de religion.
Espace de communion
et d’exclusion, la religion est un
espace concurrentiel.
L’instrumentalisation de la religion à
des fins politiques est une constante de
l’histoire. Toutes les religions y ont
eu recours, dans toutes leurs
déclinaisons, que cela soit la guerre de
conquête de la chrétienté en Amérique
latine ou les Croisades vers le Monde
arabe, ou bien à l’inverse, la conquête
arabe vers l’Asie, vers la rive
méridionale de la Méditerranée ou
l’Afrique.
Guerre de religion
au sein de l’espace occidental de la
chrétienté (entre Protestants et
Catholiques en France ou en Irlande du
Nord), ou guerre de religion au sein de
l’espace musulman (entre Sunnites et
Chiites), ou enfin le sionisme, la forme
la plus moderne de l’instrumentalisation
de la Bible à des fins politiques par la
mise en œuvre de la notion du retour à
Sion, sur les débris de la Palestine.
La religion n’est
pas condamnable en soi. Ses dérives si
en ce que la piété n’exclut ni
l’intelligence, ni le libre arbitre.
Elle n’interdit pas l’esprit critique.
Elle ne saurait, en tout état de cause,
se dévoyer dans des causes desservant
l’intérêt national.
Mais nul part
ailleurs qu’au sein du leadership
sunnite arabe, l’instrumentalisation de
la religion n’a autant dévié de son
objectif, desservant la cause arabe, au
bénéfice de ses commanditaires, les
États-Unis, le meilleur allié de leur
principal ennemi, Israël.*
Le djihadisme
erratique takfiriste a consolidé, par
ricochet, Israël, en ce qu‘il a
consolidé dans l’imaginaire occidental
l’idée d’une barbarie musulmane et
justifier, par ricochet, et
l’intransigeance israélienne et la
phagocytose de la Palestine et
l’arabo-phobie et l’islamophobie dans
les pays occidentaux.
Si La prophétie est
divine, son interprétation est humaine.
La chrétienté a purgé le passif des
guerres de religions et la
réconciliation s’est opérée entre
Catholiques, Orthodoxes et Protestants,
entre Juifs et chrétiens. Ne subsiste
que la guerre sunnite chiite qui
tétanise l’ensemble arabo musulman.
Le Monde arabe ne
constitue pas, loin s’en faut, un
groupement ethnique homogène: Machreq-Maghreb,
Arabes-Kabyles-Kurdes,
Chrétiens-Musulmans, Sunnites-Chiites
relèvent de la même géosphère culturelle
du Monde arabe, majoritairement
musulmane, majoritairement sunnite,
majoritairement arabophone.
Ce fait irréfutable
se doit d’être pris en compte par le
leadership sunnite et le conduire à
dépasser les clivages historiques pour
atteindre un «seuil critique» à l’effet
de peser sur les relations
internationales et de conduire le Monde
arabe vers sa renaissance et non de le
précipiter vers un déclin irrémédiable.
La constitution
d’une masse critique impulserait une
dynamique à l’effet d’induire une
structure paritaire dans ses rapports
avec l’Europe, et partant, des rapports
d‘égalité entre les deux rives de la
Méditerranée.
La caste
intellectuelle arabe et musulmane de la
diaspora occidentale pâtit lourdement
d’un phénomène de désorientation, la
marque typique de l’acculturation, sur
fond d’une décompression psychologique
et d’une déperdition intellectuelle
morale. Un naufrage humain.
Il lui incombe de
refuser de cautionner la démocratie
formelle représentée par la diplomatie
de la Ligue arabe en ce que le Monde
arabe est captif des pétromonarchies et
le Monde musulman, otage du wahhabisme.
Un double handicap
qui accentue la servitude de l’ensemble
arabo musulman à l’ordre atlantiste et
le marginalise dans la gestion des
affaires du Monde.
Les monarchies
arabes disposent d’une majorité de
blocage régentant de ce fait le Monde
arabe. Circonstance aggravante, les six
pétromonarchies sont adossées chacune à
une base militaire occidentale, alors
que la Jordanie et le Maroc sont deux
alliés souterrains d’Israël, Les
Comores, un confetti de l’empire
français et Djibouti abrite sur son sol
une base américaine et une base
française.
Ni les
pétromonarchies du Golfe, ni la
Jordanie, ni Djibouti ou les Comores
n’ont mené une guerre de libération dont
l’indépendance a été octroyée par leurs
colonisateurs. Un déséquilibre
structurel calamiteux pour la définition
d’une stratégie du Monde arabe. La quête
du savoir technologique et l’accession à
la modernisation économique ne sauraient
être compatibles avec un autoritarisme à
soubassement rigoriste.
De même la
personnalisation du pouvoir ne saurait,
à elle seule, servir de panacées à tous
les maux de la société arabo musulmane,
ni la déclamation tenir lieu de
substitut à l’impérieuse nécessité d’une
maîtrise de la complexité de la
modernité. Ce qui implique une
nécessaire mais salutaire remise en
cause de la «culture de gouvernement»
dans les pays arabes.
Ce qui présuppose
«une révolution dans la sphère
culturelle», au sens où l’entend Jacques
Berque, c’est à dire «l’action d’une
société quand elle se cherche un sens et
une expression».
Pour
l’intellectuel, un réinvestissement du
champ du débat par sa contribution à la
production des valeurs et au
développement de l’esprit critique. Pour
le citoyen, la conquête de nouveaux
espaces de liberté.
Pour le Monde arabo
musulman, la prise en compte de ses
diverses composantes, notamment ses
minorités culturelles et religieuses,
et, surtout, dernière et non la moindre
des conditions, le dépassement de ses
divisions
Précurseur de la
laïcité avec la prescription du calife
Omar «Ad Dine Lil lah Wal Watan Lil
Jamih» – «La religion relève de Dieu et
la Patrie appartient à tous ses
citoyens»-, la gouvernance musulmane
s’est laissée subvertir par une rigidité
doctrinale sous tendue par une forme de
religiosité biaisée au point de se
laisser dépouiller de ce privilège par
la France.
Mais un siècle
après l’instauration de la laïcité en
France, le concept vieillit mal et
montre ses limites, qu’il importe de
régénérer.
Un dialogue pour
être véritable ne s’instaure que par le
haut et non à coup de stigmatisations et
de «bas-coups». Plutôt que de souscrire
aux sommations, auquel il est convié à
chaque soubresaut terroriste, plutôt que
de battre sa coulpe pour des
comportements dont il n’est
personnellement nullement responsable,
voire totalement étranger en tant que
citoyen, le musulman, pour sa part, se
doit d’opérer une réadaptation de son
positionnement vis à vis du schéma
occidental afin de rendre accessible à
l’opinion occidentale ses motivations,
notamment ses objections à une politique
de mépris et de culpabilisation.
La plus grande
erreur de l’Occident est d’avoir
toujours voulu coexister avec des
«Arabes domestiqués» dans la plus grande
tradition coloniale.
Trente-six ans
après la «Marche des Beurs pour
l’Egalité», une «Marche pour la dignité»
a été organisée en France le 17 Mars
2018 pour réclamer une égalité de
traitement. Un éternel recommencement?
Le Monde arabe n’a
pas vocation à servir de défouloir à la
pathologie belliciste occidentale. Et la
communauté arabo musulmane de l’Europe
occidentale et des Etats Unis -en
contact quotidien, permanent et direct
avec la société occidentale-, se doit
d’être le levain et le levier d’une si
nécessaire renaissance du Monde arabe et
Musulman et non la force supplétive des
guerres d’autodestruction du Monde arabe
et de sa prédation économique par le
bloc atlantiste.
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