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Vu du Droit

Eh non, quoi qu’en pensent les magistrats,
la Justice ne se rend pas dans un monde idéal

Régis de Castelnau

Mardi 28 janvier 2020

Atlantico m’a interrogé sur la crise que traverse la Justice et la défiance dont elle est l’objet désormais dans l’opinion publique.

On peut retrouver cette interview sur le site d’Atlantico.

Atlantico: Au vu des événements récents (affaire Halimi, affaire Mila, condamnations par vagues de Gilets Jaunes etc.), la justice française est-elle en crise ? Pourquoi est-elle à ce point défiée ?

Régis De Castelnau : Aux problèmes que vous évoquez, j’ajouterai la complaisance de cette justice vis-à-vis du pouvoir en place dans le traitement des affaires pénales qui pourraient concerner l’entourage d’Emmanuel Macron. Celui-ci bénéficie d’une mansuétude tout à fait repérable et qui exaspère une bonne partie de l’opinion publique. Autre observation, le paradoxe de l’affaire Halimi est que nous étions en présence d’une décision normale mais qui n’a pas été comprise. En effet, Kobili Traoré, l’assassin de la malheureuse Sarah Halimi tuée dans des circonstances épouvantables et pour des raisons évidemment antisémites a été déclaré irresponsable car son discernement était aboli (c’est-à-dire qu’il était en état de démence) au moment où il a accompli son forfait. C’était l’avis de six experts psychiatres assermentés auxquels la chambre d’instruction de la Cour de Paris s’est rangée. Il aurait fallu une communication de l’institution qui soit suffisamment pédagogique pour permettre d’apaiser l’émotion. Au lieu de cela, on a laissé se développer une polémique qui a complètement obscurci le véritable enjeu. La communication de Madame Belloubet à ce sujet fut calamiteuse, et l’intervention maladroite d’Emmanuel Macron lors de son voyage en Israël n’a rien arrangé. En alimentant d’une part dans l’opinion la conviction que l’on a protégé un islamiste antisémite, de l’autre côté en renforçant chez les magistrats le sentiment d’une mise en cause de leur indépendance.
Et pourtant cette justice aurait intérêt à faire un véritable examen de conscience et à réfléchir aux raisons pour lesquelles la confiance que lui fait d’opinion publique est à ce point anéantie. L’initiative d’un procureur (sur ordre pas ?) d’ouvrir une enquête préliminaire contre la jeune Mila est simplement aberrante. Sur le fond, cela alimente l’idée selon laquelle ce qui lui arrive et de sa faute et « qu’elle l’a bien cherché ». 
Et bien sûr le rôle joué dans la répression de masse contre le mouvement social des gilets jaunes est un désastre démocratique. Le soutien apporté un pouvoir brutal, d’abord en prononçant un nombre énorme de condamnations dans des conditions entretenant souvent des rapports lointains avec la légalité, ensuite en fixant des peines de prison ferme en très grand nombre, et enfin en protégeant les violences policières, tout cela a durablement brisé le rapport de confiance qui doit exister entre le peuple et sa Justice.
Malheureusement pour l’instant les magistrats sont plutôt mobilisés pour crier au charron quand le président de la république relève l’émotion provoquée par l’affaire Halimi. L’attitude de leurs organisations syndicales est de ce point de vue caractéristique. Elles ne se réveillent que lorsque on effleure en parole leur indépendance mais sont systématiquement muettes sur les atteintes aux libertés et les dysfonctionnements dans notre pays.

Atlantico : Malgré l’indépendance de la justice – indéniable – les magistrats ont-ils des comptes à rendre aux français ? Si oui, de quelles façons ?

Régis De Castelnau : Je crois qu’effectivement on peut dire que l’indépendance des juges du siège et assurée dans notre pays. Mais il y a deux problèmes qui se posent, d’abord c’est que l’indépendance n’est là que pour assurer l’impartialité, et de ce point de vue la justice française a un gros problème avec une culture de la subjectivité très éloignée de cette exigence comme l’a démontré la calamiteuse affaire du « mur des cons ». Et ce qui s’est produit depuis l’avènement d’Emmanuel Macron n’a pu que renforcer ce sentiment de partialité, car le corps des magistrats s’est massivement rallié à celui-ci et le moins que l’on puisse dire c’est que le président n’a pas s’en plaindre. Et dans un pays où le rejet du chef de l’État est massif et largement majoritaire, cela est difficilement supporté par l’opinion.
 Le deuxième problème est relatif au fait qu’en France les juges du siège et le parquet sont dans une proximité qui fait qu’on les confond. Ils reçoivent une formation commune, prêtent un serment commun, portent les mêmes tenues, et passent leur temps à migrer d’une structure à l’autre dans des allers-retours délétères. Il faut marteler le fait que le parquet, autorité de poursuite de la république, n’est pas indépendant et soumis hiérarchiquement au pouvoir exécutif. On vient d’avoir une illustration de cette situation fusionnelle dans la polémique Halimi, avec le communiqué commun de la première présidente de la Cour de cassation et du procureur général auprès de celle-ci. Pour le juriste, c’est simplement ahurissant et ce n’est malheureusement pas la première fois.
Les magistrats doivent-ils rendre des comptes ? Évidemment, mais la culture de la forteresse assiégée est très forte, et le corporatisme puissant. Rappelons qu’au moment de l’affaire d’Outreau et de la procédure disciplinaire contre le calamiteux juge Burgaud, une promotion de l’ENM avait voté pour porter son nom… le Conseil Supérieur de la Magistrature, organe chargé de la discipline du corps est d’une telle mansuétude que l’idée est acquise que les magistrats sont intouchables. À mon sens, ceux-ci seraient bien inspiré de se rappeler que la légitimité n’est pas une donnée définitive mais qu’elle doit se construire dans une pratique transparente et quotidienne. Ensuite une plus grande rigueur dans les procédures disciplinaires serait vraiment bienvenue. Ce serait déjà de progrès qui permettrait d’atténuer le sentiment majoritaire dans l’opinion que « les magistrats sont irresponsables ».

Atlantico : L’un des grands maux français ne concerne-t-il pas cette culture de l’excuse qu’applique parfois la justice et qui semble être en décalage avec les préoccupations des français ? 

Régis De Castelnau : Effectivement, il existe un « sentiment d’insécurité » distinct de l’insécurité elle-même, un « sentiment de laxisme » distinct du laxisme invoqué lui-même. Le problème c’est que les statistiques qui sont brandies à chaque fois pour réfuter l’accusation d’être complaisant avec la délinquance que ne supportent pas les Français, ne disent rien d’intéressant. C’est un petit peu trop facile de prétendre que la justice bien son travail face à une délinquance qui explose et d’accuser ceux qui en doutent de ne pas être dans la réalité. Oui le traitement de la délinquance qui pourrit la vie des gens est chez nous défaillant. Et ce pour deux raisons, la première étant le déficit criant de moyens qui fait que les procédures sont trop longues et les réponses pénales trop tardives et surtout en grande partie pas exécutées ! Que l’on puisse se présenter devant un tribunal avec des casiers judiciaires longs comme le bras sans qu’aucune des peines qui y figurent n’aient été exécutées est quand même assez invraisemblable. Sait-on qu’en France il y a par an plus d’un million et demi d’infractions avec auteurs connus qui ne sont pas poursuivies ? La deuxième raison est relative à la fameuse « culture de l’excuse » qui est moins prégnante qu’on le pense mais qui existe quand même. La sociologie du corps des magistrats fait qu’ils sont imprégnés de la culture des couches moyennes et leur expérience sociale est, au moins au début de leur carrière limitée. Rappelons que les étudiants sortent de l’école vers l’âge de 25 ans avec leur permis de juger.

C’est la raison pour laquelle, vous avez raison, la soudaine brutalité à l’encontre des couches populaires dans la répression contre les gilets jaunes a provoqué surprise et émotion.

Atlantico : Existe-t-il des solutions pour maintenir à la fois l’indépendance de la justice et l’équilibre des pouvoirs ?

Régis De Castelnau : Le ralliement de la justice au pouvoir d’Emmanuel Macron pose effectivement un grave problème institutionnel. L’indépendance des magistrats du siège est assurée institutionnellement et juridiquement, mais ce ralliement au nouveau chef de l’État, pour des raisons sociologiques, idéologiques politiques, et économiques éloigne notre pays des conditions indispensables au fonctionnement d’une démocratie représentative digne de ce nom. Plusieurs pistes de réflexion pourraient déboucher sur des mesures susceptibles de faire évoluer cette situation. De façon une peu provocante, on dira que la première mesure à prendre serait de changer de président de la république… La deuxième serait à mon sens de de veiller à ce que le corps des magistrats ne fonctionne plus comme une forteresse endogamique et corporatiste. Chose évidemment difficile, toutes les professions ayant tendance au corporatisme, mais celui des magistrats est particulièrement puissant. La question de la discipline interne qui serait le reflet d’une grande exigence étant bien évidemment essentielle.
 Enfin je crois qu’il va falloir prendre cette décision dont chacun sait qu’elle est indispensable d’une séparation radicale entre le siège et le parquet. Il n’est pas normal que les procureurs qui sont les avocats de la république puissent être dans le rapport de proximité qui existe aujourd’hui avec ceux qui doivent décider impartialement. Statuts juridiques distinct, carrière séparée, locaux différents etc. etc.

C’est un très vaste chantier.

 

 

   

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Source : Vu du Droit
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