Vu du Droit
Macron et la PMA : éviter le piège
Régis Portalez
Vendredi 21 juin 2019 Régis Portalez
l’homme classieux qui se rend aux
manifestations des gilets jaunes en
grand uniforme est inquiet. Face à la
poursuite par Macron de la procédure
macronienne de démolition de
l’État-providence français et de bradage
de son patrimoine, il craint à mon avis
à juste titre les opérations de
diversion sociétale qui permettent de
faire passer les saloperies dans les
bruits de l’orchestre.
On l’avait déjà
vu avec Hollande présentant « le mariage
pour tous » comme une formidable
révolution, pendant qu’il poursuivait en
catimini la casse sociale. On a vu
d’ailleurs à quoi a conduit la
mobilisation de masse des cathos à
l’époque contre ce qu’il nous présentait
des trémolos dans la voix comme la
destruction de la civilisation.
Abandonnant Bellamy, il se sont tous
précipités aux européennes pour voter
Macron et défendre leurs petits sous, la
seule chose qui les intéresse. Ils
auront la PMA, la GPA, les trafics
d’organes chers à Jean Tirole,
l’euthanasie pour faire des économies,
l’IVG jusqu’à neuf mois de grossesse
etc. etc. Qu’ils ne s’avisent pas alors
de venir nous pleurnicher dans les
jupes, ils seraient mal reçus.
Régis Portalez
qui est jeune et plein d’allant propose
de ne pas tomber dans le panneau de la
diversion macronienne de se réserver
pour les bons combats. Il a raison.
Régis de Castelnau
Contre Macron,
et seulement contre Macron : évitons le
piège tendu au sujet de la PMA.
Macron, voilà la cible. Les députés de
la majorité s’affairent déjà à vanter
leur profond respect des convictions de
chacun quand ils défendent la future loi
bioéthique. « Chacun pourra voter en âme
et conscience », rappelle Patrick
Mignola, député MODEM.
Mais il faut lire
sa déclaration pour bien comprendre ce
qui suivra en réalité : « l’ouverture de
la PMA à toutes les femmes est un beau
choix du gouvernement et un beau débat
sur lequel on pourra voter en toute
liberté selon nos intimes convictions ».
Venant d’un
gouvernement qui châtie les députés ne
votant pas comme il faut, il serait aisé
d’ironiser sur l’étonnant rappel d’une
telle évidence. Un député est un
représentant du peuple et de la Nation.
Malgré les velléités de caporalisation
du groupe majoritaire, un député n’est
pas un lieutenant de son groupe
parlementaire, et qu’en tant que tel il
est son droit – et son devoir !- de
voter en toute liberté. Mais le sujet
n’est pas là.
L’enjeu de la
période qui s’ouvre, c’est le piège
tendu à ce qui reste d’opposition par
Emmanuel Macron (qui a depuis longtemps
usurper sa place de président de la
République).
Le contenu du texte
de la loi bioéthique n’est pas un
plaidoyer pour ou contre la PMA pour
toutes. Ce genre de tribunes serait en
ce moment la dernière des choses à
faire. Ce texte est plutôt un
avertissement et un appel à ne surtout
rien faire.
Comme souvent, le
gouvernement et celui qui se rêve en «
maître des horloges » essaient de
contrôler l’agenda. C’est bien lui qui
proposera la loi et l’inscrira à l’ordre
du jour parlementaire. Il contrôlera
également le rapport de force – grâce à
cette « liberté de choix » de façade. Il
soufflera donc le chaud et le froid, en
utilisant médias inféodés et
commentateurs politiques à sa botte pour
expliquer, selon l’état des forces, que
la loi est en passe, ou non, d’être
votée. Rafraîchissant ainsi les ardeurs
de militants de tout poil, qui ne
manqueront alors pas de redoubler
d’ardeur et de radicalité dans leurs
propos. Attendons-nous déjà au débat sur
la GPA que certains ne manqueront pas de
faire venir sur la table, alors qu’il
n’en est pas question. Il faudra se
radicaliser pour exister.
Et le gouvernement
se frottera les mains en comptant les
points. Le piège tendu est qu’il se pose
en arbitre alors il est en réalité
incapable d’un choix politique clair.
Si vous êtes pour
la PMA et qu’elle passe, elle en sortira
salie d’avoir été votée par ce
gouvernement et le pouvoir arguera être
finalement (un peu) à l’origine de
nouveaux droits. Si vous êtes contre et
qu’elle ne passe pas, le pouvoir en
sortira seulement renforcé pour les
conservateurs. Car sachez bien que dans
les deux cas, la macronie cherchera à
présenter la chose à son avantage. Le
seul à pouvoir tirer un avantage
politique de cette loi, c’est lui.
Rejouant la lenteur et l’irrésolution de
François Hollande pour la loi du mariage
pour les couples de même sexe, l’Élysée
joue avec le temps pour divertir et
diviser.
Aucune loi pour
l’émancipation ne peut passer par ce
gouvernement. Il interdit tout débat
sincère par l’opposition totale qu’il
impose et il salit tout ce qu’il ne
détruit pas.
Le débat politique
suppose un rapport de force à peu près
équilibré. Ici il est concentré dans les
mains de Macron. Quelle que soit votre
position sur la PMA, vous partirez
perdants contre lui. Il vous donnera un
os à ronger que vous devriez jeter dans
le fossé.
Pendant ce temps,
le gouvernement fera passer la casse de
la Sécurité sociale, en brisant la
solidarité de notre système de retraites
et saccageant l’assurance chômage. Il
attaque même la liberté de la presse
pendant que vous vous fatiguerez à
organiser des votations ou des
manifestations sur la loi bioéthique.
Vous en sortirez affaiblis. Les
vainqueurs d’avoir fait le jeu du
pouvoir, les opposants d’avoir été
outranciers. L’opposition ne peut pas se
permettre de s’affaiblir plus devant ce
pouvoir.
Commencez par ne
pas faire le jeu du gouvernement.
Celui-ci tombera un jour, comme un fruit
pourri, et ceux qui auront su rester
dignes devront reprendre la main.
N’écrivez pas de tribune, ne prenez pas
position publiquement, refusez les
invitations de matinales et de journaux
télévisés, n’accordez pas d’interview,
ne participez pas à des débats, n’en
parlez pas sur les réseaux sociaux. Si
vous êtes député ou sénateur, proposez
vos amendements en toute discrétion. Si
vous êtes experts, envoyez vos
suggestions à des élus, pas à des
médias. Ne tombez pas dans l’outrance
militante, ni d’un côté, ni de l’autre.
Refusez l’agenda qui vous est imposé.
N’oubliez pas que
la raison d’être de ce pouvoir n’est que
la destruction de l’État. Privatisant
nos biens collectifs pour satisfaire ses
donateurs, Macron est le VRP du CAC 40.
Il cherche à vendre à la découpe ce
qu’on peut et préparer à la vente ce
qu’on ne peut pas encore vendre, comme
la SNCF ou EDF. Les droits des femmes et
les droits des enfants lui sont
complètement étrangers. La loi
bioéthique est un artefact pour divertir
les oppositions. Le débat sur la PMA ne
peut être pour eux que des outils de
domination sur les forces d’opposition.
Bien sûr on peut se
réconforter.
Si nous luttons
pour (ou contre) et que nous obtenons
gain de cause, ce pourrait être un motif
de satisfaction. Mais celui qui en
tirera un bénéfice politique, c’est
Macron. Et pendant ce temps l’agenda
mortifère continuera. On peut alors se
rassurer en se disant que la fin de
l’État providence les condamne à long
terme, puisque l’acceptation de leur
politique repose sur ce qu’il reste de
droits sociaux. Et donc que la fin de
tout cela entraînera leur fin à eux.
Je ne fais pas
partie des satisfaits de l’apocalypse
comme renouveau. Le pari du pire pour
avoir mieux est trop incertain et au
prix de trop de souffrances pour les
plus fragiles. Le peuple ne peut pas
être considéré comme un objet politique
qui renaîtra de ses cendres quand tout
aura brûlé, car entre temps ce sont des
vraies gens qui brûleront. Alors
militons tous, mais contre macron et
uniquement contre macron.
Infligeons une
défaite à ce pouvoir dangereux en
signant pour refuser la privatisation
d’Aéroport de Paris.
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