Vu du Droit
Napoléon Bonaparte, blanc raciste et
homophobe ?
Régis de Castelnau
Lundi 19 août 2019
Le 15 août dernier,
c’était la Saint Napoléon. Personne
ne s’en est préoccupé en dehors de
quelques passionnés qui se sont
scandalisés du silence officiel. C’était
pourtant une date importante en cette
année 2019 que le 250e anniversaire de
la naissance de l’Empereur.
Napoléon connais
pas ?
Oui mais en France,
on n’aime plus Napoléon, enfin les
élites ne l’aiment plus. Pleines de leur
moraline douceâtre, et soucieuses
d’obéir aux injonctions de l’indigénisme
communautariste, elles rendent invisible
une figure qui ne cesse pourtant de
fasciner le monde entier. Et chez nous,
il devient de bon ton de l’ignorer ou de
la vilipender. Dans ce domaine, la palme
de l’hypocrisie revient à Dominique de
Villepin auteur comme littérateur d’un
ouvrage sur « les 100 jours » et
refusant comme premier ministre la
commémoration de la bataille
d’Austerlitz. Celle du contresens à
Lionel Jospin avec son pénible « Le mal
Napoléon », ou l’austère qui se marre
s’efforce pesamment de nous convaincre
que l’empereur était trop méchant. De
mon côté, j’ai un petit souvenir
personnel qui témoigne de ce qui a pu
devenir carrément de la désinvolture.
Les autorités de l’île Maurice où j’ai
quelques connaissances, m’avaient saisi
à l’occasion d’un de mes séjours de leur
projet d’organiser une belle
commémoration pour le bicentenaire de
la bataille de Grand-Port qui
s’était déroulée devant leurs côtes les
20 et le 27 août 1810, seule victoire
navale de Napoléon contre les Anglais.
Muflerie diplomatique, malgré ses
démarches officielles, le gouvernement
mauricien ne reçut même pas de réponse.
Cette attitude
provoque la stupéfaction à l’étranger où
ce moment de l’Histoire de France a
toujours autant d’importance et continue
toujours autant à fasciner. Parce
qu’issu de la Révolution Française,
Napoléon Bonaparte est un des plus
grands personnages de l’Histoire de
notre pays et par conséquent de celle du
monde. Mythe ou réalité, on raconte
qu’il s’est publié plus d’ouvrages sur
lui que ne se sont écoulés de jours
depuis sa mort, ce qui nous amène
aujourd’hui à plus de 72 000…
Un songe si
prodigieusement rempli
Jamais on n’a vu
une telle accélération de l’histoire, de
tels événements, de tant de
bouleversements, et d’effondrements dans
une période aussi courte que ces 25 ans
qui séparent l’ouverture des États
généraux et le retour de Louis XVIII. Et
écoutons Jacques Bainville, nous dire
que pour Napoléon ce sera « 10 ans,
quand il y en a 10 à peine qu’il a
commencé à sortir de l’obscurité rien
que 10 ans et ce sera déjà fini…. Le
temps l’a pris par l’épaule et le
pousse. Les jours lui sont comptés. Ils
s’écouleront avec la rapidité d’un songe
si prodigieusement rempli. » C’est
Nietzsche chez qui, Napoléon avait
quitté l’objectivité pour investir
l’imagination incarnant pour le
philosophe « l’idéal antique en chair
et en os, l’idéal noble en soi, une
synthèse d’inhumain et de surhumain
». C’est Hegel qui prétendit dégager la
signification philosophique de la
politique napoléonienne et écrivit après
Iéna : « J’ai vu l’Empereur- cette
âme du monde – sortir de la ville pour
aller en reconnaissance ; c’est
effectivement une sensation merveilleuse
de voir un pareil individu qui,
concentré ici sur un point, assis sur un
cheval, s’étend sur le monde et le
domine ». Beethoven qui lui consacre
une symphonie. C’est Roland Barthes
regardant le daguerréotype de Jérôme
Bonaparte, le frère mort sous le Second
Empire et disant fasciné « je vois
les yeux qui ont vu l’empereur ».
C’est Zhou Enlaï répondant en 1970 à
Malraux lui demandant ce qu’il pensait
de la Révolution française et qui disait
humblement : « il est trop tôt pour
en parler ». Innombrables sont les
exemples de cette fascination chez les
plus grands esprits, et que dire de la
passion parfois obsessionnelle
massivement partagée dans le monde
entier.
Mais dans la France
d’aujourd’hui, chez nos élites
acculturées, ou saisies par la haine de
soi, il n’en est pas question, on traite
« l’événement Napoléon Bonaparte
» par l’ignorance et la désinvolture.
Personne n’est obligé d’aimer Napoléon,
on peut même le critiquer et violemment
et il y a des cohortes qui ne s’en
privent pas. Mais cela veut dire que
l’on prend l’Histoire de France à
bras-le-corps et c’est bien.
Il faut absolument regarder Henri
Guillemin, toujours érudit et
souvent d’une mauvaise foi réjouissante
déconstruire brillamment la mythologie
bonapartiste, un régal.
Surenchère dans
la haine de soi
Alors pourquoi ce
silence aujourd’hui ? Il n’y a pas
d’autre hypothèse que celle d’une
volonté de relecture de l’Histoire de
France destinée à dénigrer un pays que
l’on est prié de ne pas aimer. Toujours
prendre les choses par le bas, par le
détail, par le mensonge, Vichy c’était
la France, 14-18 les fusillés, la
Révolution la Terreur, Napoléon un blanc
raciste et homophobe. Alors nous dit-on,
dans ce cas pourquoi aimer un pays comme
celui là et vouloir qu’il continue à
exister ?
On trouve
malheureusement dans l’actualité les
échos de cette approche frappée au coin
d’une bien-pensance complètement
anachronique proche de la simple
niaiserie et motivant les initiatives
les plus incongrues.
Miguel Rodriguez,
élu communiste d’Aulnay sous-bois est
très contrarié. Sa collectivité vient
d’entamer la réalisation d’un square et
a
décidé de l’appeler « square Napoléon
Bonaparte », ce que notre édile juge
tout à fait scandaleux. Son sang n’a
fait qu’un tour et avec des arguments
dont on appréciera la portée, il a saisi
le tribunal administratif d’un recours
en annulation de cette décision: «
qui peut entraîner un trouble à l’ordre
public, Aulnay-sous-Bois compte un grand
nombre de personnes originaires du
continent africain. La personnalité de
Napoléon Bonaparte est très contestée
dans ces communautés, notamment du fait
qu’il a rétabli l’esclavage par décret
du 20 mai 1802 ». Ah bon ? Donc les
gens d’origine africaine qui habitent
Aulnay-sous-Bois pourraient avoir la
tentation de faire comme ceux qui à
Évreux le soir de la victoire de
l’Algérie à la CAN ont détruit une
statue du général de Gaulle ? Vous en
êtes là ? Mesurez-vous le caractère
désolant de cette démarche démagogique,
clientéliste et politiquement sans
principe. Et qui a également pour défaut
d’insulter l’héritage d’un Parti dont
vous n’êtes pas digne. Qui lui ne
faisait pas de différence ethnique parmi
les gens qu’il défendait.
Parce que je peux
vous dire, camarade Rodriguez qu’il fut
un temps au PCF, quand il était vraiment
un parti de masse et l’expression
politique de la classe ouvrière
française, à ceux qui fréquentaient les
écoles du Parti il était fermement
conseillé, en plus des œuvres de Marx et
Lénine, de lire les deux livres sur
Napoléon, publiés par les Éditions du
Progrès de Moscou et diffusés par la
maison d’édition du PCF. La biographie
d’Eugène Tarlé datée de 1937 et marquée
par un dogmatisme marxiste gage de
survie à ce moment-là. Et puis
celle d’Albert Manfred publiée en 1965
époque de la déstalinisation
Kroutchévienne. Chef-d’œuvre, toujours
marxiste lui aussi, et qui m’a fait
tomber dans la marmite de la passion
pour le Corse et son aventure où j’ai
passé pas mal de temps. Les Russes
soviétiques ou pas étaient eux aussi
fascinés par Napoléon et pas seulement
parce qu’ils l’avaient battu. J’ai eu le
sentiment que c’était pareil pour les
Français, communistes ou pas… Je me
rappelle ce vieil écrivain membre du
Parti, réticent face à la critique de
Staline et qui pour le défendre
invoquait cet argument : « oui mais,
comme Napoléon, de fils de vacher
Staline a fait des maréchaux ». Ce
qui était parfaitement exact, mais
peut-être pas suffisant pour réhabiliter
le Petit Père des peuples…
Pour les jeunes
lecteurs (je sais qu’il y en a) et les
autres qui voudraient s’y mettre, dans
la profusion des biographies, je
conseillerais celle récente et brillante
de Patrice Gueniffey qui permet une
première plongée dans cette aventure
inouïe. Après, parmi les 72 000 autres
livres, chacun fera son choix. Pour ceux
qui aiment le lyrisme, et l’excès, il y
a « L’âme de Napoléon » où Léon Bloy y
déploie son étrange génie et dit
n’importe quoi. Un bonheur.
Enfin, et tant
qu’on y est, sans nous éloigner de
Napoléon, permettons-nous une petite
transition avec la France d’aujourd’hui,
en conseillant la lecture de deux
ouvrages. Tout d’abord « le 18
brumaire », à nouveau de Patrice
Gueniffey où celui-ci décrit
remarquablement la préparation et la
réalisation du coup d’État de Bonaparte.
Et ensuite celui de Karl Marx : « Le
18 Brumaire de Louis Bonaparte » où
Marx décortique celui de Napoléon III.
Un coup d’Êtat, celui de l’oncle, civil,
juridiquement réussi et sans violence,
et 54 ans plus tard un autre du neveu,
militaire et particulièrement brutal. Il
y a peut-être quelques leçons à en
retenir pour la situation actuelle dans
notre pays.
Mais ceci est une
autre histoire.
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