Actualité
Cesare Battisti : fin de parcours et
misère du gauchisme mondain
Régis de Castelnau
Vendredi 18 janvier 2019
Cesare Battisti
vient donc d’être ramené en Italie après
une cavale de 37 ans pour y effectuer la
peine de réclusion criminelle à
perpétuité prononcée par les
juridictions italiennes. Salvini
ministre de l’intérieur de ce pays
auquel Emmanuel Macron a passé son temps
à donner des leçons, n’a pas perdu
l’occasion de se foutre de nous en
accueillant sur le tarmac le fugitif qui
va rejoindre définitivement sa prison.
Hélas à juste titre compte tenu la façon
dont notre camp du bien a ridiculisé
notre pays, il y a maintenant 15 ans. Cesare Battisti,
meurtrier en fuite
On ne reviendra pas
ici sur l’histoire particulière et
complexe du terrorisme d’extrême gauche
dans l’Italie des années 70, sur le rôle
trouble de l’extrême droite, des réseaux
et des agences gouvernementales d’Italie
ou d’ailleurs. Simplement rappeler que
ce terrorisme était pratiqué par de
vrais militants mais aussi par des
opportunistes voyant là, le moyen
d’habiller leur délinquance sanglante et
d’obtenir des soutiens. Battisti déjà
délinquant avait compris cette
opportunité lors d’un séjour en prison
et par la suite l’activité de son groupe
n’a consisté qu’en braquages et en
meurtres. Période qu’il n’a jamais
regrettée, allant parfois jusqu’à la
revendiquer. Après une première
condamnation il avait réussi à s’évader
de la prison où il était incarcéré. Par
la suite, mis en cause dans un certain
nombre de faits ayant entraîné la mort
de quatre personnes, Il a été jugé et
condamné en Italie après une procédure
régulière à laquelle il n’a pas voulu
participer physiquement et directement
et aux décisions de laquelle il a refusé
de se soumettre. C’est son droit,
vouloir échapper à la puissance et à la
violence légitime de l’État est quelque
chose de tout à fait normal, et le
souhait de s’évader et de rester en
liberté est pour un homme quelque chose
de naturel. On ne peut reprocher à
personne de le vouloir. Mais l’État de
son côté est complètement légitime à
tout faire pour empêcher cette évasion
et pour la punir. C’est bien ce qu’a
voulu faire l’État italien quand les
condamnations de Battisti sont devenues
définitives. Et c’est là que commence
une étonnante tragi-comédie politique
dans laquelle notre pays s’est
ridiculisé.
Quand François
Mitterrand amnistie à la volée
Qui commencera par
une finesse tactique comme d’habitude
assez intelligente de François
Mitterrand. Qui fera savoir aux
autorités italiennes qui à ce moment-là
n’étaient peut-être pas trop pressées de
récupérer des fournées de terroristes
condamnés et réfugiés chez le voisin
français. Le président de la république
en exercice fit discrètement savoir par
des émissaires qu’il n’était pas disposé
à laisser extrader les condamnés en
cavale et qu’il était peut-être
préférable de laisser les choses se
tasser et le temps faire son œuvre. Une
espèce d’amnistie bizarre sur un coin de
table par un dirigeant français qui
n’avait ni titre ni compétence à le
faire. D’après les participants aux
discussions, la protection
mitterrandienne n’était pas accordée aux
auteurs de crimes de sang. Le problème
c’est que ce bricolage n’avait aucune
valeur juridique, aucune valeur morale,
simplement un vague intérêt politique.
Directement le fruit d’une discussion
occulte et liant les dirigeants du
moment des deux pays. Il n’était
opposable à personne. Rappelons le cadre
juridique dans lequel tout ceci s’est
déroulé. L’Italie pays démocratique
appartenant à l’Union Européenne avait
régulièrement jugé et condamné un
certain nombre de personnes en
application de ses lois. Il lui était
possible lorsque ces personnes étaient
en cavale dans des pays avec lesquels
elle était liée par des accords
judiciaires d’en réclamer l’extradition.
Celle-ci était alors de la
responsabilité des juridictions du pays
saisies de cette demande. Qui devaient
l’accorder sauf à considérer
souverainement que les conditions
d’exécution des peines dans le pays
demandeur étaient de nature à mettre en
cause les droits de l’homme. La peine de
mort pouvant ainsi par exemple être un
motif légitime de refus d’extradition.
Entrée en scène
des bateleurs français, BHL expert
juridique (!)
Changement de
gouvernement en France, changement en
Italie, de nouvelles demandes
d’extradition ont été formulées par
l’État italien. Avec le soutien de
toutes les forces politiques y compris
celles de la gauche et en particulier
des communistes italiens. Tout ceux que
j’ai connus et que je considérais comme
des camarades soutenaient les demandes.
Et avaient le souvenir cuisant des
années de plomb et du prix que les
terroristes leur avaient fait payer à
eux aussi. Par conséquent les
juridictions françaises compétentes ont
été saisies. C’est alors que Battisti
réfugié en France depuis 1990 grâce à la
« doctrine Mitterrand » a été réclamé
par l’État italien. Il a alors bénéficié
d’un soutien important visant à tenter
de s’opposer à une extradition qui
apparaissait inéluctable. Devenu auteur
de romans policiers, le corporatisme des
écrivains ne lui a pas été compté. Les
habituels signeurs de pétition, la «
gentry de gauche », BHL (!) en tête et
en expert juridique (!!), les
socialistes, et les communistes mutants
de Robert Hue s’y sont mis aussi… Usant
de son privilège de parlementaire
François Hollande n’hésita pas à visiter
Battisti en prison…
Essayer de
clarifier la situation, rappeler les
faits, faire référence à l’État de droit
ou au simple bon sens, tout cela était
balayé par la clameur : « la «
doctrine Mitterrand » est juridiquement
opposable, Battisti est innocent, les
procédures italiennes sont illégales,
l’Italie est un pays fasciste ».
Nous allons répondre rapidement à ces
calembredaines.
La « doctrine
Mitterrand », d’abord était peut-être
politiquement astucieuse, mais elle
n’avait absolument aucune portée
juridique. Qu’était cette amnistie
décidée par un président français pour
des crimes commis dans un État étranger
? Cette ingérence dans la compétence à
décider de cette extradition des
juridictions françaises, dont on va
quand même rappeler qu’elles devraient
être indépendantes ? Quid des accords
internationaux ratifiés par la France ?
On est là dans le grand n’importe quoi.
Ensuite, Battisti
innocent et les procédures judiciaires
italiennes contraires aux garanties du
procès équitable ? Il existe un dossier
judiciaire particulièrement copieux dont
il résulte de la lecture, ne serait-ce
que d’une partie, que la culpabilité de
Cesare Battisti est avérée. Pour quatre
meurtres et des blessés dont le fils
d’un commerçant assassiné paraplégique
depuis cette époque. Le meurtrier a été
jugé après qu’il eut refusé de
comparaître en personne, ce qui était
son droit. La procédure de contumace
italienne est différente de la
Française. Au contraire de la France, où
la contumace qui n’existe plus
aujourd’hui, était unilatérale sans
débat contradictoire et débouchait sur
une décision non définitive, en Italie
la contumace est une procédure
complètement contradictoire, les avocats
de la personne poursuivie sont présents
et participent aux débats. Et peuvent
être bien sûr en contact avec leur
client à distance. Rappelons qu’après
avoir pu présenter par leur
intermédiaire sa défense et ses
observations Battisti a été condamné une
première fois. Condamnation confirmée en
appel et soumise ensuite à la Cour de
cassation italienne qui cassa
partiellement la décision pour un vice
de forme. L’affaire fut à nouveau
examinée par une cour d’appel de renvoi
qui le condamna une troisième fois.
Aujourd’hui, cette décision est
définitive et en droit elle est
applicable et exécutoire. Enfin, quant
au fait que l’Italie soit fasciste,
c’est une ânerie, même avec Salvini
comme ministre de l’intérieur ce n’est
pas encore le cas…
La longue fuite
de Cesare Battisti suite et fin
À cette époque,
nous n’étions pas encore sous Emmanuel
Macron et l’État de droit n’était pas à
ce point à géométrie variable.
L’extradition apparaissant inéluctable,
Cesare Battisti jugea plus sûr de
s’enfuir à nouveau. Ce geste qui était
celui d’un homme qui voulait garder sa
liberté et par conséquent respectable,
fut vécu par la petite gauche qui le
soutenait, comme une trahison. Ce fut
une volée de moineaux et toutes les
belles âmes s’éparpillèrent. Qui, en
disant que la fuite était un aveu de
culpabilité, qui se considérant bafoué
exhalait son aigreur, qui retournant à
ses petites affaires, qui à son riad de
Marrakech.
Réfugié au Brésil,
Battisti fut protégé par Lula puis par
Dilma Roussef, le changement de pouvoir
au Brésil a mis fin à ses 37 ans de
cavale et l’a contraint à affronter ce
qu’il avait tant fui. Je ne connais pas
cet homme et n’ai pas d’opinion
particulière le concernant. Sinon
peut-être que ses écrits font apparaître
une personnalité un peu inquiétante, et
son refus affiché de regretter ses
dérives meurtrières n’en fait pas
quelqu’un de très sympathique. Mais je
trouve en revanche normal qu’il ait
cherché à échapper à son destin et à la
vie qui l’attend maintenant. Et normal
aussi, que beaucoup de mes amis italiens
et l’opinion publique de ce pays,
puissent dire aujourd’hui à son propos :
« justice est faite ».
Je continuerai
cependant à considérer que mobilisation
de la petite gauche il y a 15 ans
n’était qu’une pose « gauchiste »
nombriliste particulièrement déplaisante
et insultante pour le peuple italien.
Une coquetterie pour masquer la réalité
de l’inconséquence de ce camp du bien
donneur de leçons. Le lâchage de
Battisti après sa nouvelle fuite et les
cours de morale à lui donnés à ce
moment-là, montrent bien que le
narcissisme opportuniste de ceux qui se
mirent alors en avant, était comme
d’habitude leur seul moteur.
On voit d’ailleurs
aujourd’hui la valeur de ces engagements
avec leur assourdissant silence ou leur
approbation bruyante devant la brutale
répression policière et judiciaire dont
sont l’objet les gilets jaunes.
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