Vu du Droit
Epstein, Schiappa, Taquet,
quand Plic & Ploc prennent la pose
Régis de Castelnau
Mercredi 14 août 2019
Comme c’était prévisible, le tremblement
de terre de l’affaire Jeffrey Epstein a
produit des répliques chez nous. Dont
celle de deux, parmi les ministres les
plus ridicules de notre gouvernement,
Marlène Schiappa secrétaire d’État
sapiosexuelle et Adrien Taquet aux
attributions obscures et auparavant
passé par la case DSK, c’est dire.
Histoire de tirer des bénéfices
politiques de l’affaire, par un
communiqué de presse commun
ils ont réclamé l’ouverture d’une
enquête en France sur les
agissements du suicidé de Manhattan.
Provoquant les réactions prévisibles de
la Garde des Sceaux et des syndicats de
magistrats qui en ont profité pour
essayer de redorer leurs blasons ternis
par leur attitude pendant la crise des
gilets jaunes.
Cérémonie
expiatoire
La mondialisation
néolibérale est corrompue jusqu’à l’os.
Le terme corruption ici utilisé n’est
pas seulement celui de la définition
juridique qui figure dans le code pénal
et concerne l’achat illégal d’avantages
publics. Il recouvre également cette
corrosion profonde qui s’est installée
et que l’on masque avec des discours
moralisants d’une hypocrisie
confondante. On sait très bien chez les
dominants et ceux qui les soutiennent
que le système est totalement amoral, et
que sa seule loi est celle de l’argent,
celui qui permet tout, achète tout.
Alors de temps en temps, sous le poids
de cette contradiction se déclenchent
des scandales planétaires ou le double
puritanisme du sexe et de l’argent va
pouvoir s’en donner à cœur joie. Malheur
à celui, dont les turpitudes étaient
parfaitement connues de tout le monde,
mais sur lequel va tomber la violence de
la cérémonie expiatoire. Les anciens
amis instantanément dispersés comme une
volée de moineaux, seront en première
ligne de la meute à réclamer les
châtiments les plus terribles.
Je ne sais pas qui
était Jeffrey Epstein, dont j’ai appris
l’existence avec l’information de sa
mort en détention. Je ne sais pas si les
accusations portées contre lui étaient
fondées, mais si c’est le cas, les
termes de prédateur sexuel et de
proxénète et pour tout dire de gros porc
seraient utilisables. Je ne sais pas non
plus s’il s’est suicidé, la thèse d’un
assassinat pour éviter l’élargissement
du scandale n’est pas impossible. En
revanche, je pense que la claire
conscience de ce qui l’attendait a pu
aussi le pousser à vouloir l’éviter.
Plic & Ploc la
ramènent
Revenons aux propos
de nos Plic & Ploc gouvernementaux
avides d’exposition médiatique. Tout
d’abord, la classique niaiserie
victimaire attribuant à la Justice une
mission qui n’est pas la sienne : «
la mort de Monsieur Epstein ne doit pas
priver les victimes de la justice à
laquelle elles ont droit : c’est une
condition essentielle de leur
reconstruction. » On va donc
rabâcher à nouveau que la Justice est là
pour appréhender des faits, les
qualifier, et après un débat
contradictoire prononcer la sanction que
mérite leur auteur. Les juges ne sont
pas des psychiatres. Ensuite, il est
atterrant d’être contraint de rappeler
qu’on ne juge pas les morts. C’est un
principe fondamental qui a plusieurs
motifs, et en particulier celui que
l’accusé ne peut plus se défendre. Et
nos duettistes de poursuivre : «
l’enquête américaine a mis en lumière
des liens avec la France. Il nous semble
fondamental pour les victimes, qu’une
enquête soit ouverte en France afin que
toute la lumière soit faite. »
On fera observer que, s’il apparaît que
Jeffrey Epstein s’est livré à son triste
commerce dans notre pays, c’est-à-dire
que des infractions graves y ont été
commises, ce qui serait fondamental et
justifié serait qu’une enquête ait lieu
pour le déterminer et identifier
coauteurs et complices qui pourraient
alors être poursuivis. La justice
française est parfaitement compétente
pour le faire. Nul besoin pour le
réclamer d’invoquer le mantra rituel de
l’intérêt des victimes.
Quelle
séparation des pouvoirs ?
Immédiatement,
histoire de restaurer une image
passablement cabossée de défenseuse de
la séparation des pouvoirs, Nicole
Belloubet
y est allée elle aussi de son
intervention. Il faut dire, que la
Garde des Sceaux part de très loin, elle
qui a organisé, soutenu, revendiqué les
violences policières et judiciaires
contre le mouvement social des gilets
jaunes, et accepté sans broncher
l’instrumentalisation politique d’une
Justice lancée contre l’opposition
politique et protégeant les amis de
Monsieur Macron.
« Les poursuites
ne sont pas des décisions du
gouvernement. Depuis 2013, les
instructions individuelles sont
prohibées, conformément au principe
d’indépendance de l’autorité judiciaire
» nous dit-elle. Pardon Madame ? Le
principe d’indépendance de l’autorité
judiciaire ne concerne que le juge du
siège, pas le parquet et vous le savez
parfaitement. Et le parquet, autorité de
poursuite de la République est sous
votre responsabilité. Schiappa et Taquet
demandent une enquête sur des faits, et
non pas une procédure contre une
personne particulière mais sur
l’existence éventuelle de réseaux de
prostitution en France.
La prohibition des « instructions
individuelles » ne concerne en rien
ce qu’ils souhaitent contrairement à ce
que vous faites semblant de croire.
Venons-en
maintenant à nos amis magistrats, dont
les organisations syndicales ont affiché
une pudeur de violette pendant tout le
mouvement social des gilets jaunes
confronté à des violences policières et
judiciaires considérables et souvent
illégales.
Jacky Coulon secrétaire général de
l’Union Syndicale des Magistrats
s’est fendu d’une déclaration dans
laquelle il nous dit : « Aucun
ministère n’a vocation à demander une
enquête judiciaire, d’autant que, pour
exercer des poursuites pour un crime ou
un délit puni d’une peine
d’emprisonnement à l’étranger, il est
nécessaire d’avoir une plainte préalable
de la victime ou de ses ayants droit, ou
encore une dénonciation officielle par
l’autorité du pays où le fait a été
commis. De plus, en droit français, on
ne peut pas poursuivre les morts. »
Juste quelques observations sur ce
rappel à l’ordre juridique soigneusement
à côté de la plaque et uniquement
destiné à montrer au chaland comment
l’USM se veut elle aussi la gardienne de
la séparation des pouvoirs. Schiappa et
son compère demandent effectivement une
enquête judiciaire, mais pour des faits
commis en France, prévus et réprimés par
la loi française, en l’occurrence
l’existence de réseaux de prostitution.
En aucun cas ils ne demandent des
poursuites contre Jeffrey Epstein, ils
proclament certes hypocritement « qu’il
leur semble fondamental qu’une enquête
soit ouverte en France ». Désolé
mais en matière de violation de la
séparation des pouvoirs, on a vu bien
pire.
Souiller la
meilleure des causes
En revanche, dans
le domaine de la démagogie politicienne
crasse, nos duettistes font fort. Pour
eux, l’enquête serait « la condition
à (!) une protection plus efficace à
l’avenir d’autres jeunes filles face à
ce type de réseaux organisés, face à ce
type de prédateurs ». Que voilà un
noble objectif que l’on ne peut
qu’approuver. Et les auteurs du
communiqué d’enfoncer vigoureusement le
clou : « nous rappelons notre
détermination entière à protéger les
jeunes filles des violences sexuelles et
notamment des réseaux d’exploitation
criminelle. » De peur que nous ayons
des doutes sur la valeur de leurs
engagements ?
Eh bien oui nous en
avons, parce que leur comportement peut
faire craindre de leur part une
sollicitude à géométrie très variable.
Sauf erreur, on ne les a jamais entendus
protester contre les réseaux de
prostitution africaine ou chinoise qui
ont envahi les trottoirs parisiens,
niçois, les bois de Vincennes et de
Boulogne, jusqu’à l’émergence désormais
avec ces malheureuses d’une prostitution
rurale. On ne les a pas entendus non
plus se prononcer
sur les trafics de ces migrantes
promises à l’abattage et destinées à
ces réseaux. Pas plus qu’ils ne
dénoncent ces passeurs qui se posent en
héros des temps modernes alors qu’ils
livrent leurs marchandises à la mafia
italienne travaillant de concert avec la
pègre nigériane pour alimenter ce
commerce ignoble. Là-dessus, silence de
nos deux belles-âmes.
Alors non, ce
communiqué n’est rien d’autre qu’une
misérable opération de communication
estivale destinée à permettre à ses deux
auteurs de prendre la pose. Et au
passage au Garde des Sceaux et à l’USM
d’essayer de se refaire une virginité.
Comment souiller la
meilleure des causes.
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