Vu du Droit
Justice politique : le revirement de «
Zigzag »
Régis de Castelnau

Jeudi 12 novembre 2020 Le livre rédigé
pour analyser le dévoiement politique de
la justice française qui s’est mise au
service du système Macron aurait dû
paraître le 12 novembre, c’est-à-dire
aujourd’hui.
Malheureusement,
le deuxième confinement et la fermeture
des librairies ont imposé un report de
publication. Il faudra attendre encore
un petit peu.
C’est le moment
choisi par Ziad Takkiedine pour changer
la version qu’il avait complaisamment
fournie aux magistrats chasseurs de
Sarkozy.
C’est un peu
dommage, car je pense avoir fourni une
analyse pertinente de la dérive de
l’instrumentalisation de la justice à
dessein politique.
Sollicité par
Atlantico je donne mon avis sur ce qui
vient de se produire et qui à mon avis
illustre cette problématique.
Financement
libyen : derrière le revirement de Ziad
Takieddine, les petits secrets d’une
justice ultra politisée
Atlantico.fr :
Que nous révèlent les éléments dévoilés
par Ziad Takieddine sur l’affaire du
financement libyen de la campagne de
2007 ?
Régis de
Castelnau : Ce rebondissement nous
révèle en fait plusieurs choses. À
commencer par la plus importante, en
fournissant la démonstration que
l’ensemble de ce dossier judiciaire
n’est qu’un montage. Il n’est pas
question ici de prendre particulièrement
la défense politique de Nicolas Sarkozy
mais simplement de constater qu’après
quasiment huit ans de procédure nous
sommes en présence d’un dossier
judiciaire particulièrement vide. Cette
réalité démontre que l’ancien président
de la république a été victime d’un
acharnement politique de la part d’abord
du juge d’instruction Serge Tournaire ,
que l’on peut qualifier aujourd’hui de «
fournisseur officiel » de mises en
examen à Nicolas Sarkozy, appuyé par une
autre magistrate, Aude Buresi qui a
repris le pilotage du dossier après le
départ de Tournaire. Rappelons au
passage que ces deux magistrats sont
ceux qui ont officié au printemps 2017
dans le raid judiciaire destiné à
disqualifier la candidature de François
Fillon à l’élection présidentielle.
Le deuxième
enseignement est relatif au rôle de
Mediapart, qui dans un étrange jeu de
miroirs avec l’instruction, a participé
activement à la conduite d’une affaire
politico-judiciaire démontrant jusqu’à
la caricature comment on peut
instrumentaliser la justice à des fins
politiques. Dès son élection à la
présidence, Nicolas Sarkozy était devenu
la cible d’une chasse systématique et
partiale visant à obtenir sa
condamnation, à la fois pour le
disqualifier politiquement, mais aussi
de la part des magistrats régler des
comptes avec celui qui les avait
qualifiés de « petits pois sans saveur
».
Le troisième
enseignement est relatif à ce que l’on
comprend du revirement de Ziad
Takieddine. Nous avons là un personnage
passablement interlope, intermédiaire
multicartes à la grande époque des «
rétro commissions » sur les marchés à
l’export destinées au financement
politique. Il s’est retrouvé impliqué
dans plusieurs affaires judiciaires et a
été à mon avis instrumentalisé par les
magistrats instructeurs du pôle
financier. Embarqué dans l’affaire
Karachi, il est tout à fait possible
qu’il ait pensé pouvoir bénéficier d’une
certaine mansuétude dès lors qu’il
impliquerait Nicolas Sarkozy. Ce calcul
a échoué puisque que 25 ans après les
faits (!) Il a été condamné à une lourde
peine au mois de juin dernier. Je ne
connais pas les raisons de son
revirement, mais j’imagine qu’elles sont
liées à cette condamnation à cinq ans de
prison ferme, qu’il n’effectuera pas
puisqu’il s’est mis à l’abri dans son
pays le Liban d’où il ne peut être
extradé.
En tout cas, cet
événement pose une fois encore dans un
dossier emblématique le problème du
dévoiement d’une partie de la justice
pénale qui a accepté de se mettre au
service d’intérêts politiques. Qui voit
des magistrats politisés, abandonner les
impératifs d’impartialité, et surtout
s’agissant de magistrats instructeurs
l’obligation légale d’instruire à charge
et à décharge.
Les déclarations
de Ziad Takieddine peuvent-elles faire
réellement basculer l’affaire
judiciaire ? Quelles sont les prochaines
étapes judiciaires suite à ces propos
médiatiques ? Alors que Nicolas Sarkozy
avait été récemment entendu dans ce
dossier, où en était l’information
judiciaire dans cette affaire ?
Normalement oui,
puisque ce sont ses accusations
initiales combinées à la fourniture par
Mediapart de pièces passablement
baroques qui ont permis de lancer la
procédure. Et alimenté l’acharnement
judiciaire et politique contre l’ancien
chef de l’État. Rappelons que cet
procédure dure depuis près de huit ans
et qu’il n’en est ressorti rien de
probant. Mais cela a permis récemment le
prononcé de mises en examen
médiatiquement sonores, mais
judiciairement brinquebalantes. Alors,
la disparition d’un des deux piliers de
l’accusation avec la mise en cause
personnelle du juge d’instruction,
devrait normalement amener l’affaire
dans une impasse.
Par l’intermédiaire
de son avocat, Nicolas Sarkozy devrait
demander l’audition de Ziad Takieddine.
Et dans la mesure où les fameux «
indices graves et concordants » sont
désormais branlants, solliciter son
retour au statut de « témoin assisté ».
Avant son départ
Serge Tournaire avait délivré en forme
de cadeau de départ, une mise en examen
de Nicolas Sarkozy pour « corruption ».
L’autre juge d’instruction après avoir
entendu Nicolas Sarkozy pendant trois
jours essentiellement sur les
déclarations de Ziad Takieddine, avait
complété le dispositif avec le chef de «
association de malfaiteurs ». Il semble
bien que dans un cas comme dans l’autre,
aucun élément nouveau ne justifiait ce
changement de statut pour l’ancien chef
de l’État.
Pour la suite des
opérations, compte tenu de ce qui s’est
passé auparavant, on voit mal les
magistrats instructeurs renoncer à
l’orientation qu’ils ont donnée à ce
dossier depuis le début, qui serait une
façon de perdre la face. Je pense qu’il
sera possible d’en dire un peu plus avec
l’attitude de la chambre d’instruction
et ensuite de la Cour de cassation dans
le contrôle de cette procédure quand
elles seront saisies. Jusqu’à présent
ces deux institutions ont à peu près
tout couvert. Toute façon, tout ceci va
prendre du temps…
L’horizon
judiciaire et politique peut-il
réellement s’ouvrir pour Nicolas Sarkozy
après ce nouveau rebondissement ? Quel
bilan tirer de cette affaire ?
Nicolas Sarkozy est
encore la cible de trois autres dossiers
fruits de la chasse dont il est l’objet
depuis une dizaine d’années. Au mois de
mars sera jugée la fameuse affaire
Bygmalion, où son implication est très
peu importante et devrait déboucher
normalement sur une relaxe. Mais cela
l’obligera quand même à participer à une
audience interminable. Il y aura ensuite
la fameuse affaire « Paul Bismuth » où
il a été renvoyé en correctionnelle pour
« corruption » dans une affaire
rocambolesque. Dont il faut quand même
rappeler qu’elle a débuté par des
écoutes téléphoniques de près de huit
mois, ordonnées par Serge Tournaire dans
le dossier libyen… il y aura enfin le
troisième dossier où Nicolas Sarkozy et
viser indirectement, celui des «
sondages de l’Élysée » qui devrait être
jugé en octobre 2021.
Le bilan de cette
affaire renvoie à ce qui s’est passé
dans notre pays depuis une trentaine
d’années. Où nous avons assisté à ce
qu’il n’est pas excessif de qualifier de
dévoiement politique. Quand une partie
de la magistrature a accepté son
instrumentalisation à des fins
politiques. François Fillon, Jean-Luc
Mélenchon, et Marine Le Pen par exemple,
en savent quelque chose. Il est temps de
regarder les choses en face et d’obtenir
qu’il soit mis fin à ce qui constitue
quand même une dérive inacceptable.
Je suis ferme sur
cette analyse car je viens de rédiger un
ouvrage qui aurait dû paraître
aujourd’hui (!) que j’ai intitulé : « Une
justice politique. Des années Chirac au
système Macron histoire d’un dévoiement ».
Malheureusement le nouveau confinement a
obligé à différer la parution qui ne
pourra s’effectuer que dans quelques
semaines.
Cette affaire et
les éventuels futurs rebondissements
suite aux déclarations de Ziad
Takieddine seront-ils un nouveau caillou
dans la chaussure pour Emmanuel Macron
et le Garde des Sceaux Eric
Dupond-Moretti pour la fin du
quinquennat et dans l’optique de la
course à la présidentielle pour 2022 ?
Effectivement, le
revirement très commenté de Ziad
Takieddine, permet de poser le problème
de la période électorale qui ne va pas
tarder à s’ouvrir pour l’échéance
présidentielle de 2022.
L’instrumentalisation politique de la
justice dont le parti socialiste et
François Hollande sont les principaux
responsables a créé une situation
dangereuse. Marine Le Pen que les
sondages installent comme opposant
principal à Emmanuel Macron est
impliquée dans deux affaires
judiciaires. Et on peut craindre au
regard de ce qui s’est passé avec
François Fillon de nouvelles
interventions judiciaires visant à
fausser le scrutin. Mais, ce ne sera
peut-être pas si simple pour Emmanuel
Macron. En effet l’affrontement de
l’automne entre une magistrature
rassemblée et Éric Dupond Moretti Garde
des Sceaux choisi par Macron a démontré
la réalité d’une autonomie politique que
certains pourraient être tentés
d’utiliser y compris à l’encontre des
amis l’actuel chef de l’État. Les
conduites des procédures contre les
ministres et hauts fonctionnaires pour
la gestion de la pandémie Covid, ont
démontré que même le système Macron
n’était pas l’abri. Rappelons-nous de
ces perquisitions aussi inutiles que
spectaculaires contre Édouard Philippe
et Olivier Véran ministre de la santé en
exercice la veille d’une intervention du
chef de l’État annonçant les mesures
prises pour lutter contre la pandémie.
Le message était
particulièrement clair.

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