Vu du Droit
Violence de la répression contre le mouvement social :
la Justice première responsable
Régis de Castelnau
Dimanche 8 décembre 2019 La grande journée
du 5 décembre dont personne à part
quelques militants déguisés en
journalistes, n’a pu nier qu’elle était
un grand succès a pourtant encore été
marquée par d’intolérables violences
policières. Aux quatre coins de la
France, des caméras nous ont montré des
forces de l’ordre utiliser sans aucun
complexe une violence parfois sans frein
faisant rejaillir sur l’ensemble du
corps de la police un déshonneur qui
mettra très longtemps à se dissiper.
Depuis un an, des
policiers dévoyés, s’en donnent à cœur
joie et utilisent tranquillement des
méthodes dignes de milices de nervis,
contre des manifestants voulant user de
leurs libertés constitutionnelles. Le
tout sous le regard des caméras, des
témoins, et de la presse étrangère
effarée, sans que cela émeuve beaucoup
la presse mainstream. À longueur de
plateaux et de colonnes, les éditocrates
se relaient pour stigmatiser les
violences des manifestants et rester
muets sur l’effarant bilan d’un an de
violences policières. Et Emmanuel Macron
aura beau dire «ne parlez pas de
‘répression’ ou de ‘violences
policières’, ces mots sont inacceptables
dans un Etat de droit.», le
catastrophique Castaner « qu’il faut
arrêter de parler de violences
policières » et
Laetitia Avia proférer sur Mediapart
devant un Plenel complaisant cette
vilenie : «apportez-moi une violence
constatée et je serais la première à la
condamner », il n’est personne pour
douter de l’existence de ces violences.
Et pas grand monde ne peut se faire
d’illusions sur leur caractère
politiquement délibéré et organisé,
probablement sur ordre comme l’a
démontré l’opération
de la place d’Italie le 16 novembre
dernier avec le comportement du
préfet de police de Paris dans Jean-Luc
Mélenchon dit à juste titre «
qu’il a des méthodes de psychopathe ».
Sous la pression
des réseaux où circulent témoignages des
exactions, et commentaires de la presse
étrangère, une partie de la grande
presse nationale s’est sentie contrainte
changer un peu son fusil d’épaule et de
rapporter de façon beaucoup plus exacte
ce qui se passe. Mention spéciale au
journal le Monde qui a commencé
à se pencher sur ces dérives avec
honnêteté.
L’impression
désastreuse laissée par l’installation
de cette répression violente se nourrit
bien sûr, de son bilan épouvantable en
termes de décès, d’amputations, de
blessures souvent gravissimes, mais
aussi et surtout de cette impression
d’une violence complètement débridée,
utilisée absolument sans complexe et
nourrie par un sentiment d’impunité qui
pousse à la surenchère.
Comment en est-on
arrivé là ?
Pour une raison
très simple : ceux dont c’est la mission
de contrôler l’utilisation par les
forces de police de la violence légitime
de l’État, ce sont les magistrats du
service public de la justice. Ce sont
eux qui sont chargés de notre protection
face à ces débordements. Toutes ces
violences dont le remarquable travail
réalisé par David Dufresne nous permet
d’avoir idée de l’importance, sont
autant d’infractions sévèrement
réprimées par le code pénal.
Il y a les
violences volontaires par personne
dépositaire de l’autorité publique
prévues et réprimées par les articles
222-7 et suivants du code pénal. Une
lecture rapide montre bien que les
violences volontaires comme le fait
d’éborgner en visant la tête avec un LBD
ou un lance-grenade sont des crimes
relevant de la cour d’assises ! Comment
qualifier autrement que de « tentative
de meurtre » l’attentat
dont a été victime le malheureux Olivier
Beziade, pompier volontaire
bordelais le 12 janvier 2019. Et il y a
bien sûr aussi des violences volontaires
moins importantes pour lesquelles dans
toutes les incriminations du code, le
fait qu’elles soient commises par des
forces de l’ordre sont des circonstances
aggravantes ! Ce sont donc bien les
violences policières que le législateur
a entendues réprimer particulièrement.
Malheureusement la
réponse judiciaire qui était du devoir
des magistrats compétents est simplement
un désastre, fruit d’une défaillance
majeure dans le fonctionnement de la
Justice française.
Il y a cependant
une chose curieuse dans les débats
autour des violences policières depuis
un an, c’est que la plupart de ceux qui
les condamnent pointent la
responsabilité du ministre de
l’intérieur et de son chef installé à
l’Élysée et celle bien sûr les auteurs
directs de ces violences. On parle aussi
beaucoup du rôle de IGPN comme organisme
disciplinaire interne préposé à
l’étouffement et à l’impunité. Mais très
peu des premiers responsables, ceux qui
magistrats des parquets et juges du
siège ont la responsabilité par la
répression de ces violences illégales.
Et dont la mission est de protéger notre
intégrité physique et nos libertés à
commencer par celles constitutionnelles
de manifestation et d’expression. Or,
c’est justement cette étonnante
défaillance qui a permis au président de
la république et à ses amis de lâcher
les chiens, dans le but avéré de
réprimer, de brutaliser, d’estropier,
d’intimider et d’empêcher la
contestation de la politique voulue par
ce pouvoir minoritaire. On n’oubliera
pas non plus les
5000 gardes à vue manifestement abusives,
qui étaient autant de
séquestrations arbitraires couvertes
par les parquets quand elles n’étaient
pas directement organisées par eux.
On a déjà dit ici à plusieurs reprises
que l’autorité judiciaire avait en
grande partie rallié le pouvoir
macroniste et s’était mis à sa
disposition. L’élection circonstancielle
d’Emmanuel Macron en 2017 a amené au
pouvoir un homme et un groupe décidés à
imposer au pays
une politique dont majoritairement il ne
veut pas. Des trois outils de
répression dont dispose le pouvoir, à
savoir les médias caporalisés, les
forces de police, et l’autorité
judiciaire, c’est bien celui-ci qui est
le plus important et aujourd’hui le plus
utile.
Sa fonction est
triple :
•
protéger les amis du pouvoir et leur
éviter autant que faire se peut les
soucis judiciaires. L’expérience a bien
montré le rôle que devait remplir
le nouveau procureur de Paris choisi par
Emmanuel Macron.
•
Instrumentaliser la justice à des fins
politiques contre les opposants
institutionnels, Marine Le pen et
Jean-Luc Mélenchon en savent quelque
chose…
•
mener une répression de masse contre le
mouvement social des gilets jaunes. Le
bilan inouï de 3000 condamnations
distribuées en quelques mois dont 1000
peines de prison ferme, est là pour en
établir la réalité. Il suffit aussi
d’entendre les communiqués chiffrés de
victoire d’Édouard Philippe et de Nicole
Belloubet devant le Parlement. Mais ce
que l’on a tendance à oublier c’est la
deuxième facette de ce pouvoir de
répression, caractérisé par le refus
obstiné, d’abord des parquets, de
poursuivre efficacement les violences
policières.
On ne va pas ici ,
faute de temps et de place, faire la
liste de tous les exemples qui
documentent cette réalité, nous
contentant de revenir sur deux d’entre
eux, tellement emblématiques de cette
dérive, qui se sont précisément déroulés
le jour de la grande manifestation
syndicale.
Il y a tout d’abord cette vidéo où l’on
voit dans une rue de Paris, deux
policiers en uniforme adopter un
comportement de nervis pour s’acharner
brutalement sur un homme à terre. Elle a
fait le tour des réseaux provoquant
enfin le scandale politique que mérite
ce genre d’agissements. Alors on nous
dit que le parquet de Paris a ouvert une
enquête préliminaire, mais compte tenu
justement du scandale, il ne pouvait
faire autrement. On rappellera cependant
que l’enquête préliminaire n’est pas
contradictoire et qu’elle est secrète.
Qu’elle est à priori confiée à l’IGPN
dont on sait maintenant,
et notamment depuis l’affaire Canico
ce qu’il faut en penser. Jusqu’à présent
lorsque les parquets ont été contraints
et forcés de prendre de telles
initiatives cela a débouché sur des
classements sans suite aussi massifs
qu’invraisemblables. Pas une suspension,
pas une garde à vue, pas une mise en
examen jusqu’à présent. Juste sur
plusieurs centaines d’affaires,
une seule audience de jugement assez
ridicule pour donner le change. Ce
n’est pas avec cette initiative que le
parquet de Paris dirigé par le magistrat
choisi par Macron va redorer son blason.
Il y a ensuite un
épisode qui
s’est déroulé au Havre et filmé par deux
jeunes garçons assis dans leur
voiture garée sur un parking. Deux
policiers en furie se précipitent vers
eux et malgré les objurgations des deux
personnes qui n’opposent aucune
résistance, ils dégradent violemment le
véhicule et en extirpent brutalement les
deux occupants. Malheureux, il y avait
un gilet jaune sur le tableau de bord !
Ils ne savaient pas que dans la France
de Macron cela justifie cette
intervention violente ? Eh bien, il
s’est trouvé un membre du parquet local
pour couvrir la garde à vue infligée à
la suite, et histoire de faire bon poids
pour habiller le tout, les deux gamins
se sont vus délivrer une citation en
correctionnelle !
Mais revenons pour
conclure sur la petite séquence de
l’interview complaisante de la députée
LREM. Il y avait pire finalement que les
déclarations Laetitia Avia.
L’attitude de cette dirigeante du
Syndicat de la Magistrature venant
benoîtement dire qu’elle avait peur
d’aller à la manifestation du 5 décembre
à cause des violences policières.
Vous avez raison
Madame, user de sa liberté
constitutionnelle de manifestation est
devenu désormais dangereux. Mais
qu’avez-vous fait depuis un an, votre
organisation syndicale et vous même pour
réellement dénoncer et combattre ces
violences ? Vous nous dites les avoir
dénoncés depuis plusieurs mois, la
consultation de
votre site démontre pour le moins
une certaine parcimonie. Mais surtout,
qu’ont fait vos collègues pour
poursuivre fermement et ainsi prévenir
toutes ces violences illégales ? Quand
avez-vous critiqué cette défaillance de
la Justice, de votre Justice, dans le
contrôle des violences policières,
défaillance qui les a permises ?
Et comment
pouvez-vous accepter que le principal
outil de répression dont se sert Macron
contre le mouvement social soit celui du
corps auquel vous appartenez ?
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