Chronique de
Palestine
La guerre s’approche et
le pari électoral de Netanyahou coûtera
cher à Israël
Ramzy Baroud
Déconfiture israélienne dans l'attaque
du Liban en 2006. Massacrer sans risque
des civils
à partir du ciel est une chose, mais
s'affronter aux combattants aguerris
de la résistance libanaise en est une
autre ... - Photo : Archives
Mercredi 11 septembre 2019
Ramzy Baroud
– Le 1er
septembre, le groupe libanais Hezbollah
a
frappé une
base militaire israélienne près de la
ville frontalière d’Avivim. Il ripostait
à une
série de frappes
israéliennes dans quatre pays arabes en
deux jours.
La riposte
libanaise, qui a fait jubiler tout le
Liban, montre que le Premier ministre
israélien, Benjamin Netanyahou, a
peut-être surestimé le jeu qu’il avait
en main. Mais, pour Netanyahou, c’était
un pari nécessaire, car le dirigeant
israélien a désespérément besoin de
succès politiques pour espérer vaincre
des adversaires de plus en plus
déterminés, lors des
élections générales du 17 septembre
dans ce pays.
La question
principale qu’il faut se poser pour
analyser la décision de frapper la
Syrie, le Liban, l’Irak et Gaza, est
celle de savoir si cette décision est le
fait du gouvernement israélien ou si
elle est le fruit des calculs à
court-terme de Netanyahou lui-même. A
mon avis, c’est la seconde alternative
qui est vraie.
Israël a déjà violé
la souveraineté de toutes ces régions,
en bombardant certaines d’entre elles
des centaines de fois par le passé, mais
les frapper toutes ensemble est
sans précédent. Comme l’explication
de ces agressions par Israël et ses
alliés américains n’est en rien
convaincante, il faut conclure que ses
objectifs étaient uniquement politiques.
Un signe évident
que les attaques étaient censées
profiter à Netanyahou, et à Netanyahou
seul, est le fait que le Premier
ministre israélien a violé le vieux
protocole israélien de
ne pas commenter ce type de violence
transfrontalière. Il est tout à fait
inhabituel que de hauts responsables
israéliens se vantent des activités de
renseignement et des capacités
militaires de leur pays. Israël, par
exemple, a
bombardé la Syrie des centaines de
fois ces dernières années, mais il a
rarement assumé la responsabilité de ces
attaques.
Or, Netanyahou n’a
pas cessé de commenter les frappes
des 24 et 25 août. Quelques minutes
seulement après les frappes
israéliennes, Netanyahou a salué
« l’effort opérationnel majeur » de
l’armée, déclarant que « l’Iran n’a
nulle part d’immunité ».
En ce qui concerne
l’attaque de la région sud-est d’Aqraba
en Syrie, Netanyahou est entré dans le
détail, en s’étendant sur la nature de
la cible et l’identité de l’ennemi.
Deux des
combattants du Hezbollah tués en Syrie
ont été identifiés par l’armée
israélienne, qui a fait circuler des
photos les montrant en train de
soi-disant voyager sur la compagnie
aérienne iranienne Mahan, qui serait,
selon Israël et les États-Unis, un
important transporteur d’armes et de
matériel pour le Hezbollah et d’autres
proxys iraniens en Syrie et au Liban,
selon le
Times of Israel.
Pourquoi Israël
ferait-il une chose pareille sachant que
cela aidera certainement les pays ciblés
à découvrir certaines des sources de
renseignements d’Israël ?
L’Economist
a révélé que « certaines personnes …
dans les instances politiques et
sécuritaires israéliennes sont
préoccupées » par les continuelles
louanges de Netanyahou sur « la collecte
de renseignements et les succès
opérationnels d’Israël, et les détails
exceptionnels qu’il donne ».
La raison de tout
cela tient en un mot : les élections du
17 septembre.
Au cours des
derniers mois, Netanyahou a finalement
réussi à s’emparer du titre de Premier
ministre qui a servi
le plus longtemps le pays, malgré
son lourd héritage d’abus de pouvoir, de
calculs égoïste, et les grosses affaires
de corruption qui le touchent
directement ainsi que sa femme et ses
plus proches collaborateurs.
Pourtant, il n’est
pas certain que Netanyahou puisse
s’accrocher au pouvoir beaucoup plus
longtemps. Après les élections du
9 avril, le dirigeant israélien a
tenté de former un gouvernement de
politiciens de droite partageant les
mêmes idées, mais il a
échoué. C’est ce revers qui l’a
forcé à dissoudre la Knesset israélienne
le 29 mai et à organiser de nouvelles
élections. Même si la politique
israélienne est souvent agitée, la tenue
de deux élections générales en si peu de
temps est très rare et, elle révèle,
entre autres, la diminution de l’emprise
de Netanyahou sur le pouvoir.
De plus, pour la
première fois depuis des années,
Netanyahou et son parti, le Likoud,
soient confrontés à une véritable
concurrence. Ces rivaux, dirigés par
Benjamin Gantz du parti centriste Bleu
and Blanc (Kahol Lavan), sont déterminés
à battre Netanyahou dans toutes les
circonscriptions possibles, y compris
les colonies illégales qui le
soutiennent et ses partisans pro-guerre.
Les déclarations de
Gantz ces derniers mois n’ont rien à
voir avec le discours idéologique
habituel du Centre dans les autres pays.
L’ancien chef d’état-major général de
l’armée israélienne est un fervent
partisan des colonies juives illégales
et un fervent partisan de la guerre
contre Gaza. En juin dernier, Gantz est
même allé jusqu’à
accuser Netanyahou « d’affaiblir la
politique de dissuasion d’Israël » à
Gaza, ce qui « est interprété par l’Iran
comme un signe de faiblesse ».
En fait, les termes
« faible » ou « faiblesse » ont été
attribués à plusieurs reprises à
Netanyahou par ses rivaux politiques, y
compris de hauts responsables de son
propre camp de droite. L’homme qui a
tout misé sur sa réputation de violence
sans faille ou sans limite, au nom de la
sécurité israélienne, lutte maintenant
pour protéger son image.
L’auteur de ces
lignes n’oublie en rien les objectifs
régionaux et internationaux de
Netanyahou, notamment sa volonté
d’empêcher tout dialogue politique entre
Téhéran et Washington, une idée qui a
commencé à prendre forme au
sommet du G7 à Biarritz, en France.
Mais tous les scénarios régionaux futurs
sont passés au second plan, car, à
l’heure actuelle, le dirigeant israélien
se concentre entièrement à sa propre
survie.
Cependant, le label
de « Monsieur Sécurité » que Netanyahou
voulait obtenir en bombardant des cibles
multiples dans quatre pays pourrait ne
pas s’avérer aussi profitable que prévu.
Les médias israéliens propagent un
sentiment de panique parmi les
Israéliens, en particulier ceux qui
vivent dans le nord du pays et dans les
colonies juives illégales du plateau du
Golan occupé.
Ce n’est guère
l’image forte et puissante que
Netanyahou espérait retirer de son pari
militaire. Aucun des milliers
d’Israéliens, qui suivent actuellement
une formation pour leur permettre de
survivre aux représailles libanaises,
n’est particulièrement rassuré sur la
puissance de son pays.
Netanyahou n’est
évidemment pas le premier dirigeant
israélien à utiliser l’armée à des fins
de politique intérieure. Le défunt
dirigeant israélien,
Shimon Peres, l’a fait en 1996, et
il a
échoué lamentablement, mais
seulement après avoir tué plus de 100
Libanais et soldats de la paix des
Nations Unies dans le village de Cana,
dans le sud du Liban.
Les conséquences du
pari de Netanyahou pourraient être plus
désastreuses que de simplement perdre
les élections. Une guerre pourrait
éclater. Et si Israël devait faire face
à une guerre sur plusieurs fronts, il ne
pourrait pas la gagner, du moins, plus
maintenant.
23 août 2019 –
Middle East Monitor – Traduction :
Chronique de Palestine – Dominique
Muselet
*
b>Ramzy Baroud est journaliste,
auteur et rédacteur en chef de
Palestine Chronicle. Son prochain
livre est «The
Last Earth: A Palestine Story» (Pluto
Press). Baroud a un doctorat en études
de la Palestine de l’Université d’Exeter
et est chercheur associé au Centre
Orfalea d’études mondiales et
internationales, Université de
Californie. Visitez son site web:
www.ramzybaroud.net.
Les dernières mises à jour
|