Le temps où l’on pouvait impunément
frapper Gaza est révolu !
Ramzy Baroud
Combattants des Brigades Izz ad-Din al-Qassam
- Gaza, 20 juillet 2017 - Photo : al-Tahrir
Vendredi 7 décembre 2018
Ramzy Baroud
– Lorsque le Premier ministre
israélien, Benjamin Netanyahu, a ordonné
à son armée de mener le 12 novembre une
opération limitée dans la bande de
Gaza sous blocus, il n’a certainement
pas anticipé que son aventure militaire
déstabiliserait son gouvernement et
menacerait la survie même de sa
coalition d’extrême-droite.
Mais il l’a fait,
d’autant plus que de nombreuses enquêtes
de police menées dans diverses
affaires de corruption impliquent la
famille de Netanyahu et ses plus proches
collaborateurs.
Suite à l’opération
bâclée à Gaza qui a entraîné
l’assassinat de sept Palestiniens et la
mort d’un commandant de l’armée
israélienne, la coalition de Netanyahu a
commencé à se désagréger, ne nécessitant
qu’un dernier coup de pouce pour qu’elle
ne s’effondre complètement.
Tout a commencé
avec la démission du ministre de la
Défense du pays,
Avigdor Lieberman, qui a
quitté son poste deux jours après
l’attaque de Gaza, en signe de
protestation contre la « reddition » du
pays face à la résistance palestinienne.
Naftali Bennett, le
leader d’extrême droite encore plus
extrême, devait saisir l’occasion et
faire de même. Il n’est pas passéà
l’acte, dans un geste calculé visant à
capitaliser sur le fait qu’il était
soudainement devenu celui qui peut faire
ou défaire le gouvernement.
La coalition de
Netanyahu, jadis stable, ne tient plus
qu’à un fil, avec le soutien de
seulement 61 membres à la Knesset.
Cela signifie que
la majorité autrefois confortable dont
disposait la coalition dépend désormais
d’un seul député. Un faux pas, et
Netanyahu pourrait se voir contraint de
procéder à des élections anticipées,
choix qu’il craint, du moins pour le
moment.
Les options de
Netanyahu sont de plus en plus limitées.
Il semble que l’époque où l’on pouvait
frapper Gaza impunément pour marquer des
points politiques vis-à-vis des
électeurs israéliens soit peut-être
révolue.
Alors que de
nombreux commentaires politiques sont
consacrés à l’avenir de Netanyahu et à
la sale politique de sa coalition
d’extrême-droite, le nouveau problème
d’Israël dépasse de loin la question
d’un seul individu.
La capacité
d’Israël à remporter des guerres et à
traduire ses victoires en concessions
politiques imposées aux Palestiniens et
aux Arabes a été considérablement
entravée. Ce fait n’a guère à voir avec
la « faiblesse » supposée de Netanyahu,
comme le prétendent ses détracteurs
israéliens.
Certains
politiciens israéliens, cependant,
refusent toujours d’accepter que le
paradigme de la violence a changé.
Presque chaque fois
qu’Israël a attaqué Gaza par le passé,
sa politique interne intervenait
largement dans la décision. Gaza a été
utilisée comme un terrain où Israël
pouvait « rouler des mécaniques » et
exposer ses dernières technologies en
matière de guerre.
La
guerre de 2014 – baptisée « Operation
Protective Edge » – avait toutefois
constitué un signal d’alarme pour les
dirigeants israéliens trop confiants.
Plus de
2300 Palestiniens ont été tués dans
cette guerre et plus de 17 000 ont été
blessés, dont la grande majorité étaient
des civils.
Bien que ces
chiffres soient en parfaite cohérence
avec le comportement violent d’Israël,
le nombre de victimes israéliennes
indiquait une tendance qui changeait.
Soixante-six soldats israéliens ont été
tués dans cette guerre et seulement
quelques civils, ce qui prouvait bien
que la résistance palestinienne
abandonnait l’aspect hasardeux de ses
tactiques passées et était devenue
plus audacieuse et plus sophistiquée
dans ses moyens et ses pratiques.
Les quatre années
qui ont succédé à
cette guerre, combinées à une phase
particulièrement dure du siège imposé à
Gaza depuis 2007, n’a pas changé
l’équation. En réalité, les combats qui
ont été déclenchés par la dernière
attaque israélienne ont encore accentué
cette nouvelle tendance.
Alors qu’Israël
pilonnait Gaza dans une campagne de
bombardement massive, les combattants de
Gaza ont filmé une attaque
exceptionnelle où étaient utilisés des
missiles antichars qui visaient un
autobus de l’armée d’occupation du côté
israélien de la clotûre.
Quelques heures
plus tard, une trêve, sponsorisée par
l’Égypte a été annoncée, permettant à
Netanyahu de respirer tout en
remplissant de joie les Palestiniens qui
se sont alors rassemblés par milliers
pour
célébrer la fin des combats.
Compte tenu des
puissances militaires disproportionnées
et de la situation humanitaire
désespérée à Gaza, il est parfaitement
logique que les Palestiniens perçoivent
cet aboutissement comme une
« victoire ».
Les dirigeants
israéliens, non seulement d’ultra-droite
mais également de « gauche », ont
attaqué Netanyahu, qui avait pourtant
compris que la poursuite des combats
conduirait à une autre guerre majeure
avec des résultats imprévisibles.
Contrairement à
Lieberman, Bennett et d’autres, la
stratégie politique de Netanyahu ne
consiste pas seulement à vouloir calmer
l’opinion israélienne en colère – de
nombreuses personnes ont protesté contre
la trêve à Gaza dans diverses régions du
pays.
Le Premier ministre
israélien a une double perspective
politique : s’efforcer de séparer
politiquement Gaza de la Cisjordanie et
maintenir un degré de « stabilité » qui
donnerait le temps et l’espace
nécessaires aux manœuvres politiques
américaines pour préparer ainsi-nommé « Deal
of the Century » de Donald Trump.
De plus, les
difficultés grandissantes d’Israël en
Syrie et au
Liban rendent une opération
militaire prolongée à Gaza assez
dangereuse et difficile à soutenir.
Mais la pression
sur le front intérieur est implacable.
Soixante-quatorze
pourcents des Israéliens sont
« insatisfaits » de la performance de
Netanyahu dans la dernière vague de
combats à Gaza, selon un sondage
publié par la télévision israélienne,
peu après l’annonce de la trêve.
Pourtant, Netanyahu
n’avait pas d’autre choix que de
s’engager dans un cessez-le-feu à Gaza,
ce qui dans la logique politique
israélienne, signifie qu’il doit
susciter des troubles ailleurs pour
envoyer un message de force et de
compétence à l’opinion inquiète.
C’est précisément
pour cette raison que Netanyahu a
renouvelé ses menaces de nettoyage
ethnique de la population de
Khan al-Ahmar en Cisjordanie
occupée.
« Il sera démoli
très bientôt », a-t-il
déclaré, dans le but de détourner
l’attention de Gaza vers un autre sujet
et de regagner la confiance de son camp
d’extrême-droite.
Alors que les
Gazaouis gagnent un répit indispensable,
même s’il est passager, les habitants de
Khan al-Ahmar vont désormais devenir la
cible principale de la violence
politique et du chauvinisme d’Israël.
La question est de
savoir combien de temps Israël sera
capable de maintenir ce paradigme
violent et jusqu’où devra-t-il aller
avant que la communauté internationale
ne demande des comptes à Tel-Aviv ?
En ce qui concerne
les Palestiniens, Gaza a démontré que
seule la
résistance, populaire ou non,
fonctionne. C’est le seul langage
qu’Israël comprenne, et qui dit que
l’âge des guerres faciles est révolu.
*
Ramzy Baroud est journaliste,
auteur et rédacteur en chef de
Palestine Chronicle. Son prochain
livre est «The
Last Earth: A Palestine Story» (Pluto
Press). Baroud a un doctorat en études
de la Palestine de l’Université d’Exeter
et est chercheur associé au Centre
Orfalea d’études mondiales et
internationales, Université de
Californie. Visitez son site web:
www.ramzybaroud.net.
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