Tunisie
Elections législatives :
Un ouf de soulagement au goût amer!
Rachid Barnat
Photo:
D.R.
Mardi 28 octobre 2014
Au vu du résultat des
élections législatives du dimanche 26
octobre 2014, on s'étonnerait presque de
voir que Nida Tounes ne devancerait pas
de loin Ennahdha.
Par Rachid Barnat
Le 26 octobre 2014 entrera dans
l'histoire de la Tunisie comme une étape
importante dans l'instauration de la
démocratie en Tunisie. Ce fut un
accouchement au forceps d'une démocratie
au goût amer.
A voir les plateaux TV des chaînes de
TV nationales et privées, on remarque
une jubilation de soulagement
qu'expriment les invités politiques,
observateurs, journalistes et autres
analystes, comme si tous n'ont retenu de
ce scrutin législatif que le net recul
d'Ennahdha et l'émergence de Nida Tounes.
Faut-il rappeler l'enjeu de ces
élections?
Les
«pressions» étrangères en question
Si pour les Tunisiens, il était clair
qu'il fallait écarter les Frères
musulmans de tout pouvoir pour leur
idéologie néfaste, qui a mis à genou la
Tunisie en 3 ans de pouvoir, et les
occasions n'ont pas manqué pour leur
dire leur rejet (assassinats politiques
de de Lotfi Nagdh, Chokri Belaid,
Mohamed Brahmi...); pour l'opposition,
son attitude vis-à-vis des Frères
nahdhaouis, a agacé bon nombre de
Tunisiens d'autant qu'elle traitait les
«khwanjia» nahdhaouis comme
s'ils étaient incontournables et
indispensables à la vie politique en
Tunisie. Obéirait-elle à des
«pressions» étrangères qui veulent
que les islamistes restent
coûte-que-coûte au pouvoir ou du moins
dans le paysage politique en Tunisie,
depuis que leurs «frères» en Egypte ont
été écartés du pouvoir et leur parti a
été interdit pour cause de terrorisme?
Il faut croire que oui!
Faisant de la Tunisie un laboratoire
pour expérimenter de nouveaux concepts «démocratiques»,
qui choqueraient les démocrates des
vieilles démocraties mais qu'ils
imposent aux démocrates tunisiens.
Rappelez-vous les manifestations
massives quotidiennes durant plus d'un
mois, pour dire «dégage» à Ennahdha,
responsable de tous les malheurs des
Tunisiens et des assassinats politiques
! Que fit chaque fois l'opposition? Elle
a repris le dialogue après chaque
assassinat avec les responsables
politiques de la mort de Lotfi Nagdh, de
Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi ! Et
de «consensus», en «dialogue
national», concepts que découvrent
ahuris les démocrates tunisiens,
l'opposition a, à chaque fois légitimé,
un parti qui a perdu toutes les
légitimités et en premier la légitimité
électorale. Ce qui est une première en
«démocratie»: des élus refusent
de respecter le peuple ni le mandat
qu'il leur accorde ni sa durée... et
l'opposition acquiesce.
Et depuis les Tunisiens ont compris
le rôle joué par les Américains et les
Européens qui soutiennent les
islamistes: ils voulaient par tous les
moyens imposer les Frères musulmans aux
Tunisiens, poussant le cynisme jusqu'à
prétendre que leur islamisme est modéré
et compatible avec la démocratie. D'où
leur idée de «consensus» et de
«dialogue national» pour
redonner leur chance à des «frères»
que beaucoup de Tunisiens exècrent de
plus en plus, transformant ainsi la
Tunisie en laboratoire expérimental pour
une «démocratie» spéciale pour
le «monde arabe», après l'échec
de la démocratie version occidentale en
Irak, inadaptée aux «Arabes»,
selon leurs analystes!
Selon les estimations des
observateurs, Ennahdha compterait entre
500.000 et 800.000 entre adhérents et
sympathisants. Alors que le nombre
d'électeurs potentiels tunisiens est
estimé à 5 millions.
Le succès
mitigé des démocrates
Au vu du résultat des élections
législatives et des premières
estimations, on s'étonne de voir que
Nida Tounes ne récolterait que 37% voix
alors qu'Ennahdha en récolterait 26%!
Comment expliquer cela ?
Le laxisme dont a fait preuve
l'opposition envers les Frères musulmans
nahdhaouis a désespéré et découragé
beaucoup de Tunisiens qui ont opté pour
l'abstention.
Dans le contexte de chaos organisé
par Ennahdha, il lui était facile de
mobiliser ses sympathisants car le parti
islamiste a les moyens financiers pour
le faire grâce à la générosité du
sponsor des Frères musulmans: l'émir du
Qatar.
Ennahdha, durant le gouvernement de
la troïka qu'il dominait, a infiltré
tous les rouages de l'État et ses
administrations, comptant bien sur ses
hommes de les miner de l'intérieur.
Lors des élections législatives, les
Tunisiens ont pu constater à leurs
dépens, une fois de plus, l'étendue de
la mainmise d'Ennahdha sur leurs
administrations, puisque bon nombre
d'entre eux n'ont pu voter pour raison
de mauvaise organisation: amateurisme,
diraient certains ou sabotage
penseraient d'autres.
Faut-il rappeler le rôle du
terrorisme qui, comme par hasard,
reprend chaque fois qu'Ennahdha est dans
la difficulté... Les derniers actes
terroristes ont, d'ailleurs, eu lieu en
pleine période électorale, à dessein?
Certains «positivistes», comme pour
se donner du courage, estiment que c'est
mieux que rien et surtout mieux que
d'autres pays arabes encore dans la
panade. Puisque la Tunisie, initiatrice
du «printemps arabe», est
encore la première à avoir tiré son
épingle du jeu malgré l'ouragan
islamiste qui l'a traversé durant trois
ans.
L'avenir nous dira si la démocratie
naissante, malgré son accouchement
douloureux, survivra et grandira pour
permettre l'entrée de la Tunisie dans le
club des grandes démocraties.
Blog de l'auteur.
Copyright © 2014 Kapitalis. Tous droits
réservés
Publié le 28
octobre 2014 avec l'aimable autorisation
de Kapitalis
Le dossier
Tunisie
Les dernières mises à jour
|