Opinion
Norman Finkelstein : «L’Europe en a
marre de payer les factures des
destructions israéliennes à Gaza»
R. Mahmoudi
Norman
Finkelstein D.R.
Jeudi 30 octobre 2014
La Suède vient de franchir le pas, en
reconnaissant aujourd’hui officiellement
l'Etat de Palestine. «C'est un pas
important qui confirme le droit des
Palestiniens à l'autodétermination»,
assure la ministre des Affaires
étrangères, Margot Wallström. Le
politologue américain et spécialiste du
Moyen-Orient, Norman Finkelstein,
explique les raisons de cette
reconnaissance qui a surpris plus d’un.
Dans une intervention diffusée sur la
chaîne russe Russia Today, face au
journaliste israélien Amir Oren, il
pense qu’il y a deux raisons principales
à cela. La première est le dernier
massacre perpétré par Israël à Gaza.
«Les Européens en particulier,
affirme-t-il, sont maintenant las de ces
massacres qui se produisent
régulièrement : l’un en 2008-2009,
l’opération «Plomb durci», l’autre en
2012, l’opération «Pilier de défense»,
et maintenant cette dernière explosion
de furie israélienne, l’opération
«Bordure protectrice». Ils en ont
également assez, car tandis qu’Israël
détruit, ravage et saccage, c’est
l’Europe qui est censée prendre en
charge les factures et payer la note
régulièrement», explique-t-il. Et
d’enchaîner : «Israël a cette étrange
conception selon laquelle les seules
personnes au monde qui méritent des
réparations pour les crimes qu’ils ont
subis sont les Israéliens ou les juifs,
alors que pour les crimes qu’ils
infligent régulièrement aux
Palestiniens, ceux de Gaza en
particulier, les factures doivent être
payées par d’autres pays, notamment
européens». La seconde raison est, selon
Finkelstein, l’effondrement de
l’initiative de paix de John Kerry. Sur
ce point, il dira : «Bien que Kerry ait
offert à Israël tout ce qu’il souhaitait
officiellement, à savoir l’annexion des
principaux blocs de colonies et la
liquidation de la question des réfugiés
palestiniens, Israël refusa l’offre dont
les termes lui étaient si favorables.»
Répondant aux doutes émis par son
interlocuteur, Amir Oren, sur la
capacité des Palestiniens à ériger un
Etat fort et à garantir la sécurité
d’Israël, le politologue américain
estime que «les termes qui doivent
résoudre le conflit ne sont pas ce que
les Israéliens veulent, pas plus
d’ailleurs que ce que les Palestiniens
veulent, mais bien ce que dit le droit
international». «Israël, explique-t-il,
n’a droit qu’à ses frontières basées sur
celles d’avant la guerre de juin 1967.
Les colonies qu’Israël a implantées dans
les territoires occupés, y compris les
principaux blocs de colonies, sont
illégales d’après le droit
international. Plus encore, d’après le
Statut de Rome, elles constituent un
crime de guerre», assène-t-il. Sur la
récente prise de conscience de la
communauté internationale sur la
question du Proche-Orient, Finkelstein
s’en réfère aux débats de la Chambre des
communes britannique, où tous les
députés parlent des colonies
israéliennes que Tel-Aviv persiste à
étendre. «Les actions montrent que jour
après jour, Israël persiste à étendre
les colonies et à commettre, d’après les
termes du droit international, des
crimes de guerre», insiste-t-il encore
une fois. Il rappelle qu’Israël «n’a
jamais accepté un Etat Palestinien dans
toute la Cisjordanie incluant
Jérusalem-Est et Gaza, ce que le droit
international détermine comme le
territoire réservé à l’autodétermination
des Palestiniens». Remettant en cause
l’idée reçue selon laquelle Israël se
serait retiré de Gaza, Norman
Finkelstein juge que si tel était le
cas, il n’y aurait pas eu de blocus sur
la bande. C’est pour toutes ces raisons
que les Suédois, les Français, la
Chambre des communes britannique
«agissent de cette manière». «Il est
absolument évident, dira-t-il, que cet
Etat n’a pas la moindre intention, alors
que nous approchons de la date
anniversaire d’un demi-siècle,
d’accorder aux Palestiniens leur droit à
l’autodétermination». Il accuse l’actuel
gouvernement israélien d’avoir déclenché
les hostilités en mai dernier, rien que
pour saborder l’accord de réconciliation
entre le Hamas et l’Autorité
palestinienne à Ramallah ; la même
tactique utilisée contre le Fatah dans
le passé. «Ce sont les offensives de
paix palestiniennes, et non
l’extrémisme, qu’Israël exècre le plus»,
résume-t-il. Finkelstein conclut son
intervention en appelant à déclarer
l’occupation des territoires
palestiniens «illégale selon le droit
international» et à mettre en demeure
Israël «du fait que s’il continue à
violer le droit international, des
sanctions vont être imposées».
R. Mahmoudi
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