Tendances
de l'Orient
Exit l'ASL... au profit d'Al-Qaïda
Pierre Khalaf
Lundi 16 décembre 2013
L'Occident hypocrite commence à se
mordre les doigts. Après avoir ressassé
pendant plus de deux ans les refrains
sur "l'opposition modérée" en Syrie et
nié obstinément l'existence de groupes
extrémistes-takfiristes, il met en garde
aujourd'hui contre la monté en puissance
d'Al-Qaïda, à qui il a lui-même fourni,
via les pétromonarchies rétrogrades du
Golfe et certains pays européens, les
armes et l'environnement politique
favorables à son expansion. Tous les
experts diront que l'affaiblissement du
pouvoir central dans n'importe quel pays
est la condition idéale pour
l'apparition, l'installation et le
développement d'Al-Qaïda. C'est ce à
quoi se sont employés les Occidentaux en
Syrie ces deux dernières années. Mais
leurs plans sont restés inachevés, car
l'Etat syrien et son armée ont fait
preuve d'une résistance à laquelle ils
ne s'attendaient pas.
Ladite Armée syrienne libre (ASL), qui
est le mensonge derrière lequel se
cachait l'Occident pour justifier sa
guerre de destruction de l'Etat syrien,
s'est effondrée. Cette armée de
mercenaires, de bandits et de traitres à
la patrie n'existe pratiquement plus. Le
chef de son Conseil militaire, le
général déserteur Salim Idriss, a fui la
Syrie vers Doha à travers la Turquie,
dimanche 8 décembre, selon le Wall
Street Journal. Son adjoint, le général
Moustapha al-Cheikh, s'est réfugié en
Suède, où il a demandé l'asile
politique, alors que le colonel Riad al-Assaad,
le fondateur de l'ASL, s'est enfuit en
Hollande.
Un autre chef de l'ASL, le colonel
déserteur Ammar al-Wawi, a, lui, été
arrêté avec ses gardes du corps par
l'Etat islamique en Irak et au Levant
(EIIL, proche d'Al-Qaïda), alors qu'il
rentrait en Syrie en provenance de
Turquie.
Salim Idriss s'est enfuit après avoir
livré aux extrémistes pro-saoudiens du
Front islamique (une coalition de sept
groupes extrémistes formée à
l'initiative de Bandar Ben Sultan, le
chef des services de renseignements
saoudiens), à la fin de la semaine
dernière près du point de passage de Bab
al-Hawa, les dépôts d'armes de l'ALS
ainsi que ses propres bureaux.
L'effondrement de l'ALS est reconnu par
la presse, les responsables et les
experts en Occident. Les revers subis
par l'ASL posent un "gros problème et
reflètent la dangerosité de la situation
ainsi que son imprévisibilité", a avoué
le secrétaire américain à la Défense,
Chuck Hagel. "Il est clair que
l’état-major de l’ASL est de plus en
plus faible et qu’il a perdu du
pouvoir", affirme pour sa part Aron
Lund, un expert sur la rébellion
syrienne basé en Suède. Il a précisé que
"l’ASL a perdu d’importants groupes et
des combattants avec la création du
Front islamique". Selon lui, la perte du
passage-clé de Bab al-Hawa signifie que
Salim Idriss, "pourrait ne plus rentrer
en Syrie".
Le quotidien français le Figaro écrit
qu'en faisant main basse sur des armes
livrées par les Occidentaux aux
"rebelles modérés", leurs rivaux
salafistes ont franchi la ligne rouge.
Le journal parle d'un "miniputsch contre
l'état-major de l'ASL" et révèle que les
extrémistes se sont emparés de
"plusieurs douzaines de missiles
antichar et antiaérien".
Tous ces développement s'accompagnent de
déclarations d'experts occidentaux sur
l'implantation d'Al-Qaïda en Syrie, ce
qu'ils refusaient de reconnaitre
auparavant.
"Les groupes affiliés à Al-Qaïda ont
créé en Syrie un alliance disposant d'au
moins 45000 combattants, soit le double
du nombre de combattants taliban en
Afghanistan" a affirmé lors d'un
colloque à Jamestown l'Australien David
Kilcullen, spécialiste des mouvements
insurrectionnels, qui a notamment
conseillé le commandement américain en
Irak. "Al-Qaïda se renforce sur tous les
fronts. Sa direction a été affaiblie
mais pas éliminée".
La présence dans les rangs des
islamistes radicaux en Syrie de
centaines de volontaires venus d'Europe
ou d'autres pays occidentaux, où
certains vont retourner aguerris, est un
sujet majeur d'inquiétude. "Avec
l'entraînement qu'ils acquièrent en
Syrie, il y a une forte possibilité
qu'au cours des deux prochaines années
ils soient en mesure d'accomplir le
dernier vœux d'Oussama ben Laden, qui
était de monter une attaque du genre de
celle de Mumbai en Europe", ajoute Bruce
Hoffman.
"L'expansion d'Al-Qaïda à laquelle nous
assistons dans le monde arabe est
vraiment phénoménale, supérieure à ce
que nous avons vu au cours de la
première décennie de son existence",
explique Bruce Riedel, ancien membre
influent de la CIA, aujourd'hui membre
de la Brookings Institution.
Interrogée début décembre la sénatrice
Diane Feinstein, présidente de la
commission du Renseignement au Sénat
américain, avait déclaré: "Le terrorisme
est en hausse dans le monde. Les
statistiques le montrent, le nombre de
victimes augmente. Il y a plus de
groupes, encore plus radicaux, davantage
de jihadistes déterminés à tuer pour
atteindre leurs objectifs".
Cet aveu est une reconnaissance tardive
de tout ce que disait la Syrie, qui
affirmait dès le début des événements
dans le pays être confrontée à une
véritable guerre menée par des
terroristes venus de 80 pays.
Après deux ans de déni, voilà que les
Occidentaux acceptent de regarder la
vérité en face. Plus encore, ils
commencent à se résigner à la victoire
de l'Etat syrien, conduit par son
président-résistant Bachar al-Assad. "La
victoire d'Assad en Syrie pourrait être
le meilleur de trois très, très
horribles scénarios", dont aucun ne
prévoit la victoire de la rébellion, a
estimé jeudi à Washington l'ancien
directeur de la CIA Michael Hayden. "La
narration, l'histoire dominante de ce
qui se passe en ce moment en Syrie est
la prise de contrôle par des
fondamentalistes sunnites d'une partie
significative de la géographie du
Moyen-Orient", a-t-il ajouté. "Cela
signifie l'explosion de l'Etat syrien et
du Levant tel que nous le connaissons".
Mais comme tous les plans et les
souhaits américains, celui-là sera
également voué à l'échec. La guerre en
Syrie se terminera par la victoire de
l'Etat, la défaite des terroristes et la
réunification du pays... sous l'étendard
de Bachar al-Assad.
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