L'Humanité
Accueillir Netanyahou, le boucher de
Gaza,
serait une honte
Pierre Barbancey
Jeudi 30 mai 2018
Recevoir le premier
ministre israélien le 5 juin à Paris
serait une acceptation des crimes de
guerre contre les manifestants de Gaza.
La saison France-Israël doit être
annulée, estiment des dizaines de
personnalités.
C’est un pays,
Israël, qui possède l’une des armées les
plus puissantes de sa région. Depuis
plusieurs semaines maintenant, ses
soldats sont postés aux abords d’une
enclave où la densité de population est
l’une des plus importantes au monde. Les
manifestations qui s’y déroulent,
populaires et pacifiques, visent d’abord
à revendiquer le droit au retour pour
des populations déracinées depuis des
décennies. Dans ce territoire, qui
compte plus d’un million d’habitants,
beaucoup sont encore des réfugiés,
vivent dans la précarité et dans le
souvenir, transmis de génération en
génération, des maisons abandonnées à la
va-vite, aujourd’hui détruites par un
occupant qui, à force de parcs
forestiers, veut faire disparaître leur
mémoire. Ces gens manifestent aussi pour
dénoncer le blocus qui est leur imposé
depuis onze ans. Inhumain et terrible.
Ils viennent également crier une forme
de désespoir parce qu’ils se sentent
abandonnés par le reste du monde. Parce
que les déclarations, aussi belles
soient-elles, n’ont rien changé à leur
quotidien. Un quotidien fait de morts,
d’angoisse, de mal-vie. Mais jamais de
renoncement. À travers ce drame humain,
la dignité reste. Toujours renforcée par
une volonté de vivre. D’exister.
Ce sont les
Palestiniens. De Cisjordanie ou de Gaza.
Mais c’est à Gaza que se déchaîne en ce
moment toute la violence d’une armée
d’occupation. L’occupation d’Israël sur
les territoires palestiniens. Comme le
déclarait à l’Humanité l’ancienne
représentante de la Palestine d’abord en
France puis auprès de l’Union européenne
Leila Shahid (voir notre édition du 22
mai), il s’agit, depuis soixante-dix
ans, de la « dépossession » des
Palestiniens. Une dépossession qui, ces
derniers jours, a trouvé un point
d’orgue. Des dizaines de milliers de
Palestiniens manifestent chaque semaine
sur leur propre territoire, amputé de
« zones tampons » dessinées par
Tel-Aviv. Quand ils s’en approchent, ils
sont fauchés par les snipers israéliens
courageusement cachés au sommet de dunes
et qui font un carton sur ceux qui leur
semblent intéressants : des porteurs de
drapeaux palestiniens, des secouristes
ou des journalistes, pourtant aisément
reconnaissables, des femmes et des
enfants. Un homme bien connu parce
qu’avec sa carriole il vendait des
boissons sur les lieux du rassemblement
a été tué. Peu auparavant, un autre
Palestinien qui circulait en chaise
roulante après avoir été amputé de ses
deux jambes suite à ses blessures a été
lui aussi victime des tirs israéliens.
Condamnations
européennes
Hormis les
États-Unis, soutien indéfectible
d’Israël, aucun pays dans le monde ne
trouve le moyen d’exprimer la moindre
excuse au premier ministre Benyamin
Netanyahou, à la tête d’un gouvernement
essentiellement composé de colons et de
dirigeants d’extrême droite. Tout au
plus la plupart des pays européens ont
cherché à renvoyer dos à dos les
protagonistes, parlant
« d’affrontements », de « violences »
dont devraient s’abstenir les deux
parties. Pourtant, l’émotion qui a saisi
le monde entier devant les images n’a
pas laissé le moindre doute sur les
violations israéliennes des droits de
l’homme, cette volonté de tuer pour
tuer.
Pour la première
fois depuis longtemps, et malgré les
tentatives israéliennes, les peuples du
monde n’ont pas accepté les fausses
explications des dirigeants israéliens,
qui, comme toujours, prônent la légitime
défense. Tout le monde a pu voir des
manifestants désarmés tomber, morts ou
blessés, sous les balles explosives.
Depuis des semaines, les témoignages se
multiplient, allant tous dans le même
sens. Et que dire de cette journée du 14
mai, date de l’inauguration de
l’ambassade des États-Unis, qui
venaient, contre toutes les résolutions
internationales, de reconnaître
Jérusalem comme capitale d’Israël ? Les
manifestations se sont multipliées : 60
morts, des centaines et des centaines de
blessés. Depuis ce jour, la question
palestinienne est de nouveau à la une
des journaux – « le New York Times comme
le Washington Post ont privilégié une
photo de Gaza en ouverture, plutôt que
celle de la cérémonie d’inauguration de
l’ambassade avec la fille et le gendre
du président… », écrit même le site du
magazine français l’Obs.
Plaintes pour
crimes de guerre
Des habitants de
Gaza, soutenus par l’Autorité
palestinienne (AP), ont enfin déposé des
dossiers devant la Cour pénale
internationale (CPI). Le crime est enfin
évoqué. Pas un crime simple. Non, un
crime de guerre. Israël, qui bafoue
toutes les lois internationales depuis
des décennies, va-t-il enfin répondre de
ses actes devant une juridiction
internationale ? Des dizaines de
milliers de personnes à travers le monde
l’espèrent. Pas, contrairement à ce que
voudrait faire croire une certaine
propagande en France relayée au plus
haut niveau de l’État, par
antisémitisme. De nombreux Français
juifs dénoncent eux-mêmes la politique
meurtrière et sans avenir de Netanyahou.
La semaine
dernière, le premier ministre français,
Édouard Philippe, a annulé son
déplacement à Jérusalem pour
l’inauguration de la saison croisée
Israël-France/France-Israël. Si tout le
monde comprend le pourquoi de
l’annulation, l’explication donnée a
manqué de courage politique puisque
officiellement il était question de
problèmes intérieurs français. Or, le 5
juin, Benyamin Netanyahou doit
officiellement rejoindre Emmanuel Macron
au Grand Palais, à Paris, pour cette
inauguration. Là encore, une pétition
enjoint le président français d’y
renoncer et d’annoncer l’annulation de
cette saison France-Israël. Ce serait
recevoir au pays de la Déclaration des
droits de l’homme un homme passible de
l’accusation de crimes de guerre. Ce
serait faire l’apologie, au moment même
où un peuple se fait massacrer et ne
recouvre pas ses droits, d’un État sans
frontières internationalement reconnues
dont les principaux logos sont
l’occupation et la colonisation.
L’incapacité des
autorités françaises à faire respecter
le droit international dès lors qu’il
s’agit d’Israël devrait très
certainement renforcer la campagne
Boycott, désinvestissement, sanctions
(BDS), arme pacifique (si l’on accepte
cet oxymore) à même de faire plier
Tel-Aviv : le boycott des produits
israéliens et ceux des colonies par les
citoyens ; le désinvestissement que les
sociétés françaises doivent opérer sous
peine de se retrouver complices de
crimes de guerre ou contre l’humanité ;
des sanctions, enfin, que la France et
les États européens doivent voter – à
commencer par la suspension des accords
entre l’UE et Israël – jusqu’au respect
des résolutions de l’ONU et du droit
international. Et puis, Emmanuel Macron
pourrait, comme le demande le Parlement,
reconnaître l’État de Palestine. Un
geste qui serait sans ambiguïté pour la
paix au Proche-Orient.
Un appel pour
l’annulation de la saison france-israël
Des dizaines
d’intellectuels invitent, dans un appel
au président de la République, Emmanuel
Macron, à « faire en sorte que la
saison France-Israël 2018 n’ait pas
lieu ». « Ne nous entretenons pas
d’“éducation” ou d’“idées” avec un État
qui a assassiné en quelques semaines
plus de 110 jeunes gens épris de liberté
et en a blessé ou mutilé plus de 8 000 »,
écrivent-ils, rappelant le contexte
actuel, « où le droit international
dans les territoires palestiniens n’a
jamais été aussi bafoué ». « Nous
ne pouvons nous soumettre à la
normalisation avec un régime colonial
bafouant les droits de l’homme et les
conventions internationales signées par
la France », alertent-ils.
Pour retrouver
cet appel :
www.france-palestine.org/Nous-demandons-l-annulation-de-la-saison-France...
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