La mort
de Shimon Peres, dont la vie
politique s’identifie à
celle de l’État d’Israël,
est l’occasion de
s’interroger sur une
question majeure : pourquoi
les Palestiniens ne
possèdent-ils toujours pas
leur État. Mille fois
promis, mille fois repoussé,
ce rendez-vous manqué est
pourtant au centre de ce que
l’on appelle à tort le «
conflit israélo-palestinien
». Prix Nobel de la paix en
1994, en même temps
qu’Yitzhak Rabin et Yasser
Arafat, qui récompensait la
signature des accords
d’Oslo, Shimon Peres fut
l’un des promoteurs de la
colonisation, obstacle
majeur à la paix. Interroger
l’échec de cet accord
permettrait peut-être
d’avancer sur la voie de la
paix. Sans menaces de
véritables sanctions contre
la puissance occupante,
Israël, on peut douter des
résultats de l’initiative en
cours, impulsée par la
France, alors que Washington
vient de passer un contrat
militaire historique avec
Tel-Aviv.
Interrogé
en février par le magazine
Time sur ce dont il était le
plus fier, Shimon Peres
répondait : « Les choses que
j’aurai à faire demain. Les
choses qu’on a faites sont
faites. Elles appartiennent
au passé. Je me préoccupe
surtout des choses qu’on
peut et doit faire demain. »
Évidemment, à l’heure où
rares sont les voix
discordantes concernant le
dirigeant israélien disparu,
on s’en voudrait presque de
rappeler qu’en recevant le
prix Nobel de la paix le 10
décembre 1994 (en même temps
qu’Yitzhak Rabin et Yasser
Arafat) consacrant la
signature des accords
d’Oslo, le même se voulait
prophète en affirmant : «
Nous laissons derrière nous
l’ère de la belligérance et
marchons ensemble vers la
paix. »
La marche
est longue ! Très longue !
Trop longue ! Pour les deux
peuples mais
particulièrement pour les
Palestiniens qui vivent sous
occupation et qui voient,
jour après jour, les
colonies de peuplement
juives s’étendre sur leur
territoire. L’espoir d’Oslo
a tout simplement cédé la
place à un profond
pessimisme. « Il y a
vingt-trois ans presque jour
pour jour, le premier des
accords d’Oslo était signé
entre Israël et
l’Organisation de libération
de la Palestine, constatait
sobrement et sombrement le
15 septembre le secrétaire
général de l’ONU, Ban Ki-moon.
Malheureusement, nous sommes
plus éloignés que jamais des
objectifs (de cet accord).
La solution à deux États
(israélien et palestinien)
risque d’être remplacée par
une réalité à un État
(israélien) et une violence
et une occupation
perpétuelles »
La
colonisation est l’un des
principaux obstacles à la
paix
Malgré la
reconnaissance mutuelle,
malgré l’endossement par la
communauté internationale de
la solution à deux États,
malgré l’accession de la
Palestine au statut d’État
observateur à l’ONU, malgré
la reconnaissance par plus
de 130 capitales, les
Palestiniens attendent
toujours leur État
indépendant. En 2017, cela
fera cinquante ans que la
Cisjordanie et Jérusalem-Est
sont occupés par l’armée
israélienne. Et le
secrétaire général de l’ONU
a bien raison de dire que la
bande de Gaza est une «
bombe à retardement ». En
réalité, ladite communauté
internationale ne s’en
sortira pas avec de simples
déclarations d’intention, en
continuant à mettre sur un
pied d’égalité l’occupant et
l’occupé, la violence
coloniale et la violence de
la résistance. Si, comme le
reconnaît la législation
internationale, tout peuple
a le droit de se battre pour
son existence et son
indépendance, alors on ne
saurait à tout moment
comparer les assassinats
ciblés perpétrés par Israël,
les punitions collectives,
les bouclages de
territoires, la latitude
laissée aux colons pour
tabasser et tuer des paysans
palestiniens, détruire leurs
récoltes, brûler des
oliveraies centenaires, avec
des actes de la résistance
palestinienne. Si tout le
monde – ou presque –
s’accorde maintenant à dire
que la colonisation est l’un
des principaux obstacles à
la paix, alors il faut
prendre les mesures
appropriées pour faire
cesser cette politique
israélienne et tirer les
leçons des dernières années,
particulièrement des accords
d’Oslo.
Contrairement à ce qui avait
été dit à l’époque,
l’Organisation de libération
de la Palestine (OLP) a
signé ces accords sous
pression américaine et dans
un contexte international
marqué par la disparition de
ses principaux soutiens,
notamment l’URSS et les pays
socialistes. Les pays arabes
pratiquant surtout une
agitation orale mais se
situant toujours dans ce
qu’on appelait alors « le
camp impérialiste ».
L’essentiel n’est pas là,
sauf à virer à la nostalgie.
Non, l’essentiel réside dans
le contenu même de ces
accords, totalement
déséquilibrés en n’accordant
aux Palestiniens une
souveraineté totale que sur
20 % de leur territoire
(zone A). Le reste étant
divisé en zone B
(administration
palestinienne, sécurité
israélienne) et zone C
(souveraineté israélienne
totale). Il était prévu, à
terme, la création d’un État
palestinien dès lors
qu’Israël rétrocédait une
partie des zones. Mais,
faute de véritable mécanisme
de mise en œuvre, l’occupant
a amplifié sa mainmise et la
colonisation (commencée en
1967 grâce notamment à un
certain Shimon Peres) a
décuplé sans que quiconque
ne songe à imposer des
sanctions contre Israël dans
une période, les années
1990, où le peuple irakien
crevait à petit feu d’un
embargo inhumain décrété par
le monde dit libre.
Rien
n’est prévu pour forcer
Israël à respecter le droit
international
Une
tentative de remettre en
selle un processus de paix
entre Israéliens et
Palestiniens est en cours,
sous l’impulsion de la
France. Mais, là encore,
rien n’est prévu pour forcer
Tel-Aviv à se conformer au
droit international.
L’actuel premier ministre
israélien, Benyamin
Netanyahou, se rit de tout
et ne peut que se féliciter
en voyant que Paris, qui
avait menacé de reconnaître
officiellement l’État de
Palestine en cas de nouvel
échec et si partisan de
sanctions contre de nombreux
pays dans le monde, fait
maintenant marche arrière.
Diana Buttu, ancienne
conseillère du président
palestinien, Mahmoud Abbas,
se fait la porte-parole du
sentiment qui prévaut
largement dans les
territoires palestiniens
aujourd’hui : « L’heure est
venue, après des décennies
d’échec, d’en finir avec la
comédie du processus de
paix, uniquement synonyme de
malheur et de souffrance
pour les Palestiniens », et
de passer à la « résistance
à grande échelle, populaire
et non violente ». Avant que
la solution à deux États ne
soit plus qu’un vestige du
passé et n’ait plus de
raison d’être demain.