Actualité
Quand la République frappe,
mutile et tue ses propres enfants
Philippe Alain
Capture
d'écran PalSol
Vendredi 26 mars 2016
Il parait que la
France est la patrie des droits de
l'homme. Avec l'état d'urgence en voie
de constitutionnalisation, elle est
surtout devenue la patrie du non droit
et des bavures policières. Aujourd'hui,
plus qu'hier, les violences policières
sont de plus en plus nombreuses et
toujours aussi peu sanctionnées, preuve
s'il en fallait qu'elles sont bien le
fruit d'un système et non le fait de
quelques fonctionnaires ultra violents.
Il est 06.30 ce
matin du 24 mars lorsque des élèves du
lycée Bergson à Paris placent des
poubelles devant leur établissement afin
de protester contre la nouvelle loi
travail que veut leur imposer le
gouvernement. Vers 09.30, des policiers
en civil arrivent, puis d'autres,
casqués, armés de boucliers et de
gazeuses. Des jeunes jettent de la
farine et des oeufs dans leur direction,
la riposte est immédiate et totalement
disproportionnée: gaz lacrymogène,
interpellations et violences. Un témoin
raconte: " Les policiers ont chargé,
ils ont commencé à distribuer des coups
de matraque et des balayettes, puis ont
tiré des gaz lacrymogènes. Nous sommes
tous partis vers l'avenue Bolivar".
Un peu plus loin,
un lycéen est violemment interpellé par
des policiers: "Ils l'ont rattrapé,
ils lui ont fait une balayette, il est
tombé au sol et ils l'ont gazé, avant de
lui mettre des coups de pied".
Un autre lycéen de 15 ans, noir, est
mis au sol par 3 policiers qui lui
hurlent dessus: "lève-toi, lève-toi".
Le jeune homme se relève. Il est tenu
par les policiers et n'oppose aucune
résistance. Le même policier qui lui
ordonnait de se relever lui assène alors
un très violent coup de poing en plein
visage qui le renverse. Sa tête heurte
lourdement le sol.
Un autre lycéen
filme la scène sur son téléphone puis la
met en ligne (1). Elle devient virale
et, une fois n'est pas coutume, la
totalité des médias français relatent
les faits.
Une impunité quasi
systématique des policiers
Le soir même,
Bernard Cazeneuve, ministre de
l'intérieur ne condamne pas les
agissements policiers et se déclare
simplement "choqué" par les
images. Il précise que l'IGPN est saisie
et qu'une enquête administrative est en
cours. Le policier responsable lui,
n'est même pas suspendu.
L'IGPN... L'Inspection Générale de la
Police Nationale... Des policiers qui
enquêtent sur d'autres policiers. Un peu
comme si on demandait à Cahuzac de
lutter contre la fraude fiscale. Une
vaste rigolade.
Rien que pour l'année 2104, l'IGPN a
traité 876 enquêtes contre des
fonctionnaires de police, dont la moitié
pour des accusations de violences
policières.
Il y a exactement une semaine,
l'Organisation Non Gouvernementale ACAT
(Action des Chrétiens pour l'Abolition
de la Torture) publiait une enquête sur
89 cas de bavures policières entre 2005
et 2015. (2)
Sur les 89 cas étudiés par l'ACAT se
trouvent 26 décès et 29 blessures
irréversibles.
Dans 80% des cas,
les policiers responsables ne sont pas
condamnés !!!
Ce rapport précise:
" Aujourd’hui, les forces de l’ordre
françaises jouissent d’une relative
impunité lorsqu’elles sont responsables
de violences qui violent les principes
de proportionnalité et de nécessité. »
Le mécanisme
policier pour couvrir les bavures est
bien huilé. Généralement les
fonctionnaires mis en cause portent
plainte contre leurs victimes pour
outrage et rébellion après s'être
procuré des certificats médicaux avec
des interruption temporaire de travail.
Le tout assaisonné d'une demande de
dommages et intérêts pour le préjudice
subit. Que vaut la parole d'un simple
citoyen contre celle d'un fonctionnaire
de l'état assermenté ? Rien.
Quand une simple plainte avec ITT ne
suffit pas pour retourner la situation,
les policiers n'hésitent pas à rédiger
de faux procès-verbaux. A
Aulnay-sous-bois en septembre 2010 par
exemple, des policiers avaient tenté de
faire croire qu'un automobiliste leur
avait foncé dessus. Celui-ci risquait la
cour d'assise et une lourde peine
criminelle pour un acte qu'il n'avait
jamais commis. (3)
Plus récemment, un
supporter de foot de 22 ans, étudiant en
master de gestion, a été mutilé par un
tir de flashball au visage. La police,
relayée par le procureur de la
République a oser affirmer que
l'étudiant était tombé tout seul sur un
poteau... (4)
Enfin, plus de 16
mois après la mort de Rémi Fraisse, le
militant écologiste de 21 ans tué par un
gendarme lors des protestations contre
le barrage de Sivens, de nouveaux
témoins qui n'avaient jamais parlé aux
autorités policières chargées de
l'enquête, apportent un nouvel élément
capital. Quand il a été tué, Rémi avait
les bras en l'air et il criait:
"arrêtez de tirer".
L'enquête interne,
confiée à l'équivalent de l'IGPN chez
les gendarmes a conclu un mois après les
faits qu'aucune " faute
professionnelle " n'avait été
commise par les gendarmes.
Et oui. Vous ne saviez pas ? Lancer une
grenade sur un jeune qui a les mains en
l'air et le tuer, ce n'est pas une
faute. Vous savez maintenant. Et surtout
toutes les forces de police et de
gendarmerie le savent. Continuez à tuer,
vous ne risquez rien.
La jeunesse,
priorité de Hollande... et de la police
Le 10 mars 2016,
face à la montée de la colère des
étudiants contre la loi travail,
François Hollande déclarait à propos de
la jeunesse: " C’était ma priorité,
elle ne changera pas. Jusqu’à la fin du
quinquennat, la jeunesse aura des
ressources qui seront dégagées pour
elle. "
Des ressources ?
Quelles ressources ? Avec un taux de
chômage de 26% chez les moins de 25 ans,
la France est un des pays d'Europe où la
situation des jeunes est la pire. A
titre de comparaison, le taux de chômage
chez les jeunes est de 5% en Allemagne.
Tu en veux des
ressources ? Tiens, en attendant prends
cette droite et ferme là. Je t'en
filerai moi des ressources... Estime-toi
heureux que je ne t'ai mis que mon poing
dans la gueule, tu as échappé au tir de
flashball dans l'oeil.
Cette agression
intolérable doit servir d'exemple. Soit
le policier n'a pas agit sur ordre et
alors il doit être immédiatement
suspendu avant d'être licencié de la
police pour avoir salit son uniforme et
sa profession en agissant comme un
voyou.
Soit il a agit sur ordre, en suivant des
consignes de répression des mouvements
étudiants et alors c'est le ministre
lui-même qui doit être viré comme un
malpropre ainsi que tout ce gouvernement
qui veut interdire à la jeunesse de
manifester son opposition à une
politique inefficace et dangereuse qui
plonge le pays dans le chaos.
Le lendemain,
vendredi 25 mars, des lycéens se sont
regroupés pour protester contre les
violences policières. Ils ont attaqué 2
commissariats. A force de protéger
systématiquement ses brebis galeuses, la
police, la justice et la République vont
se couper définitivement d'une
génération qui se sent déjà largement
abandonnée. Nul ne pourra alors prévoir
ce qui se passera avec des jeunes qui
savent qu'aucune autre justice ne leur
sera rendue que celle qu'ils se feront
eux-mêmes.
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