The Guardian
"Tout n’était que mensonges" :
comment l’armée américaine a couvert
l’assassinat de deux journalistes en
Irak
Paul Daley
Mardi 16 juin 2020
L’ancien
journaliste de
Reuters
Dean Yates était responsable du bureau
de Bagdad lorsque ses collègues irakiens
Namir Noor-Eldeen et Saeed Chmagh ont
été tués. Une vidéo de WikiLeaks
intitulée "Collateral Murder" (Meurtre
collatéral) a ensuite révélé les détails
de leur mort
Malgré les
innombrables propos de l’armée
américaine sur l’assassinat des
journalistes irakiens de Reuters Namir
Noor-Eldeen et Saeed Chmagh, leur
collègue Dean Yates en a deux à lui :
"Tout n’était que mensonges ."
L’ancien chef du
bureau de l’agence Reuters à
Bagdad en a également encrés sur son
bras - une déclaration permanente sur la
façon dont ces mensonges "m’ont foutu en
l’air", alors qu’il a d’abord blâmé
Namir - injustement - et ensuite
lui-même pour les meurtres.
Le tatouage sur son
épaule gauche est un ruban vert bouclé
portant les mots "Iraq, Bali
et Aceh". Aux points opposés du
ruban sont inscrits PTSD et
Fight Back, Moral injury et
12 juillet 2007.
L’expérience de
Yates lors des attentats à la bombe de
Bali en 2002 et du tsunami du lendemain
de Noël en 2004 a été à l’origine de son
stress post-traumatique, mais le 12
juillet 2007 est le jour qui a changé
irrévocablement sa vie - tout en mettant
fin violemment à celle de Namir et de
Saeed. C’est aussi le jour qui l’a lié
par un fil de vérité au co-fondateur de
WikiLeaks, Julian Assange, qui allait
devenir, trois ans plus tard, le
hacker-éditeur-activiste le plus
tristement [sic !- NdT] célèbre
du monde avec la divulgation de milliers
de secrets militaires américains
classés.
Parmi eux figurait
une vidéo de WikiLeaks intitulée
Collateral Murder, filmée depuis
un hélicoptère Apache de l’armée
américaine alors qu’il mettait en pièces
Namir, 22 ans, et Saeed, 40 ans, ainsi
que neuf autres hommes, tout en blessant
gravement deux enfants.
Les États-Unis
poursuivent leurs efforts juridiques
pour extrader [kidnapper - NdT]
Assange d’une prison britannique, où il
est placé en détention préventive dans
un état de santé précaire, afin de
répondre à des allégations d’espionnage.
Il est instructif de noter que l’acte
d’accusation américain détaillé de 37
pages ne mentionne pas Collateral Murder
- la vidéo qui a causé au gouvernement
et à l’armée américains plus de dommages
à leur réputation que tous les autres
documents secrets réunis, et qui a fait
de WikiLeaks et d’Assange le principal
ennemi mondial du secret d’État.
Les États-Unis
craignent-ils que la référence à cette
vidéo ne donne lieu à des accusations de
crimes de guerre contre le personnel
militaire impliqué dans l’attaque ? Il
est certain que le fait d’inclure la
vidéo dans le dossier de l’accusation
contre M. Assange ne pourrait que
justifier son rôle dans la révélation
des mensonges de l’armée américaine sur
les meurtres horribles.
De fortes
lamentations ont éclaté
Au début du 12
juillet 2007, M. Yates s’est assis dans
le "bureau des créneaux" du bureau de
Reuters dans la zone rouge de Bagdad. Il
était prêt à faire face aux événements
habituels : un attentat à la voiture
piégée alors que les Irakiens se
rendaient au travail, une frappe
militante sur un marché, la police ou
l’armée irakienne. C’était plus calme
que d’habitude.
Yates se souvient :
"Je me souviens encore du visage
angoissé du collègue irakien qui a
défoncé la porte. Un autre collègue a
traduit : "Namir et Saeed ont été tués."
Le personnel de
Reuters s’est rendu en voiture dans le
quartier d’al-Amin où Namir avait dit à
ses collègues qu’il allait vérifier une
possible attaque aérienne américaine à
l’aube. Des témoins ont déclaré que
Namir, un photographe, et Saeed, un
chauffeur/réparateur, avaient été tués
par les forces américaines, probablement
lors d’une attaque aérienne au cours
d’un affrontement avec des militants.
Yates a envoyé un
e-mail au porte-parole de l’armée
américaine en Irak et a téléphoné à un
rédacteur en chef de Reuters pour lui
annoncer la nouvelle.
Alors que le bureau
était dans une crise de colère et de
deuil, Yates devait encore écrire les
premiers articles sur les deux hommes
tués sous sa surveillance. Il a d’abord
écrit qu’ils étaient morts dans ce que
la police irakienne appelait "l’action
militaire américaine".
Yates raconte : "Les
photos prises par nos photographes et
cameramen montraient un minivan sur les
lieux, dont l’avant était mutilé par une
puissante force de percussion ... Il y
avait beaucoup de choses que nous ne
savions pas. Les soldats américains
avaient saisi les deux appareils photo
de Namir, nous ne pouvions donc pas
vérifier ce qu’il avait photographié".
En début de soirée,
le porte-parole militaire n’avait
toujours pas répondu. Yates a fait
pression pour qu’il réponde - et pour
que les appareils photo de Namir lui
soient rendus. Peu après minuit, l’armée
américaine a publié une déclaration en
gros titre : "Lors de combats à New
Baghdad, les forces américaines et
irakiennes tuent 9 insurgés, en
détiennent 13".
Elle citait un
lieutenant américain qui disait : "Neuf
insurgés ont été tués lors de la
fusillade qui a éclaté. Un insurgé a été
blessé et deux civils ont été tués au
cours de la fusillade. Les deux civils
étaient des employés du service
d’information de Reuters. Il ne fait
aucun doute que les forces de la
coalition étaient clairement engagées
dans des opérations de combat contre une
force hostile".
Yates, secouant la
tête, déclare : "Les affirmations
américaines selon lesquelles Namir et
Saeed ont été tués lors d’un échange de
tirs n’étaient que des mensonges. Mais
je ne le savais pas à l’époque, alors
j’ai modifié mon article pour tenir
compte de la déclaration de l’armée
américaine".
Ce fut une période
choquante pour le personnel local des
organisations de presse étrangères à
Bagdad. Le 13 juillet, le jour des
funérailles de Namir et de Saeed, Khalid
Hassan, reporter/traducteur du New
York Times, a été abattu.
Après les
funérailles, Yates a fait pression sur
l’armée américaine pour obtenir les
caméras de Namir et l’accès aux caméras
et aux enregistrements air-sol
concernant l’Apache qui a tué ses
collègues.
Le 14 juillet,
Yates a appris que des militants avaient
assassiné un traducteur irakien de
Reuters.
Dans le but de
sauver la vie de ses employés, il a
commencé à collaborer avec d’autres
responsables d’organismes de presse
étrangers afin d’engager le dialogue
avec l’armée américaine pour mieux
comprendre ses règles d’engagement.
"Nous avons
traité avec eux en toute bonne foi",
dit-il. "Au final, ce n’était qu’une
farce."
Meurtre de
sang-froid
Le 15 juillet,
l’armée américaine a rendu les caméras
de Namir. Namir avait photographié les
conséquences d’un tir précédent et,
quelques minutes plus tard (juste avant
sa mort), des Humvees de l’armée
américaine à un carrefour proche. Il n’y
avait pas de photos de tireurs insurgés
ni d’affrontements avec les forces
américaines. Les date et heure montrent
que trois heures après la mort de Namir,
son appareil photo a photographié un
soldat américain dans un baraque ou une
tente. Les troupes qui ont nettoyé la
scène du crime ont manifestement joué
avec ses appareils photo après la mort
de Namir.
L’équipe de Reuters
avait déjà parlé à 14 témoins à al-Amin.
Tous ont déclaré qu’ils n’avaient pas
connaissance d’une fusillade qui aurait
pu provoquer l’attaque de l’hélicoptère.
Yates se souvient :
"Les mots qui n’ont cessé de se
former sur mes lèvres étaient "meurtre
de sang-froid"."
Le personnel
irakien de Reuters, quant à lui,
craignait que le bureau soit trop mou
envers l’armée américaine. "Mais je
ne pouvais écrire que ce que nous
pouvions établir et l’armée américaine
insistait sur le fait que Saeed et Namir
avaient été tués lors d’un affrontement",
dit Yates.
La réunion qui l’a
mis sur la voie d’une culpabilité et
d’un sentiment de culpabilité
destructeurs, paralysants - et
finalement suicidaires - "qui m’ont
fondamentalement foutu en l’air pendant
les 10 années suivantes", le
laissant dans un état de "préjudice
moral", s’est déroulée au quartier
général de l’armée américaine dans la
zone verte le 25 juillet.
Yates et un
collègue de Reuters ont rencontré les
deux généraux américains qui avaient
supervisé l’enquête sur les meurtres de
Namir et de Saeed.
Ce fut une longue
réunion, officieuse. Les généraux ont
révélé une foule de détails, leur disant
qu’un bataillon américain avait
recherché les milices responsables des
bombes de bord de route. Ils avaient
fait appel à des hélicoptères de soutien
après avoir essuyé des tirs. Un Apache
avait l’indicatif d’appel Crazy Horse
1-8.
"Ils ont décrit
un groupe d’hommes repérés par cet
Apache," dit Yates. Certains
semblaient être armés et le Crazy Horse
1-8 ... avait demandé la permission de
tirer parce qu’on nous avait dit que ces
hommes étaient des "hommes d’âge
militaire" ... et qu’ils semblaient
avoir des armes et qu’ils agissaient de
façon suspecte. On nous a donc dit que
ces hommes sur le terrain ont été
attaqués."
Les généraux leur
ont montré des photos de ce qui avait
été collecté après la fusillade, dont "deux
AK-47 [fusils d’assaut], un
lance-roquettes et deux appareils photo".
"Je me suis
demandé pendant de nombreuses années
quelle part de cette réunion avait été
soigneusement chorégraphiée pour que
nous repartions avec une certaine
impression de ce qui s’était passé. Eh
bien, pendant un certain temps, ça a
marché", dit Yates.
Il y a eu des
discussions sur ce qui autorisait Crazy
Horse 1-8 à ouvrir le feu alors qu’il
n’y avait pas d’échanges de tirs. L’un
des généraux a insisté sur le fait que
les morts étaient "d’âge militaire"
et, parce qu’ils étaient apparemment
armés, ils "exprimaient donc une
intention hostile".
Yates dit : "Puis
ils ont dit, ’OK, nous allons vous
montrer quelques images de la caméra du
Crazy Horse 1-8’".
Les généraux leur
ont montré environ trois minutes de
vidéo, en commençant par un groupe
comprenant Saeed et Namir dans la rue.
"Nous avons
entendu le pilote demander la permission
de tirer." Après que le pilote ait
reçu la permission, les hommes ne sont
plus visibles. L’hélicoptère se déplace
pour avoir une vue dégagée.
Yates raconte : "Lorsque
l’hélicoptère tourne en rond, on peut
voir Namir se diriger vers un coin et
s’accroupir en tenant quelque chose -
son appareil photo à objectif long - et
prendre des photos de Humvees. L’un des
membres de l’équipage dit : "Il a une
grenade"... Il est clairement agité. Et
puis 15, 20 secondes plus tard,
l’équipage a une vue dégagée... Je
regarde Namir accroupi avec son appareil
photo que le pilote pense être un
lance-roquettes et ils sont sur le point
d’ouvrir le feu. Je vois alors un homme
que je crois être Saeed qui s’éloigne et
qui parle au téléphone. Puis des tirs
les touchent. J’ai la tête dans les
mains ... Les généraux arrêtent la
bande."
Les généraux ont
minimisé un incident qui s’était déroulé
peu après, en disant qu’une camionnette
s’était arrêtée et que le Crazy Horse
1-8 a estimé qu’elle aidait les
insurgés, en leur récupérant leurs corps
et leurs armes.
"A un moment
donné, après avoir regardé ces images,
je me suis dit que si l’hélicoptère
avait ouvert le feu, c’était parce que
Namir regardait dans le coin. J’en suis
venu à blâmer Namir pour cette attaque,
pensant que l’hélicoptère avait tiré
parce qu’il s’était fait passer pour
suspect et cela a juste effacé de ma
mémoire le fait que l’ordre d’ouvrir le
feu avait déjà été donné. Ils allaient
ouvrir le feu de toute façon. Et la
seule personne qui a récupéré ça, c’est
Assange. Le jour où il a diffusé la
cassette [5 avril 2010], il a dit que
l’hélicoptère avait ouvert le feu parce
qu’il avait demandé et obtenu une
autorisation. Et il a dit quelque chose
comme : "Si c’est dans le respect des
règles d’engagement, alors les règles
d’engagement sont mauvaises."
Reuters a demandé
l’intégralité de la vidéo. Le général a
refusé, disant que Reuters devait la
demander en vertu des lois sur la
liberté d’information. L’agence l’a
fait, mais ses demandes ont été
refusées.
Au cours de l’année
suivante, Yates a vérifié si elle avait
été publiée. Pendant ce temps, lui et
d’autres dirigeants d’agences de presse
étrangères ont continué leurs réunions
de bonne foi avec divers généraux
américains afin d’améliorer la sécurité
de leur personnel à Bagdad.
À l’occasion de
l’anniversaire des assassinats de Namir
et de Saeed, Yates a voulu rompre
l’accord officieux avec les généraux. Il
a fait valoir qu’il s’était écoulé
suffisamment de temps pour que le
Pentagone remette la cassette à Reuters.
Ses supérieurs ont insisté pour que
l’accord soit respecté. Un passage de
l’article qu’il a écrit pour
l’anniversaire disait : "La vidéo de
deux hélicoptères américains Apache et
des photographies de la scène ont été
montrées aux rédacteurs de Reuters à
Bagdad le 25 juillet 2007 lors d’un
briefing officieux."
Yates est resté à
Bagdad jusqu’en octobre 2008. Il n’a pas
reçu la vidéo complète. Reuters a
continué à la demander. Yates a été
réaffecté à Singapour. Il présentait des
symptômes de stress post-traumatique,
notamment une aversion au bruit et un
engourdissement émotionnel. Il évitait
tout ce qui avait trait à l’Irak et
avait des troubles du sommeil.
Le 5 avril 2010,
lorsque Wikileaks a publié Collateral
Murder au National Press Club de
Washington, se rendant ainsi célèbres
(et exposant la façon dont les
États-Unis ont mené la guerre en Irak
sur le terrain), Yates était hors de
portée, se promenant dans le parc
national de Cradle Mountain pendant des
vacances en Tasmanie avec sa femme,
Mary, et leurs enfants.
Namir et Saeed
seraient restés des statistiques
oubliées dans une guerre qui a tué
d’innombrables combattants irakiens, des
centaines de milliers de civils et plus
de 4 400 soldats américains, sans
Chelsea Manning, analyste du
renseignement militaire américain à
Bagdad. En février 2010, Chelsea
Manning, alors âgée de 23 ans, découvre
la vidéo Crazy Horse 1-8 et la transmet
à WikiLeaks. Le mois précédent, Manning
avait divulgué à WikiLeaks 700 000
documents militaires américains
classifiés sur les guerres en Irak et en
Afghanistan. Assange a dévoilé la vidéo
Crazy Horse 1-8 (une version de 17
minutes et la version complète de 38
minutes sont toujours sur le site de
WikiLeaks). La vidéo a été reprise par
des milliers d’organisations de presse
dans le monde entier, suscitant
l’indignation et la condamnation
mondiales des tactiques militaires
américaines en Irak - et faisant de
WikiLeaks un diseur de vérité
controversé, un éditeur et un ennemi
critique du secret d’État. WikiLeaks a
ensuite rendu publique la base de
données contenant 700 000 documents.
Regardez ces
salauds morts
Collateral Murder
est un spectacle affligeant. Le carnage
provoqué par les tirs de canons de 30 mm
de l’hélicoptère Apache est dévastateur.
La vidéo montre l’artilleur qui suit
Namir alors qu’il trébuche et tente de
se cacher derrière des ordures avant que
son corps n’explose au moment où les
projectiles frappent la maison.
Les paroles de
l’équipage sont écoeurantes.
Il y a cela, après
que Namir et d’autres aient été
déchiquetés :
- "Regardez ces
salauds morts."
- "Joli."
Et ça :
- "Joli tir."
- "Merci."
Saeed survit aux
premiers tirs. L’hélicoptère continue de
tourner, avec Saeed dans son viseur,
alors qu’il rampe, gravement blessé et
désespéré de vivre.
"Allez mon
pote... tout ce que tu as à faire, c’est
de prendre une arme", dit
l’artilleur, impatient d’en finir avec
Saeed.
Une camionnette
s’arrête. Deux hommes, dont le chauffeur
(dont les enfants sont à l’arrière),
aident Saeed, qui est mourant, à monter
dans la camionnette.
On entend encore
des discussions agitées au sujet de la
camionnette. Le Crazy Horse 1-8 ne tarde
pas à l’attaquer.
"Ouais, regarde
ça. En plein dans le pare-brise."
Deux jours après la
diffusion de la vidéo par Assange, Yates
émerge de Cradle Mountain. Il a mis des
heures à allumer son téléphone et à
vérifier ses courriels, pour finalement
apprendre l’existence de Collateral
Murder dans un journal local.
"C’était
l’horreur totale - Saeed essayait de se
relever depuis environ trois minutes
quand ce bon samaritain s’est arrêté
avec sa fourgonnette et que l’Apache a
ouvert le feu et les a simplement
éliminés - c’était totalement
traumatisant".
Yates a
immédiatement pensé : "Ils
[l’armée américaine] nous ont baisés.
Ils nous ont juste baisés. Ils nous ont
menti. Ce n’était que des mensonges."
Le jour de la
publication de Collateral Murder, un
porte-parole du Commandement central
américain a déclaré qu’une enquête sur
l’incident peu après qu’il se soit
produit a révélé que les forces
américaines n’étaient pas au courant de
la présence des journalistes et
pensaient qu’ils engageaient des
insurgés armés.
"Nous regrettons
la perte de vies innocentes, mais cet
incident a fait l’objet d’une enquête
rapide et il n’y a jamais eu de
tentative de dissimulation d’un
quelconque aspect de cet engagement".
L’article publié
par Reuters sur les meurtres collatéraux
reprend la phrase de l’article du
premier anniversaire de Yates : "Des
vidéos de deux hélicoptères américains
Apache et des photographies de la scène
ont été montrées aux rédacteurs de
Reuters à Bagdad le 25 juillet 2007 lors
d’un briefing officieux."
Le personnel
irakien de Reuters, indigné, était resté
sous l’impression que Yates avait vu la
vidéo dans son intégralité.
"Je déteste
l’admettre, mais c’était pour moi
l’occasion de rétablir les faits et je
ne l’ai pas fait", déclare Yates.
J’aurais dû prendre le téléphone et dire
à Reuters "nous ne pouvons pas
laisser passer ça et nous devons dire ce
que nous savons".
Dans un courriel
adressé à un rédacteur en chef ce
soir-là, Yates a écrit : "Je pense
que nous devons insister fortement sur
la question de la transparence auprès de
l’armée américaine ... Quand je repense
à cette réunion avec deux généraux à
Bagdad ... je me sens trompé ... ils
n’ont pas été honnêtes ... Nous avons
ensuite rencontré l’armée à plusieurs
reprises pour travailler à
l’amélioration de la sécurité des
journalistes en Irak".
Le rédacteur en
chef a répondu : "Je comprends que
c’est terrible pour vous. Prenez bien
soin de vous, soyez assurés que nous ne
laisserons pas tomber".
Puis Yates a tourné
la page.
Il s’est installé
en Tasmanie, a souffert de PTSD et,
après trois séjours à l’hôpital Austin
Health’s Pavillon 17 à Melbourne (une
unité spécialisée dans le PTSD), il a dû
faire face à sa douleur émotionnelle -
le "traumatisme" qui s’exprime
maintenant dans son tatouage sur
l’épaule - après les décès de Namir et
de Saeed. Reuters a payé pour son
traitement et a accepté de lui créer le
poste de responsable de la stratégie de
santé mentale et de bien-être lorsqu’il
ne pouvait plus travailler comme
journaliste (il a maintenant quitté la
société).
C’est dans le
Pavillon 17, en 2016 et 2017, qu’il a
compris le préjudice moral qu’il
subissait en accusant injustement Namir
d’avoir poussé Crazy Horse 1-8 à ouvrir
le feu. L’autre élément de son préjudice
moral était lié à la honte qu’il
ressentait de ne pas avoir protégé son
personnel en découvrant le laxisme des
règles d’engagement dans l’armée
américaine avant qu’ils ne soient
abattus - et de ne pas avoir révélé plus
tôt qu’il savait à quel point les
États-Unis avaient menti. Yates a fait
la paix avec Namir et Saeed - et avec
lui-même.
Assange, dit-il, a
fait connaître au monde la vérité sur
les meurtres et a révélé le mensonge,
chose que lui et d’autres n’avaient pas
fait.
"Ce qu’il a fait
était un acte de vérité à 100%, révélant
au monde entier à quoi ressemble la
guerre en Irak et comment l’armée
américaine mentait".
Concernant
l’accusation américaine contre Assange,
Yates déclare : "Les États-Unis
savent à quel point Collateral Murder
est embarrassant, à quel point il est
honteux pour l’armée - ils savent qu’il
y a des crimes de guerre potentiels sur
cette cassette, en particulier lorsqu’il
s’agit de la fusillade du van ... Ils
savent que les badinages entre les
pilotes font écho au genre de langage
que les enfants utiliseraient dans les
jeux vidéo".
Fight Back
(Bats-toi), peut-on lire, tatoué sur
l’épaule gauche de Yates.
Dans le cadre de la
tentative d’extradition [kidnapping,
en réalité – NdT] d’Assange vers les
États-Unis, il est probable que de
nombreux autres mots seront prononcés
sur les événements du 12 juillet 2007,
les mensonges de l’armée américaine - et
leur exposition par le biais du
Collateral Murder.
Paul Daley
Traduction
"l’armée US a couvert bien d’autres
meurtres de journalistes, au cas où vous
poseriez la question" par VD pour le
Grand Soir avec probablement toutes les
fautes et coquilles habituelles
Source : https://www.theguardian.com/us-news/2020/jun/15/all-lies-how-the-us-mi...
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Left Le Grand Soir - Diffusion
autorisée et même encouragée.
Merci de mentionner les sources
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