Opinion
Zemmour, Israël et Dieudonné
Paul-Éric Blanrue
Jeudi 16 octobre 2014
À l'automne 2014, Éric Zemmour sort
Le Suicide français (Albin Michel),
désormais best-seller. Il y vante au
passage (page 304) le sionisme passé de
Jean-Marie Le Pen, qu’il fréquente dans
l’intimité depuis belle heurette, sans
toutefois le dire. De son côté, Serge
Moati, qui se targue d'être un "juif et
ancien franc-maçon", publie Le Pen,
vous et moi (Flammarion) dans lequel
il narre avec bonhommie son "amitié de
25 ans" avec le président de FN. Il en
profite pour réaliser un film intitulé
"Adieu Le Pen", diffusé sur France 2,
sorte d’hagiographie présentée sous le
masque de la rupture (à laquelle
personne ne croit). Tout ceci n'est pas
le fruit du hasard. Mon enquête
paraissant sous le titre
Jean-Marie, Marine
et les juifs
(Oser dire) tombe à point
nommé pour expliquer cette soudaine
frénésie.
Je viens d'achever la lecture du
Suicide français. Éric Zemmour y est
habile. L'épaisseur du livre et sa
construction non linéaire (les chapitres
sont disposés comme les pièces d'un
puzzle à reconstituer par le lecteur)
lui permettent de multiplier les pistes
et de noyer le poisson comme dans un
roman policier.
Son habileté est de reprendre pour
l'essentiel des thèses à succès de ce
qu’on appelle à tort ou à raison la
dissidence, et de détourner ou minorer
une grande partie des conclusions
auxquelles celle-ci parvient.
Zemmour reconnaît ainsi, en quelques
pages, les méfaits de BHL, Marek Halter
et des autres sionistes adeptes de SOS
Racisme ; en quelques lignes, mais guère
davantage, il critique le pouvoir
exorbitant du CRIF ; ayant compris que
les esprits les plus éveillés en ont
plus qu'assez de la remembrance
shoatique, il la dénonce comme "religion
obligatoire" et "métaphysique
apocalyptique" (en prenant soin, pas
folle la guêpe, de se démarquer des
révisionnistes). L’habileté de notre
"juif berbère" consiste encore à
rapporter sans insulte "le phénomène
Dieudonné" et à raconter avec sobriété
la remise du Prix de l'infréquentabilité
et de l'insolence à Robert Faurisson par
l’humoriste. Subtil, malin comme un
singe, le journaliste-chroniqueur a
réussi à faire le buzz en reprenant la
thèse d’un livre d’histoire
non-conformiste sur Vichy, écrit par
Alain Michel, un rabbin vivant en Israël
: Vichy et la Shoah, enquête sur le
paradoxe français (CLD, 2012).
Puisque l’ouvrage du rabbin est préfacé
par celui qui était alors président du
CRIF, Richard Prasquier, le déchaînement
de vitupérations que sa publicité
provoque est par conséquent sans issue
pour ses zoïles, qui seront un jour ou
l’autre confrontés à l’autorité morale
des patrons de la communauté organisée
qui mettra de facto un terme à leurs
débordements.
En attendant, il faut signaler le revers
de l'habileté zemmourienne : la mauvaise
foi ou, tout au moins, l'oubli
volontaire ayant pour objectif de
désigner à ses lecteurs une cible
factice. Le diagnostic que Zemmour finit
par poser, après mille détours, accable
en effet, sans surprise aucune, l'islam.
"Pour "intégrer" l'islam, il faudrait
que la France renonce à mille ans
d'Histoire, renie Philippe le Bel,
Richelieu, Louis XIV, Napoléon, de
Gaulle", écrit-il dans un roulement un
tambour. Zemmour n'a-t-il pas remarqué
que la France a depuis longtemps renoncé
à son Histoire ? Cet abandon est
précisément ce qui pose problème, comme
l'avait noté
Guy Debord dans un texte devenu célèbre
et dans lequel il faisait remarquer que
les immigrés ne pouvaient guère
s'intégrer dans une société ayant
implosé, détruit ses normes et perdu ses
racines.
N’importe, pour Zemmour, l'islam est à
la source du mal : "L'islam est à la
fois le révélateur et le détonateur de
la désintégration de l'État-nation",
insiste-t-il.
Fichtre ! Quelle puissance aurait donc
cet islam-là ! Il serait capable à lui
seul d'abattre l'État-nation ? C'est
bien entendu la plus énorme faille de la
démonstration de Zemmour. L’auteur
oublie en cours de route (c'est pour
cela qu'il négocie tant de zigzags, pour
s’y perdre, pour nous perdre) un point
essentiel, la vérité de bon sens
contenue dans cette fameuse phrase
attribuée à Voltaire : "Pour savoir qui
vous dirige vraiment, il suffit de
regarder ceux que vous ne pouvez pas
critiquer". Chacun peut le constater :
l'islam est vertement critiqué à peu
près partout et par tous, de Valeurs
actuelles à Charlie Hebdo, du
Point à L'Express, du
droitard Finkielkraut (le nouveau
Maurras des identaires) au béachelien
BHL. Quel pouvoir détient en France cet
islam universellement vilipendé ? Étant
donné que Zemmour est invité sur tous
les plateaux radio et télé pour y
dénoncer sa nocivité, il devrait être
clair comme le jour, à ses propres yeux
d’expert, que cette religion, en quoi il
discerne l’abomination de la désolation,
ne dirige rien du tout dans notre pays
et que ses agents ne disposent que d'une
fort médiocre influence, puisqu'ils ne
parviennent pas même à empêcher le vote
de lois contre le voile et la burqa.
S'il réfléchissait deux minutes sans
oeillères, Zemmour se demanderait a
contrario quelles sont les personnalités
les plus absolument interdites dans la
France d'aujourd'hui. Ce n'est pas
lui-même, Zemmour, l’ostracisé : on le
voit et on l'entend sur toutes les
ondes. Qui est donc ce diable incarné
sur qui vomissent toutes les autorités
de droite comme de gauche ? Point
Zemmour, qui bénéficie d'invitations
dans les émissions réalisant le meilleur
taux d’écoute (quand bien même il y est
critiqué : telle est la règle du jeu
d’une bonne promo). Non, ce n'est pas
Zemmour qui est censuré, loin de là.
C’est par exemple, pour ne prendre
qu’une figure emblématique de ces
nouveaux intouchables : Dieudonné.
Quelle puissance est-elle à l'origine de
l’exclusion totale des médias de
Dieudonné ? Qui l’a désigné comme ennemi
public ? Qui cherche jour après jour à
lui interdire la location de salles ?
Qui s’est donné pour mission de le
chasser de son théâtre ? La puissance
qui oriente les médias et l’action du
gouvernement, celle-là même qui entend
mettre un terme définitif à sa carrière
d’humoriste.
La voilà la puissance dont Zemmour ne
parle jamais, sauf pour regretter en
quelques lignes, les malheureux écarts
de l'un ou l'autre de ses réseaux, sans
jamais prendre la peine de peindre un
tableau d'ensemble de ses méfaits.
C'est pourtant cette même force qui a
ostracisé son ami Le Pen durant trente
ans, l'empêchant de mener une carrière
politique normale ; ce ne sont point les
imams de banlieue, les vendeurs de
kebabs, les dealers de la place
Clignancourt, ni les djihadistes d'hier
et d'aujourd'hui qui ont monté
l'opération du “détail” et la cabale de
Carpentras !
Certes, on comprend mieux le silence
d’Éric Zemmour concernant cette force
innommable lorsqu’on réécoute
d’anciennes émissions auxquelles il a
participé, par exemple celle-ci, passée
sur Radio Courtoisie, où il déclarait en
2011 :
"Je pense qu’Israël a une pratique de la
souveraineté qui est exactement celle
qu’avait la France pendant des siècles,
c’est ça qui m’intéresse, c’est-à-dire
une défense farouche de sa souveraineté,
comme la France jusqu’au général de
Gaulle, et qu'ils n’hésitent pas a
employer la guerre comme moyen de
défendre une politique et une
souveraineté, exactement comme l’a fait
la France pendant mille ans, c’est ça
qui m’intéresse. Et je pense que le
rapport complexe des Français vis-à-vis
d’Israël vient de là. Moi je pense
toujours l’armée israélienne, c’est
1792, c’est le peuple en arme qui se bat
avec les généraux de trente ans qui
discutent et tutoient les soldats (…) Je
pense que l’armée des Français de 1792 à
1805, c’était ça, exactement la même
chose (…) Les Israéliens ont été
installés sur une terre ou il y avait
déjà des gens, je dis des gens parce que
je ne dis pas un peuple, vous savez bien
un peuple il faut un sentiment
d’appartenance et un destin commun qui
n’existait pas chez les Palestiniens de
1948, puisqu’ils se sentaient arabe et
c’est tout, pas spécialement Palestine".
On comprend mieux pourquoi Zemmour ne
s'étend pas sur la question dans son
nouveau livre. Car c’est de cela qu’il
s’agit. C’est le lobby de ce pouvoir-là
qu’il importerait de mettre en relief.
Si la France a changé de destin, si la
liberté d’expression a disparu dans
notre pays, si la guerre en Afrique et
au Proche-Orient est devenue notre lot
quotidien, si la question de
l’immigration a longtemps été interdite,
si le bourrage de crâne sur la Seconde
Guerre mondiale a atteint des sommets,
si, comme le concède Zemmour lui-même,
la Shoah est devenue la "religion
obligatoire", imposant aux Français une
repentance de chaque instant, ce n’est
pas à l’islam qu’en revient la
responsabilité. Il importe de le dire et
de le répéter jusqu’à ce que la réelle
appréciation des forces en présence
devienne claire pour nos contemporains.
Paul-Éric Blanrue
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