Opinion
La fin de l’aventurisme militaire
américain
Pascal Boniface
© Pascal
Boniface
Mercredi 14 mai 2014
George Bush avait conduit les États-Unis
à des sommets d'impopularité, du fait de
sa politique extérieure jugée trop
agressive et privilégiant la force
militaire sur les solutions politiques.
Barak Obama est critiqué, à l'inverse,
pour son absence de leadership et sa
procrastination sur le plan stratégique.
Il affirme avoir été élu pour mettre fin
à des guerres aventureuses dans
lesquelles son prédécesseur avait
imprudemment lancé les États-Unis et non
pas pour en entamer de nouvelles.
Les États-Unis restent impuissants à
régler le dossier israélo-palestinien.
C'est peu dire que les espoirs placés en
Obama, lors de sa première élection
après le discours du Caire ou lorsqu'il
reçut le prix Nobel de la paix un an
après, sont en grande partie évanouis.
Alors qu'il avait dressé une ligne
rouge, à savoir, l'usage d'armes
chimiques par Bachar al-Assad, Barack
Obama a renoncé à intervenir
militairement contre le régime syrien,
malgré l’usage avéré de ces armes. Il
avait déjà laissé la France et la
Grande-Bretagne au premier rang dans une
intervention militaire contre le régime
de Kadhafi. Les États-Unis, (comme les
Européens, il est vrai) ont laissé la
France intervenir seule au Mali. Les
Japonais commencent à se demander s'ils
peuvent compter de façon sûre et
certaine sur leurs alliés américains au
cas où le différend territorial avec la
Chine sur les îles Senkakou
s'envenimerait. Taïwan peut également
s'inquiéter, sur la réalité de la
détermination américaine à les aider en
cas de problème majeur avec Pékin.
Israël et l'Arabie saoudite estiment que
Washington a été trop accommodant avec
l'Iran dans l'affaire du dossier
nucléaire. Les actuels dirigeants
ukrainiens se demandent s'ils peuvent
réellement compter sur Washington dans
le bras de fer qui les oppose à Moscou.
Les États baltes et la Pologne se posent
la même question.
La thèse du déclin américain revient en
force.
Que penser de ces critiques ? Il y a en
effet un mouvement de balancier dans la
politique étrangère américaine et dans
les reproches qui lui sont adressés.
George Bush faisait peur parce qu'on
craignait qu'il ne plonge le monde dans
de nouvelles interventions militaires à
l'issue catastrophique. Barack Obama
inquiète parce qu'il ne semble pas être
en mesure de rassurer ses alliés et de
faire jouer aux États-Unis leur rôle de
maintien de l'ordre international. Au
final la situation actuelle n’est pas
optimale, mais elle reste préférable à
l’ancienne.
On ne peut que se féliciter que Barack
Obama rompe avec une politique
d'aventurisme militaire. Israël et
l'Arabie saoudite sont isolés dans leur
critique du règlement du dossier iranien
qui a été conclu en commun par les cinq
puissances membres permanents du Conseil
de sécurité et l'Allemagne, et approuvé
par une large majorité d'États. Nul ne
recommande une option militaire à propos
de l'Ukraine. Il n'y a pas de majorité
pour soutenir une option de ce type en
Syrie. Et elles induiraient dans les
deux cas des catastrophes pires que la
situation existante.
Pour le reste, on peut également estimer
que cette prudence américaine a pour
avantage d'éviter que ses alliés,
croyant pouvoir bénéficier
automatiquement d'une protection
américaine, ne se lancent eux-mêmes
dans des politiques dangereuses. C'est
sans doute parce qu'il croyait acquis le
soutien de George Bush que le président
Saakachvili a tenté de reconquérir par
la force les provinces sécessionnistes
d'Abkhazie et d’Ossétie du Sud.
Le véritable reproche que l'on peut
faire à Barack Obama est d'avoir été
imprudent dans ses déclarations et
d’avoir pris publiquement des
engagements qu’il n’était pas certain de
pouvoir suivre. Il est en fait coincé.
Les Américains (qui, selon un sondage
récent de Pew Research Center, estiment
à 52 % que les États-Unis doivent avant
tout s’occuper de leurs propres
affaires, chiffre le plus élevé depuis
des décennies) n’ont plus envie d’être
plongés dans des opérations militaire
présentées comme faciles et qui se
transforment en bourbiers. Il y a un
« syndrome irakien ».
Mais Obama ne va pas jusqu’au bout de la
démarche : expliquer à ses concitoyens
que le monde n’est pas unipolaire, que
les États-Unis n’ont plus (et en fait
n’ont jamais eu) les moyens d’imposer
leur volonté au reste du monde et que la
solution aux problèmes internationaux
n’est ni dans l’unilatéralisme agressif
ni dans l’isolationnisme frileux, mais
dans un multilatéralisme assumé, seul
moyen de permettre l’émergence d’un
véritable système de sécurité
collective.
Article également paru sur La
Croix, le 13 mai 2014.
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Publié le 15 mai 2014 avec
l'aimable autorisation de l'IRIS.
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