Opinion
"Pascal Boniface contre la défense
d'Israël...":
quand Finkielkraut m'accuse à tort
Pascal Boniface
© Pascal
Boniface
Jeudi 6 février 2014
Lors d'une
conférence organisée par l'UMP le 23
janvier, Alain Finkielkraut a été égal à
lui-même mais a aussi voulu innover.
Égal à lui-même quand il fustige de
nouveau les jeunes de banlieue en
déclarant :
"Je suis frappé par le fait que
maintenant nombre de beurs ou de gens,
même, qui vivent en banlieue quelles que
soient leurs origines ethniques ont un
accent qui n'est plus français tout à
fait."
On est là en terrain connu, c'est du
Finkielkraut classique. On peut même
dire qu'il a dans le passé été beaucoup
plus virulent.
Mais il a également
innové en recourant aux mensonges et à
la désinformation pour séduire son
auditoire. Dans mon livre "Les
intellectuels faussaires", j'expliquais
pourquoi je ne le classais pas dans
cette catégorie. J'estimais qu'il y
avait mille raisons d'être en désaccord
avec lui, mais qu’il était sincère dans
ses convictions et ne pratiquait pas le
mensonge ou la manipulation pour
défendre ses idées.
Lors de cette réunion de l'UMP, il a
franchi ce pas.
Finkielkraut s'en est pris à moi sans
que je sois présent et puisse me
défendre. Curieuse méthode pour un
intellectuel. Hélas pour lui, le
site Panamza a mis en ligne la
vidéo. Finkielkraut se retrouve dans la
situation de celui qui a envoyé une
lettre anonyme de dénonciation, dont
l'identité de l'auteur serait révélée.
Évoquant un vote communautaire (qui bien
sûr concerne exclusivement les
musulmans), il déclare :
"Rappelez-vous, Pascal Boniface, c'était
cet homme du parti socialiste, lui cet
expert très présent d'ailleurs dans les
médias (il est bien connu qu’Alain
Finkielkraut fait l'objet d'un boycott
total dans les médias) qui a dit il
y a quelques années 'Il y a deux raisons
pour cesser de défendre l'État d'Israël,
premièrement sa politique de
colonisation' ce qu'on peut comprendre
et 'deuxièmement, l’électorat juif est
beaucoup moins important aujourd'hui que
l'électorat musulman et c'est vers lui
qu'il faut se tourner'".
Cette accusation rituelle selon laquelle
j'aurais recommandé – dans une note
d'avril 2001 – au Parti socialiste de
cesser de soutenir coûte-que-coûte
Israël parce qu'il y avait plus d’arabes
que de juifs revient régulièrement dans
les cercles extrémistes pro-israéliens.
Finkielkraut croit utile de la
reprendre. Elle est tout simplement
fausse. Je me suis expliqué mille fois
sur le sujet. Soit Finkielkraut parle de
note qu’il n’a pas lue, et c’est gênant
pour un intellectuel qui se veut
rigoureux, soit il ment sciemment et
c’est encore plus grave.
J'avais plaidé non pas pour qu'on prenne
en compte le poids des communautés, mais
au contraire pour qu'on fasse prévaloir
des principes universels, ce qui n'était
pas le cas et ce qui était justement
reproché au PS. Combien de fois
n'avais-je pas entendu auparavant qu'on
ne pouvait pas bouger sur le
Proche-Orient à cause du "vote juif"
(sic) qui, bien sûr, n'existe pas, mais
qui semble malgré cela être largement
pris en compte par les élus de tous
bords.
Je mettais au
contraire en garde contre une éventuelle
communautarisation de la question du
Proche-Orient, écrivant en effet que
dans ce cas, la communauté d'origine
arabe et musulmane qui s'organise voudra
faire contrepoids.
J'écrivais : "Il serait donc préférable
pour chacun de faire respecter les
principes universels et non pas le poids
de chaque communauté".
Mais c'est bien là que le bât blesse
pour Finkielkraut. Car si on fait valoir
les principes universels, il faut
condamner vigoureusement l'occupation
d'un peuple par un autre, une anomalie
historique au XXIe siècle. Il est donc
tentant de déformer mes propos pour
cacher cette question essentielle.
Ce n'est pas parce qu'il y a plus
d'Arabes que de juifs qu'il faut
condamner l'occupation israélienne.
C'est parce qu'elle est illégale et
illégitime, contraire aux principes
universels et au droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes. Finkielkraut
critique un éventuel communautarisme
musulman tout en ayant beaucoup œuvré
pour radicaliser un communautarisme
juif. Finkielkraut a beaucoup contribué
à dégrader le climat intellectuel en
France. Il a fait peur aux juifs
français en exagérant le niveau réel
d’antisémitisme (en dénonçant entre
autre une "année de cristal"), il a
contribué à la radicalisation des
Français musulmans et d’origine arabe
(et des habitants des quartiers) en les
stigmatisant de façon répétitive, en
ethnicisant les questions sociales. Le
tout dans une totale impunité. Sauf
peut-être pour lui-même, son trouble
manifeste étant sans doute l’expression
de ses contradictions entre un
universalisme revendiqué et un
communautarisme forcené. Car que ce soit
lui qui me reproche d’avoir une démarche
communautarisme est à hurler de rire...
ou à pleurer.
S’il accepte de renoncer à la
dénonciation en sourdine pour un débat
libre ouvert, je suis disponible. Je
doute qu’il accepte le risque de faire
éclater ses propres contradictions.
Tous les droits
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sont réservés.
Publié le 6 février 2014 avec l'aimable
autorisation de l'IRIS.
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