Opinion
Le CRIF, fer de lance du choc
des civilisations
Nicolas Bourgoin
Photo:
D.R.
Mardi 24 février 2015
Après
Manuel Valls, Marine Le Pen « sous
influence juive » ? Les récentes
déclarations de Roger Cukierman, le
donnent en tout cas à penser. Si elles
peinent à convaincre de
l’irréprochabilité de la présidente du
Front National, elles montrent en
revanche, si besoin était, que celle-ci,
à force d’allégeances à Israël, a
désormais toute sa place dans le système
politique dominant. Elles jettent
également une lumière crue sur ledit
système totalement acquis au modèle du
choc des civilisations qui tient les
« jeunes musulmans » pour « seuls
responsables des violences commises
aujourd’hui ». Cette nouvelle saillie
islamophobe du président du CRIF a bien
provoqué
quelques indignations mais rien qui
puisse remettre en cause la sacro-sainte
institution de son dîner annuel où
l’équipe gouvernementale se voit
littéralement
dicter sa feuille de route par le
lobby communautariste. Elle n’a pas gêné
en tout cas François Hollande qui s’y
est livré à un nouveau plaidoyer contre
l’antisémitisme –
en appelant notamment à un durcissement
des sanctions à son encontre – sur
fond de guerre contre le « terrorisme
islamiste », répondant ainsi aux
« inquiétudes » de Cukierman pour qui le
djihadisme est le « nouvel
ennemi de la France« . Les
défections ont surtout été le fait de
responsables associatifs musulmans –
notamment
le président du Conseil Français du
Culte Musulman -, il est vrai les
premiers visés par cette nouvelle
croisade. Mais surtout, il faut avoir la
mémoire bien courte pour s’offusquer de
cette énième déclaration antimusulmane
de la part d’une organisation qui a fait
du rejet de l’Islam son fond de
commerce.
Né il y a 70 ans, le CRIF représente
officiellement la communauté juive
auprès des pouvoirs publics. Mais il
pratique surtout un lobbying intensif au
service d’Israël, s’en prenant
systématiquement à tous ceux qui
critiquent la politique menée par l’État
hébreu, à droite mais surtout à gauche.
En février 2009, le Parti Communiste
Français
s’est vu accusé de soutenir le Hamas (qualifié
de mouvement terroriste) à cause de sa
participation aux manifestations de
soutien à Gaza, à la suite de quoi
Marie-Georges Buffet ne fut plus invitée
au dîner annuel, une première depuis
l’instauration de cette institution en
1985. Les Verts sont mis dans le même
sac en raison de leur engagement
pourtant bien timide en faveur de la
cause palestinienne et également exclus
de la grand-messe sioniste. Quelques
années auparavant, Roger Cukierman avait
dénoncé une alliance « rouge-brun-vert »
regroupant en plus des Verts, la LCR, la
Confédération paysanne et Lutte
Ouvrière, en gros tous ceux à gauche de
la gauche qui défendent peu ou prou la
cause palestinienne. Jean-Luc Mélenchon
s’était aussi
attiré les foudres de l’officine
sioniste pour cause de désertion du
camp occidental et d’insoumission
vis-à-vis des diktats de la communauté
organisée. En cause,
une tirade de l’ex-coprésident du Parti
de Gauche où celui-ci s’en prend à
la violence du colonialisme israélien au
moment de l’agression contre Gaza de
l’été dernier.
Soucieuse de l’image médiatique
d’Israël, le CRIF s’est employé à
dénoncer la diffusion par Canal + d’une
production jugée « anti-israélienne » en
appelant à manifester devant son siège.
La fiction incriminée, « The promise » (Le
serment en Français), n’est pourtant
basée que sur des faits réels…
Mais l’action politique du CRIF ne se
limite pas à ce lobbying identitaire et
sioniste. Cette organisation a faite
sienne la théorie du choc des
civilisations qui assimile le camp
judéo-chrétien à une citadelle assiégée
par le monde arabo-musulman, thème d’un documentaire
israélien sur la « menace islamique
en Europe » que l’on trouve sur son
site. Elle a aussi soutenu en son temps
le journaliste islamophobe
Robert Redeker. Dans sa volonté
d’affaiblir le camp adverse, elle fait
barrage à toute initiative visant à
lutter contre l’islamophobie estimant
que cette question ne doit pas être
prise en compte par les institutions
nationales et européennes au même titre
que l’antisémitisme, car
elle relève selon elle non du délit mais
de la liberté d’expression. Ainsi,
quand le Centre Communautaire Laïc Juif
(CCLJ) de Belgique a combattu une
résolution prise par des sénateurs
belges visant à considérer
l’islamophobie comme l’expression du
rejet des citoyens musulmans,
la considérant comme « inacceptable »,
il a reçu sans attendre le soutien du
CRIF qui revendique un droit à
« critiquer l’Islam ». Même motif, même
punition : en 2012, le CRIF avait
dénoncé la demande du Conseil Français
du Culte Musulman adressée à François
Hollande de faire de l’islamophobie une
cause nationale, appelant à
ne pas mettre sur le même pied
antisémitisme et islamophobie.
La bienveillance des élites
politiques à l’égard du CRIF ne
s’explique pas seulement par leur
souhait légitime de protéger la
communauté juive de l’antisémitisme. Le
combat mené par le CRIF rejoint aussi
celui d’un gouvernement engagé sur la
ligne néoconservatrice de la
stigmatisation de l’Islam et de la
défense inconditionnelle d’Israël, tête
de pont de l’impérialisme occidental au
Moyen-Orient. Et le CRIF, fortement
mobilisé contre « l’antimondialisme,
l’anticapitalisme, l’antiaméricanisme et
l’antisionisme« , en est le fer de
lance. Dans cette guerre de civilisation
que les élites mondialistes veulent nous
vendre, les juifs de France ont un rôle
important à jouer selon Roger Cuckierman,
celui d’être « les
sentinelles de la République » dont
ils sont par ailleurs « l’avant-garde »,
propos que l’on retrouvera quasiment
mot pour mot dans la bouche de Manuel
Valls. Mais ces propos, aussi
surprenants soient-ils, renvoient à la
politique actuelle de la France. Le
soutien sans faille à l’État Hébreu
est partagé François Hollande qui a
rejoint le camp atlantiste avec armes et
bagages. Ce n’est pas seulement
l’ex-ministre de l’Intérieur qui se
trouve sous domination du lobby
communautariste pro-israélien mais en
réalité la totalité du gouvernement et,
par voie de conséquence, la
République elle-même.
Voir également : un
entretien à propos de mon dernier
ouvrage « La
République contre les libertés »
Publié le 25 février 2015 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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