Opinion
La Ligue de Défense Juive, milice
fasciste
Nicolas Bourgoin
Dimanche 19 janvier 2014
Les soubresauts de "l’affaire Dieudonné"
ont porté au jour la puissance du lobby
pro-israélien au sein de l’État français
(voir
ici l’analyse de Jacob Cohen).
Revirement de jurisprudence au Conseil
d’État décidé dans l’urgence et sous la
pression de la LICRA (lire ici),
déploiements massifs de forces de police
autour des salles de spectacles,
harcèlement fiscal et judiciaire (dont
une plainte pour "injure publique"
déposée par Manuel Valls – voir
ici), fermeture programmée de sa
chaîne youtube et éviction prochaine de
son théâtre, sans parler de la cabale
politico-médiatique à son encontre (voir
ici), rien n’aura été épargné à
Dieudonné, coupable de dissidence
antisioniste. Cette campagne a bénéficié
de la puissance de feu des Appareils
Idéologiques d’État, CRIF et LICRA (voir
ici mon billet sur cette question)
et des media officiels mais également de
forces supplétives, notamment la Ligue
de Défense Juive. Terrorisant,
frappant, insultant les spectateurs de
Dieudonné ainsi que des passants lors de
véritables expéditions punitives devant
le théâtre de la main d’or –
faut-il le préciser, sans que les forces
de police mobilisées pour l’occasion ne
bougent le petit doigt (voir
ici) – cette milice paramilitaire a
déjà un lourd passé derrière elle,
parsemé de violences et d’agressions en
tout genre.
La Jewish Deafence League
est fondée à New York en 1968 par le
rabbin américain Meir Kahane. Son
homologue la LDJ en France est fondée
par Pierre Lurçat, un ancien membre du
Betar en octobre 2000 d’abord sous
le nom de Liberté Démocratie et
Judaïsme. Auto-dissoute en 2003,
elle se reforme sous le nom de Ligue
de Défense Juive. Son objectif :
défendre « la communauté juive
française » en luttant contre
l’antisémitisme, l’anti-judaïsme et
l’antisionisme. Politiquement proche du
Front National – elle soutient en 2012
la candidature de Marine Le Pen
considérée comme une "amie d’Israël"
(lire ici)
– la LDJ revendique «une centaine
d’adhérents, des jeunes entre 18 et 35
ans, en région parisienne». «En cas de
menace grave sur la communauté, nous
pourrions mobiliser environ un millier
de personnes », déclare l’un des
porte-parole de l’organisation (lire ici).
Ratonnades, actes de vandalisme,
agressions contre des militants
pro-palestiniens, menaces de mort,
expéditions punitives violentes,… on ne
compte plus les exactions commises par
cette milice paramilitaire. Citons
pêle-mêle : agression violente au
tribunal administratif de Paris contre
des étudiants d’une association
d’extrême-gauche de Nanterre (l’AGEN),
connue pour ses positions antisionistes
radicales, en décembre 2003 (lire ici),
ratonnade devant le lycée Janson-de-Sailly
en janvier 2009 (lire ici),
saccage d’une librairie
pro-palestinienne en juillet 2009 (voir
ici) ; intrusions violentes
dans des réunion pro-palestiniennes ou
de manifestations culturelles :
dans une soirée de l’association
Génération Palestine, en avril 2009
(lire
ici), au Centre International de
Culture populaire de la Mairie de
Vitry-sur-Seine en mars 2009 qui
s’apprêtait à faire citoyen d’honneur
Marwan Barghouti condamné à la prison à
vie en Israël, dans une réunion de
l’association France-Palestine
en mai 2011 (voir
ici), en novembre 2010 au Musée
d’Art Moderne de Paris lors
de l’exposition du photo-journaliste
berlinois Kai
Wiedenhöfer, « Gaza 2010 »,
présentant des clichés de victimes
palestiniennes dans la bande de Gaza, à
l’Institut du monde arabe lors de la
projection d’un film en septembre 2012
(voir
ici) ; agressions violentes
contre de nombreuses personnalités :
le président du MRAP Mouloud Aounit en
novembre 2003, Dieudonné en mars 2005,
l’écrivain essayiste Alain Soral en
septembre 2004 (la librairie dans lequel
il se trouvait fut saccagée et plusieurs
personnes molestées, voir
ici), l’Israélien Ofer Bronchtein,
président du Forum international pour la
paix en avril 2012 (lire ici),
Houria Bouteldja, porte-parole du
Parti des Indigènes de la République
en octobre 2012 (lire ici),
l’écrivain juif antisioniste Jacob Cohen
en mars et en juillet 2012 , Olivia
Zémor, présidente de l’association
CAPJPO-EuroPalestine, en juin 2012
(lire ici)
(à noter que cette organisation fait
régulièrement l’objet de menaces de la
part de la LDJ). Aucun des
auteurs de ces faits n’a été inquiété
par la Justice. Certaines plaintes ne
font l’objet d’aucune enquête, même
lorsque les responsables – désormais
bien connus – sont formellement
identifiés, comme ce fut le cas lors de
la première agression de Jacob Cohen, en
mars 2012. Le sentiment
d’impunité conduit d’ailleurs les
membres de cette organisation à agir à
visage découvert
et à faire la publicité de leurs
exactions sur les réseaux sociaux.
On peut s’étonner de la grande
tolérance de l’État français vis-à-vis
d’une organisation classée comme
terroriste et interdite en Israël et aux
États-Unis. Le MRAP demande
régulièrement la dissolution de cette
milice d’extrême-droite depuis 12 ans
sans aucun succès (lire ici).
« Nous avons écrit de nombreuses
lettres aux autorités ou les avons
alertées lors d’entretiens, des
parlementaires ont fait de même, et
aucun résultat n’a été obtenu »,
déplore de son côté l’Union Juive
Française pour la Paix dans un communiqué,
le 11 juillet 2012. La politique du deux
poids deux mesures a de quoi laisser
dubitatif quand on compare la totale
impunité de fait dont jouissent les
membres de cette organisation, sa
longévité en dépit de ses agissements, à
la rapidité avec laquelle l’État
français a dissout le groupe islamiste
Forzane Alliza dont le seul
tort était de promouvoir la lutte armée
(voir
ici) ainsi que les groupes
nationalistes Jeunesses
Révolutionnaires et Troisième
Voie à la suite d’un fait divers
malheureux (voir
ici). Autre fait troublant : une
annonce publiée par la LDJ sur un site
français en septembre 2011, pour
recruter des mercenaires et aller casser
du Palestinien en Cisjordanie n’a pas
suscité la moindre réaction politique ni
médiatique (à l’exception notable du
site Rue89). Interrogée, une
porte-parole du Quai d’Orsay refusera de
répondre au journaliste, assurant
qu’elle ne connaît pas la LDJ (voir
ici). Les membres de cette
organisation sont en réalité totalement
couverts par les Ministres de
l’Intérieur et de la Justice (lire ici
la lettre de Jacob Cohen après son
agression). Ils bénéficient même pour
leurs séances d’entraînement au combat
d’un bâtiment officiel public prêté par
la Police nationale ! (voir
ici). Ils y suivent des cours de krav-maga,
l’art martial de l’armée israélienne,
sous la direction de conseillers
techniques venus d’Israël. Tout comme le CRIF,
appareil idéologique d’État et lobby
officiel du sionisme en France, son bras
armé la LDJ, dont elle couvre
régulièrement les agissements (lire
ici) est au service de l’État
français pour briser la résistance
politique au sionisme. Pour ce faire,
son statut extra-légal lui permet
d’utiliser la violence en toute impunité
et avec la complicité des forces de
l’ordre.
Nicolas Bourgoin est
démographe, maître de conférences à
l’Université de Franche-Comté, membre du
Laboratoire de Sociologie et
d’Anthropologie de l’Université de
Franche-Comté (LASA-UFC). Il est
l’auteur de trois ouvrages : La
révolution sécuritaire aux Éditions
Champ Social (2013), Le suicide en
prison (Paris, L’Harmattan, 1994) et Les
chiffres du crime. Statistiques
criminelles et contrôle social (Paris,
L’Harmattan, 2008).
Les dernières mises à jour
|