Opinion
La Suisse objet de pressions
et de menaces de la part d´Israël
Nicolas Boeglin
Capture
d'écran PalSol
Mardi 16 décembre 2014
La Suisse, dépositaire des Conventions
de Genève sur le droit international
humanitaire, a convoqué une conférence
internationale sur le respect du droit
international humanitaire dans les
territoires palestiniens occupés,
invitant à y participer les 188 Etats
Parties aux Conventions de Genève. Cette
conférence aura lieu le 17 décembre à
Genève.
Une note de presse publiée en Suisse
(voir note)
indique que: «Alors qu'une conférence
internationale doit se tenir le 17
décembre à Genève, pour débattre
notamment du droit humanitaire sur les
territoires palestiniens, la Suisse a
subi des pressions, notamment de la part
d'Israël et des Etats-Unis, pour en
annuler l'organisation". La même
note indique que le " porte-parole du
ministère israélien des Affaires
étrangères, estime de son côté que la
Suisse "abuse de manière flagrante de sa
position privilégiée." Ce sera un
tribunal, "aux conclusions dirigées par
avance", affirme-t-il. ". On lit
aussi qu´un appel a été lancé par les
diplomates d´Israël aux autres Etats
Parties aux quatre conventions de Genève
afin de ne pas participer à cette
conférence internationale (voir note de
SwissInfo).
On se doit de rappeler que le 10 avril
2014 a été enregistré l'instrument
d'adhésion aux conventions de Genève de
la Palestine en tant qu´Etat (voir note de
presse canadienne). La tenue de
cette conférence, lit-on dans une autre
note de
la presse suisse, ne répond pas à une
demande de cette année, mais à une
autre, qui est bien antérieure à 2014:
en effet, la tenue de cette réunion
internationale "répond à une
recommandation de l'Assemblée générale
de l'ONU, sollicitée par la Palestine.
L'Assemblée lui demandait, dans une
résolution du 5 novembre 2009, de mener
des consultations concernant la
convocation d'une conférence en tant que
dépositaire de la IVe Convention de
Genève relative à la protection des
personnes civiles en temps de guerre".
On rappellera qu´une première conférence
sur ce sujet s´est tenue il y a presque
15 ans,
le 5 décembre 2001: soulignons
qu´elle fut l´objet de la même attitude
de la part d´Israël et de son fidèle
allié étasunien. On lit dans une étude
à propos de cette réunion que: "La
Conférence a duré environ 2 heures 30 et
a réuni 123 délégations, dont 115 États
parties ainsi que la Palestine en tant
que participant, et sept observateurs
(acteurs humanitaires comme le CICR ou
institutions telles que la Commission
européenne)".
La tendance assez bien connue de la
diplomatie israélienne à hausser le ton
dès qu´il s´agit d´examiner la situation
dans les territoires palestiniens
occupés au regard du Droit ne semble
plus émouvoir grandement qui que ce
soit. Sur un autre registre, plus
récent, les gesticulations de l´appareil
diplomatique israélien n´ont eu que peu
d´effets. Dans le cas de la
reconnaissance récente par la Suède de
l´Etat palestinien en date du 30 octobre
2014, Tel-Aviv avait, outre les
gesticulations de rigueur, considéré
utile de faire référence à la simplicité
des manuels d´Ikea,
rappelant l´ allusion toute aussi utile
à la défaite
soufferte par le Brésil 7-1 durant
la dernière Coupe du Monde, lors du
rappel de l´ambassadeur du Brésil en
Israël par les autorités de Brasilia en
pleine offensive israélienne à Gaza de
juillet 2014. Dans le premier cas, la
reconnaissance de la Palestine par la
Suède a provoqué une véritable onde
expansive au sein des cercles
parlementaires dans toute l´Europe, et
même au-delà: le Parlement a adopté une
résolution exigeant au Pouvoir exécutif
la reconnaissance de l´Etat palestinien
au Royaume Uni (13 octobre), en Espagne
(18 novembre), en France (2 décembre
pour ce qui est de l´Assemblée
Nationale), en Irlande (11 décembre), en
France (11 décembre pour le Sénat) et au
Portugal (12 décembre), tandis que le
Parlement de la Belgique s´apprête à un
exercice similaire et que son homologue
strasbourgeois serai saisi de la
question au plan européen.
Dans
le second cas, plusieurs autres Etats
d´Amérique Latine (Chili, El Salvador,
Pérou) ont décidé de rappeler leurs
ambassadeurs à Tel-Aviv après le rappel
de l´ambassadeur du Brésil par ses
autorités, tandis que ceux qui n´ont
plus de relations diplomatiques avec
Israël depuis 2009 ont dénoncé avec une
vigueur inaccoutumée les exactions
commises par l´armée israélienne contre
la population palestinienne (Bolivie,
Equateur, Nicaragua, Venezuela),
auxquels on doit ajouter l´Uruguay.
On notera au passage que l´ambassadeur
israélien en Suède rappelé par ses
supérieurs le 30 octobre est de retour
dans son bureau depuis le vendredi 28
novembre, selon une
note de
presse: ce retour s´est fait sans que
l´on comprenne bien quel fut le geste
hostile ou offensif de la Suède
l´obligeant à quitter la capitale
suédoise pour y revenir officiellement
en « signe de paix » quelques semaines
après.
Concernant les Etats qui ne
participeront pas à la conférence
convoquée par la Suisse, peu
d´informations circulent: la liste des 7
Etats (Canada, Etats-Unis,
Iles Marshall, Israël, Micronésie, Nauru et Palau)
ayant voté contre les 6 résolutions
adoptées le mois dernier par l´Assemblée
Générale des Nations Unies à New York
sur la Palestine (voir note
officielle des
Nations Unies) peut donner une idée des
délégués qui pourraient accéder à la
demande des autorités israéliennes: au Canada et
aux Etats-Unis (qui
semblent avoir déjà communiqué leur
non-participation), l´ambassadeur
israélien à Genève a inclus à la liste
le Rwanda (voir note de
TDG). Pour sa part, Haaretz (voir note),
média israélien généralement fort bien
informé, indique que l´Australie
accèdera sûrement à la demande
d´Israël.
Nicolas Boeglin
Professeur de Droit International
Public, Faculté de Droit, Université du
Costa Rica (UCR)
Texte de la déclaration adoptée le 5
décembre 2001 à Genève à la Conférence
de Hautes Parties Contractantes à la
Quatrième Convention de Genève.
Conférence de Hautes Parties
Contractantes à la Quatrième Convention
de Genève
Genève, 5 décembre 2001
Déclaration
1. Cette Déclaration reflète la
communauté de vues à laquelle sont
parvenues les Hautes Parties
Contractantes participant à nouvelle
réunion de la Conférence de Hautes
Parties Contractantes à la Quatrième
Convention de Genève. La Conférence du
15 juillet 1999, recommandée par la
Résolution ES-10/6 de l’Assemblée
générale des Nations Unies réunie en
session spé- ciale d’urgence, a produit
la déclaration (statement) suivante:
«…Les Hautes Parties Contractantes
participantes ont réaffirmé que la
Quatrième Convention de Genève était
applicable au Territoire Palestinien
Occupé, y compris Jérusalem-Est. En
outre, elles ont réaffirmé la nécessité
de respecter intégralement les
dispositions de ladite Convention sur ce
Territoire. Compte tenu de
l’amélioration du climat dans l’ensemble
du Proche-Orient, la Conférence a été
déclarée close étant entendu qu’elle se
réunirait à nouveau à la lumière de
consultations sur l’évolution de la
situation humanitaire sur le terrain.»
2. Les Hautes Parties Contractantes
participantes expriment leur profonde
préoccupation au sujet de l’aggravation
de la situation humanitaire sur le
terrain. Elles déplorent le nombre élevé
de victimes civiles, en particulier
parmi les enfants et d’autres groupes
vulnérables, causés par l’usage
indiscriminé ou disproportionné de la
force et causés par un manque de respect
du droit international humanitaire.
3. Prenant en compte l’article 1er de la
Quatrième Convention de Genève de 1949
et ayant à l’esprit la Résolution
ES-10/7 de l’Assemblée générale des
Nations Unies, les Hautes Parties
Contractantes participantes réaffirment
l’applicabilité de la Convention au
Territoire Palestinien Occupé, y compris
Jérusalem-Est, et redisent la nécessité
de respecter pleinement les dispositions
de ladite Convention sur ce Territoire.
Par la présente Déclaration, elles
rappellent en particulier les
obligations respectives, au titre de la
Convention, de toutes les Hautes Parties
Contractantes (par. 4 à 7), des parties
au conflit (par. 8 à 11) et de l’État
d’Israël en tant que Puissance occupante
(par. 12 à 15).
4. Les Hautes Parties Contractantes
participantes appellent toutes les
parties, impliquées directement dans le
conflit ou non, de respecter et de faire
respecter les Conventions de Genève en
toutes circonstances, de les diffuser et
de prendre toutes les mesures
nécessaires pour prévenir et faire
cesser les infractions aux Conventions.
Elles réaffirment les obligations des
Hautes Parties Contractantes au titre
des articles 146, 147 et 148 de la
Quatrième Convention de Genève
concernant les sanctions pénales, les
infractions graves et les
responsabilités des Hautes Parties
Contractantes.
5. Les Hautes Parties Contractantes
participantes soulignent que la
Quatrième Convention de Genève, qui
prend pleinement en compte les
impératifs et nécessités militaires doit
être respectée en toutes circonstances.
6. Les Hautes Parties Contractantes
participantes estiment nécessaire de
rappeler les règles humanitaires
fondamentales concernant les personnes
qui ne participent pas directement aux
hostilités, qui doivent être traitées
avec humanité, sans aucune
discrimination, et de rappeler
l’interdiction, en tout temps et en tout
lieu, des atteintes à la vie et à
l’intégrité corporelle, de la torture,
des atteintes à la dignité des personnes
et des exécutions arbitraires ou
extra-judiciaires.
7. Les Hautes Parties Contractantes
participantes expriment leur soutien
pour l’engagement des sociétés de
secours humanitaires sur le terrain pour
assurer que les blessés et les malades
reçoivent une assistance, et pour les
activités du Comité international de la
Croix-Rouge (CICR), de l’Office de
secours et de travaux des Nations Unies
pour les réfugiés de Palestine (UNRWA)
et d’autres organisations humanitaires
impartiales. Elles expriment également
leur soutien pour les efforts du Haut
Commissaire des Nations Unies aux droits
de l’homme et des Rapporteurs spéciaux
de l’ONU en vue d’évaluer la situation
sur le terrain, et elles prennent note
des rapports et recommandations du Haut
Commissaire aux droits de l’homme
(E/CN/4/2001/114) et de la Commission
d’enquête (E/CN/4/2001/121).
8. Les Hautes Parties Contractantes
participantes appellent les parties au
conflit à assurer le respect et la
protection de la population civile et
des biens civils et à opérer en tous
temps une distinction entre la
population civile et les combattants
ainsi qu’entre les biens civils et les
objectifs militaires. Elles appellent
aussi les parties à s’abstenir de toutes
brutalités ou violences contre la
population civile, qu’elles soient le
fait d’agents civils ou d’agents
militaires, et à s’abstenir d’exposer la
po-pulation civile aux opérations
militaires.
9. Les Hautes Parties Contractantes
participantes appellent les parties au
conflit à respecter et à protéger en
tous temps les établissements fixes et
les formations sanitaires mobiles des
Services de santé, et de faciliter les
opé- rations des sociétés de secours
humanitaires sur le terrain, y compris
le libre passage de leurs ambulances et
personnel médical, et de garantir leur
protection.
10. Les Hautes Parties Contractantes
participantes appellent les parties au
conflit à faciliter les activités du
CICR dans le cadre du rôle spécifique
qui lui est conféré par les Conventions
de Genève, de l’UNRWA et d’autres
organismes humanitaires impartiaux.
Elles reconnaissent et soutiennent leurs
efforts en vue d’évaluer et d’améliorer
la situation humanitaire sur le terrain.
Elles invitent les parties au conflit à
coopérer avec les observateurs indé-
pendants et impartiaux tels que la
Présence temporaire internationale dans
la ville d’Hébron (TIPH).
11. Les Hautes Parties Contractantes
participantes appellent les parties au
conflit à considérer à nouveau les
suggestions faites lors de la réunion
d’experts de Hautes Parties
Contractantes en 1998 afin de résoudre
des problèmes d’application de la
Quatrième Convention de Genève et de
respecter et faire respecter en toutes
circonstances les règles du droit
international humanitaire, et de
coopérer dans le cadre de contacts
directs, y compris les procédures
d’enquête et de conciliation. Elles
encouragent tous les arrangements ou
accords soutenus par les parties au
conflit au sujet du déploiement
d’observateurs indépendants et
impartiaux afin de relever, entre
autres, des infractions à la Quatrième
Convention de Genève, en tant que mesure
de protection et d’établissement de la
confiance, dans le but d’assurer la mise
en œuvre effective des règles
humanitaires.
12. Les Hautes Parties Contractantes
participantes appellent la Puissance
occupante à respecter pleinement et
effectivement la Quatrième Convention de
Genève dans le Territoire Palestinien
Occupé, y compris Jérusalem-Est, et de
s’abstenir de commettre toute violation
de la Convention. Elles réaffirment
l’illégalité des colonies de peuplement
dans lesdits territoires ainsi que de
leur extension. Elles rappellent la
nécessité de sauvegarder et de garantir
les droits d’accès aux Lieux saints pour
tous les habitants.
13. Les Hautes Parties Contractantes
participantes appellent la Puissance
occupante à s’abstenir immédiatement de
commettre des infractions graves qui
comportent l’un ou l’autre des actes
mentionnés dans l’article 147 de la
Quatrième Convention de Genève, tels que
l’homicide intentionnel, la torture, la
déportation illégale, le fait de priver
(une personne protégée) de son droit
d’être jugée régulièrement et
impartialement, la destruction et
l’appropriation de biens non justifiées
par des nécessités militaires et exé-
cutées sur une grande échelle de façon
illicite et arbitraire. Les Hautes
Parties Contractantes participantes
rappellent que selon l’article 148
aucune Haute Partie Contractante ne
pourra s’exonérer elle-même des
responsabilités encourues par elle-même
en raison des infractions graves. Les
Hautes Parties Contractantes
participantes rappellent également les
respon-sabilités de la Puissances
occupante selon l’article 29 de la
Quatrième Convention de Genève
concernant le traitement des personnes
protégées. .
14. Les Hautes Parties Contractantes
participantes appellent également la
Puissance occupante à s’abstenir de
commettre toute autre violation de la
Convention, en particulier les mesures
de représailles à l’égard des personnes
protégées et de leurs biens, les peines
collectives, les restrictions
injustifiées de la liberté de mouvement,
et à traiter les personnes protégées
avec humanité, sans aucune distinction
de caractère défavorable basée sur la
race, la couleur, la religion ou la
croyance, le sexe, la naissance ou la
fortune, ou tout autre critère analogue.
15. Les Hautes Parties Contractantes
participantes appellent la Puissance
occupante à faciliter les opérations de
secours et le libre passage du CICR, de
l’UNRWA ainsi que de tout autre
organisme humanitaire impartial, à
assurer leur protection et, si le cas se
présente, à s’abstenir de percevoir des
taxes et d’imposer des charges
financières indues à ces organismes.
16. Les Hautes Parties Contractantes
participantes soulignent que le respect
de la Quatrième Convention de Genève et
du droit international humanitaire en
général est essentiel pour améliorer la
situation humanitaire sur le terrain et
pour réaliser une paix juste et durable.
Les Hautes Parties Contractantes
participantes invitent les parties
concernées à mettre fin au conflit par
le biais de la négociation et à résoudre
leurs différends en accord avec le droit
international applicable.
17. Les Hautes Parties Contractantes
participantes saluent et encouragent les
initiatives prises par des États
Parties, aussi bien individuellement que
collectivement, conformément à l’article
1 de la Convention et visant à faire
respecter la Convention, et elles
soulignent la nécessité pour les Parties
d’assurer un suivi à la mise en œuvre de
la présente Déclaration.
18. Les Hautes Parties Contractantes
participantes expriment leur gratitude
au Dépositaire de la Quatrième
Convention de Genève pour ses bons
services et offices.
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