Monde
Le carton rouge du peuple turc
Nasser Kandil
Photo:
D.R.
Samedi 13 juin 2015
Depuis que
« le projet néo-ottoman » du
Parti pour la justice
et le développement [AKP]
mené par Recep Erdogan est devenu
évident, coïncidant avec l’incapacité
des États-Unis et d’Israël à mener
ouvertement leurs guerres pour briser la
Syrie en tant que maillon central de
l’Axe de la Résistance englobant l’Iran,
le Liban et la Palestine, le
Moyen-Orient est entré dans la tourmente
d’un violent séisme à répétition.
La Turquie,
forte de ses cent millions d’habitants,
de son économie florissante et de sa
puissante armée intégrée dans l’OTAN, a
pensé pouvoir dévorer la Syrie, étape
indispensable pour concrétiser ses
propres ambitions en Egypte et en
Tunisie, [par l’intermédiaire des Frères
Musulmans censés prendre le pouvoir et
s’y maintenir, avec l’accord des USA ;
NdT].
En effet,
bien que les médias et les services du
renseignement saoudiens et qataris se
soient dépensés sans compter et que leur
argent ait coulé à flots, seule la
Turquie pouvait offrir sa frontière à la
guerre quasi-universelle « non
déclarée » contre la Syrie.
Seule la
Turquie pouvait absorber des milliers de
combattants venus des quatre coins de la
terre, les organiser, les entraîner, les
entretenir grâce au financement des
Saoudiens et des Qataris, et leur
fournir l’armement consenti par la
France ou acheminé à partir de la
Libye...
La Turquie a
donc pris la direction des opérations
terroristes contre la Syrie, poussant
ses provocations, autant verbales que
territoriales, à un niveau qui aurait
suffi à déclencher la guerre entre les
deux pays. Mais cette guerre n’a pas eu
lieu.
Ce qui a
suscité l’incompréhension de nombre de
Syriens patriotes et d’observateurs
partant du principe que seule une
réponse offensive pouvait modifier les
équations sur le terrain et dissuader la
Turquie de poursuivre sa guerre d’usure
en territoire syrien.
C’était sans
compter sur l’approche stratégique de la
Syrie considérant que les provocations
d’Erdogan visaient à l’entraîner dans
une démarche guerrière qui rendrait une
intervention turque acceptable aux yeux
du peuple turc selon une logique
défensive et de solidarité nationale.
Persuadée que viendra le temps où ce
peuple mettra un frein aux ambitions
personnelles d’Erdogan, la Syrie a opté
pour la retenue et la résistance.
Stratégie
payante, car la défaite retentissante d’Erdogan
et de son parti ne réside pas tant dans
la perte de leur majorité absolue aux
élections législatives, ce 7 juin, que
dans la perte de leur prestige et de
leur domination ; ce qui encouragera les
différentes forces et institutions
judiciaires, militaires ou autres, à se
désolidariser d’Erdogan et à le laisser
porter, seul, les conséquences de ses
actes.
Un vote
crucial et fatidique qui a tourné la
page de la Confrérie [des Frères
Musulmans] dans la région, et dont les
innombrables implications se
manifesteront dans un proche avenir. Une
victoire de « l’opposition turque » à
Erdogan, et à son parti, dont on peut
dire, sans exagérer, que la résistance
de la Syrie, de son Armée et de son
Président, en est le principal
partenaire. Tout comme cette résistance
avait accéléré la chute du « Frère Morsi »
par décision du peuple égyptien et avait
minimisé le rôle du Qatar, dont le
puissant émir fut immolé sur l’autel
saoudien, car incapable de tenir ses
promesses au maître US.
Ce qui a
obligé l’Arabie saoudite et Israël à
jeter leurs masques et à peser de tout
leur poids pour soutenir ouvertement
Al-Qaïda quel que soit le nom qu’elle se
donne [EIIL, EI, Daech, Al-Nosra, Jaïch
al-Fateh…] dans la guerre contre la
Syrie.
Mais voici,
qu’à son tour, l’Arabie saoudite essuie
une défaite cinglante au Yémen et se
trouve contrainte à accepter une
« solution politique » qui n’a plus rien
à voir avec ses exigences premières. Et
voici que son allié israélien paralysé,
car incapable d’assumer le prix d’une
guerre ouverte contre le Hezbollah et
l’Armée syrienne, se rabat sur un vieux
plan de partition suite à leurs
victoires contre Al-Nosra dans les
montagnes du Qalamoun.
[Un plan
qui consiste en la création d’un État
druze sous prétexte de protéger les
Druzes de Soueïda, dans le sud de la
Syrie, d’un massacre identique à celui
commis par ses protégés d’Al-Nosra
contre les Druzes de Idleb [*], trois
jours après le carton rouge du peuple
turc. Mais c’est une autre histoire… À
suivre... NdT]
Nasser
Kandil
12/06/2015
Source :
Al-Binaa
http://www.al-binaa.com/?article=49371
Article
traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Note :
[*]
Massacre dans un village druze: Wahhab
demande à Assad d’armer les Druzes
http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=241613&cid=18&fromval=1&frid=18&seccatid=23&s1=1
Monsieur
Nasser
Kandil est
libanais, ancien député, Directeur de
TopNews-nasser-kandil, et Rédacteur en
chef du quotidien libanais Al-Binaa.
Le sommaire de Mouna Alna-Nakhal
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|