La chronique du
Tocard
Ne laissons pas Raed Abubadawia devenir
le nouveau Salah Hamouri
Nadir Dendoune
© Nadir
Dendoune
Mardi 30 septembre 2014
« Notre
pays, la France, en s’indignant à
géométrie variable, envoyait un message
désastreux à certains de ses enfants. Un
deux-poids deux mesures qui n’arrangeait
rien. Et qui finirait encore et toujours
à en radicaliser davantage…. » ND.
En apprenant l’arrestation de Raed
Abubadawia, un Franco-Palestinien,
professeur de droit international à
l’université de Naplouse, j’ai tout de
suite pensé au cas de Salah Hamouri, un
étudiant de 19 ans qui avait été arrêté
en 2005.
Le civil Hamouri avait été jugé et
condamné par un tribunal militaire, un
machin arbitraire, illégal au regard du
droit international. Salah avait été
enfermé sept années dans une prison
israélienne et à l’époque, sans
surprise, les autorités françaises (la
droite était au pouvoir, le PS n’aurait
pas fait mieux) n’avaient pas levé
l’orteil pour le sortir de sa merde.
Alain
Juppé, alors ministre des Affaires
étrangères, avait juste fini par avouer
que le dossier judiciaire de Salah
Hamouri était vide. Qu'il n'y avait rien
dedans. Nada. Wallou. Que dalle. Aucune
preuve de sa culpabilité. Et pourtant...
Le jeune
Franco-Palestinien avait purgé
l’intégralité de sa peine. Malgré son
innocence avérée, l’Etat français
n’avait pas non plus cherché par la
suite à réhabiliter Salah. Le dossier
Hamouri était trop « sensible ». Fallait
surtout pas se brouiller avec les
homologues israéliens.
La
version officielle était qu’il ne
fallait jamais commenter une décision de
justice d’un Etat souverain. Pas
d’ingérence. En vérité, tout le monde
savait que c’était de la foutaise, de la
masturbation intellectuelle. Il
suffisait juste de se rappeler comment
l’ancien président Sarkozy, n’avait pas
hésité une seconde à déclencher un
séisme diplomatique en remettant en
cause la décision de justice d’un autre
Etat souverain, le Mexique, quand
celui-ci avait décidé de condamner notre
compatriote Florence Cassez.
Sarko
avait même dédié « l’année du Mexique »,
qui devait se dérouler en France, à la
jeune prisonnière française. Du jamais
vu. Les prises de position du président
Sarkozy avaient déclenché la colère du
gouvernement mexicain. Si Sarko avait
pris partie ostensiblement pour Florence
Cassez, c’est parce qu’elle était une
blanche. Une « bonne Gauloise », « de
souche », pas une métèque, une Française
à 100% et il savait que l’opinion
publique se mobiliserait pour son cas.
Et puis,
Sarkozy avait déclaré qu'il irait
chercher tous les Français, quoi qu'ils
aient fait, où qu'ils se trouvent. Tous
les Français ? La bonne blague. Sauf les
Gnoules, gros! Effectivement, Sarko
n’avait pas moufté pour Salah
Hamouri, déjà à cause de sa Gnoulitude
mal léchée, mais aussi parce qu’il avait
la frousse : il redoutait la réaction de
l’Etat israélien. Quel courage...
Heureusement, un beau mouvement citoyen
avait réussi à faire connaître
l’histoire de Salah Hamouri, même si le
grand public était resté ignorant.
Forcément, alors, en voyant comment
avait été traité, du moins pas traité du
tout, le cas de Salah Hamouri, on avait
donc toutes les raisons d’être inquiet
pour Raëd Abubadawia.
Il y a
dix jours en pleine nuit, les soldats
israéliens avaient débarqué à son
domicile à Naplouse, pourtant une ville
sous contrôle palestinien, avant de
l’emmener dans un centre
d’interrogatoire israélien. Et depuis,
plus rien.
Pour le
moment, ni sa famille, ni son avocat, ni
les services consulaires n’avaient été
en mesure de le voir. Raed était à
l’isolement. Total. La seule chose qu’on
savait aujourd’hui, c’était que son cas
allait été être examiné dans les
prochains jours.
C’était
Nasrine, une Française de Tours,
l’ancienne épouse de Raed, avec qui elle
avait eu 3 filles, qui avait donné
l’alerte. Elle redoutait que son ex-mari
devienne un Salah Hamouri Bis. Et elle
avait raison de ne pas prendre cette
affaire à la légère.
Depuis
l’agression israélienne sur Gaza en
juillet - août derniers, l’armée
israélienne avait arrêté près de 2000
personnes. Certains étaient toujours
incarcérés. Tout de suite donc, en
apprenant l’arrestation de Raed, Nasrine
avait lancé la mobilisation sur les
réseaux sociaux. Depuis cette terrible
nouvelle, elle ne dormait plus.
Après
avoir déposé ses enfants à l’école, elle
revenait chez elle pour continuer son
combat. Nasrine se sentait bien seule et
c’était bien ça le drame. Même si les
réseaux militants lui avaient dès le
début apporté leur soutien, Nasrine,
comme Denise, la maman de Salah Hamouri,
n'avait pas l'impression que le cas de
son ex-mari soit défendu par les
autorités françaises, comme il devrait
l'être.
Certes,
les consulats de Jérusalem comme celui
de Tel Aviv et le ministère des Affaires
étrangères disaient porter toute leur
attention "à notre compatriote Raed
Abubadawia" mais personne n'avait encore
pu le visiter, pas même le consul.
Personne qui pouvait s'assurer de l'état
de santé de Raed. Nasrine demandait
juste que les paroles soient suivies
d'actes.
Notre
pays, la France, en s’indignant à
géométrie variable, envoyait un message
désastreux à certains de ses enfants. Un
deux-poids deux mesures qui n’arrangeait
rien. Et qui finirait encore et toujours
à en radicaliser davantage….
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