La chronique du
Tocard
En direct de Palestine :
«
La France nous a abandonnés »
Nadir Dendoune
Dans les rues de
Ramallah les Palestiniens regrettent
surtout "Jack Chirac"
Eros Sana, Nnoman - Collectif OEIL
Vendredi 18 juillet 2014
De notre envoyé spécial en Palestine.
Aux abords du palais présidentiel à
Ramallah, (la Mouqata) Jacques Chirac,
l’ancien président français, malgré la
faute d’orthographe, a une rue qui porte
son nom (Jack Chirac !). Une chose est
sûre : François Hollande n’aura jamais
cet honneur. Aujourd’hui, il est l’un
des chefs d’état les plus détestés par
les Palestiniens. Devant Obama !
Jeudi 17 juillet, il est 16h30. Les rues
de Ramallah sont très animées. Dans
trois heures, il sera temps de rompre le
jeûne. Tout le monde a rejoint le centre
ville pour faire ses courses. Les gens
avancent d’un pas lent. Ils évitent de
faire de grands efforts sous cette
chaleur accablante. Heureusement, il y a
une petite brise qui souffle dans la
capitale économique palestinienne,
perchée à 700m.
Dans les rares cafés qui sont ouverts en
cette période de ramadan, les
discussions tournent toutes autour de ce
qu’il se passe à Gaza. Et c’est
le désarroi qui domine. « D’ici, on se
sent impuissant, déplore Marwan, un
trentenaire sec aux cheveux courts. Je
me sens même un peu coupable,
avoue-t-il. Je suis né à Ramallah et
même si je vis sous occupation, ma vie
n’a rien à voir avec celle des Gazaouis ».
Son thé servi, il nous montre des photos
des massacres de Gaza. « Et
après, ils vont nous dire qu’ils sont
une démocratie », commente-il
amer.
Hollande a fait pire qu'Obama
Marwan en veut surtout à la communauté
internationale, aux « médias
qui relaient la propagande israélienne »
et qui nous « fait passer pour des terroristes ». Il en veut aussi à « Houlande »,
qu’il ne connaissait pas vraiment avant
ces « déclarations
honteuses ». « Je déteste votre
président, me dit-il. C’est le pire. On
oubliera jamais le soutien qu’il a
apporté à Israël ». Le 9 juillet
dernier, Hollande avait exprimé la « solidarité
de la France face aux tirs de roquettes
de Gaza ». Il s’était fait plus
mesuré par la suite auprès de Mahmoud
Abbas, le président de l’autorité
palestinienne avec lequel il s’était
entretenu au téléphone. Mais le mal est
fait. « Comment peut-il dire ça ?,
commente amer Myriam, une dame d’une
soixantaine d’années qui parle très bien
le français. J’ai toujours été très
admirative de la France, de votre
culture, mais surtout des valeurs que
votre pays défend : la Révolution
française, la Liberté, l’Egalité et la
Fraternité. N’a t-il pas vu tous ces
civils morts ? Tous ces enfants ? Toutes
ces femmes…
Même Obama n’est pas allé aussi loin ».
"Si même la France nous lâche..."
« Je croyais que la Gauche défendait les
droits de l’Homme », raille de son côté,
Hassan. « Je ne connais pas bien la
France mais il doit avoir
un puissant lobby pro-israélien chez
vous pour qu’il soit poussé à tenir de
tels propos. Je ne vois que çà !
Si ce n’est pas le cas, votre président
est débile !
Une chose est sûre c’est qu’Hollande
n’est pas de gauche ! », conclut
le jeune homme. Tous les Palestiniens
regrettent surtout « Jack Chirac ».
« Lui était courageux », confirme Sofi.
Alors qu’il était en voyage officiel en
Israël le 22 octobre 1996, et qu’il
visitait la vieille ville de Jérusalem,
« Chichi » s'était heurté violemment aux
services de sécurité israéliens censés
le protéger. Très en colère, Jacques
Chirac avait interpellé les agents des
services de sécurité israéliens, d'abord
en français puis en anglais «
Je commence à en avoir marre...
Vous voulez que je reprenne mon avion et
que je reparte en France ? Ce n'est pas
une méthode. C'est une provocation.»
Les Palestiniens sont ainsi
particulièrement reconnaissants à
Jacques Chirac pour avoir accueilli en
France Yasser Arafat pour des
soins peu avant sa mort en 2004, alors
que l’ancien rais palestinien souffrait
d'une « importante altération de (son)
état général et des anomalies sanguines
». Jacques Chirac a ainsi été le dernier
dirigeant international à avoir vu
Yasser Arafat, qui bénéficie toujours de
la même aura, dix ans après sa mort. Les
Palestiniens, qui ont toujours porté la
France dans leur cœur, semblent
désemparés. Leila, elle, qui s’excitait
déjà à l’idée de venir en France, en
septembre prochain, en est dépitée. «
Ils ont été si souvent à nos côtés. Si,
même eux, nous lâchent…. ».
Nadir Dendoune envoyé spécial en
Palestine
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