Religion
Ryad prive 600 000 Palestiniens du Hadj
et
de l’Oumra en interdisant leurs
passeports jordaniens
Mustafa Abu Sneineh
Un
passeport temporaire jordanien délivré
aux Palestiniens de Jérusalem-Est et de
Jordanie (AP)
Vendredi 28 septembre 2018
Selon des agences de voyage, l’Arabie
saoudite refuserait de délivrer des
visas pour tout détenteur palestinien
d’un passeport jordanien temporaire, une
mesure affectant les habitants de
Jérusalem-Est, qui craignent une remise
en cause de leur statut
L’Arabie saoudite a interdit aux
Palestiniens détenant des passeports
jordaniens temporaires d’entrer dans le
royaume, empêchant des centaines de
milliers de personnes d’entreprendre les
pèlerinages du Hadj et de l’Oumra, ont
confirmé à Middle East Eye des
responsables de sociétés de tourisme
palestiniennes et jordaniennes.
Plusieurs agences
de voyage interrogées par MEE ont
déclaré qu’elles avaient été informées
au début du mois qu’elles ne devaient
pas demander de visa pour quiconque
souhaitait voyager avec un passeport
jordanien temporaire, bien qu’aucune
annonce officielle n’ait été faite.
La mesure affecte
directement près de
634 000 Palestiniens vivant en
Jordanie et à Jérusalem-Est occupée par
Israël, qui n’ont accès à aucun autre
document de voyage leur permettant
d’aller en Arabie saoudite, où des
millions de musulmans se rendent chaque
année en pèlerinage dans les villes
saintes de La Mecque et Médine.
La mesure affecte
directement près de 634 000 Palestiniens
vivant en Jordanie et à Jérusalem-Est
occupée par Israël, qui n’ont accès à
aucun autre document de voyage leur
permettant d’aller en Arabie saoudite
Le passeport
temporaire jordanien est un document
valable cinq ans délivré aux
Palestiniens vivant à Jérusalem-Est
occupée par le service de l’état civil
et des passeports jordanien à Amman.
Les réfugiés
palestiniens de la bande de Gaza qui
vivent en Jordanie, dont le nombre est
estimé à environ 150 000, reçoivent
également un passeport temporaire,
tandis que les Palestiniens vivant en
Cisjordanie occupée par Israël ont
légalement le droit d’en demander un.
Le titulaire d’un
passeport temporaire n’a pas de numéro
d’identification national jordanien et
n’a donc pas droit à la pleine
citoyenneté jordanienne.
Les Palestiniens
vivant à Jérusalem-Est utilisent ce
passeport simplement comme document de
voyage pour se déplacer à l’étranger, en
particulier dans la majorité des pays
arabes qui ne reconnaissent pas Israël
ou les documents de voyage délivrés par
Israël.
Des centaines de
milliers de Palestiniens ne peuvent plus
se rendre
à la Grande Mosquée de la
Mecque (AFP)
Kamal Abu Dhiab,
directeur de la Société jordanienne du
tourisme et des agences de voyages, a
déclaré à MEE que son
organisation avait été informée « par
téléphone » de la mesure par le consulat
saoudien à Amman.
« Je peux confirmer
qu’ils nous ont informés de ne pas
envoyer de passeports jordaniens
temporaires pour l’obtention d’un visa.
Le consulat saoudien nous a informés
récemment et leur message n’était pas
écrit mais verbal », a déclaré Abu Dhiab.
« Les Palestiniens
de Jérusalem ont peur des répercussions
de cette décision. S’ils demandent un
document délivré par l’AP, ils craignent
que leur statut juridique et leur
résidence à Jérusalem ne soient
menacés »
- Le
propriétaire d’une agence de voyage
Abu Khaled al-Jimzawi,
propriétaire de l’Office du tourisme al-Odeh
à Jérusalem-Est, a déclaré qu’il avait
été informé de la décision par le
ministère palestinien des Awqaf et des
Affaires religieuses à Ramallah, la
capitale administrative de la
Cisjordanie gérée par l’Autorité
palestinienne (AP).
« Nous avons été
informés de cette décision début
septembre. Ils [les autorités
saoudiennes] ont informé les sociétés de
tourisme palestiniennes et jordaniennes
et le ministère palestinien des Awqaf
qu’ils refuseraient de délivrer des
visas pour tout passeport temporaire
sans numéro national », a indiqué
Jimzawi.
Perte de statut
Les Palestiniens de
Jérusalem-Est sont encouragés à la place
de demander des passeports délivrés par
l’Autorité palestinienne, a déclaré à
MEE le propriétaire d’une agence de
voyage spécialisée dans l’Oumra et le
Hadj, sous couvert d’anonymat par
crainte de perdre son contrat avec le
ministère saoudien du Hadj et de l’Oumra.
Selon cette agence
de voyages, le passeport de l’AP coûtera
aux Palestiniens 240 shekels (un peu
moins de 60 euros), sera valable un an
seulement et son traitement prendra une
journée.
« Les Palestiniens
de Jérusalem ont peur des répercussions
de cette décision. S’ils demandent un
document délivré par l’AP, ils craignent
que leur statut juridique et leur
résidence à Jérusalem ne soient
menacés », a-t-il déclaré.
Israël a occupé
Jérusalem-Est lors de la guerre des Six
Jours en 1967 et a depuis tenté de
l’annexer, une initiative jamais
reconnue par la communauté
internationale. Les Palestiniens qui
sont restés dans la ville et leurs
descendants sont reconnus comme
résidents de Jérusalem-Est selon la loi
israélienne, mais ce statut est souvent
révoqué par Israël pour une multitude de
raisons – comme la double nationalité.
À LIRE ► Que contient l’« accord du
siècle » de Trump ? La réponse est déjà
sous nos yeux
Il est difficile de
savoir si les passeports délivrés pour
les Palestiniens de Jérusalem-Est par
l’Autorité palestinienne auront un
numéro national. Si tel est le cas, cela
pourrait potentiellement permettre au
ministère israélien de l’Intérieur de
révoquer leurs droits de résidence à
Jérusalem et de les expulser en tant que
ressortissants étrangers en vertu de la
loi de 1952 sur l’entrée en Israël.
Il est difficile de
savoir si les passeports délivrés pour
les Palestiniens de Jérusalem-Est par
l’Autorité palestinienne auront un
numéro national. Si tel est le cas, cela
pourrait potentiellement permettre au
ministère israélien de l’Intérieur de
révoquer leurs droits de résidence à
Jérusalem et de les expulser
Cependant, un
fonctionnaire travaillant pour le
cabinet palestinien, sous couvert
d’anonymat, a démenti que l’Autorité
palestinienne délivrerait des passeports
aux résidents de Jérusalem-Est qui
détiennent des cartes d’identité
israéliennes, affirmant que sa politique
ne consistait pas à délivrer des
documents aux Palestiniens de
Jérusalem-Est même lorsque leurs cartes
d’identité ont été révoquées par Israël.
Les sociétés de
tourisme en Jordanie et en Palestine
doivent respecter des contrats légaux
avec le ministère saoudien du Hadj et de
l’Oumra. Les sociétés enregistrées ont
besoin d’un nom d’utilisateur et d’un
passeport du ministère leur permettant
de demander des visas et de télécharger
des documents en ligne.
Les ambassades
saoudiennes à Londres et à Amman et le
ministère saoudien du Hadj et de l’Oumra
n’ont pas répondu aux sollicitations de
MEE.
Changer les
règles du jeu
Jumana Ghunaimat,
ministre d’État jordanienne chargée des
médias, a déclaré à MEE qu’elle
n’avait pas connaissance de nouvelles
directives visant à cesser de délivrer
des visas aux Palestiniens détenteurs de
passeports jordaniens temporaires et a
déclaré qu’« aucune annonce officielle
n’avait été faite ».
Kamal Abu Dhiab,
directeur de la Société jordanienne du
tourisme et des agences de voyages, a
déclaré que les raisons de ce changement
des règles n’étaient pas claires,
ajoutant que le consulat saoudien
apportait régulièrement des
modifications aux exigences et à la
réglementation en matière de visa.
Certains médias
palestiniens et arabes ont lié cette
décision saoudienne à l’accord du siècle
de Donald Trump, dans un contexte de
rumeurs selon lesquelles Washington
aurait sollicité l’appui de l’Arabie
saoudite pour des mesures visant à
révoquer le droit de retour des réfugiés
palestiniens
Il a cité
l’introduction soudaine en 2016 d’une
nouvelle politique imposant à toute
personne visitant la Mecque deux fois en
deux ans de payer 2 000 riyals saoudiens
(455 euros) et une directive de 2011
imposant aux Jordaniens de détenir des
passeports biométriques.
Environ
6 600 Palestiniens de Jérusalem-Est, de
Cisjordanie et de la bande de Gaza se
sont rendus en Arabie saoudite pour le
Hadj en 2017, tandis qu’en moyenne,
50 000 à 70 000 personnes de ces mêmes
régions entreprennent chaque année le
pèlerinage de l’Oumra.
Avant 1996, tous
les Palestiniens de Cisjordanie et de
Jérusalem-Est obtenaient un visa pour le
Hadj et l’Oumra sur leur passeport
temporaire jordanien, sauf pour les
Palestiniens de la bande de Gaza, qui
pouvaient demander des documents de
voyage égyptiens.
Les Hachémites de
Jordanie sont actuellement les gardiens
des lieux saints de Jérusalem (AFP)
Cependant, après
les accords d’Oslo entre Israël et
l’Organisation de libération de la
Palestine (OLP), lesquels ont établi
l’Autorité palestinienne, les
Palestiniens de Cisjordanie et de la
bande de Gaza ont commencé à obtenir
leurs visas sur les passeports délivrés
par l’Autorité palestinienne.
Les politiciens
israéliens ont également exprimé le
souhait que la garde des lieux saints de
Jérusalem passe de la dynastie hachémite
à celle de l’Arabie saoudite
Les habitants de
Jérusalem-Est ont quant à eux continué à
utiliser les passeports jordaniens
temporaires, héritage du statut de
gardiens des lieux saints de Jérusalem
de la dynastie hachémite de Jordanie
ainsi que de l’annexion jordanienne de
la Cisjordanie et de Jérusalem-Est
jusqu’à leur occupation par Israël en
1967.
Certains médias
palestiniens et arabes ont lié cette
décision saoudienne à l’accord
du siècle du président américain
Donald Trump, qui n’a pas encore été
annoncé, dans un contexte de rumeurs
selon lesquelles Washington aurait
sollicité l’appui de l’Arabie saoudite
pour des mesures visant à révoquer le
droit de retour des réfugiés
palestiniens déplacés par la création
d’Israël en 1948 et les guerres
arabo-israéliennes subséquentes.
Ces mesures
viseraient à naturaliser et à obtenir
des numéros d’identité nationaux pour
les réfugiés palestiniens au Liban –
dont le nombre est estimé à 173 000 – et
en Jordanie. Les Palestiniens de
Jérusalem-Est pourraient demander un
passeport israélien, selon certaines
informations.
Les
politiciens israéliens ont également
exprimé le souhait que la garde des
lieux saints de Jérusalem passe de la
dynastie hachémite à celle de l’Arabie
saoudite.
Traduit de
l’anglais (original).
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