Syrie
ONU /Syrie : Ce que vous ne devez
pas entendre...
Bachar al-Jaafari

Mercredi 29 août 2018
Ce 28 août 2018, tout un chacun
pouvait lire sur le site de l’ONU :
« À la une, la détérioration croissante
de la situation humanitaire au
nord-ouest de la Syrie au menu du
Conseil de sécurité ». Et ceux qui ont
suivi les interventions publiques du
Conseil de sécurité ont pu constater que
la diffusion de l’intervention du
délégué permanent de la Syrie auprès des
Nations Unies, le Dr Bachar al-Jaafari,
a été rapidement interrompue.
Interrogé
sur l’incident par la télévision
nationale syrienne, il a décrit une
séance particulièrement étrange, tenue
sous le titre de l’humanitaire, mais où
les discussions publiques et à huis clos
ont surtout porté sur le futur usage
d’armes chimiques par les terroristes à
Idleb et sur les menaces d’une nouvelle
agression de l’Occident contre la Syrie.
Concernant l’interruption de la
diffusion de son intervention, il a
déclaré :
En ce mois
d’Août la présidence du Conseil est
britannique et, aujourd’hui, il s’est
passé qu’après avoir écouté 16
intervenants, le Directeur de l’OCHA
[Bureau de la coordination des affaires
humanitaires] et les délégués des 15
pays membres du Conseil de sécurité, la
présidente britannique a décidé de
limiter mon temps de parole à 5
minutes ; ce que j’ai refusé [...] Mais
le problème est qu’elle s’était
préalablement entendue avec la
Secrétaire générale adjointe à la
communication au Département de
l’information de l’ONU, Mme Alison Smale
également britannique, pour que
l’enregistrement diffusé de mon
intervention soit coupé. Je suis
d’ailleurs le seul dans ce cas et, comme
vous l’avez constaté, la diffusion a été
interrompue 2 minutes environ après ma
prise de parole.
De toute
façon, nous avons porté plainte auprès
de la Secrétaire générale adjointe et
j’ai adressé, il y a quelques minutes,
une lettre officielle à la présidente du
Conseil en personne, lui demandant
d’intégrer le texte complet de mon
intervention au compte-rendu officiel
destiné aux instances de l’ONU, afin que
tous les États membres soient mis au
courant de ce que nous avions
l’intention de dire...
Pour
mémoire, voici le texte intégral de
cette intervention que vous ne deviez
pas entendre... [NdT]

Merci Madame
la Présidente.
Merci aussi
pour avoir mentionné les deux lettres
que j’ai adressées aux bons soins de la
présidence et des membres du Conseil de
sécurité à propos du « chimique » et du
grand danger qui nous guette au cas il
serait utilisé une nouvelle fois à Idleb.
Vous m’avez
posé quelques questions, Madame la
Présidente, et j’ose espérer que vous
aurez le cœur assez grand pour supporter
ce que j’ai à dire pendant quelques
minutes, maintenant que je vous ai tous
écoutés pendant plus d’une heure et
demie. En effet, nombre de points
importants méritent quelques
éclaircissements, mais avant de lire mon
communiqué je voudrais signaler ce qui
suit :
-
Premièrement : Au
cours de la période correspondant au
rapport de l’OCHA de ce jour, le
ministère des Affaires étrangères a
consenti à 2700 demandes du
Programme Alimentaire Mondial [PAM]
concernant l’acheminement des aides
aux régions libérées et ailleurs :
2700 demandes !
-
Deuxièmement : Ce
mois-ci, nous avons distribué aux
représentants des États membres du
Conseil de sécurité des explications
détaillant le sens et les objectifs
de la Loi n°10 [loi prévoyant la
création d’entités administratives
locales en charge des efforts de
reconstruction, votée début avril
2018 et interprétée, entre autre,
comme une tentative d’expropriation
des déplacés syriens par le
gouvernement syrien... NdT],
lesquelles explications invalident
toutes les allégations et
informations biaisées présentées de
temps à autre par certains quant aux
prétendus objectifs de cette loi et,
par conséquent, devraient clore la
polémique sur le sujet.
-
Troisièmement : Le
Croissant rouge syrien coopère
quotidiennement et continuellement
avec les partenaires locaux et
internationaux à l’acheminement des
aides humanitaires et de dizaines de
convois aux régions où des civils en
ont besoin.
Mais notre
problème avec l’OCHA est le suivant : M.
Ging a déclaré que seules quatre convois
ont été autorisés. Ce qui n’est pas
vrai.
Notre
problème avec l’OCHA est qu’il ne compte
que les convois auxquels il participe.
Autrement dit, les convois du PAM
[Programme Alimentaire Mondial] , du HCR
[Haut Commissariat des Nations unies
pour les réfugiés] ou de la Croix-Rouge,
ne sont pas reconnus par l’OCHA. Les
centaines de convois et les milliers de
tonnes d’aides humanitaires rendues dans
les régions où les civils en ont besoin
ne sont pas pris en compte par l’OCHA.
Par conséquent, pour l’OCHA, seuls
quatre convois ont été autorisés ce
mois-ci. Ce n’est pas vrai et c’est
trompeur pour les représentants des
États membres de ce Conseil.
Ceci étant
dit, j’entame la lecture de mon
communiqué :
Madame la
Présidente,
C’est à
maintes reprises que nous avons mis en
garde contre la présence, dans cette
salle, d’un énorme et féroce éléphant
menaçant les fondements de notre travail
collectif et piétinant nombre de
vérités, afin de camoufler les
violations par certains États membres
permanents des dispositions de la Charte
[des Nations Unies] et des principes du
Droit international.
Aujourd’hui,
l’obstination dans l’erreur semble
toujours de mise dans les politiques et
les pratiques des gouvernements
occidentaux à l’égard de mon pays. Au
lieu de reconnaître leur culpabilité et
d’assumer leur responsabilité politique
et juridique pour avoir lancé une guerre
terroriste contre la Syrie, son État et
son peuple, et au lieu de rectifier les
politiques catastrophiques menées contre
notre région en général et contre mon
pays en particulier, ils persistent dans
leur agression et, par le biais de leurs
bannières noires, de leurs casques
blancs et de leurs lignes rouges, ils
préparent de nouvelles mises en scènes
sanglantes utilisant des armes chimiques
dans le nord-ouest de la Syrie. Ceci,
dans le but d’entraver l’opération
politique en cours, de justifier
l’agression de mon pays ainsi que
l’occupation de certaines de ses
régions, et d’insuffler une nouvelle
énergie aux reliquats du terrorisme
encore présent dans ces régions.
Le
gouvernement de mon pays condamne le
communiqué publié il y a quelques jours
par les États-Unis, la France et le
Royaume-Uni, et réfute le fond et la
forme de son contenu. La Syrie a affirmé
à plusieurs reprises qu’elle considère
que l’usage des armes chimiques est
immoral, qu’elle le condamne en tout
lieu, en toutes circonstances et contre
qui que ce soit.
Aujourd’hui,
la Syrie réaffirme qu’elle ne possède
aucune arme chimique et qu’elle a
respecté tous les engagements pris avec
l’OIAC [Organisation pour l'Interdiction
des Armes Chimiques], laquelle en a
informé l’ensemble des organisations
internationales concernées, dont votre
respecté Conseil. Il est donc inutile
que je vous répète à chaque réunion que
le stock de produits chimiques syriens a
été détruit à bord du navire américain
Cape Ray en mer Méditerranée, tandis que
le stock d’Israël en armes nucléaires,
chimiques et biologiques attend toujours
la bénédiction de ce Conseil pour s’en
débarrasser.
Madame la
Présidente,
Je mets entre
vos mains des informations documentées
sur les préparatifs de l'organisation
terroriste le Front al-Nosra, et de
groupes affiliés, en vue de
l’utilisation d’armes chimiques contre
des civils du gouvernorat d'Idleb, dans
le but d'incriminer l'Armée arabe
syrienne et de justifier n’importe
quelle éventuelle agression militaire
menée par les gouvernements des pays
employeurs de ces organisations
terroristes, à l’instar de ce qui s’est
passé lors de l’attaque américaine sur
l’aéroport d’Al-Chaayrate le 7 avril
2017, et lors de l’agression tripartite
américano-franco-britannique le14 avril
2018.
Dans le cadre
des préparatifs de ce crime, face auquel
nous demandons fermement aux
gouvernements ayant de l’influence sur
ces groupes terroristes de dissuader
leurs agents de le mettre à exécution,
huit conteneurs de chlore ont été
transportés au village de Helouz à Idleb,
en prévision du scénario destiné à la
mise en scène d’une nouvelle attaque
chimique. Une attaque jouée par les
terroristes du « Parti islamique du
Turkestan » et du Front al-Nosra -terroristes
que les rédacteurs des rapports onusiens
se plaisent à qualifier d’« opposition
armée non étatique »-, lesquels
utiliseront des produits chimiques
toxiques contre des civils syriens, dont
des dizaines d’enfants, kidnappés depuis
quelques jours dans les campagnes d’Alep
et d’Idleb, afin d’accuser le
gouvernement syrien et de poursuivre la
brutale agression contre la Syrie.
Toute
agression contre mon pays, si elle avait
lieu, serait une agression contre un
pays membre fondateur des Nations Unies,
une agression contre la paix et la
sécurité régionales et internationales,
un soutien au terrorisme et une atteinte
aux efforts que nous avons consentis
avec nos alliés pour le combattre ; en
sachant que la roue tourne et que tôt ou
tard l’agresseur finira pas payer ses
forfaits.
Je me
contenterai de ce peu, Madame la
Présidente, en réponse à votre exigence
de limiter mon temps de parole bien que
cette réunion soit importante, concerne
mon pays, et que tous se sont amplement
exprimés.
Merci.
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué permanent de la
Syrie auprès des Nations Unies
Transcription et traduction par Mouna
Alno-Nakhal
Sources :
Vidéos Al-Ikhbariya / Mission syrienne à
l’ONU
https://www.facebook.com/Alikhbaria.Sy/videos/470160786815910/
https://www.youtube.com/watch?v=niroDO85jVc
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