Syrie
Syrie : Nous sommes passés d’une
guerre par procuration à une vraie
guerre !
Bachar al-Jaafari
Dimanche 25 septembre 2016
Ce 21 septembre lors d’une
énième session du Conseil de sécurité de
l’ONU sur la situation en Syrie, Ban Ki-moon
aurait déclaré :
« C'est
l'occasion de rétablir la cessation des
hostilités, faciliter l'aide humanitaire
à Alep et dans tout le pays, maintenir
au sol la force aérienne syrienne et
voir une action militaire conjointe
contre les groupes terroristes tels que
Daech et Al Nosra… cela permettrait
d'ouvrir la voie vers des négociations
politiques » [*].
Maintenir
au sol la force aérienne syrienne ! Pour
quoi faire, sinon légitimer les
mensonges, la cruauté et la rapacité de
ses donneurs d’ordre ?
Pour
mémoire, voici la réponse du Docteur
Bachar al-Jaafari, délégué permanent de
la Syrie auprès des Nations Unies [NdT].
Mesdames et
Messieurs,
Nous sommes
réunis dans cette salle alors qu’au
dehors nombre de manifestants sur la 47ème
rue exigent que certains membres de ce
Conseil ne touchent plus à la Syrie
[Hands off Syria !], cessent leurs
frappes et arrêtent de soutenir les
organisations terroristes ; de telles
manifestations ayant lieu dans plusieurs
villes américaines, en Californie et
ailleurs.
Monsieur le
Président,
Cette
importante séance du Conseil de sécurité
sur la situation en mon pays se tient à
un moment extrêmement sensible où nous
constatons de dangereux déséquilibres
contredisant les signaux indicateurs
d’un dénouement positif la semaine
passée.
Ceci, à cause
des dérobades des États-Unis à l’accord
conclu avec la Fédération de Russie, le
9 septembre dernier, et de leur absence
de volonté d’obliger les organisations
terroristes soutenues par ladite
« Coalition internationale » à le
respecter, en notant au passage
que le caractère prétendument
international de cette coalition ne
correspond pas à la réalité des faits,
étant donné qu’elle s’est constituée en
dehors du cadre de la légalité
internationale, sans résolution du
Conseil de sécurité et sans
consultations préalables de la partie
concernée ; en l’occurrence, le
Gouvernement de la République arabe
syrienne.
Ce qui nous
rappelle d’autres « coalitions
destructrices », évoquées par certains
intervenants que nous remercions,
lesquelles coalitions n’ont engendré que
des catastrophes sur des États, comme
l’Irak, la Libye et le Yémen.
Mesdames et
Messieurs,
Il y a deux
ans, quand l’Administration américaine a
programmé son ingérence militaire
aérienne unilatérale sur mon pays, les
responsables américains sont venus nous
trouver pour nous signifier l’engagement
de Washington à ne pas cibler l’Armée
syrienne et les infrastructures vitales
du pays, assurant qu’ils ne s’en
prendraient qu’aux terroristes de Daech.
Ce sont là des paroles qui m’ont été
confiées par la déléguée permanente des
USA auprès des Nations Unies, au nom de
son gouvernement, et que j’ai transmises
à mon gouvernement.
Mais voilà
que deux ans plus tard, les responsables
américains oublient les engagements et
les promesses faites au nom de leur
pays, et que l’aviation américaine
frappe les bases de l’Armée syrienne
ainsi que les infrastructures du pays,
après avoir déployé ses soldats sur le
territoire syrien.
L’agression
militaire américaine à l’est de notre
pays, l’agression turque au nord et
l’agression israélienne au sud
signifient clairement que nous sommes
passés de l’étape d’une guerre par
procuration à celle d’une vraie guerre.
Mon pays
avait accueilli favorablement les
déclarations russo-américaines du 9
septembre, lesquelles soutenaient
explicitement que les deux parties
avaient réussi à trouver un accord
concernant la lutte contre Daech et le
Front al-Nosra, quel que soit le nom
qu’ils se donnent ; un accord conclu à
la connaissance et avec le consentement
du gouvernement syrien.
Il n’empêche
que la Communauté internationale,
représentée par ce Conseil, est restée
de marbre sans exprimer, ne serait-ce
que par un bref communiqué, le moindre
blâme ou inquiétude devant l’immense
choc provoqué par l’agression barbare et
injustifiée de l’aviation militaire des
USA, de la Grande Bretagne, de
l’Australie et du Danemark sur des
positions de l’Armée syrienne, laquelle
se battait contre l’organisation
terroriste Daech sur le mont de Tharda
autour de l’aéroport de Deir ez-zor.
Aucune
condamnation et pas le moindre blâme
face à cette agression caractérisée
contre des unités de l’Armée syrienne,
pourtant connues pour défendre depuis
deux ans des dizaines de milliers de
civils assiégés par Daech à l’intérieur
de cette ville, avec pour résultat la
mort de dizaines de soldats et
d’officiers syriens : 82 martyrs et plus
d’une centaine de blessés.
Une agression
qui a duré cinquante minutes… cinquante
minutes de frappes, précédées par le
survol de drones ayant analysé la zone
pendant deux jours.
Une agression
qui a ouvert la route aux terroristes de
Daech pour occuper ces positions
militaires volontairement ciblées, avant
que l’Armée syrienne ne réussisse à les
reprendre.
Pire encore,
ces soldats et officiers de notre Armée
ont dû subir un deuxième tour de frappes
aériennes par drones de combats, alors
qu’ils se retiraient de leurs positions
sur le mont de Tharda.
Avant cette
agression délibérée, le gouvernement de
mon pays accordait une grande importance
à la séparation entre les diverses
organisations armées conformément au
contenu de la Déclaration de Vienne 2,
du 14 novembre 2015, quant à la
définition de qui était terroriste et
qui ne l’était pas, qui était opposant
et qui ne l’était pas. Désormais, il
faut croire que dix mois n’ont pas suffi
à l’identification des indices de cette
embarrassante énigme, d’autant plus que
certains semblent avoir été frappés d’un
Alzheimer précoce.
Dans ce même
contexte, Damas attendait que Washington
respecte ses engagements consistant à
mettre un terme aux agissements des
régimes de certains États impliqués dans
le soutien du terrorisme politiquement,
médiatiquement, logistiquement,
financièrement et idéologiquement. Nous
attendions aussi que cesse l’afflux des
terroristes et des armes à travers les
frontières de pays voisins et que cesse
l’utilisation du terrorisme comme arme
de chantage politique.
Monsieur le
Président,
Les avions de
reconnaissance et les satellites espions
américains, ainsi que tous les Services
du renseignement de ladite Coalition
internationale, n’ont pas réussi à
distinguer entre Daech et ceux qui
combattent Daech. Ce qui n’est pas
étonnant puisqu’ils auraient échoué,
depuis de longues années, à repérer les
milliers de terroristes étrangers
exportés en Syrie et en Irak à partir de
différents pays ; sujet évoqué par le
Premier ministre espagnol que nous
remercions.
Ils ont
échoué à repérer des éléments
terroristes étrangers infiltrés en Syrie
à travers notre frontière avec la
Turquie et d’autres pays voisins, comme
ils ont échoué à repérer les convois de
véhicules armés et les milliers de
terroristes de l’organisation Daech,
partis de leurs bases irakiennes pour un
long périple de deux cents kilomètres,
en plein désert syrien, en direction de
Palmyre.
Comme ils ont
échoué à repérer les milliers de camions
acheminant le pétrole syrien volé, vers
la Turquie, avant de le vendre à Israël
pour financer les opérations terroristes
de Daech.
Comme ils ont
échoué à mettre fin au financement et à
l’armement des organisations
terroristes, bien qu’ils connaissent la
source du moindre dollar encaissé par
Daech, le Front al-Nosra et autres
organisations qui leur sont étroitement
liées.
En revanche,
leur grand succès a consisté en la
fabrication d’accusations mensongères,
d’événements falsifiés, de rapports
politisés et de films frelatés dans le
but de diaboliser le gouvernement syrien
et ses alliés.
Le plus
étonnant est d’entendre le ministre
américain des Affaires étrangères se
fonder sur le témoignage d’un « témoin
oculaire » qui aurait remarqué la
présence d’engins volants au dessus du
convoi d’aide humanitaire détruit hier,
[le 20 septembre], par des frappes
aériennes. Cet unique témoignage d’un
témoin issu de ladite opposition
syrienne, génétiquement modifiée en
opposition armée « modérée », a suffi à
Monsieur Kerry pour étayer ses
accusations impliquant la Syrie et la
Russie !
D’où la
question : est-il possible qu’une seule
personne ait pu remarquer la présence
d’avions de combat dans le ciel d’une
région peuplée par des centaines de
milliers de personnes, devenues toutes
aveugles à ce moment précis ?
D’ailleurs,
ce problème des « témoins oculaires »
suscite désormais beaucoup d’ironie,
notamment si l’on se souvient que le
gouvernement syrien a été accusé d’avoir
utilisé des armes chimiques sur la foi
d’un témoin oculaire, toujours issu de
ladite opposition modérée génétiquement
modifiée, lequel a déclaré avoir aperçu
un hélicoptère lancer quelque chose qui
s’est transformé en fumée orange. Là
aussi, un seul de ces témoins a suffi
pour en arriver à incriminer le
gouvernement syrien, comme si personne
ne disposait d’hélicoptères dans la zone
concernée, ni l’armée turque, ni l’armée
américaine, ni même les terroristes
ayant notoirement volé quelques
hélicoptères des aéroports syriens.
Pour
rafraîchir la mémoire des États membres
de ce Conseil je rappellerai quelques
incidents qualifiés d’« erreurs » par
les responsables américains,
qualification qui insulte notre
intelligence et suggère qu’apparemment
les États-Unis ne tirent pas les leçons
de leurs erreurs.
Ainsi, les
Forces américaines se sont trompées,
plusieurs fois, depuis la formation de
ladite « Coalition internationale » ;
laquelle a bombardé, par erreur, une
école primaire pour enfants sourds et
muets à Raqqa ; a balancé, par erreur,
des armes, des grenades à main et des
missiles tombés entre les mains de Daech
à Aïn al-Arab ; a tué, par erreur, des
civils syriens près de la ville de Raqqa
sous prétexte d’avoir voulu détruire une
usine de fabrication d’armes dépendant
de Daech.
Et puis, les
avions américains et français ont commis
une grosse erreur lorsque leur raid
s’est soldé par la mort de deux cents
civils dans la ville de Manbej, près
d’Alep ; Alep, sur laquelle vient de
pleurer l’un d’entre eux, ses avions
ayant frappé et tué, par erreur, les
deux cents civils de Manbej.
Monsieur le
Président,
Les dernières
accusations calomnieuses portées contre
le gouvernement de mon pays et de ses
alliés, tous engagés dans la guerre
contre le terrorisme, pour leur imputer
la responsabilité de la destruction du
convoi d’aide humanitaire près d’Alep,
sont arrivées dans le sillage d’une
guerre médiatique sans précédent et
d’une sale politique, menées par des
parties bien identifiées, lesquelles
continuent à exploiter les souffrances
du peuple syrien dans le seul but de
nourrir une propagande médiocre et un
chantage politique odieux censés
concrétiser leurs propres calendriers.
Faisant fi du prix exorbitant payé par
le peuple syrien, elles sont déterminées
à prolonger la crise et à torpiller tout
espoir d’une solution qui serait
incompatible avec leurs agendas
politiques.
Dès l’annonce
de l’accord russo-américain et avant
même sa mise en exécution, mon pays a
prévenu et continue à mettre en garde
contre les velléités de certaines forces
régionales cherchant à torpiller cet
accord.
À cet effet,
il a alerté le Conseil de sécurité pour
qu’il prête son attention aux agressions
israéliennes caractérisées sur le
territoire syrien tout au long des
semaines passées, avec une fréquence
dangereusement accrue depuis que
l’accord russo-américain a révélé que
les deux parties s’était entendues pour
mener la guerre contre le Front al-Nosra
au même titre que d’autres organisations
terroristes, dont le Liwa’ chouhada’
al-Yarmouk.
Des
agressions couvertes par le terrible
silence du Département des Opérations de
Maintien de la Paix [DOMP ou DPKO], en
dépit d’une dizaine de lettres que nous
avons adressées à son Secrétaire général
et à vous-même, concernant le soutien
d’Israël aux terroristes du Front al-Nosra
sur la ligne de séparation au Golan et
les soins prodigués aux blessés de cette
organisation dans les hôpitaux
israéliens.
Par ailleurs,
j’attire l’attention du Conseil de
sécurité sur les opérations guerrières
illégales menées par les forces
aériennes et terrestres de la Turquie en
territoire syrien, sous prétexte de
frapper Daech et sans coordination avec
le gouvernement syrien ou la direction
des opérations russe ; ce qui constitue
en soi un « crime d’agression » selon la
Charte des Nations Unies, le Droit
international et les principes du
Conseil de sécurité.
Monsieur le
Président,
Mon pays est
disposé à poursuivre le dialogue entre
Syriens, sans conditions préalables,
conformément aux résolutions, accords et
principes fixés dès le départ en faveur
d’une solution politique décidée par les
seuls Syriens et sans ingérence
étrangère. Je souligne en rouge un
million de fois « par les seuls Syriens
et sans ingérence étrangère ».
Une solution
qui fera qu’ils décideront de leurs
choix et de leur avenir sous direction
syrienne, avec la volonté de préserver
la souveraineté, l’unité et l’intégrité
de la Syrie. Nous ne permettrons jamais
que notre pays soit transformé en une
autre Libye ou un autre Irak. Jamais !
À ce sujet,
nous affirmons que tout processus
politique en Syrie nécessite l’entière
coopération et l’entière coordination
avec le gouvernement syrien, en sa
qualité de partenaire fondamental à tout
point de vue et dans tous les dossiers
en rapport avec ce processus.
Car, aucun
comité, aucune réunion, aucun congrès
prétendant aboutir à une solution de
ladite crise syrienne ne peuvent réussir
tant que certaines parties prenantes
travaillent, volontairement ou
involontairement, à soustraire le
gouvernement syrien, à semer le doute
sur sa réelle coopération avec les
Nations Unies, à dénigrer le succès des
ses efforts de réconciliations
nationales fondées sur l’engagement
volontaire des individus armés à
abandonner leurs armes avant règlement
de leur situation par une amnistie et,
sinon, sur l’acheminement des
récalcitrants vers d’autres zones pour
assurer le retour à une vie normale dans
les régions qu’ils quittent, et
permettre aux institutions étatiques de
réparer et de reconstruire dans le cadre
de leurs missions respectives.
Monsieur le
Président,
Je terminerai
par une question. Est-il concevable que
des centaines de groupes armés avec des
dizaines de milliers de terroristes
soient capables de mener, pendant plus
de cinq ans, un tel terrorisme contre le
gouvernement, le peuple, l’Armée et les
infrastructures de mon pays, sans
soutien de l’étranger ?
N’est-il pas
venu le temps que certains admettent
cette vérité au lieu d’égarer le monde
en soutenant que ce qui se passe en
Syrie est une guerre civile ?
Merci,
Monsieur le Président
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué permanent de la
Syrie auprès des Nations Unies
21/09/2016
Source :
You Tube / Al-Fadaiya TV [Syrie]
https://www.youtube.com/watch?v=ASxdzUu2yQ8
Transcription et traduction de l’arabe
par Mouna Alno-Nakhal
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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dossier Syrie
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