Analyse
France /
Syrie : la diplomatie humanitaire
au secours d’une guerre perdue ?
Mouna Alno-Nakhal

Mercredi 25 juillet 2018
Le 21 avril
2018, le quotidien Le Parisien
titrait : « En même temps, le péché
mignon de Macron » rapportant qu’à
ce propos le présidant français aurait
précisé :
« Excusez-moi, vous avez dû le
noter, j’ai dit en même temps. Il paraît
les amis que c’est un tic de langage...
Je continuerai de le dire dans mes
phrases et dans ma pensée, car ça
signifie que l’on prend en compte des
principes qui paraissaient opposés »
[1].
Des principes
qui paraissaient opposés, suggérant
qu’en réalité ils ne le seraient
peut-être pas lorsqu’il s’agit de mes
intérêts ? Est-ce une politique
efficace ? Avant de répondre à la
question, revenons sur deux communiqués
successifs
illustrant très clairement cette
locution « en même temps » devenue, pour
certains, la marque de fabrique de la
présidence Macron.
I. Le communiqué conjoint
russo-français relatif à une opération
humanitaire en Syrie publié par le
Palais de l’Élysée le 20 juillet
courant.
La Présidence
nous apprend qu’il s’agit d’une
opération menée dans le cadre de la
résolution 2401 du Conseil de sécurité
du 24 février 2018. Laquelle résolution
exige que toutes les parties cessent les
hostilités sans délai de façon à
instaurer « une pause humanitaire »
durable d’au moins 30 jours consécutifs
sur l’ensemble du territoire syrien pour
permettre d’acheminer l’aide
humanitaire... et affirme que la
cessation des hostilités ne s’appliquera
pas aux opérations militaires dirigées
contre Daech, le Front el-Nosra et tous
les autres individus, groupes,
entreprises et entités associés à
Al-Qaïda ou à Daech, ainsi que les
autres groupes terroristes qu’il a
désignés comme tels... » [2].
Et la
Présidence ajoute que l’opération est
également menée dans le cadre du
mécanisme de coordination du « Small
Groupe et le format d’Astana »...

Ici, nous
sommes effectivement dans le cadre de
principes opposés, puisque le « Small
Group » formé par les
États-Unis, la Grande Bretagne, la
France, l’Arabie saoudite et la
Jordanie, réunis une première fois à
Washington le 11 janvier 2018, puis à
Paris le 23 janvier, n’avait pour
objectifs que la
partition de la Syrie, le sabotage du
processus de Sotchi censé faciliter le
dialogue entre Syriens, le cadrage de la
Turquie et de Staffan de Mistura dans ce
sens ; objectifs dénoncés par le délégué
permanent de la Syrie auprès des Nations
Unis, le Dr Bachar al-Jaafari, dès le 26
janvier [3] ; objectifs amplement
développés sous la plume de M. Richard
Labévière dans son article intitulé « Syrieleaks :
un câble diplomatique britannique
dévoile la stratégie occidentale » [4].
Tandis que la France n’a, a priori, rien
à voir avec ledit « format d’Astana » ;
accords portant sur la « cessation des
hostilités » dans quatre zones de
désescalade pour une période déterminée,
conclus entre la Russie, l’Iran et la
Turquie ; format jugé « pas tout à fait
le bon » par M. Macron lors de sa
conférence de presse commune avec M.
Erdogan [5].
Mais, à ce stade, il est
logique de penser que la présidence
française, ayant compris que le dossier
syrien était désormais entre les mains
de la Russie, a jugé qu’une aide
humanitaire conjointe pouvait lui
assurer, le moment venu, un strapontin à
la table des négociations sur l’avenir
de la Syrie. Du coup, des principes
apparemment opposés ne le sont plus,
parce que pris en compte « en même
temps » à un moment donné. Auquel cas,
une question peut logiquement être posée
: est-ce la Syrie qui aurait besoin de
l’aide de la France ou l’inverse ?
II.
La
déclaration de la porte-parole du
Ministère de l’Europe et des Affaires
étrangères annonçant le soutien de la
France aux « Casques blancs » en Syrie

La France
annonce qu’elle rend hommage à une
organisation terroriste dont le monde a
entendu parler pour la première fois,
après qu’elle eut massacré les
volontaires de la défense civile à Alep,
comme l’a prouvé la chercheuse
jordanienne, Mme Hayat al-Hweik, sur
Al-Mayadeen TV le 23 juillet. Depuis,
l’organisation a prétendument endossé
une fonction « de secouriste le jour et
de terroriste la nuit » comme le disent
les gens d’Alep et son épopée
prétendument héroïque a fait le tour du
monde...
Par
conséquent, que la présidence française
évoque la résolution 2401 qui exclut
tous les groupes terroristes et, « en
même temps », soutienne une organisation
terroriste qui se prétend humanitaire
n’aurait apparemment rien de
répréhensible, puisque la coalition
internationale des ennemis de la Syrie
s’est arrangée pour que les « Casques
blancs » n’entrent dans aucune des
catégories terroristes listées par
l’ONU.
Mais cette
diplomatie humanitaire, qui fait
qu’ « en même temps » la France
participe à une vraie opération
humanitaire via la Russie et à une
fausse opération humanitaire via Israël,
n’est pas du goût de son partenaire
humanitaire occasionnel, puisque dès le
23 juillet le
ministre russe des Affaires étrangères,
M. Sergueï Lavrov, déclarait :
« Il est
de notoriété publique que les Casques
Blancs participaient aux opérations
sous faux drapeaux les
plus notoires pendant le conflit syrien.
Ils ont agi exclusivement dans des
territoires sous contrôle des radicaux
islamiques, ont mis en scène des
falsifications flagrantes qui ont été
utilisées comme prétexte à des
accusations contre les autorités
syriennes... C’est tout un symbole que
les Casques Blancs aient préféré fuir la
Syrie sous assistance étrangère,
montrant le vrai visage et l’hypocrisie
du monde... l’évacuation des Casques
Blancs a montré clairement qui leur
donnait des ordres et qui les
finançait » [6].
Laquelle
« évacuation » montre bien plus que
l’hypocrisie de ceux qui leur donnaient
des ordres, les finançaient ou les
soutenaient selon le Général Hoteit.
Elle les éclabousse d’un « double
scandale » et signe leur défaite dans le
Sud syrien :
-
Le
scandale des casques blancs : les
forces d’agression dirigées par les
États-Unis ont dû peser de tout leur
poids pour amener Israël et la
Jordanie à évacuer, du champ de
bataille, 800 éléments appartenant
au gang des casques blancs, par une
opération qui a finalement révélé la
vraie nature de cette organisation
terroriste et a démontré que toutes
ses actions étaient planifiées pour
servir leur projet destructeur de la
Syrie. De plus, vu que les forces
d’agression s’appuyaient sur les
témoignages de ce gang pour accuser
la Syrie d’utiliser des armes
chimiques ou de commettre des crimes
contre l'humanité alors qu’il en
était l’auteur, nous pouvons en
conclure avec certitude qu’il a été
créé par les États-Unis, l’Occident
et l’OTAN réunis. Le gang a fabriqué
les faux témoignages et les forces
ennemies les ont utilisés.
Aujourd’hui, le fait de procéder à
une telle évacuation signifie qu’il
n’est plus nécessaire de fabriquer
de fausses preuves. Le théâtre a
fermé et le rideau est tombé sur une
défaite écrasante infligée par
l'armée arabe syrienne et ses
alliés.
-
Le
scandale des officiers européens et
des pays du Golfe : suite à
l'effondrement du terrorisme sur le
front sud, les forces d'agression
ont été obligées d’évacuer 2200
officiers et soldats américains,
français, britanniques, saoudiens,
émiratis, qataris, etc. dirigés
directement à partir de la cellule
d’opération MOC [située en Jordanie]
et ont dû admettre que le jeu
criminel est terminé, que la
prétendue « révolution syrienne »
qui leur servait d’alibi est
caduque, et que la vérité éclatante
est qu’il s’agissait d’une agression
étrangère venue en Syrie pour la
défaire, qu’elle a été défaite
tandis que la Syrie est restée la
tête haute [7].
Résultats :
Hypocrisie, scandales et défaite...Dans
ces conditions, reste à savoir ce que
donnera la visite de M. Lavrov reçu à
l’Élysée pour discuter de la situation
en Syrie et en Ukraine [8].
Mouna Alno-Nakhal
24/07/2018
Notes :
[1] [Tics
de langage : «En même temps», le péché
mignon de Macron]
[2] [Résolution
2401 (2018)]
[3] [Syrie
/ Vienne 3 : La vaine stratégie du
quintet de Washington]
[4] [SYRIELEAKS :
UN CÂBLE DIPLOMATIQUE BRITANNIQUE
DEVOILE LA
« STRATEGIE OCCIDENTALE » …]
[5] [Macron
et Erdogan, Conference Commune / 5
Janvier 2018]
[6] [Les
Casques Blancs exfiltrés par Israël :
l’aveu !]
[7] [Bataille
du Sud de la Syrie... défaite de
l’agression et scandales]
[8] [Lavrov
reçu à l'Elysée pour discuter de la
situation en Syrie et en Ukraine
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