Analyse
Syrie : Quoi d’autre après
le basculement de la Ghouta ?
Nasser Kandil
Dimanche 25 mars 2018
Ce soir, 24 mars, Harasta est
complètement débarrassée du terrorisme ;
les milices armées terroristes [Ahrar
al-Cham, Faylak al-Rahmane, Jaych
al-Islam, etc.] ayant sévi depuis
environ sept années à Ibrine, Zamalka,
Jobar, Ayn Tarma bouclent leurs valises
pour un aller sans retour ; les civils
continuent à sortir de Douma par le
passage d’Al-Wafidine ; l’Armée syrienne
avance dans ces régions de la Ghouta
orientale, bientôt complètement libérée,
alors que plus de 100 000 civils ont été
évacués depuis l’ouverture des passages
sécurisés avec la coopération du
Croissant arabe syrien et du Centre de
réconciliation russe.
OUI, la
Ghouta orientale sera bientôt
complètement libérée. OUI, les civils
libérés ont hurlé de toutes leurs forces
d’atroces vérités [1] sur leur
séquestration par de prétendus
« révolutionnaires » pour la diplomatie
française, ou de « prétendus opposants
armés modérés » pour les diplomaties
plus prudentes.
NON, les
mensonges n’ont pas cessé et il semble
qu’ils ne cesseront pas de sitôt. Car,
il y a ceux qui mentent pour continuer à
exister en tant que superpuissance, ceux
qui mentent pour camoufler leur
impuissance, ceux qui mentent pour
simplement prouver qu’ils existent, ceux
qui mentent pour faire main basse sur
les richesses d’autrui, ceux qui mentent
pour plaire aux précédents, ceux qui
mentent pour juste mentir…
Il
n’empêche que la vérité vient de
l’emporter sur leurs mensonges : Harasta
et ses sœurs de la Ghouta viennent de
lever le voile sur l’un des chapitres
terriblement douloureux de cette guerre
infamante sur la Syrie. Un chapitre qui
restera longtemps, très longtemps, gravé
dans la mémoire des Syriens ; mais
lequel, dans l’immédiat, leur insufflera
la force nécessaire pour résister à tous
les assauts criminels, alors que les
tambours de la guerre résonnent de
toutes parts.
Abstraction faite de ceux qui ont
prétendu que les autorités syriennes
et/ou les Russes avaient cédé Afrin, la
ville du Nord martyrisée par Erdogan,
contre la Ghouta orientale dans le Sud ;
voici la réponse de M. Nasser Kandil à
ceux qui s’inquiètent des menaces
guerrières de ladite coalition
internationale menée par les États-Unis
et, surtout, des rumeurs sur une
mésentente entre les alliés russe,
iranien et Syrien. [Ndt].
Ceux qui
s’interrogent sur le futur de l'Armée
syrienne devraient se souvenir de leurs
propres questions, posées à chacune de
ses victoires, avant même la bataille
décisive d’Alep :
-
Les
Russes soutiendront-ils indéfiniment
l'Armée syrienne ?
-
La
Turquie restera-t-elle sans rien
faire ?
-
Qu'en
est-il de la relation de la Turquie
avec la Russie et l’Iran ?
-
Quelles
seront les réactions d’Israël et des
États-Unis déterminés à empêcher sa
victoire finale ?
Les mêmes
questions qui reviennent malgré les
faits probants de la bataille d’Alep,
puis des batailles de Deir ez-Zor,
d’Al-Boukamal et de la Ghouta,
aujourd’hui, sans qu’ils ne tirent
profit des réponses données par une
année et demie de combats et de
victoires successives.
Or, la
réponse objective est de commencer par
dire que, comparativement à la
Ghouta :
-
Alep, au
Nord, est plus importante pour la
Turquie,
-
Al-Boukamal, à la frontière
syro-irakienne, est plus importante
pour les USA,
-
Al-Quneitra et la frontière
sud-ouest sont plus importantes pour
Israël.
Autrement
dit, s’il fallait que la Syrie accorde
quelques compromis à ses alliés, ils
porteraient assurément sur bien d’autres
fronts que la Ghouta, sans oublier que
les batailles précitées prouvent que la
fermeté des alliés, la force de l'Armée
syrienne et l'incapacité des ennemis
sont désormais constitutifs de la loi
régissant la suite de la guerre en
Syrie. En effet,
alors qu’il y a une semaine nombre
d’analystes se demandaient quel serait
le sort de la Ghouta, jugé difficile en
dépit de la libération de la moitié de
sa superficie, voici qu’elle leur répond
en faisant basculer les pièces du domino
des groupes armés, de Harasta, à Ayn
Tarma, à Ibrine, à Zamalka ; ceci, avec
le retrait des milices d’Ahrar al-Cham,
la disposition des milices de Faylak
al-Rahmane à en faire autant, en plus de
la confusion des dirigeants et des
milices de Jaych al-Islam ayant décidé
de se retirer bien avant leurs
amis-ennemis, mais qui se sont heurtés
au refus des autres groupes armés de les
accueillir à Idlib et au refus de
l’Armée syrienne de les autoriser à s’y
rendre.
L’issue
désespérée des batailles explique la
décision des dirigeants des groupes
terroristes armés d’accepter les
négociations sur leur retrait et
d’admettre leur défaite après des années
d’obstination orgueilleuse mettant leur
longévité sur le compte de leur
résistance et de leur propre puissance,
non sur le désir de l’État syrien et de
ses alliés de leur laisser une chance
d’intégrer les équilibres sur le terrain
et d’accepter d’épargner aux civils,
qu’ils prétendent défendre, plus de
souffrances.
En effet,
malgré l’importance de la Ghouta du
point de vue psychologique et
sécuritaire, l’État syrien avait remis
la bataille de la Ghouta pour la fin,
considérant qu’elle serait la plus dure
pour les civils et espérant que la
bataille d’Idlib et toutes les autres
finiraient par inciter les milices
armées à en sortir au lieu de s’engager
dans des combats perdus d’avance.
Mais, chaque
fois que l'armée s’est lancée dans une
bataille, les dirigeants de ces milices
armées et leurs employeurs étrangers qui
sont les donneurs d’ordres, allumaient
le front de la Ghouta, afin de soulager
la pression sur les autres fronts,
estimant que l’Armée syrienne était
incapable de les contrer, jusqu’au jour
où ils [des éléments de Faylak
al-Rahmane ; NdT] ont sauvagement
attaqué le Centre de gestion des
véhicules de l’Armée à Harasta [2] pour
faire baisser la pression sur Idlib.
Or, Faylak
al-Rahmane est un mensonge, car cette
milice armée née au cœur de la guerre et
qui compte des milliers d’éléments
armés, notamment dans la Ghouta de
Damas, les campagnes d’Idlib et d’Alep,
n’est rien d’autre qu’une branche des
Services de renseignement turc.
Une milice
qui n’a cessé de déclarer que,
contrairement aux autres milices, elle
était déterminée à se battre jusqu’au
bout, alors qu’en réalité sa
criminalisation des négociations ayant
mené Ahrar al-Cham [d’obédience turque
et qatarie] à se retirer de Harasta,
ainsi que sa criminalisation de la
milice amie-ennemie de Jaych al-Islam
[d’obédience saoudienne ; NdT], qui
serait la seule à avoir mis à profit
« la guerre des souterrains » pour faire
main basse sur le butin volé, n’étaient
que du bavardage. Car, Faylak al-Rahmane
voulait programmer les négociations à
l’heure de l’horloge de son
commanditaire turc, dont l’unique
souci était d’occuper l’Armée syrienne
par la bataille de la Ghouta jusqu’à ce
qu’il ait conclu la bataille de Afrin.
Une milice
qui n’est rien d’autre qu’un outil peu
coûteux à la disposition de
l’envahisseur turc, et qui n’a rien à
voir avec l’une des quelconques
aspirations des Syriens qu’elle a
prétendu défendre en faisant commerce de
leurs vies.
Quant aux
analystes qui, maintenant, se demandent
quelle sera la future destination de
l’Armée syrienne, comme souvent, elle
pourra les surprendre. Serait-ce Idilb ?
Serait-ce la campagne d’Alep, Deraa, ou
la ligne de Quneitra à la frontière du
Golan ?
Ce qui est
sûr est que quelle que soit la
destination de l’Armée syrienne, elle ne
fera que renforcer les certitudes
déduites de ses batailles précédentes
quant à sa capacité à progresser et
libérer, à la détermination et à la
cohésion de ses alliés, à la faible
capacité de ses ennemis à constituer un
défi sérieux qui l’empêcherait d’avancer
et aux options limitées dont ils
disposent.
En dépit des
particularités des deux invasions turque
et étatsunienne au Nord du pays, sous la
couverture kurde, l'État syrien et ses
alliés possèdent des cartes, des options
et des marges non encore dévoilées,
lesquelles permettront de renouveler les
victoires politiques et militaires,
comme cela s’est passé pour d’autres
régions.
Et, comme l’a
déclaré en substance Robert Ford,
l’ex-ambassadeur américain en Syrie : il
n’y aura pas guerre américaine pour
protéger une entité kurde ; les
Américains ne pourront pas rester
longtemps en Syrie une fois que l’État
syrien et ses alliés auront décidé de se
diriger vers le Nord ; finalement, ils
savent à Washington qu’ils devront plier
bagages.
Reste Israël,
lequel a foncièrement soutenu, en
coulisses, cette guerre et dont le sort
demeure stratégiquement et
géographiquement lié à son devenir. Mais
quand Israël demande aux Nations Unies
[ce 14 mars 2018 ; NdT] de redéployer
les unités de la FNUOD [Force
des Nations Unies chargée d´observer le
dégagement] sur la ligne de
désengagement au Golan, alors qu’il l’a
lui-même violée et livrée aux groupes
armés, tantôt dans l’espoir de s’offrir
une ceinture de sécurité, tantôt dans
l’objectif de s’approprier une partie de
la géographie syrienne, il devient clair
que désormais la protection des Nations
Unies est la moins mauvaise option qui
lui reste parmi toutes les autres
mauvaises options ; ce qui revient à
déclarer que, de son point de vue, les
paris sur des variables qui
affaibliraient l’État syrien et
stopperaient sa course vers la victoire,
par la libération de son territoire,
sont donnés perdants aujourd’hui plus
que par le passé.
Nasser
Kandil
24/03/2018
Traduction
de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Sources :
Synthèse de trois articles publiés sur
topnews-nasserkandil
http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=8373
http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=8374
http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=8379
Notes :
[1] Vidéo des
premiers instants de la libération de
Ayn Tarma , filmés par un valeureux
soldat de l’Armée syrienne : Wassim
Issa.
https://www.youtube.com/watch?v=ICXs7O65Q6E
[2] Vidéo de
Faylak al-Rahmane aux ordres de ladite
« Armée libre » [ASL] montrant son
attaque du Centre de gestion des
véhicules de l’Armée [Idarat al-Markabates]
dans la région de Harasta, se vantant
d’avoir emprisonné et tué nombre de
soldats syriens dont des officiers et
des hauts gradés, prétendant que tout
est de la faute des Russes et des
Iraniens…
https://www.youtube.com/watch?v=VTHb-usMfUc
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