Syrie
ONU / Syrie : Allocution du Dr
Bachar al-Jaafari
au lendemain de la destruction de
l’IL-20 russe...

Jeudi 20 septembre 2018
Pour mémoire,
il s’agit ici de la réunion mensuelle du
Conseil de sécurité réuni pour la 55ème
fois afin de discuter de la situation en
Syrie [1].

Merci
Monsieur le Président,
Permettez que
je présente mes chaleureuses
condoléances à mon ami et cher collègue,
l’Ambassadeur de la Fédération de
Russie, pour toutes les victimes tombées
en martyrs, hier, du fait de l’agression
israélienne sur la ville de Lattaquié.
Les martyrs
de nos alliés russes en Syrie sont nos
martyrs : même sang, même ennemi, même
victoire sur le même terrorisme.
Avec nos
alliés nous sommes associés dans la
stratégie de guerre contre le terrorisme
en Syrie, dans la région et dans le
monde, en paroles et en actions.
Monsieur le
Président,
Mon pays
condamne cette nouvelle attaque
israélienne. Elle vient s’ajouter aux
politiques agressives d’Israël, à ses
tentatives désespérées de soutien aux
groupes terroristes démoralisés par
leurs successives défaites face à
l’Armée arabe syrienne déterminée à
nettoyer le pays de leur souillure, à
ses violations provocatrices et
permanentes de l’Accord de désengagement
de 1974 et des résolutions du Conseil de
sécurité relatives à cet accord,
notamment la résolution 350 (1974).
Une fois de
plus, mon pays demande au Conseil de
sécurité d’assumer ses responsabilités
quant au maintien de la paix et de la
sécurité internationales, et de prendre
des mesures fermes et immédiates afin de
juger de la responsabilité d’Israël, de
ses crimes et de son terrorisme,
lesquels constituent des violations
flagrantes de la Charte des Nations
Unies et des dispositions du droit
international.
Ici, je
m’arrête pour souligner avec beaucoup de
tristesse, mais sans surprise, que dans
leurs communiqués portant sur les
aspects humanitaires et politiques de la
scène syrienne, ni l’envoyé spécial de
l’ONU en Syrie, ni le Coordonateur des
affaires humanitaires n’ont abordé le
rôle destructeur d’Israël. Tout comme
ils n’ont pas abordé le terrorisme,
lequel se revivifie dans mon pays, en
sachant que mon cher ami, Monsieur de
Mistura, n’ignore pas que nos accords de
Genève portent sur quatre « paniers »,
dont le panier du terrorisme !
Des accords
qui devraient, par conséquent, interdire
à MM. de Mistura et Lowcock de faire
l’impasse sur le terrorisme interne et
externe, d’autant plus que deux attaques
israéliennes viennent de se succéder en
l’espace d’une seule semaine. Mais, il
semble qu’aucun membre de ce Conseil
n’en a entendu parler !
Monsieur le
Président,
L’ignorance
délibérée de tous les renseignements que
nous avons transmis depuis sept ans et
demi ainsi que les déformations de la
vérité, pratiquées par certaines
délégations d’États membres permanents
de ce Conseil, ont atteint un niveau
sans précédent. Je n’agis pas de la
sorte. Je veux dire que je n’invente pas
d’histoires ni ne porte de fausses
accusations en des termes misérables et
illégitimes. Je les accuse sur la base
des déclarations de leurs propres
représentants ou de membres de leurs
gouvernements.
Aussi,
permettez que je rappelle à mon
collègue, délégué de la France, les
paroles de M. Roland Dumas, ancien
ministre des Affaires étrangères de son
pays, lors d’une émission de BFM TV en
juin 2013. Je cite :
« Il y a
deux ans à peu près, avant que les
hostilités ne commencent en Syrie, je me
trouvais en Angleterre pour d’autres
choses, pas du tout pour la Syrie. J’ai
rencontré des responsables anglais et
quelques uns, qui sont mes amis, m’ont
avoué, en me sollicitant, qu’il se
préparait quelque chose en Syrie.
C’était en Angleterre et pas en
Amérique ! L’Angleterre préparait une
invasion de rebelles en Syrie [...]
C’est pour dire que cette opération
vient de très loin. Elle a été préparée,
conçue, dans le but très simple de
destituer le gouvernement syrien parce
que, dans la région, il est important de
savoir que ce régime syrien a des propos
anti-israéliens [...] J’ai la confidence
du Premier ministre israélien, qui
remonte à très longtemps, qui m’avait
dit : on essaiera de s’entendre avec les
États autour et ceux qui ne s’entendront
pas on les abattra ! » [2].
Fin de
citation. Mais c’était une autre
France ! C’était la France de François
Mitterand. C’était la France de de
Villepin et de Chevènement. C’était la
France de Roland Dumas... [Paroles dites
en français ; NdT].
À ce premier
témoignage, j’ajouterai un deuxième tout
aussi important ; celui du Colonel
Lawrence Wilkerson qui fut le chef
d’État-Major du secrétaire d’État Colin
Powell. Dans un entretien accordé à Real
News TV le 11 septembre 2018, il a
déclaré :
« Les
fauteurs de guerre sont à la recherche
de n’importe quel prétexte pouvant
justifier une éventuelle attaque contre
la Syrie, pays qui se trouve être leur
deuxième cible après l’Irak, avant
d’atteindre leur cible ultime : l’Iran
[...] Les USA, la Grande-Bretagne et la
France ne disposent d’aucune preuve
concernant l’utilisation d’armes
chimiques par l’État syrien. Les agents
de leurs services du renseignement,
présents illégalement sur le territoire
syrien, n’ont pas réussi à trouver la
moindre preuve confirmant leurs
allégations. Au contraire, toutes les
preuves indiquent que ce sont les
organisations terroristes qui ont
utilisé des armes chimiques... » [3].
Fin de
citation. Et là aussi, c’était une autre
Amérique. C’était l’Amérique de Colin
Powel et du Colonel Wilkerson...
[Paroles dites en anglais ; NdT].
Ces
gouvernements ont voulu cette guerre
contre mon pays dans le but d’infléchir
la politique adoptée par son
gouvernement et de modifier son identité
nationale, afin de servir le projet d’un
nouveau Moyen-Orient composé d’entités
ou d’États, faibles et en conflits
permanents, fondés sur une base
religieuse confessionnelle, sectaire ou
ethnique, mimant le projet sioniste d’un
État-nation du peuple juif en Israël,
lequel nie le droit du peuple
palestinien à un État indépendant. Par
conséquent toute l’histoire se résume à
la Palestine. Toute l’histoire se résume
à la Palestine et à Israël !
Monsieur le
Président,
Tenir au
bien-être des Syriens implique de
coopérer avec le gouvernement syrien et
de soutenir ses efforts visant à
éliminer le fléau du terrorisme, au lieu
d’exploiter les cerveaux des
laboratoires occidentaux, spécialisés
dans le renseignement, pour la promotion
d’expressions trompeuses telles
« opposition syrienne armée modérée -
groupes armés non étatiques - groupes
djihadistes, etc. », lesquelles
n’incluent même pas le mot terrorisme.
Il n’y aurait
donc pas de terrorisme en Syrie ? Il n’y
aurait qu’une opposition armée
génétiquement modifiée en opposition
modérée, Monsieur de Mistura. Nous avons
des ouzbeks, des turkmènes venus du
Turkestan, des chinois, des tchétchènes,
des koweitiens, des saoudiens, des
égyptiens, des européens, etc. Et tous
seraient une opposition syrienne modérée
génétiquement modifiée !
Lisons
attentivement les déclarations du
ministre français de la Défense,
Jean-Yves Le Drian, sur BFM TV, il y a
une semaine. Je cite :
« Si
d’aventure le régime syrien soutenu par
la Russie voulait poursuivre ses
intentions [de lancer cette dernière
bataille à Idleb][...] il ya aussi un
risque sécuritaire dans la mesure où
dans cette zone se trouvent beaucoup de
groupes djihadistes, plutôt se réclamant
d’Al-Qaïda, qui sont entre 10 000 et
15 000 et qui sont des risques pour
demain, pour notre sécurité » [4].
Fin de
citation. Ce qui m’amène à demander à
mon collègue délégué permanent de la
France : pourquoi le gouvernement
français a-t-il continué à assurer une
couverture politique aux groupes
terroristes armés sévissant en Syrie, en
dépit du fait que ces mêmes groupes ont
attaqué le Bataclan à Paris, puis Nice ?
Un autre
exemple concerne la déléguée des
Pays-Bas. Comme vous le savez, chers
collègues, notre délégation vous a
transmis il y a quelques jours des
informations sur l'implication du
gouvernement néerlandais dans le
soutien, le financement et l'assistance
logistique de plusieurs groupes armés
présents en Syrie, alors que le
procureur général hollandais avait
qualifié certains d’entre eux
d’« entités terroristes liées au
salafisme djihadiste » ; informations
publiées par les médias néerlandais [5].
Par
conséquent, n’avons-nous pas le droit de
demander à notre collègue, déléguée de
la Hollande, si ce comportement ne
constitue pas un manquement du
gouvernement d’un État membre du Conseil
de sécurité à sa responsabilité de
maintien de la sécurité et de la paix
internationales ?
Monsieur le
Président,
Je dis à
celui qui persiste dans son arrogance à
s’ingérer dans les affaires de mon pays
que nous continuerons à travailler
sérieusement en faveur de la solution
politique reposant sur le dialogue entre
Syriens sous direction syrienne et sans
ingérence étrangère, du retour des
réfugiés et des déplacés dans leurs
foyers, du lancement de la
reconstruction et du redressement du
pays, de la libération de nos
territoires illégitimement occupés par
des forces étrangères et illégitimes ;
la lutte contre le terrorisme demeurant
la priorité des priorités à toutes les
étapes du processus.
Ici,
j’aimerais rappeler à M. Lowcock qui a
déclaré avoir besoin de l'approbation du
gouvernement syrien pour acheminer
l’aide humanitaire jusqu’au camp
d'Al-Roukbane. C’est là une curieuse
remarque M. Lowcock. Pourquoi
n’avez-vous pas dit que ce sont les
forces d'occupation américaines, basées
à Al-Tanf, qui ont refusé l’entrée des
convois humanitaires dans ce camp et ont
exigé qu’ils soient déchargés à 10
kilomètres de ce même camp ? Pourquoi ne
pas l’avoir dit ?
Concernant le
« Comité constitutionnel », le
gouvernement syrien s’est acquitté de
ses obligations et a fourni la liste de
ses représentants, comme l’a dit M. de
Mistura.
Par ailleurs,
le gouvernement syrien a exprimé ses
remerciements aux deux États amis, la
Russie et à l’Iran, pour les efforts
manifestes du président Poutine et du
président Rohani lors du dernier Sommet
de Téhéran [7 septembre 2018].
Quant à
l’accord de Sotchi annoncé hier [17
septembre 2018], le gouvernement syrien
l’a favorablement accueilli et affirme
qu’il est le résultat de consultations
intensives entre la République arabe
syrienne et la Fédération de Russie,
avec l’entière coordination entre les
deux pays.
Alors que la
Syrie a accueilli et continue
d'accueillir favorablement toute
initiative visant à arrêter l’effusion
du sang syrien et à ramener la sécurité
partout où le terrorisme a frappé, elle
affirme qu’elle persévérera dans sa
lutte contre le terrorisme jusqu'à la
libération du dernier empan de son
territoire par les opérations militaires
ou les réconciliations locales ; ces
dernières ayant prouvé leur efficacité
en ce qui concerne les deux objectifs
précités en plus d’avoir enclenché le
retour des déplacés dans leurs foyers.
Et, pour
répondre à ma collègue déléguée du
Royaume-Uni, je précise que l’accord
d’Idleb, annoncé hier, est assorti de
dates précises pour chacune de ses
étapes, fait partie des accords d’Astana
ayant défini les zones de désescalade,
début 2017, et implique le respect de la
souveraineté et de l’unité de la Syrie,
ainsi que la libération de son
territoire de toute présence militaire
étrangère illégale.
Pour finir,
Monsieur le Président, un dernier mot
destiné à ma collègue déléguée du
Royaume-Uni. D’après la traduction, je
l’ai entendue demander au représentant
syrien : « Que fait le régime syrien
pour délivrer les aides
humanitaires ? ».
Au Conseil de
sécurité de l’ONU, je ne vois pas de
représentant du régime syrien, mais le
représentant de la République arabe
syrienne. Par conséquent, il vaudrait
mieux qu’elle pose sa question à ce
personnage imaginaire que nous avons
nommé « Godot » la dernière fois. Je ne
sais pas où le trouver. Peut-être, le
trouvera-t-elle en dehors de cette
salle.
À l’ONU, il
n’y a pas de régime syrien. Il y a la
délégation de la République arabe
syrienne.
Merci.
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué
permanent de la Syrie auprès des Nations
Unies
Transcription et traduction par Mouna
Alno-Nakhal
Source :
Mission syrienne à l’ONU
https://www.youtube.com/watch?v=WjTMxz60ROM
Notes :
[1] [The
situation in Middle East - Security
Council, 8355th meeting]
[2] [Roland
Dumas / LCP]
[3] [Lawrence
Wilkerson / The Real News]
[4] [Jean-Yves
Le Drian / BFM TV]
[5] [Les
Pays-Bas ont soutenu le "mouvement
terroriste" en Syrie (Nieuswuur)]
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Le
dossier Syrie
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