Loin de nous l’idée de prétendre
commenter le sommet d’Helsinki du 16
juillet courant entre les présidents
Poutine et Trump, alors que les experts
les plus éminents de la planète
continuent à s’exprimer sur le sujet. Un
sommet censé avoir eu lieu entre deux
États parmi les plus puissants en ce
monde -ou entre un homme vendu à un
autre si l’on en croit le tollé de la
presse, des ténors et des faucons
américains- afin de discuter des
dossiers les plus chauds du moment, dont
le dossier syrien qui nous intéresse.
Dossier à propos
duquel une précision s’impose suite aux
déclarations de Donald Trump quant à la
priorité de la sécurité d’Israël, au
détriment du passé, du présent et de
l’avenir de tous les peuples du Levant ;
peuples que Trump prétend défendre
contre le terrorisme créé, soutenu et
toujours entretenu par les États-Unis et
leur coalition de malheur, en plus
d’oser prétendre qu’il se soucie de leur
situation humanitaire :
« Depuis de nombreuses années, des
décennies, nous travaillons dur avec
Israël. Je pense qu’aucun autre pays n’a
jamais été plus proche de nous. Le
président Poutine a également aidé
Israël. Et, tous les deux, nous avons
travaillé avec Bibi Netanyahou afin de
faire quelque chose en Syrie qui aurait
à voir avec la sécurité d’Israël. Et à
cet égard, nous voulons absolument
travailler pour aider Israël. Et Israël
travaillera avec nous. Et donc, les deux
pays travailleront conjointement... »
[1].
Comme si Israël et
les États-Unis n’avaient pas travaillé
conjointement à la destruction de la
Syrie depuis des décennies. Comme si de
commanditaires des pires crimes commis
contre le peuple syrien, ils n’en
étaient pas clairement devenus les
exécutants acharnés sur le terrain.
Mais l’important
ici, ce sont plutôt les propos de
Poutine qui ont « prétendument »
enchanté Bibi, comme nous le rapporte
Sputnik et une bonne partie de la presse
israélienne :
« Netanyahu
apprécie hautement la coordination avec
la Russie sur les questions de sécurité,
ainsi que la
position clairement exprimée par le
Président Poutine en ce qui concerne
la nécessité d'observer l'accord de 1974
sur le désengagement entre Israël et la
Syrie, est-il dit dans un communiqué du
cabinet du chef du gouvernement »
[2].
Sauf que ce n’est
pas exactement la position clairement
exprimée par le président Poutine. En
effet, si Sputnik et d’autres médias se
contentent de citer le paragraphe
suivant :
« Suite à la
défaite complète des terroristes dans le
sud-est de la Syrie, la situation sur
les hauteurs du Golan doit être mise en
conformité avec l'accord de 1974 [3] sur
le désengagement des forces israéliennes
et syriennes [...] Monsieur le Président
[Trump] y a prêté aujourd'hui une
attention particulière. Je souhaite
réaffirmer l'attachement de la Russie à
une telle évolution de la situation ».
[4]
Ils négligent la
suite de sa déclaration :
« Cela nous
permettra d’établir une paix solide sur
la base de la résolution 338 du Conseil
de sécurité de l’ONU » [1].
Une résolution qui demande aux parties
en cause de commencer immédiatement
après le cessez-le-feu l’application de
la résolution 242 (1967), laquelle exige
« le retrait des forces armées
israéliennes des territoires occupés »,
tout en affirmant le droit de chaque
État « à vivre à l’intérieur de
frontières sûres et reconnues » [5] et,
par conséquent, implique le retour
d’Israël sur les frontières
internationalement reconnues.
D’autant plus
qu’elle fut suivie par l’adoption, à
l’unanimité du Conseil de sécurité, de
la résolution 497 (1981) ayant décidé
que « la décision prise par Israël
d’imposer ses lois, sa juridiction et
son administration dans le territoire
syrien occupé des hauteurs du Golan est
nulle et non avenue et sans effet
juridique sur le plan international ».
Que Trump ait saisi ou non l’importance
de cette position clairement exprimée
par Poutine, il n’a fait qu’opiner de la
tête lors de leur conférence de presse
commune. En revanche, le lobby sioniste
n’aura pas tardé à la contester.
En effet, Sputnik
vient de nous apprendre que le Congrès
américain se réunirait ce 18 juillet
pour discuter de l’importance de la
reconnaissance, par les États-Unis, de
la souveraineté d’Israël sur le Golan
occupé. Une initiative menée depuis des
mois par le sénateur du Texas, Ted Cruz,
et le représentant républicain de
Floride à la Chambre des représentants
des États-Unis, Ron DeSantis ; lequel
aurait déclaré que ce serait de la folie
de restituer les hauteurs du Golan à Al-Assad.
Et Sputnik ajoute que cette réunion
serait tenue à la demande de Dore Gold,
ex-directeur général du ministère
israélien des Affaires étrangères, qui
aurait déjà discuté de l’importance
d’une telle reconnaissance « pour la
sécurité nationale des États-Unis » en
février dernier, à Moscou ! [6].
Cette réunion du
Congrès est-elle programmée, fortuite,
ou convoquée en urgence du fait de cette
précision amenée subrepticement par le
président Vladimir Poutine ? Nous
n’avons pas de réponses pour le moment.
Quoi qu’il en soit,
l’avenir dira si ce sommet à Helsinki
est juste venu confirmer la volonté des
deux présidents de refroidir les fronts
afin d’éviter une confrontation directe,
notamment en Syrie, entre non seulement
les militaires russes et américains
comme l’a souligné M. Poutine, mais
aussi entre les militaires syriens et
israéliens. Confrontations qu’aucun camp
ne semble souhaiter.
Il dira aussi si la
Russie fédérale aura été capable de
prouver que son action est avant tout
fondée sur le droit international. Droit
jusqu’ici continuellement bafoué aux
pays du Levant. Droit que les peuples du
Levant devront faire respecter en
comptant avant tout sur eux-mêmes s’ils
ne veulent pas finir exterminés, d’une
façon ou d’une autre, entre le Nil et
l’Euphrate.
Mouna Alno-Nakhal
18/07/2018
Notes :
[1] [Conférence
de presse de Vladimir Poutine et de
Donald Trump à Helsinki]
[2] [Netanyahu
dit ce qu'il pense des propos de Poutine
et Trump sur Israël]
[3] [Résolution
350 (1974)]
[4] [Poutine
appelle à régler le problème du Golan
après la défaite des terroristes en
Syrie]
[5] [Résolution
242 (1967)]
[6] [Au
Congrès américain : ce serait de la
folie de restituer le Golan à Al-Assad]