Syrie
Bachar al-Jaafari : Quand le
terroriste devient le défenseur des
droits de l’homme, il devient possible
que l’EIIL préside les opérations de
maintien de la paix de l’ONU…
Jeudi 17 novembre 2016
Ce 15 novembre, la Troisième
Commission de l’ONU, chargée de la
promotion et de la protection des droits
de l’homme s’est prononcée sur des
projets de résolution concernant les
situations en Corée du Nord, en Iran, en
Syrie, et « pour la première fois, en
République autonome de Crimée et à
Sébastopol »[1].
L’examen de ces projets de
résolution a été précédé par un « fait
inédit », nous dit le site de l’ONU en
langue française, à savoir une demande
de motion de non-action par le Venezuela
et le Bélarus ; lesquels, estimant que
les textes proposés constituaient un
« instrument de division » se
substituant à l’examen périodique
universel du Conseil des droits de
l’homme, ont cherché à obtenir
l’ajournement du débat. Leur demande a
été rejetée par 32 voix pour, 101 contre
et 37 abstentions.
Le projet
de résolution sur la situation des
droits de l’homme en Syrie, avancé par
17 pays, [Arabie saoudite, Australie,
Bahreïn, Canada, Émirats arabes unis,
États-Unis, France, Jordanie, Koweït,
Maroc, Micronésie, Palau, Qatar,
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord, Sénégal, Turquie,
Ukraine], « condamnant la récente
escalade des attaques dirigées contre la
population civile à Alep, et dans
d’autres zones assiégées et difficiles
d’accès, et exigeant que l’aide
humanitaire soit acheminée en toute
sécurité vers l’ensemble des populations
dans le besoin », a été adopté par
116 voix pour, 15 contre et
49 abstentions [2].
Ceci,
alors que la veille, 14 novembre,
l’Union européenne actait ses sanctions
contre pratiquement tous les membres du
gouvernement syrien légitime et membre
fondateur de l’Organisation des Nations
Unies [3]
Dans ce
monde à l’envers, le délégué de l’Arabie
saoudite s’est posé en procureur
général, poète et éploré, contre le
Gouvernement syrien, la Russie, l’Iran,
le Hezbollah et toutes les forces
populaires qui soutiennent la Syrie.
Pour
mémoire, voici
la réponse du Dr Bachar al-Jaafari,
délégué permanent de la Syrie auprès des
Nations Unies, qui a dû rappeler
quelques vérités que certains
dirigeants, négociants en démocratie,
font toujours mine d’ignorer [NdT].
Je
commencerai par là où mon collègue, le
délégué saoudien, en a fini. Je
commencerai par un poème, puisqu’il
apprécie la poésie.
Notre grand
poète, Nizar Kabbani, interdit de séjour
dans tous les Pays du Golfe, disait : « Que
restera-t-il d’authentique d’un poème
prononcé par un voleur, un flatteur et
un pleurnicheur ? ».
Puis, je
citerai le saint Coran encore plus
explicite sur ce sujet : « Mais toi,
n’écoute pas celui qui jure à tout
moment et qui est méprisable. N’écoute
pas le calomniateur qui va médisant des
autres, qui empêche le bien, le
transgresseur, le criminel cruel et de
naissance impure »
[Sourate 68 : La plume ; traduction
de Kasimirski ; NdT]. Vérité divine !
Monsieur le
Président,
La soumission
d’un projet de résolution critiquant ce
que l’on désigne par « la
situation des droits de l'homme en
Syrie » par la délégation saoudienne, au
nom du groupe [de pays] qui la protège
et l’emploie, est un paradoxe en soi,
parce que le régime des Al-Saoud est le
dernier à pouvoir s’arroger le droit
d’en parler devant cette assemblée, vu
le déficit humanitaire et juridique dont
jouissent ses propres citoyens et les
immigrés sur son sol.
Nous tous,
ici présents, sommes en droit de nous
demander si le régime saoudien est
disposé à appliquer les mesures figurant
dans ce projet condamnant la Syrie, aux
violations permanentes des droits de
l'homme en Arabie Saoudite. Et ceci, ne
serait-ce qu’en partant du proverbe : « Celui
qui te considère comme son égal ne peut
être injuste à ton égard »
L’implication
des Al-Saoud et des Al-Thani dans le
terrorisme et leur soutien aux
terroristes sont désormais du domaine de
l’évidence. Une implication confirmée
par les fuites de « Wikileaks » et
notamment par ce qu’a reconnu la
candidate à la présidence des USA,
Hillary Clinton, ainsi que le
vice-président ,Joe Biden, lorsqu’il a
déclaré que les deux régimes saoudien et
qatari étaient impliqués dans le soutien
et le financement des terroristes dans
mon pays.
Ceci, sans
parler du rapport émis par la société
« Toyota » à la demande des
gouvernements syrien et russe, lesquels
lui ont transmis des milliers de photos
prises par satellites de voitures mises
à la disposition des terroristes de
Daech, en Syrie et en Irak. Un rapport
qui précise que cette société japonaise
a vendu 60 000 véhicules 4×4 de sa
fabrication à l’Arabie saoudite, au
Qatar, aux Émirats et à la Jordanie,
lesquels se retrouvent naturellement aux
mains de Daech. Une information que je
confie aux bons soins des États qui
veulent protéger et renforcer les droits
humains.
Comme chacun
le sait, le terrorisme saoudien n’est
pas nouveau dans la région et dans le
monde. Ses noires empreintes sont encore
présentes en Afghanistan, au Nicaragua,
en Irak, en Libye, au Sahel, en
Tchétchénie, à New York, au Yémen, au
Koweït, au Bahreïn, à Paris, à Nice, à
Boston, en Belgique, au Liban et même
dans des régions du sud et de l’est de
l'Arabie saoudite.
Ajoutez à
cela que le président élu, Donald Trump,
s’est récemment adressé aux Al-Saoud en
ces termes : « Ne croyez pas que les
groupes wahhabites que vous avez créés
dans le monde en leur demandant de
propager l’obscurantisme, la sauvagerie,
les assassinats à l’arme blanche et la
destruction de la vie, se tiendront à
vos côtés et vous protégeront. Ceux-là
n’ont aucun endroit où aller, sinon chez
vous et sous votre régime. C’est
pourquoi, ils vous reviendront de
partout, se retourneront contre vous et
vous dévoreront ».
Et c’est
exactement ce que dit l’un de nos poètes
arabes : « Si tu laisses ton frère se
faire dévorer par les loups, un jour
viendra où ils aimeront te dévorer à ton
tour ; sinon, ce seront les chiens qui
te déchiquèteront. Et si les flammes
dévorent une pièce dans une maison, une
autre pièce pâtira de cette même
destruction ». Mais hélas, encore
faut-il qu’ils finissent par
comprendre !
Monsieur le
Président,
Le projet de
résolution soumis au vote aujourd'hui
confirme l’hystérie et l’impuissance
politique qui frappe les Al-Saoud, leurs
partenaires et leurs employeurs, face
aux victoires de l’Armée arabe syrienne
et des Forces alliées qui soutiennent le
Gouvernement syrien, à sa demande, dans
le but d’éradiquer le cancer du
terrorisme saoudo-qatari-wahhabite qui
s’est propagé dans toutes les parties du
monde, tandis que l’échec.de l’agression
des Al-Saoud au Yémen, en Irak et en
Syrie, révèle que la contamination
gangréneuse les dévore de l’intérieur.
Aussi, nous
sommes en droit de demander : Comment se
fait-il que l’Arabie saoudite, cet État
rétrograde sans rapport avec aucun pacte
international relatif aux droits
civiques et politiques jusqu’ici, puisse
se permettre de soumettre un projet de
résolution concernant les droits de
l'homme ?
Une telle
situation sape, par elle-même, les
efforts collectifs cherchant à instaurer
un dialogue constructif et à renforcer
la confiance mutuelle entre les États
membres, alors que certains tentent
ouvertement, et à tour de rôle, de
brouiller et de pirater les mécanismes
qui garantiraient ces mêmes droits.
Témoins en sont les secousses ayant
ébranlé les organismes onusiens,
notamment l’attribution de la présidence
de la commission chargée des questions
juridiques à Israël, et l'achat d’un
siège au Conseil des droits de l'homme
par l’Arabie saoudite, après l’avoir
présidé en 2015 ?
Dans ces
conditions, il ne faudra pas nous
étonner si l’année prochaine, Daech en
arrivait à présider le Bureau des
opérations de maintien de la paix de
l’ONU ou que le Front al-Nosra, ou Boko
Haram, dirige le Bureau de la
coordination des affaires humanitaires.
Le chantage
politique et le rôle mafieux joué par
l’entité saoudienne ne vous ont
certainement pas échappé lorsqu’elle a
menacé le Secrétaire général d’arrêter
son soutien financier aux organisations
de secours et d’assistance des Nations
Unies, dont l’UNRWA [United Nations
Relief and Works Agency for Palestine
Refugees], pour l’obliger à retirer
ladite « Coalition militaire arabe »,
qu’elle dirige contre les frères
yéménites, de la liste établie des
violateurs des droits des enfants dans
les conflits armés.
Il est
regrettable et honteux qu’en réponse au
correspondant du The Intercept,
l'ambassadeur de l'entité saoudienne à
Washington, Abdullah Al-Saoud, ait pu
comparer l’agression de son pays sur le
Yémen à un mari qui bat sa femme.
Réponse qui n’a nul besoin d'interprètes
du wahhabisme pour mesurer la stérilité
de son intellect rétrograde et inculte.
Quant à
l’entité qatarie, elle est aussi la
dernière à pouvoir parler des droits de
l’Homme. Protectrice du terrorisme
takfiriste, elle n’est régie par aucune
constitution et son peuple ne dispose
d’aucun droit de vote. Ladite
institution du pouvoir national
démocratique qatari repose sur le
renversement du père par le fils, du
cousin par le cousin, du frère par le
frère, de telle sorte qu’ils puissent
parler de transition démocratique
transparente, sauf que le citoyen est le
dernier à y voir clair.
L’affaire du
navire « Lutfallah » en 2011
transportant des armes de Libye aux
terroristes sévissant en Syrie, via un
port libanais, a très tôt prouvé le
soutien du Qatar au terrorisme. Il en
est de même de son soutien, et de celui
d’Israël, aux terroristes du Front al-Nosra
et de Daech dans le Golan syrien occupé.
Le Qatar est
tellement respectueux des droits de
l’homme qu’il a condamné à la prison à
perpétuité le poète qatari Mohamad bin
Rashid al-Ajami pour avoir critiqué le
manque de liberté par un poème, juste un
poème !
Et la Turquie
partage avec l’Arabie saoudite et le
Qatar non seulement l’adoption de ce
projet de résolution, mais aussi le
parrainage du terrorisme tout en fermant
les yeux sur des dizaines de milliers de
terroristes ayant traversé sa frontière
vers la Syrie sans que les autorités
concernées ne s’en émeuvent. Ce sont là
des vérités documentées, exposées par le
député turc du Parti républicain du
peuple [CHP], M. Eren Erdem en plein
parlement turc, non de simples
allégations ou accusations
insignifiantes diffusées par les médias.
Pour
terminer, Monsieur le Président,
J’appelle les
États membres à ne pas tomber dans les
pièges de la perversion intellectuelle
saoudienne et qatarie, laquelle n’a
aucune considération pour les pays non
alignés qui refusent sa vision des
droits humains, qu’il nous faudrait
éviter de politiser.
Et, vu tout
ce qui précède, je les invite à ne pas
voter pour cette résolution inique qui
prolonge la guerre terroriste sur la
Syrie, sape tout processus politique et
élève le terroriste au rang de défenseur
des droits de l'homme en Syrie.
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué permanent de la
Syrie auprès des Nations Unies
15/11/1016
Source :
vidéos un.org/watch / Facebook
Third Committee, 48th meeting - 71th
General Assembly [à partir de 1’42’]
http://webtv.un.org/watch/third-committee-48th-meeting-71th-general-assembly/5211706145001
https://www.facebook.com/Aljafaribashar/videos/1144520102269415/
Transcription et traduction par Mouna
Alno-Nakhal
Notes :
[1] Soixante
et onzième session, 48e et 49e séances –
matin et après-midi
La Troisième Commission invite
pour la première fois l’Assemblée
générale à se prononcer sur la situation
des droits de l’homme en Crimée
http://www.un.org/press/fr/2016/agshc4188.doc.htm
[2] Projet de
résolution concernant la Syrie :
A/C.3/71/L.24
http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/C.3/71/L.24&Lang=F
[3] RÈGLEMENT
D'EXÉCUTION (UE) 2016/1984 DU CONSEIL du
14 novembre 2016 mettant en œuvre le
règlement (UE) no 36/2012
concernant des mesures restrictives en
raison de la situation en Syrie
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.LI.2016.305.01.0001.01.FRA&toc=OJ:L:2016:305I:TOC
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