Syrie
La bataille du nord de la Syrie ou la
tromperie
toujours partagée par Ankara et
Washington
Revue de presse par Mouna Alno-Nakhal
Mardi 15 octobre 2019
Dimanche 13 octobre
Les chaines
d’informations syriennes et libanaises
ayant diffusé les déclarations de
responsables des conseils kurdes
concernant un accord entre certaines
factions séparatistes et le gouvernement
syrien, décidé à contrer l’invasion
turque, nous sommes allés à la recherche
de sites kurdes en langue arabe.
C’est ainsi que,
dans la soirée, nous avons consulté le
site « ANT Kurdistan », alors qu’il
venait de diffuser une vidéo sous le
titre : « Autour
de l’accord entre les forces kurdes et
la Russie sur la cession de Aïn al-Arab/
Kobane et Manbej au régime syrien – par
Rami Abdul-Rahman », le fameux
directeur du non moins fameux OSDH [le
soi-disant Observatoire Syrien des
Droits de l’Homme]. Plus tard, les
messages se sont succédé. Les voici,
dans l’ordre :
1. URGENT /
Les forces gouvernementales syriennes se
déploient autour de Manbej en vue de
leur entrée dans la ville.
2. URGENT /
Canal central de la base militaire de
Hmeimim, Информканал авиабазы Хмеймим :
-
Les forces
gouvernementales syriennes se
préparent à entrer dans Kobané et
Manbej, au nord-est de la Syrie, en
accord avec les Forces Démocratiques
Syriennes [FDS] dans la région.
-
Nous espérons
que la partie turque, et les
forces qui lui sont alliées,
feront preuve de retenue et ne se
risqueront pas dans une guerre
ouverte avec les forces
gouvernementales. (Alexander
Ivanov)
3. URGENT /
L’Occupant turc bombarde les villages
situés du côté du village de Chirawa
soumis au contrôle des forces kurdes, au
nord des villes d’Alep et de Afrine. 4. URGENT /
La « Coalition internationale » affirme
que les FDS ont conclu un accord avec le
gouvernement syrien et que ces
derniers jours furent d’une grande
sauvagerie, en parlant des frappes et
attaques turques. La Coalition a aussi
affirmé que « Mazloum Abdi » a rencontré
les Russes et qu’il n’est pas clair si
l’accord concerne uniquement Manbej et
Kobané ou s’il s’agit d’un accord plus
vaste.
5. URGENT /
Macron : l'attaque turque en Syrie
risque de créer une situation
humanitaire intolérable - Présidence
française : le gouvernement tiendra
aujourd’hui une réunion d'urgence pour
discuter de la situation dans le nord de
la Syrie.
6. URGENT /
Les forces gouvernementales syriennes se
déploient dans la campagne autour
de Manbej sur les lignes contigües
aux zones contrôlées par les factions
de l'opposition armée soutenues par la
Turquie, dont certaines sont
stationnées dans les villages Jamous et
Rida, tandis que d'autres continuent à
se déployer.
7. URGENT /
Daech annonce que son organisation
est en train de s’en prendre à une base
militaire américaine dans la région
d’Al-Chaddadi au sud de Hassaké.
8. LES
TERMES DE L'ACCORD ENTRE LES FDS ET LE
GOUVERNEMENT SYRIEN :
Les FDS deviendront
des forces syriennes sous l’appellation
« 5ème Corps ».
Déploiement à :
-
Manbej
[répétition, NdT] : Les forces
gouvernementales syriennes se
déploient dans la campagne autour
de Manbej sur les lignes contigües
aux zones contrôlées par
les factions de l'opposition armée
soutenues par la Turquie, dont
certaines sont stationnées dans les
villages Jamous et Rida, tandis que
d'autres continuent à se déployer.
-
Kobané : Les
forces gouvernementales seront
déployées au passage frontalier
avec la Turquie et en d’autres
points à l’est et à l’ouest.
-
Aïn-Issa: Les
forces gouvernementales entreront,
via Al-Mansoura et Al-Tabqa, dans
Aïn-Issa située au nord de Raqqa.
(Vdc-nsy Centre
de documentation sur les violations au
nord de la Syrie) 9.
Auto-administration de Kobané : les
forces gouvernementales syriennes se
déploieront demain le long de la
frontière avec la Turquie dans le cadre
d’un accord militaire conclu par les FDS
avec Damas.
10. URGENT /
Les FDS reprennent le contrôle de la
route internationale [Alep-Hassaké],
mais la route reste impraticable pour
les civils.
11. URGENT /
Une source du gouvernement syrien a
déclaré à North Press: Les forces
américaines stationnées en divers points
de la banlieue de Manbej, empêchent
l'Armée syrienne d'entrer dans la région
et de repousser l'agression turque.
12. URGENT /
D’après l’OSDH, la « Coalition
internationale » s’en prend à un convoi
militaire du régime syrien se dirigeant
vers Al-Tabqa, dans la région
d’Al- Rassafa au sud-ouest de Raqqa.
13.
QAMICHLI : Les tirs de balles que l’on
entend sont dus aux festivités des
alliés du gouvernement syrien et du
groupe de presse d’« Al-Akhbariya ».
Il est minuit. Les
messages s’arrêtent. Les commentaires
sont nombreux. Nous avons retenu
quelques-uns se demandant s’il est
vraiment venu le temps des réjouissances
ou s’il fallait s’attendre à des coups
tordus de la part de ladite Coalition
internationale menée par les USA, ou
d’Erdogan menant à la fois l’armée
turque et son armée parallèle de
mercenaires : « mélange de milliers de
terroristes ayant pris la fuite devant
la progression de l’Armée arabe syrienne
dans les différentes régions du pays,
dont la région sud (Quneitra ; Ghouta
orientale et occidentale ; Al-Qalamoun)
et les banlieues de Homs, Hama et Idleb…
» telle qu’elle est définie par l’Agence
nationale syrienne SANA [1] et telle
qu’elle est illustrée sur le site
SYRIANA [2] :
C’est cela « les forces alliées à la
Turquie » du paragraphe 2 et
« les factions de l'opposition armée
soutenues par la Turquie » du paragraphe
6, ci-dessus. C’est cela l’armée
baptisée par Erdogan « Armée nationale
syrienne », grâce à laquelle il compte
rapatrier des réfugiés syriens qu’il a
condamnés à l’errance, après avoir
nettoyé le terrain de leurs compatriotes
syriens restés accrochés à leur terre.
Il suffit de noter certaines
appellations : Brigade du sultan Mourad,
Brigade du sultan Mehmet le conquérant,
Brigade du sultan Soleiman, Brigade du
sultan Osman… pour deviner qui est leur
vrai seigneur et maître. Le tout avec,
en prime, les reliquats de l’ASL [la
prétendue armée syrienne libre]
sanctifiée, soutenue, armée, entraînée
et bichonnée par les gouvernements
occidentaux dont, malheureusement, le
gouvernement français.
Une armée sous bannière turque faite
d’un fatras des mêmes groupes armés qui,
à tour de rôle ou en même temps, ont
massacré la Syrie et les Syriens depuis
plus de huit années, avec le soutien des
USA, de l’OTAN, de l’Union européenne et
d’Israël ; sans oublier l’aide
financière nécessaire à cette
gigantesque machination de la part de
certains pays de la Ligue arabe, connus
de tous. Une Ligue arabe qui vient de se
réunir, ses grosses têtes terrorisées à
l’idée que la Turquie puisse leur
faucher leur suprématie sur le monde
musulman, au cas où les Frérots de M.
Erdogan sortiraient vainqueurs des
Frérots wahhabites.
Alors quand la porte-parole du
gouvernement français nous dit : « Nous
souhaitons que la Turquie termine au
plus vite l’intervention qu’elle a
commencée… » [3], quelqu’un a-t-il eu la
bonté de lui expliquer la situation ?
Imagine-t-elle quelles responsabilités
supplémentaires pèseront sur les épaules
du gouvernement syrien et du pays saigné
par la plus sale des guerres et les
pires sanctions, parce que son
gouvernement a continué à couvrir ou à
jouer les exportateurs de terroristes,
qu’elle voudrait voir jugés et condamnés
sur place ?
Lundi 14 octobre :
Nous retournons sur le site « ANT
Turkistan » où des messages
supplémentaires se résument à dire :
-
ALERTE / Les
termes de l'accord entre les FDS, la
Russie et le président syrien qui
circulent actuellement sont faux
-
DAR
al-KHALIL / [Base du PYD = Parti
kurde de l’union démocratique ; Ndt] :
L'accord entre Les FDS et l'Armée
syrienne est strictement militaire,
n’aborde pas le statut
d'auto-administration des villes ou
villages, et constitue une mesure
d'urgence pour opposition à
l'agression turque contre toute la
Syrie, via son agression au nord et
à l'est de son territoire national.
D’où la
question : y a-t-il un accord
FDS-gouvernement syrien ?
1.
Le journaliste libanais
Nidal Hamade nous dit, dans son
article du jour intitulé « Les
États-Unis tenteraient-ils de ramener
DAECH à Raqqa ? », que l’armée
américaine a travaillé à empêcher
l’Armée syrienne de concrétiser un
accord conclu entre les FDS et les
Russes sur la région de Manbej et la
région de Rassafa près de Raqqa. Il
écrit :
« Dans la soirée du
dimanche 13 octobre, trois véhicules
militaires de l'armée américaine ont
empêché un convoi de reconnaissance de
l'Armée syrienne d'entrer dans la ville
de Manbej, du côté ouest. Le convoi est
retourné à l’École publique d’Al-Dahima.
Puis, vers minuit,
l'aviation américaine a bombardé un
convoi de l'Armée syrienne parti de
Rassafa en direction de Raqqa et d’Al-Tabqa,
conformément à l’accord conclu
entre les FDS et la partie russe ; deux
villes dans les prisons desquelles sont
répartis les éléments armés de Daech.
D’où l’évidence qui
dicte que le bombardement américain a
empêché l'Armée syrienne d'atteindre ces
prisons, dans le cadre d'une tentative
visant à libérer les milices armées de
Daech, comme ils l’ont déjà fait en Irak
en 2013.
Ainsi, nombre
d’opérations américaines suggèrent qu'il
a été décidé de redéployer Daech, de
Raqqa et ses environs vers Palmyre et
Abou-Kamal, à l’extrême Est de la
Syrie.
Cette guerre est
donc ouverte dans toutes les
directions.» [4].
2.
M. Nasser kandil nous en
dit encore plus dans son éditorial du
quotidien libanais Al- Binaa :
« D’après nos
informations, l’Armée syrienne avance
dans trois directions : vers Manbej puis
Aïn al-Arab ; de Deir ez-Zor vers
Hassaké et Qamichl ; vers Raqqa. C’est
à Rassafa, sur la route de Raqqa, que
l’Armée syrienne à été ciblée par
l’aviation américaine dans le but
évident de protéger les éléments de
Daech préalablement rassemblés par leurs
soins à Raqqa.
Des frappes
américaines qui remettent la décision du
retrait américain devant l'invasion
turque dans son véritable contexte et
révèlent le projet initial de
partition du nord-est de la Syrie en
trois sections :
-
une section
sous tutelle turque gérée par les
Frères musulmans qui annonceront la
création de leur gouvernement sous
un faux drapeau syrien ;
-
une section
gérée par les Kurdes qui annonceront
la création de leur mini-État avec Qamichli pour capitale ;
-
une section à
Raqqa gérée pas Daech.
Des frappes
américaines au moment même où les FDS,
mesurant les dangers de l’invasion
turque suite à l’abandon de Trump,
envisageaient de conclure un accord avec
l’Armée syrienne, encouragés en cela par
les Iraniens et les Russes. Des frappes
américaines qui réfutent la théorie du
retrait des guerres interminables et
stupides revendiquée par Donald Trump ;
retrait qui a, plus exactement, ouvert
la porte à l’invasion turque. Les
prochaines heures montreront comment
sera relevé ce défi destiné à tracer des
lignes rouges devant la détermination de
l’État syrien à s’opposer à la
partition de son territoire.
Et enfin, des
frappes américaines qui ont fait que le
conseiller du président turc a déclaré
haut et fort que la Turquie s’opposera à
l’avancée de l’Armée syrienne puisque,
d’après des sources bien informées,
elles étaient déjà programmées dans le
cadre des accords turco-américains
précédant l’invasion turque… Mais voilà
que le moment venu, les Turcs ont ignoré
l’entrée de l’Armée syrienne dans Manbej »
[5].
***
Finalement, la
tromperie est toujours partagée entre
Washington et Ankara. Elle est encore
plus flagrante qu’en Octobre 2016 quand
nous l’avions observée sous l’angle de
la bataille de Mossoul [6]. Il n’empêche
que malgré toutes leurs machinations
criminelles, ils n’ont toujours pas
gagné la partie…
Et, pour mémoire,
rappelons les bras tendus du
gouvernement syrien et de son président,
Bachar al-Assad, à tous ceux qui ont été
dupés par les sirènes des
colonialistes :
« À ces groupes
qui parient sur l'Américain, nous disons
qu'il ne vous protégera pas, ni ne vous
gardera dans son giron ou en son cœur.
Il vous gardera dans sa poche comme
monnaie d’échange en dollars, un échange
déjà commencé. Si vous ne vous préparez
pas à résister et à défendre votre pays,
vous ne serez que des esclaves de
l'Ottoman. Seul votre pays vous
protégera lorsque vous rejoindrez les
rangs de l’Armée arabe syrienne et que
vous combattrez sous son drapeau.
Lorsque nous nous tenons dans un même
camp face à un même ennemi et que nous
visons dans une même direction au lieu
de nous viser les uns les autres, nous
n’avons rien à craindre quelle que soit
l’importance des menaces. Aujourd'hui,
il vous appartient de déterminer ce que
l’Histoire impitoyable retiendra de vous
en comparaison de vos frères syriens ;
lesquels, dès les premiers jours de la
guerre, ont opté pour leur pays, l’ont
défendu au prix d’énormes sacrifices,
ont sauvegardé sa souveraineté et ont
repoussé les terroristes. Aujourd’hui,
il vous appartient d'être maître sur
votre terre et dans votre pays ou
esclave de l'occupant » [7].
Mouna Alno-Nakhal
14/10/2019
Notes :
[*] Nous utilisons
une majuscule pour parler de l’Armée
syrienne, non par irrespect pour les
armées de tous les pays du Monde, mais à
cause de toutes les fois où l’on a
affublé telle ou telle milice terroriste
de cette appellation sacrée pour le
peuple syrien qui la nourrit de sa chair
et de son sang.
[1] [Les
mercenaires d’Erdogan effectuent des
exécutions brutales parmi les civils au
sud de Tell Abyadh dans la banlieue de
Raqqa]
[2] [Contexte
de l'agression turque sur la Syrie]
[3] [Fuite
de proches de djihadistes en Syrie :
Paris presse Ankara d’achever son
opération]
[4] [Par
Nidal Hamade]
[5] [Par
Nasser Kandil]
[6] [La
bataille de Mossoul ou la tromperie
partagée par Washington et Ankara]
[7] [Bachar
al-Assad : La volonté populaire a évité
à la Syrie l’holocauste prémédité par
ses ennemis]
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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