Monde
Celui qui a perdu le Pakistan par
les urnes ne peut pas gagner le
Venezuela par un assassinat
Nasser Kandil
Mercredi 8 août 2018
Décrire le comportement de
l’Administration américaine pourrait se
résumer à parler d’un état de
« nervosité confuse » encore plus
remarquable que l’humeur fluctuante,
l’inconséquence ou la confusion qui
caractériseraient le comportement de
Donald Trump, lequel finit même par
paraître comme « le plus équilibré » des
décideurs politiques au sein de
l’équipe dirigeante actuelle à
Washington.
En effet,
lors de sa campagne électorale, il avait
sonné le glas de l’Amérique en tant que
superpuissance et gendarme du monde,
pour appeler à la reconstruction de
l’Amérique délabrée, selon sa propre
description, et à la résurrection de la
« Grande Amérique » telle qu’il la
concevait. Mais il a vite reculé sous la
pression des institutions militaires et
sécuritaires.
Ainsi, il a
été empêché de conclure l’entente
globale avec Moscou, pour laquelle il
avait plaidé, et même lorsqu’il s’est
rendu à Helsinki avec l’idée de modifier
les équilibres internationaux après
plusieurs tentatives infructueuses, il a
eu à subir toutes sortes d’attaques
suspicieuses ayant mené au gel des
effets de sa rencontre avec le président
Vladimir Poutine.
Et
globalement, Washington n’aura réussi
aucune percée sérieuse dans aucun des
grands dossiers du moment :
-
Contrairement à ce qu’avait laissé
entendre Donald Trump, le dossier
des armes nucléaires en Corée du
Nord n’est pas réglé, de l’aveu même
de Mike Pompeo, son ministre des
Affaires étrangères chargé de le
négocier.
-
La
confrontation avec l'Iran fait que
Donald Trump a perdu sa boussole
étant donné que l’escalade et les
sanctions de plus en plus sévères
mèneront nécessairement à une guerre
des détroits, des voies de
navigation et des pétroliers, comme
il a été clairement dit ces derniers
jours ; laquelle guerre enflammera
le marché pétro-gazier et entraînera
le monde dans l’inconnu avec des
perturbations sociales et
sécuritaires qui n’épargneront pas
les grandes puissances.
-
Concernant la Palestine, le « deal
du siècle » peine à naître. Une
césarienne est impossible en
l’absence d’un partenaire
palestinien, lequel serait condamné
à mort par le peuple palestinien et
sa résistance, tandis que les
tentatives de réanimation se
heurtent à l'incapacité des arabes
partenaires de Washington et de
Tel-Aviv à déclarer ouvertement leur
adhésion à un tel compromis qui
abandonnerait Jérusalem à Israël, le
droit au retour des Palestiniens, et
restreindrait l'État palestinien au
seul territoire de Gaza.
-
Les
dossiers syrien, irakien, libanais
et yéménite enregistrent des échecs
cumulés pour l’Amérique et, en dépit
des difficultés, l’axe de la
Résistance tient les cartes du jeu ;
le dernier échec ayant été
enregistré au Sommet d’Helsinki où
est clairement apparu le degré
d’attachement de la Russie à sa
relation avec l’Iran. Autrement dit,
Américains et Israéliens ont perdu
leurs paris, tandis que les deux
plus importants alliés régionaux de
Washington sont confrontés à deux
défis non enviables : Israël face à
Gaza, l’Arabie saoudite face au
Yémen.
Ce climat
d’échec engendre ses propres effets dans
les zones tendues et politiquement
hésitantes. Il les pousse à virer dans
le sens des courants contraires à
Washington, tandis que les courants déjà
opposés à Washington passent de la
défense à l’attaque. C’est ce qu’a
démontré le Pakistan devant les
résultats de tous les conflits menés par
Washington dans la région :
-
Les
élections ont été gagnées par celui
qui a refusé l’invitation
saoudo-américaine à participer à la
guerre contre le Yémen, non celui
qui a milité pour cette
participation.
-
Les
élections ont été gagnées par celui
qui a appelé très tôt à une
coopération régionale
pakistano-sino-russo-iranienne, non
celui qui a tenu à suivre
servilement les chemins tracés par
Washington.
Et c’est
parce que le Pakistan est l’un des États
musulmans les plus importants, et un
État nucléaire, que sa perte est un coup
supplémentaire porté à l’Administration
américaine déjà frappée par des coups
successifs jusqu’à en perdre
l’équilibre. Quant à la
tentative d'assassinat du président du
Venezuela, nul besoin des empreintes des
criminels pour pointer des doigts
accusateurs sur Washington, en notant au
passage que si les Américains avaient pu
espérer gagner le Venezuela par la voie
des urnes, ils n’auraient pas eu recours
à l’assassinat ; les assassinats
politiques et présidentiels étant une
technique américaine bien connue et
largement documentée.
Or, le succès
comme l’échec de cette tentative
ouvriront la porte à un affrontement
majeur en Amérique latine. Ceux qui
écarteraient la possibilité d’un début
de basculement des dominos là où des
gouvernements sont impliqués dans cette
tentative, pour le compte du protecteur
américain, seraient dans l’erreur.
Ce qui nous
amène à ce que la secrétaire d’État
américaine, Condoleezza Rice, a déclaré
en décrivant l’effondrement de l’Empire
soviétique : « Lorsque les grands
empires accumulent les raisons de leur
chute, ils ne vous préviennent pas
qu’ils vont tomber, ils tombent sans
prévenir, comme les tremblements de
terre et les inondations ! ». C'est le
cas de l'Amérique, aujourd'hui.
Nasser
Kandil
06/08/2018
Traduction
de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source : Les
points sur les « i » / Top News Nasser
kandil
http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=8733
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