Syrie
La Turquie se retire de Syrie ou
prépare le sabotage ?
Nasser Kandil
Lundi 3 avril 2017
Le Conseil de sécurité nationale
turc a annoncé soudainement la fin de
l’opération « Bouclier de l'Euphrate »
[*] lancée en août 2016 par l’entrée
officielle de l’armée turque dans la
ville frontalière syrienne de Jarablus occupée
par Daech, sans combat et sans
accord avec le gouvernement syrien ; le
but déclaré de l’opération étant de
prendre Al-Bab [occupée par Daech], puis
Manbij [contrôlée par les forces kurdes
soutenues par les USA], pour participer
à la libération de Raqqa toujours
occupée par Daech.
Officiellement, l’opération
s’arrête car elle aurait atteint ses
objectifs, alors que l’armée turque et
les milices associées n’ont réussi ni à
entrer dans Manbij, ni à participer aux
opérations de libération de Raqqa.
Que signifie
cette annonce alors que la mission n’est
pas accomplie ? Question d’autant plus
pertinente qu’elle coïncide avec l’échec
des pourparlers turco-américains pour
parvenir à une entente au sujet de la
bataille de Raqqa, vu le problème du
soutien américain aux Kurdes. Un soutien
ayant justifié l’invasion du territoire
syrien par ladite opération « Bouclier
de l’Euphrate » et le lâchage de Daech,
quitte à ce que la Turquie subisse les
conséquences d’une confrontation
guerrière avec l’organisation
terroriste.
Ce qui n’a
pas empêché les Américains de se montrer
de plus en plus déterminés à soutenir
les Kurdes, malgré la colère des Turcs,
tandis que les Russes ne sont pas prêts
à radier une composante syrienne,
considérée comme un partenaire
incontournable dans tout règlement futur
entre Syriens, pour les beaux yeux des
Turcs.
En effet,
bien que les Russes soient contre la
persistance de forces militaires
sécuritaires spécifiquement kurdes ou la
création d’un canton kurde en Syrie, ils
ont informé le président turc que cette
position impliquait la restitution de
tous les territoires syriens à l’Armée
arabe syrienne, sous la direction d’un
gouvernement syrien élargi d’union
nationale, lequel devra être reconnu et
soutenu, par tous, dans sa guerre contre
le terrorisme.
Dès lors, la
question devient : cette annonce
correspond-t-elle à un premier pas vers
l’acceptation des conseils russes ? Car,
effectivement, une telle annonce
signifie le retrait de l’armée turque
des territoires syriens, et ceci sans
retour, puisqu’elle précise que les
objectifs de l’opération Bouclier de
l’Euphrate ont été atteints. [sauf que
le premier ministre turc, Binali
Yildirim, n’a pas exclu une autre
opération qui portera un autre nom en
cas de nouvelle « menace »… ; NdT].
Mais, en
l’occurrence, il n’y pas de signes
indiquant une amélioration des relations
turco-russes, lesquels permettraient de
la placer dans le cadre d'une initiative
positive. Au contraire, la Turquie ne
cesse de loger les positions de Moscou
et de Washington sous la même enseigne,
assimilant leurs relations avec les
groupes armés kurdes à des coups de
poignards dans son dos.
Ce qui
indique que la Turquie a décidé de
passer outre sa coopération avec Moscou
et Washington [dans leur guerre contre
le terrorisme] : avec Moscou en refusant
de coopérer avec l’État syrien, avec
Washington en refusant de coopérer avec
les Kurdes.
En effet, par
cette annonce Ankara signifie à Moscou
et à Washington qu’elle vient de créer
un vide stratégique qui ne demande qu’à
être comblé par celui qui arrivera le
premier sur place, en sachant que dans
cette course ils auront affaire à des
milices implicitement soutenues par la
Turquie [la nébuleuse armée syrienne
libre, ou ASL, couvrant le Front al-Nosra
et ses différentes appellations; NdT],
sans qu’ils puissent la tenir pour
responsable de leurs débordements. Ces
milices pourraient demain se confronter
aux Kurdes, ils ne pourront pas lui
demander de les arrêter. Ces milices
pourraient aussi se confronter à l’Armée
syrienne, ils ne pourront pas lui
opposer qu’elle est garante du
cessez-le-feu, conformément à l’Accord
tripartie d’Astana. La garantie n’est
finalement que politique sans
possibilités d’influence sur le terrain.
Ankara
signifie aussi que la guerre menée par
le Front al-Nosra contre l’Armée
syrienne est fin prête pour s’étendre
encore plus vers le Nord, sans que
quiconque ne puisse exiger d’elle quoi
que ce soit, ou l’accuser de quoi que ce
soit.
Par
conséquent, le but de la Turquie est
« plus de chaos » qui témoignerait de
l’importance de son rôle. Un stratagème
compatible avec la vanité criminelle qui
commande les calculs du président turc
Recep Erdogan. Lequel stratagème mérite
de libérer l’Armée arabe syrienne de
toute contrainte, afin qu’elle dispose
de toutes les armes disponibles et
oblige les factions armées, soutenues
par la Turquie, à choisir entre les
exigences de l’accord de cessation des
hostilités d’Astana et une opération
militaire qui ne tiendrait plus compte
des soldats turcs censés avoir quitté le
territoire syrien, comme le prétend
cette annonce.
Pourtant,
Erdogan devrait savoir que Moscou répond
à ce genre d’obstination avec encore
plus d’opiniâtreté, et que le
comportement turc à la manière
israélienne, adoptée par Netanyahou lors
de sa dernière visite à Moscou, recevra
une réponse de même nature.
Ankara est
donc passée de la provocation au
chantage. Moscou, Damas et Téhéran sont
décidés [à éradiquer le terrorisme] et
n’en ont cure. Washington a perdu
l’agent chargé de son jeu politique et
militaire et doit se résigner à ce que
sa présence soit limitée aux régions où
sévissent les Kurdes, le reste étant
occupé par Daech ou des groupes armés
dirigés par le Front al-Nosra.
Nasser
kandil
30/03/2017
Traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source : Al-Binaa
http://www.al-binaa.com/archives/article/163228
[*]
Ankara annonce la fin de son opération militaire Bouclier de l’Euphrate en Syrie
https://fr.sputniknews.com/international/201703291030676469-turquie-syrie-armee-operation-fin/
M. Nasser Kandil est
un homme politique libanais, ancien
député, Directeur de Top News-nasser-kandil,
et Rédacteur en chef du quotidien
libanais « Al-Binaa »
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