Syrie
Syrie : Les conférences de
Bruxelles
ne sont que pure propagande…
Bachar al-Jaafari
Jeudi 2 juillet 2020
Lors de l'Angélus de dimanche
dernier, 28 juin 2020, le Pape François
a prié pour la Syrie et sa région en ces
termes :
« Mardi
prochain, le 30 juin se tiendra la IVe
conférence de l’Union européenne et des
Nations Unies [1][2] pour soutenir
l’avenir de la Syrie et de la région.
Nous prions pour cette importante
réunion afin qu’elle puisse améliorer la
situation dramatique du peuple syrien et
des peuples voisins, en particulier du
Liban, dans le contexte des graves
crises sociopolitiques et économiques
que la pandémie a rendu encore plus
difficile. Pensez qu’il y a beaucoup
d’enfants affamés qui n’ont rien à
manger, rien à mettre sous la dent. S’il
vous plaît, que les dirigeants soient
capables de faire la paix. J’appelle à
prier également pour le peuple du Yémen
et, ici aussi, particulièrement pour les
enfants qui souffrent en raison de la
très grave crise humanitaire… ». [3]
Devant ces
paroles miséricordieuses la question
devient : est-il possible que les
prières dirigées par sa Sainteté soient
exaucées lorsqu’elles frappent à la
mauvaise porte ?
Or, le
lendemain, 29 juin 2020, s’est tenue, en
visioconférence, une énième session du
Conseil de sécurité sur la situation en
Syrie [4], à quinze jours à peine de la
précédente, tenue le 16 juin. La réponse
à notre question se trouve, fortuitement
ou non, dans l’intervention du Docteur
Bachar al-Jaafari, envoyé spécial de la
Syrie auprès des Nations Unies. [NdT].
Monsieur
le Président,
Socrate a parlé vrai lorsqu’il a dit que
l'humanité n'est pas une religion, mais
un niveau atteint par certains humains.
Dans ce contexte, il est indubitable que
les gouvernements de certains pays
occidentaux qui tentent de se faire
passer pour des parangons de l'humanité
et de l'éthique n'ont pas réussi à
atteindre un tel niveau.
Certitude confirmée lorsque les
gouvernements de ces pays ont fait la
sourde oreille à
l'appel du Secrétaire général des
Nations Unies les invitant, le 23 mars
2020, à renoncer aux mesures coercitives
unilatérales. À savoir qu’au sein de
cette organisation, nous ne parlons pas
de sanctions, mais de
« mesures coercitives unilatérales »
parce qu’illégales et illégitimes. Des
mesures que, contrairement à l’appel du
Secrétaire général,
ces gouvernements se sont empressés
d'annoncer la prolongation et même le
durcissement avec, par conséquent, la
confirmation de leur échec au test de
crédibilité et d'humanité.
La souffrance
de deux milliards de personnes causée
par de telles mesures ne mérite-t-elle
pas la tenue de séances extraordinaires
d'urgence de votre conseil, pour mettre
un terme à ce crime contre l'humanité et
demander des comptes aux responsables ?
Et la levée
de ces mesures coercitives unilatérales
qui frappent vingt-quatre millions de
Syriens ne mérite-t-elle pas une action
immédiate de la part des prétendus
porte-plume humanitaires,
au
lieu de ce à quoi nous avons assisté
aujourd'hui comme au cours d'autres
sessions du même genre, tels les efforts
fébriles cherchant à promouvoir de
fausses allégations ou accusations, et
telles les
tentatives infructueuses pour échapper à
la responsabilité du terrorisme
économique et des punitions collectives
pratiqués contre des millions de civils
syriens ?
Comment
espérez-vous qu'une personne sensée
puisse croire que l'Allemagne et la
Belgique, les porte-plume humanitaires
d’aujourd’hui soutenues par les
États-Unis, le Royaume-Uni et la France,
nourrissent une quelconque bonne volonté
ou la moindre préoccupation humanitaire
pour la sécurité et le bien-être des
Syriens, alors que les gouvernements de
ces pays nuisent à chacun d’entre eux en
ciblant leurs moyens de subsistance,
leur accès aux médicaments, la
nourriture de leurs enfants, la sécurité
et les ressources de leur pays ? Le
tout, en plus de leur soutien à
l'occupation américano-turco-israélienne
de certaines parties de mon pays et des
crimes commis directement, ou
indirectement par le biais de milices
séparatistes et d'organisations
terroristes ?
Il est
terriblement triste pour les personnes
libres en ce monde de voir ces pays
tenir, à la fois, le rôle de juge, de
jury et de bourreau au sein de ce
Conseil.
Monsieur
le Président,
Les
gouvernements de certains États membres
de ce conseil ont poussé leurs
politiques hostiles à l'égard de mon
pays au point qu’ils sont désormais
totalement inaptes à jouer un rôle
positif et constructif concernant la
situation en Syrie et dans toute la
région. La preuve en est le silence et
la pression imposés au Conseil de
sécurité par ces mêmes gouvernements qui
tentent d'en faire une plate-forme pour
l'OTAN, plutôt que pour le maintien de
la paix et de la sécurité.
Et
ce, d’autant plus qu’il semble que les
gouvernements en question aient cédé aux
caprices et aux ambitions de
l'administration américaine et soient
devenus des admirateurs des politiques
d'occupation, de turcification et de
soutien au terrorisme pratiquées par le
régime d’Erdogan sur le territoire de
mon pays.
Erdogan, dont ils
soutiennent aussi les ambitions
expansionnistes, les crimes contre la
Syrie, l'Iraq, l'Égypte, la Libye, la
Tunisie, l'Arménie, la Grèce et Chypre,
ainsi que les violations des droits de
ses opposants parmi le peuple turc ami.
Violations manifestes dès le lendemain
de la prétendue tentative de coup d'État
[en Turquie] ; laquelle, comme vous le
savez tous, a été suivie de violations
massives des droits de dizaines de
milliers de civils et de fonctionnaires
de l'État turc.
Soyons clairs
: si certains rêvent de répéter, dans
mon pays, l'expérience de l'occupation
turque d’une partie du territoire
chypriote depuis 1974, nous ne le
permettrons pas même si l'OTAN est
derrière Erdogan.
J'invite mes
collègues représentants de l'OTAN au
sein de ce Conseil à répondre
franchement et sans équivoque à nos
questions :
-
Soutenez-vous le droit international et
la Charte des Nations Unies ou bien
soutenez-vous l'occupation
américano-turco-israélienne de certaines
parties de mon pays ?
-
Respectez-vous ce
que disent les résolutions de votre
Conseil sur la souveraineté, l'unité et
l'intégrité territoriale de mon pays, ou
bien soutenez-vous les tentatives visant
la partition, la poursuite de la
déstabilisation et de l’insécurité dans
mon pays et dans la région ?
-
Croyez-vous en
l’utilité de la lutte contre le
terrorisme et de la libération des
civils du contrôle d’organisations
terroristes, ou bien l’investissement
dans le terrorisme est permis et
souhaité lorsqu’il sert vos agendas ?
-
Croyez-vous aux principes du travail
humanitaire ou bien s’en prendre aux
Syriens, les assiéger et les
intimider est légitime tant qu'il
sert vos intérêts et vos agendas ?
-
Comment
expliquez-vous votre silence quant au
refus d’Erdogan de laisser passer les
convois humanitaires de l'intérieur de
la Syrie vers les zones qu'il occupe
dans le nord-ouest de la Syrie, comme ce
fut le cas pour le convoi qui devait se
rendre le 14 avril 2020, avec
l’approbation du gouvernement syrien,
dans la région d'Al-Atarib et ses
environs ; convoi toujours pas acheminé
par l’OCHA [Bureau
de la coordination des affaires
humanitaires de l’ONU]
-
Et si vous
empêchez ce Conseil de s'acquitter de
ses principales responsabilités en
matière de maintien de la paix et de la
sécurité internationales, quelle serait
la référence internationale alternative
à laquelle nous pourrions confier les
principes et les objectifs des Nations
Unies ?
Monsieur
le Président,
Les
porte-plume humanitaires préparent, une
fois de plus, un projet de résolution
destiné à étendre les effets de la
résolution 2165 (2014) portant sur les
aides humanitaires transfrontalières
[5]. Je ne m'étendrai pas sur la
position bien connue de mon pays qui
rejette de telles résolutions totalement
éloignées des objectifs humanitaires et
des dispositions de la résolution 46/182
de l'Assemblée générale [6]. Résolutions
qui visent
à servir les agendas de gouvernements
hostiles, violent la souveraineté et
l'intégrité territoriale de la
République arabe syrienne sur la base
d'allégations politisées et de rapports
déformés de l’OCHA, et ignorent les
efforts considérables déployés par les
institutions de l'État syrien dans ce
domaine en coopération avec ses
partenaires, les pays alliés et amis.
La
résolution 2165 (2014) [reconduite par
la résolution 2449 (2018) puis par la
résolution 2504 (2020) ; NdT] est une
mesure exceptionnelle et temporaire,
adoptée par le Conseil de sécurité dans
des circonstances révolues. Sa
persistance ne peut être autorisée ni
renforcée par l'insertion de nouveaux
passages transfrontaliers pouvant servir
l'occupation et menacer l'intégrité et
l'unité des territoires syriens. Seuls
sont disponibles les points de passage
d’Al-boukamal et de Nassib et les
aéroports d’Alep et de Qamichli.
Autrement dit, l’OCHA peut acheminer son
aide humanitaire en Syrie via deux
passages transfrontaliers et deux
aéroports.
Au
lieu de perdre du temps avec les détails
inutiles et les rapports trompeurs de
l’OCHA, votre Conseil devrait s'attaquer
aux causes profondes de la crise. Cela
rétablirait la
sécurité et la stabilité et améliorerait
la situation humanitaire. Ce qui
signifie qu’il faudrait mettre fin à
l'occupation américano-turque et à ses
crimes, dont la destruction des
infrastructures syriennes, le pillage de
toutes sortes de ressources et les
incendies des cultures agricoles. Et ce
qui implique de soutenir les efforts de
l'État syrien et de ses alliés dans leur
combat contre le terrorisme, en plus de
la levée immédiate des mesures
coercitives unilatérales.
Des mesures
qui ne se limitent pas à tarir les
moyens de subsistance de millions de
Syriens mais visent, entre autres, à
diviser mon pays, comme le prouve la
fameuse « loi César » dont les
dispositions ne s’appliquent pas au
nord-est de la Syrie, afin d'encourager
les tendances séparatistes parmi les
milices inféodées aux occupants et de
créer de nouvelles réalités sur le
terrain.
Monsieur
le Président,
Ma délégation
renouvelle son appel aux pays qui se
sont engagés à respecter le droit
international et le maintien de la paix
et de la sécurité internationales, à
mettre fin à la politisation de la
question humanitaire dans mon pays, à
soutenir les efforts de l'État syrien
dans les domaines de l’humanitaire et du
développement, et aussi à rejeter les
conditions politiques et les diktats
imposés par certains gouvernements dans
le but d'entraver les efforts de
rétablissement et le retour des Syriens
déplacés.
Concernant
les « conférences de Bruxelles », mon
gouvernement réitère sa position et
souligne le fait qu’elles ne sont rien
d'autre que de la propagande visant à
servir l'agenda de certains pays
organisateurs profondément déterminés à
politiser l’action humanitaire et à
imposer leurs conditions ; réaffirme
qu'il ne reconnaît aucune initiative ou
réunion concernant la Syrie sans sa
participation et son entière
coordination ; redemande à l’ONU de ne
pas participer à de telles
manifestations afin de respecter son
rôle impartial et les principes
directeurs de l’action humanitaire tels
qu’énoncés dans résolution 46/182.
En
conclusion, Monsieur le Président,
L’invitation
de faux témoins devant ce Conseil ne
sert pas la noble cause qu’il se serait
efforcé de défendre tout au long d’une
centaine de sessions tenues jusqu’ici,
mais consiste à délibérément détourner
ses mécanismes dans l’intention de
fausser les faits et d’induire en erreur
les représentants des États membres.
Ces
invitations répétées d’« instruments »
de falsification des faits, qu’il
s’agisse de la situation humanitaire, du
dossier politique ou chimique,
témoignent du niveau de préjudices
ourdis par les ennemis de mon pays et de
l’étendue de leur frustration devant
l’échec de leur pari sur le terrorisme
et sur les « sanctions » pendant toutes
ces années de crise.
Les
invités de la Présidence de ce Conseil
pour son information sur une quelconque
question humanitaire doivent tenir un
rôle responsable et non seulement un
rôle de critique, de nuisance et
d’incitation contre le gouvernement et
le peuple de mon pays.
Quiconque
parle de situation humanitaire, de
quelque pays que ce soit, doit être
digne de confiance et bien informé des
dispositions de la Charte et des
disciplines du discours.
Merci,
Monsieur le Président.
Dr Bachar
al-Jaafari
Envoyé
spécial de la Syrie auprès des Nations
Unies
29/06/2020
Traduction
de l’anglais par Mouna Alno-Nakhal
Source :
The Syrian Mission to the United Nations
(vidéo)
https://www.youtube.com/watch?v=OBW-Pa567vs
Notes :
[1][Supporting
the future of Syria and the region -
Brussels IV Conference, 30 June 2020]
[2][Syrie
- Aide humanitaire - Participation de
Jean-Baptiste Lemoyne à la quatrième
conférence de Bruxelles sur l’aide à
apporter pour l’avenir de la Syrie et
des pays de la région (en
visioconférence, 30 juin 2020)]
[3][Angélus
du 28 juin 2020 –Pape François](de14’24’’à15’54’’)
[4][Syrie:
le Coordonnateur des secours d’urgence
appelle le Conseil de sécurité à
reconduire les opérations
transfrontalières vers le Nord-Ouest
syrien, à 11 jours de leur expiration]
[5][ONU
: Une 31ème résolution pour passer outre
la souveraineté syrienne…]
|6][OCHA
d’une seule voix : la résolution 46/182
de l’Assemblée générale]
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