Interview
Dr. Tomasz Pierscionek :
« Le capitalisme est un système
défaillant incapable
de résoudre les grands problèmes
mondiaux »
Mohsen Abdelmoumen
Dr. Tomasz
Pierscionek. DR.
Mercredi 26 décembre 2018
English version here
Mohsen Abdelmoumen : Vous avez
travaillé sur le thème de la gauche
occidentale. D’après vous, peut-on dire
que cette gauche est en crise ?
Dr. Tomasz
Pierscionek : La dernière décennie
d’austérité, qui a vu les riches
s’enrichir aux dépens de tous les autres
et a montré que le capitalisme est un
système défaillant incapable de résoudre
les grands problèmes mondiaux offre à la
gauche l’occasion de présenter des
programmes alternatifs bénéficiant à la
majorité plutôt qu’à une minorité riche
et puissante. En Europe occidentale et
aux États-Unis, touchés par des années
d’endoctrinement sur les «échecs» du
socialisme, les politiciens de gauche et
les partis ouvriers ont fait preuve de
prudence pour ne pas paraître trop
gauchistes et ont été confrontés à la
colère des riches et de leurs
auxiliaires des médias. Ce faisant, ils
ont échoué à prendre conscience du
potentiel de la gauche pour expliquer et
défendre les idées socialistes et défier
directement le capitalisme. Loin d’être
marxistes, diabolisés par les médias,
les dirigeants de la gauche occidentale
ont adopté les idées mal dégrossies de
la gauche du centre social-démocrate,
par exemple : bricolons sur les bords du
capitalisme et lissons ses parties les
plus rugueuses tout en laissant ses
principes fondamentaux inchangés.
Néanmoins, même
l’éventualité d’un dirigeant de la
gauche du centre élu à un poste
d’influence a inspiré des milliers de
personnes à rejoindre le parti
travailliste britannique pendant et
après la campagne électorale de Jeremy
Corbyn. De même, il y avait beaucoup
d’enthousiasme et d’excitation parmi les
travailleurs américains et les jeunes
qui se sont politisés à la suite de la
campagne de Bernie Sanders pour devenir
le candidat du parti démocrate américain
à la présidence. Pourtant, il a été
écarté par Clinton et ces leaders du
parti démocrate désireux de se présenter
comme des gauchistes et des
hommes/femmes du peuple, alors qu’ils ne
sont en réalité qu’un prolongement de la
classe dirigeante. Au Royaume-Uni,
Jeremy Corbyn et ses partisans sont
régulièrement attaqués par des députés
du parti travailliste qui se sentiraient
plus à l’aise au sein du parti
conservateur.
Un autre problème
auquel la gauche est actuellement
confrontée est le fléau réactionnaire –
et certainement pas progressiste – de la
politique identitaire. Un principe
fondamental du socialisme est l’idée
d’une solidarité supranationale globale
qui unisse la classe ouvrière
internationale et prenne le pas sur tout
facteur qui pourrait la diviser, comme
la nation, la race ou le sexe. Les
travailleurs de toutes les nations sont
des partenaires qui ont la même valeur
et la même responsabilité dans la lutte
contre ceux qui profitent de leur
cerveau et de leurs muscles.
Certains éléments
de la gauche occidentale ont perdu
l’orientation et sont devenus préoccupés
par la politique identitaire. Ils
passent plus de temps à attaquer leurs
propres camarades que les maux du
capitalisme et s’éloignent de l’état
d’esprit de la gauche pour une mentalité
qui favorise indirectement la
ségrégation. L’un des outils habilement
conçus pour diviser la gauche
occidentale est la politique d’identité.
Ce phénomène moderne dirigé par la
classe moyenne aide ceux qui sont
chargés de maintenir les masses divisées
et distraites. En Occident, vous êtes
libre de choisir n’importe quel sexe ou
sexualité, de transition ou par caprice,
ou peut-être créer le vôtre, mais vous
n’êtes pas autorisé à remettre en
question les fondements du capitalisme
ou du libéralisme. La politique
d’identité est le nouvel opium des
masses et empêche la résistance
organisée contre le système. L’idée que
la politique identitaire fait partie de
la pensée de la gauche traditionnelle
est défendue par la droite qui cherche à
diaboliser les mouvements de gauche, les
libéraux qui cherchent à s’infiltrer, à
contrôler et à détruire lesdits
mouvements de gauche, et les jeunes
radicaux égarés qui ne connaissent rien
à la théorie politique et qui n’ont ni
la patience ni la discipline pour
apprendre.
Vous qualifiez
George Soros de milliardaire « mâle
blanc » et l’un des principaux bailleurs
de fonds du mouvement de promotion du
fantasme identitaire. Ce personnage a
joué un rôle primordial dans les
printemps arabes qui ont semé le chaos
au Moyen Orient. George Soros est-il un
idéologue ou juste un exécutant d’une
feuille de route décidée par la classe
dominante ?
Je crois que Soros
et des groupes tels que le National
Endowment for Democracy, créé au cours
des années 1980 pour promouvoir la
«démocratie» dans les pays en
développement et qui reçoit environ 100
millions de dollars par an du
gouvernement des États-Unis, s’emploie à
déstabiliser les nations et à éliminer
les dirigeants qui ne se soumettront pas
à la volonté des États-Unis et de
l’OTAN. Cela peut être fait de
différentes manières, par exemple en
soutenant l’opposition ou même des
factions antigouvernementales radicales,
en les incitant à manifester et en
créant des problèmes pour un dirigeant
ou un gouvernement qui s’éloigne de la
ligne américaine. Un financement est
accordé aux militants des «Droits de
l’homme» ou de la «Démocratie» de
l’opposition, et à diverses ONG
anti-gouvernementales ou à d’autres
membres de la 5e colonne qui peuvent
être utilisés pour faire une révolution
de couleur au moment opportun.
Soros est un
milliardaire et il soutiendra
naturellement tout système qui lui offre
la possibilité de conserver et
d’accroître sa richesse. Il est un allié
naturel de ces dirigeants qui cherchent
à renverser toute nation faisant
obstacle à l’hégémonie occidentale –
américaine – et à sa soif de richesse.
Ne pensez-vous
pas que le printemps arabe a servi non
pas les intérêts des peuples musulmans
mais ceux d’Israël ?
Je crois que le
Printemps arabe était un véritable
mouvement populaire qui a pris le monde
arabe et l’Occident par surprise. Les
gens en avaient assez des leaders
autocratiques, dont beaucoup étaient des
alliés de l’Occident. Une étincelle – à
savoir le vendeur de rue tunisien Tarek
al-Tayeb Mohamed Bouazizi s’immolant par
le feu en signe de protestation contre
le harcèlement de la police – était tout
ce qui était nécessaire pour que les
griefs accumulés depuis longtemps se
manifestent sous forme de protestation
de masse. Cependant, comme cela s’est
passé en Ukraine quelques années plus
tard, l’Occident et ses alliés dans les
pays arabes ont rapidement tenté
d’influencer et de contrôler la
direction de ces mouvements et de les
utiliser comme un outil au service des
intérêts américains. Certains des
dirigeants des manifestations du
Printemps arabe auraient par le passé
reçu un financement de diverses ONG
basées aux États-Unis ainsi qu’une
formation sur la manière d’organiser et
d’utiliser les médias sociaux.
À l’exception de la
Tunisie, peut-être, aucun des dirigeants
évincés lors du printemps arabe n’a été
remplacé par de véritables démocrates.
En Égypte, par exemple, la dictature
militaire a simplement changé de nom et
de visage – Moubarak a été remplacé peu
de temps après par le Maréchal al-Sisi,
qui a pris le pouvoir par un coup
d’État.
La philosophie du
printemps arabe a également servi de
prétexte pour éliminer Kadhafi et
plonger le pays dans le chaos. Kadhafi a
été renversé et l’un des pays les plus
riches et les plus stables d’Afrique est
devenu un État défaillant et sans loi
contrôlé par un amalgame de groupes
rebelles, certains affiliés ou
sympathisants d’Al-Qaeda. Kadhafi avait
prévu de commencer la vente du pétrole
en dinars – une nouvelle monnaie
panafricaine soutenue par de l’or – au
lieu de dollars américains ou d’euros,
et avait encouragé ses voisins africains
à faire de même.
Vous avez évoqué
le complexe militaro-humanitaire dans un
article. Que pouvez-vous nous dire à
propos de ce concept ?
L’ancien président
américain Dwight Eisenhower avait mis en
garde les citoyens américains en 1961 de
ce qu’il appelait le complexe
militaro-industriel, à savoir : «… la
conjonction d’un immense establishment
militaire et d’une vaste industrie de
l’armement».
Dans mon article
« Le complexe
militaro-industriel-humanitaire :
répandre l’hégémonie occidentale sous le
couvert de la vertu »
https://www.rt.com/op-ed/440336-western-military-humanitarian-democracy/,
j’ai décrit l’élargissement de cette
alliance aux ONG et aux soi-disant
militants des droits de l’homme,
journalistes et commentateurs, bien
intentionnés, qui justifient que le bras
militaro-industriel montre sa force et
envahisse d’autres États souverains, qui
ne représentent aucune menace pour les
États-Unis ni leurs alliés de l’OTAN, en
faisant appel à la «démocratie» et en
décriant les violations des droits de
l’homme – réelles ou imaginaires – pour
choquer et intimider l’opinion publique
en vue de lui faire accepter une
intervention/invasion humanitaire.
J’ai écrit que
«Traditionnellement, les mots honorables
tels que «humanitaire» et «démocratie»
ont acquis un sens plus sombre et plus
cynique à la suite de leur appropriation
illicite pour justifier l’invasion de
nations souveraines et promouvoir la
propagation de la domination militaire
et culturelle occidentale à travers le
monde. Les principaux médias, aux
côtés de certains militants des droits
de l’homme, soutiennent ces aventures en
contribuant à disséminer des mensonges
et en exploitant les émotions de peur,
de colère et de dégoût pour ramollir
l’opinion publique et faire en sorte que
l’agression contre un État souverain
paraisse justifiée.»
Les militants qui
soutiennent l’agenda du complexe
militaro-industriel-humanitaire
reçoivent beaucoup d’applaudissements et
de temps d’antenne de la part des médias
occidentaux et de leurs alliés
politiques et sont parfois fabriqués de
manière à correspondre au récit requis.
Une fillette syrienne d’Alep, Bana
al-Abed, âgée de sept ans, était
honorée dans les médias occidentaux.
Pourtant elle ne parlait apparemment
presque pas l’anglais et était en mesure
d’accéder à Internet dans une ville où
l’électricité était limitée. Elle a été
invitée aux Oscars et a reçu un Prix de
la Liberté du groupe de réflexion du
Conseil de l’Atlantique pro-OTAN en
raison de ses nombreuses publications
sur Twitter en bon anglais, appelant au
changement de régime – ou même à la
troisième guerre mondiale, par exemple :
«Cher monde, il vaut mieux commencer
la 3e guerre mondiale au lieu de laisser
la Russie et Assad commettre l’#HolocaustAleppo.»
Il me semble beaucoup plus probable que
les parents anti-Assad de la fillette
aient joué un rôle dans ses
publications.
Quoi qu’il en soit,
j’attends de voir si un enfant de sept
ans du Yémen, du Donbass ou de Gaza
recevra le même niveau d’attention.
Pouvez-vous imaginer des politiciens,
des médias et des célébrités en Occident
réagissant favorablement à un enfant de
sept ans en Cisjordanie ou à Gaza
appelant à une intervention humanitaire
et à un changement de régime en Israël?
Ne pensez-vous
pas que sous le prétexte fallacieux de
répandre la « démocratie » et les
« droits de l’homme », les gouvernements
occidentaux ont répandu le chaos à
travers toute la planète allant de
l’Amérique Latine au monde
arabo-musulman ? L’ancien ministre
français des Affaires étrangères Bernard
Kouchner a théorisé le concept
d’ingérence humanitaire. D’après vous,
ces interventions dans différents pays
ne relèvent-elle pas du
néocolonialisme ?
Bien sûr. Au cours
des siècles passés, les excuses
utilisées pour justifier le colonialisme
incluaient la nécessité de «civiliser
les indigènes» pour les sauver
d’eux-mêmes, via le canon du fusil. En
réalité, le capitalisme, alors à ses
balbutiements, devait soumettre ces
peuples pour pouvoir accéder à leurs
ressources et ouvrir de nouveaux marchés
aux produits européens.
De nos jours, les
notions de démocratie, de droits de
l’homme et la nécessité de sauver le
peuple d’un pays étranger d’un prétendu
tyran – on ne demande jamais à ces
personnes si elles veulent être sauvées
– sont utilisées pour justifier les
sanctions, les zones d’exclusion
aérienne, les bombardements et même
l’invasion dans le but réel d’obtenir un
accès aux ressources, disposer d’une
base militaire dans une région
géopolitiquement stratégique, simplement
parce qu’un dirigeant étranger refuse de
se soumettre à la domination
occidentale.
Il y a un certain
nombre de pays aux records épouvantables
en matière de droits de l’homme qui
commettent de nombreux abus contre leur
propre peuple ou des populations
occupées, par exemple Israël et l’Arabie
saoudite, et qui sont des alliés de
l’OTAN. Non seulement ils évitent les
critiques pour leur manque de démocratie
et de droits de l’homme, mais ils
reçoivent même de l’argent et des armes
des États-Unis et de leurs alliés.
À votre avis,
les médias mainstream n’ont-ils pas
perdu toute crédibilité en étant l’outil
par excellence du grand capital et de
l’impérialisme ? Certaines ONG, des
militants des « droits de l’homme » et
certains médias ne sont-ils pas les
soldats de l’impérialisme et du grand
capital ? Le débat sur les Fake news
n’est-il pas biaisé sachant que les
médias mainstream qui sont devenus des
outils de propagande désinforment le
public chaque jour ? Par exemple, votre
site
London Progressive Journal est
inaccessible ce dimanche 25/11. Les
médias alternatifs qui informent les
citoyens avec de l’information crédible
et de qualité ne sont-ils pas la cible
de l’establishment ?
Des membres des
médias mainstream, des journalistes et
des commentateurs politiques ont joué un
rôle de soutien dans les invasions en
Irak et en Libye et ont plaidé pour un
changement de régime en Syrie en jouant
sur les émotions du public et en
diffusant de fausses informations. Ils
sont devenus des pourvoyeurs de
propagande et des collaborateurs
impérialistes.
Un exemple de
Fake News, avant que le terme ne
devienne populaire, impliquait un
article écrit par l’ancienne députée
travailliste britannique Ann Clwyd dans
le Times deux jours à peine avant
que la Coalition des Willing dirigée par
les États-Unis ne commence à détruire
l’Irak en 2003. Elle a affirmé que
Saddam possédait une «machine à
déchiqueter les hommes» dans laquelle
les opposants étaient introduits les
pieds devant et transformés en
nourriture pour poissons. L’article,
intitulé «Regardez les hommes
déchiquetés, puis dites que vous
n’approuvez pas la guerre», a eu le
double effet de provoquer le dégoût du
lecteur et de faire paraître le lobby
anti-guerre insensible et indifférent au
sort du peuple irakien. L’existence d’un
déchiqueteur humain a ensuite été
contestée et une telle machine n’a pas
encore été trouvée.
Le développement
d’Internet, notamment des sites Web
d’informations alternatifs et de Youtube,
a permis à certains faits d’apparaître à
la lumière. Dans le passé, vous aviez
besoin de beaucoup d’argent pour mettre
en place, exploiter et distribuer un
journal imprimé avec un lectorat
important. Clairement, la plupart des
gens ne pouvaient pas le faire. De nos
jours, créer un blog, un site Web ou une
chaîne Youtube consultée par des
millions de personnes coûte très peu, ce
qui remet en question les récits
diffusés par les médias grand public.
D’où la volonté de dénoncer un certain
nombre de sites de médias alternatifs et
de chaînes Youtube, de droite comme de
gauche, comme étant des fake news
ou de la propagande russe. Les élites
occidentales perdent tout contrôle sur
ce que le public voit, entend et pense
et ne sont pas des fans de cette
nouvelle glasnost (ndlr :
transparence). Ils craignent et
diabolisent ce qu’ils ne peuvent pas
contrôler.
Le London
Progressive Journal n’était
inaccessible que parce que la bande
passante avait été dépassée ce mois-ci –
c’est-à-dire : trop de visites et de
vues.
Pourquoi tous
ces bien-pensants des ONG et des médias,
ferment-ils les yeux sur le massacre du
peuple palestinien par l’entité sioniste
d’Israël ?
Il y a peu de
capital politique à gagner et beaucoup à
perdre pour tout politicien ou
personnage public qui ose critiquer
Israël. En raison de son emplacement
géographique stratégique, de son
alliance avec les États-Unis et du
pouvoir du lobby pro-israélien et de ses
auxiliaires chrétiens-sionistes, la
moindre critique d’Israël se heurte à
une agression et à la revendication
rebattue d’antisémitisme. Même les
militants juifs sont diabolisés pour
avoir dénoncé le traitement réservé aux
Palestiniens par Israël.
Regardez combien
d’histoires ont été publiées dans les
médias mainstream pour tenter de
«prouver» que Jeremy Corbyn est contre
les Juifs et que le Parti travailliste a
un problème d’antisémitisme.
Bien sûr, ces
histoires sont ridicules, grattent le
fond du tiroir journalistique et sont
bientôt réfutées, mais le but de cette
fausse nouvelle est de : a) laisser
courir certaines des insultes afin de
diaboliser l’individu aux yeux du public
et b) adresser un message fort à ceux
voudraient critiquer la politique
d’Israël les informant qu’ils feront
face à un barrage agressif d’attaques et
de harcèlement venant d’un groupe
restreint de personnes bien connectées.
Cependant, la peur ne fonctionne que
dans une certaine mesure et pour un
temps limité. Si les gens ont peur de
dire quelque chose ouvertement, ils
finiront par penser la même chose en
silence et de manière plus intense.
Ce qui est triste,
c’est que celui qui crie à
l’antisémitisme ne sera pas cru si le
loup antisémite se présente réellement
un jour. Dénoncer sans cesse les
critiques de l’occupation de la
Palestine par Israël comme étant
antisémite banalise une idéologie
odieuse et inexcusable, qui a entraîné
la mort de millions de personnes dans
les années 1930-1940, les gens ne
prenant plus au sérieux la revendication
d’antisémitisme, qu’elle soit sincère ou
de motivation politique.
Dans le même temps,
nous voyons en Ukraine des milices
d’extrême droite et néo-nazies, dont
certaines adoptent les symboles et
l’idéologie des années 1930-1940,
opérant avec une relative impunité,
perpétuant de nombreuses violations des
droits de l’homme, tant contre les
populations du Donbass que de l’ouest de
Ukraine. Pourtant, ni l’Occident ni
Israël ne semblent être trop intéressés,
même si le journal israélien Haaretz a
récemment rapporté que les armes
envoyées par Israël en Ukraine
finissaient entre les mains de milices
d’extrême droite, telles que le
bataillon Azov (https://www.haaretz.com/opinion/rights-groups-demand-israel-stop-arming-neo-nazis-in-the-ukraine-1.6248727).
Pourquoi ces ONG
des « droits de l’homme » et les médias
aux mains du grand capital ferment-ils
les yeux sur le massacre commis par
l’Arabie saoudite, alliée des
Occidentaux, à l’encontre du peuple du
Yémen ?
L’Arabie saoudite
serait le favori si le prix du pire
bilan mondial en matière de droits de
l’homme était attribué. En Occident,
certains groupes de défense des droits
de l’homme dénoncent les massacres
commis par l’Arabie saoudite au Yémen et
son bilan effroyable en matière de
droits de l’homme – c’est tellement
évident qu’on ne peut vraiment pas
l’ignorer. Pourtant, cela ne fait aucune
différence, car les dirigeants
britanniques et américains ont décidé
que l’Arabie saoudite était un allié
important et que tout pouvait donc être
pardonné. Ils vendent des milliards de
dollars d’armes à ce pays en échange de
pétrole. L’Arabie saoudite a utilisé des
bombes britanniques au Yémen, faisant de
nombreux morts parmi les civils.
Il y a quelques
années, un diplomate saoudien a été
nommé à la tête d’un groupe d’experts du
Conseil des droits de l’homme des
Nations unies. En 2016, le pays a été
réélu pour siéger au Conseil des droits
de l’homme des Nations unies. L’année
suivante, l’Arabie saoudite a été nommée
à la Commission des droits de la femme
des Nations Unies, qui, selon l’ONU, est
responsable pour «promouvoir les
droits des femmes, documenter la réalité
de la vie des femmes dans le monde et
élaborer des normes mondiales en matière
d’égalité des sexes et d’émancipation
des femmes» (https://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/saudi-arabia-un-womens-right-commission-un-watch-middle-east-muslim-driving-clothes-a7698536.html).
En raison de
puissants intérêts commerciaux
occidentaux et saoudiens, quoi que fasse
l’Arabie saoudite, il n’y aura pas de
demande de changement de régime, de
sanctions ou de zone d’exclusion
aérienne.
Crisis Group
relayé par le journal Financial Times
et Le Monde évoque une
situation catastrophique dans
laquelle se trouvera l’Algérie en 2019.
D’après vous, quand ces médias et think
tanks impérialistes ciblent un pays, n’y
a-t-il pas un danger immédiat pour ce
pays, en l’occurrence l’Algérie ? Ne
pensez-vous pas que pour qu’un pays se
protège mieux des interventions
impérialistes, il doit consolider un
front interne ?
Je ne sais pas
grand chose de ce qui se passe en
Algérie en ce moment, mais je dirais
qu’il faut surveiller cet endroit. Si
les médias et les groupes de réflexion
visent l’Algérie, il ne s’agit
clairement pas d’une préoccupation
sincère pour ses citoyens. Ils sont
probablement en train de ramollir le
public, quel que soit le programme qui
doit être joué l’année prochaine.
Un front intérieur
uni est essentiel, aussi longtemps qu’il
tient. L’intervention impérialiste et
les révolutions de couleur ne sont que
la dernière étape d’un long processus
qui commence par acheter le silence des
membres de l’opposition, par former des
militants à organiser des manifestations
et des affrontements avec les forces
gouvernementales, à financer une
cinquième colonne d’ONG soutenues par
l’Occident et même à faire fermenter la
violence et la guerre civile. Une fois
que les dirigeants d’un pays sont
confrontés à des problèmes internes
générés à l’étranger et que des pans de
l’opposition reçoivent leurs ordres des
États-Unis ou de l’un de leurs alliés,
Il est très difficile d’agir de manière
résolue pour empêcher une révolution de
couleur ou toute autre forme de
déstabilisation.
Vous avez parlé
de la technologie du
Deepfake dans un article très
intéressant et vous avez posé des
questions essentielles. D’après vous,
qui est derrière cette technologie ?
Le capitalisme qui
essaiera de trouver un moyen de
commercialiser et de faire de l’argent
avec tout produit ou nouvelle
technologie.
Lorsque j’ai écrit
cet article, j’ai averti que cette
technologie permettait à une personne de
vivre de grandes parties de sa vie
réelle dans une bulle de réalité
virtuelle aux côtés d’un mannequin
virtuel, sans aucune limite pour les
actions qu’ils pouvaient accomplir,
alors qu’ils restent totalement
inconscients de ce qui se passe devant
leur porte. Il a été démontré que
l’utilisation excessive des médias
sociaux affectait négativement la santé
mentale et la communication
interpersonnelle. La pornographie sur
mesure en réalité virtuelle isolera
davantage les gens les uns des autres et
réduira leur capacité à communiquer et à
former des relations sociales et
sexuelles saines dans le monde réel.
Cela est particulièrement préoccupant,
car le taux de natalité dans les pays
développés est déjà bas et continue de
diminuer.
Que cache le
programme Insect Allies par la
DARPA, agence relevant du Pentagone?
L’humanité est-elle à l’abri d’une
guerre biologique fomentée par
l’impérialisme US pour assurer sa survie
?
De nombreuses
technologies ont un potentiel de double
usage et peuvent être appliquées à des
projets civils ou de défense. Les
connaissances acquises dans le cadre de
projets civils peuvent être modifiées
pour avoir des applications militaires,
même si l’âge de la guerre biogénétique
est encore à quelques années. Bien que
le gouvernement des États-Unis
n’approuve pas officiellement la
création d’une arme biogénétique, il est
peu probable qu’il exerce un contrôle
complet sur l’ensemble de son vaste
appareil de renseignement militaire et
de son État profond insondable. Les
connaissances nécessaires à la création
d’une telle arme pourraient également se
propager d’un État à un acteur non
étatique chargé de mener à bien le sale
boulot.
Bien que l’empire
américain soit en déclin constant, il
reste fort et continuera de jouer un
rôle majeur sur la scène mondiale
pendant plusieurs années. Cependant, des
nations telles que la Russie et la Chine
sont en ascension et ont déjà veillé à
ce que le XXIe siècle soit défini par un
monde multipolaire plutôt que par le
Projet du nouveau siècle américain. Ces
dernières années, la Russie a mis en
échec un certain nombre de projets
américains, notamment la création d’une
base de l’OTAN en Crimée, la
déstabilisation des voisins de la Russie
et la transformation de la Syrie en un
État voyou dirigé par des terroristes.
Un petit nombre d’individus immensément
riches et puissants, ainsi que des
alliés, Israël et l’Arabie saoudite,
dont le destin est étroitement lié à
celui des États-Unis, ont tout à perdre
et mettront tout en œuvre pour retarder
le déclin de l’hégémonie américaine et
son envoi inéluctable dans la poubelle
de l’histoire. Les États-Unis et leurs
alliés les plus proches ont souvent
démontré qu’ils n’avaient aucune
inquiétude et peu de limites lorsqu’il
s’agissait de commettre les pires
violations des droits de l’homme dans
l’intérêt de l’argent et du pouvoir.
L’envie d’utiliser une arme biogénétique
pour neutraliser un concurrent en
devenir pourrait un jour s’avérer être
une trop grande tentation pour être
ignorée.
Vous êtes un
scientifique chevronné, ne pensez-vous
pas que la science entre les mains de
certains lobbies impérialistes devient
un outil criminel plutôt qu’un atout
pour l’humanité ?
Voyez la réponse
précédente. J’ajouterais également que
le capitalisme a pour nature de tirer le
maximum de profit de toute nouvelle
technologie ou de trouver des
applications militaires à cette
technologie. Les deux vont souvent de
pair. Les applications civiles ou
pacifiques ont tendance à ne pas être
aussi rentables.
Julian Assange
vit depuis des années dans des
conditions intolérables qui ont empiré
récemment. Comment expliquez-vous
l’acharnement contre Julian Assange ?
Sur le site Web
Wikileaks, Julian Assange a contribué à
révéler de nombreux secrets sombres que
les bellicistes et les élites
financières préféreraient voir cachés.
Cela inclut la vidéo de 2007 sur le
meurtre collatéral montrant l’équipage
d’un hélicoptère Apache américain tuant
une douzaine de civils, dont deux
Irakiens employés par Reuters, et riant
des meurtres qu’ils venaient de
commettre. Il y a aussi les «archives de
guerre afghanes», les «archives de
guerre irakiennes», les «dossiers de
Guantanamo», les «câbles du Département
d’État» et de nombreux autres câbles
diplomatiques qui illustrent le côté
sombre du «pays de la liberté»
autoproclamé. Ce n’est pas une surprise
si le Pentagone affirme que Wikileaks
constitue une menace pour la sécurité
nationale, ce qui explique le désir
fanatique des États-Unis de capturer
Assange. Les tentatives visant à le
faire extrader hors de la sécurité de
l’ambassade de l’Équateur à Londres vers
la Suède, ce qui aurait été un pas de
plus pour le faire disparaître à jamais
dans un site noir américain, ont échoué.
Mais les États-Unis n’abandonneront pas
si facilement.
Les Etats-Unis
ne cherchent-ils pas une confrontation
directe avec la Russie, la Chine, l’Iran
et la Corée ? Ne vit-on pas un autre
cycle de guerre froide avec ce qu’il se
passe en Ukraine ?
Le coup d’État
soutenu par les États-Unis en Ukraine en
2014 était une tentative infructueuse
d’élargir l’influence de l’OTAN
jusqu’aux frontières de la Russie afin
de contenir le pays et d’empêcher qu’il
ne devienne un acteur clé sur la scène
mondiale. Les États-Unis essaient de
faire de même avec la Chine, mais il
n’est pas possible non plus d’empêcher
l’émergence d’un monde multipolaire.
Les États-Unis ne
peuvent rechercher une confrontation
directe avec une puissance majeure, car
l’une de ces puissances – et plus encore
une alliance – pourrait tenir tête avec
la guerre contre les États-Unis et cela
pourrait dégénérer en guerre mondiale et
en destruction de tout. Ainsi, les
États-Unis préfèrent se battre par
procuration via leurs agents d’influence
en Ukraine, en Syrie, et ailleurs. Le
21e siècle était censé être le «siècle
américain», en grande partie parce que
les États-Unis étaient le seul grand
pays à émerger de la Deuxième Guerre
mondiale relativement indemne et
possédaient donc un avantage
considérable sur tous les autres pays
quand il a fallu élargir leur influence
au cours de la seconde moitié du 20e
siècle. Cependant, nous ne sommes pas
encore à la deuxième décennie du 21ème
siècle et il est déjà clair que ce sera
le «siècle multipolaire».
J’étais à Moscou il
y a quelques mois et alors que je
marchais dans le parc Gorky, je me suis
rappelé les paroles de la chanson
Wind of Change des Scorpions qui
faisait référence au parc. La chanson
est sortie en 1991 alors que l’URSS
était en train de s’effondrer. Les
paroles fournissent un message d’espoir
selon lequel, comme la guerre froide est
en train de s’achever, il y aura de
l’amitié et de l’unité entre les peuples
de l’Est et de l’Ouest.
Le vent du
changement souffle à nouveau, mais cette
fois dans une direction défavorable aux
États-Unis et à leurs alliés. À présent,
c’est l’empire américain et l’UE qui
sont confrontés à un déclin dans les
années à venir. Peut-être que ce siècle,
après l’émergence d’un monde
multipolaire, verra une amitié solide et
durable s’établir enfin entre tous les
peuples du monde.
Pourquoi,
d’après vous, ni Daech ni Al Qaïda n’ont
jamais tiré une seule balle contre
Israël ? Les gouvernements occidentaux
qui ont soutenu les terroristes en
Syrie, en Libye, etc. comme ils l’ont
fait avec les moudjahidines en
Afghanistan contre l’URSS, ne sont-ils
pas en train de récolter, avec les
attentats sur leur sol, ce qu’ils ont
semé ?
Israël n’est pas
une menace directe pour l’État islamique
ou Al Qaïda. Ils cherchent tous à
renverser Assad et à faire régner
l’instabilité et la désunion au
Moyen-Orient. Il est intéressant de
noter que pendant le conflit syrien,
Israël a fourni un traitement médical
aux combattants d’Al-Nosra – des Syriens
d’Al-Qaïda – et à d’autres rebelles
«modérés». Peut-être qu’un jour les
dirigeants israéliens étendront-ils leur
humanisme récemment découvert aux femmes
et aux enfants de Gaza.
Bien sûr, le
soutien occidental aux extrémistes
libyens, syriens et ukrainiens se
retournera contre eux, comme ce fut le
cas pour leur soutien aux moudjahidines
dans les années 1980. L’Armée arabe
syrienne continue de libérer de plus en
plus de territoires, soit en battant
l’État islamique et d’autres groupes
terroristes, soit en négociant pour que
les militants quittent une région donnée
et obtiennent en échange un passage sûr
vers d’autres régions de la Syrie –
typiquement la province d’Idlib à la
frontière turque. En fin de compte, ces
militants n’auront nulle part où aller
et iront probablement en Turquie et, si
Erdogan ne les utilise pas, ils seront
poussés vers l’Europe. Certains des
«rebelles modérés» soutenus par le
Royaume-Uni et la France pourraient
ainsi se rendre en Europe.
Comment
expliquez-vous la déclaration
stupéfiante du chef d’état-major
britannique le Général Mark
Carleton-Smith qui affirme dans The
Telegraph du 23 novembre que « la Russie
représente une menace pour la Grande
Bretagne et ses alliés bien plus
dangereuse que l’État Islamique et
Al-Qaïda » ? À votre avis, l’affaire
Skripal n’est-elle pas une machination
fomentée par le gouvernement britannique
pour viser la Russie ?
Il y a tellement de
questions sans réponse sur toute
l’affaire Skripal qu’il est difficile de
savoir par où commencer. L’ancien
diplomate britannique Craig Murray a
écrit de bons articles sur ce sujet,
révélant des failles dans la narration
officielle du Royaume-Uni. C’est encore
une autre tentative – bien loin d’être
réussie – de diaboliser la Russie, mais
la boue ne colle pas vraiment.
En ce qui concerne
les commentaires du général Mark
Carleton-Smith selon lesquels «la Russie
représente «indiscutablement» désormais
pour la sécurité de la Grande-Bretagne
et de ses alliés une menace plus grande
que des groupes comme Al-Qaïda et ISIS,
je peux comprendre les remarques du
général dans le contexte selon lequel
ISIS et des groupes similaires ne
constituent pas une menace directe pour
les intérêts mondiaux du Royaume-Uni, et
même au-delà de ces intérêts en
cherchant à éliminer Assad. Cependant,
du fait de l’intervention de la Russie,
la Syrie ne suivra plus le chemin de
l’Irak ou de la Libye et elle est sur la
voie de redevenir une nation unie et
stable dotée d’une identité laïque et
diverse. C’est une intervention qui a
empêché la destruction d’une nation et
sauvé des millions de personnes du
cauchemar inimaginable de la vie sous
ISIS. C’est le contraire de l’approche
occidentale, selon laquelle une nation
unifiée est plongée dans l’anarchie et
les terroristes ne se manifestent
qu’après l’intervention «humanitaire».
Il faut reconnaître
que seules la Russie et l’Iran sont
intervenus dans le conflit syrien à la
demande du gouvernement légitime de la
nation. Toutes les autres nations
impliquées dans le conflit syrien
contreviennent au droit international et
justifient leur expulsion du territoire
syrien.
Les soldats russes
et iraniens ont donné leur vie pour
empêcher la Syrie de s’effondrer dans
l’anarchie islamiste et la réussite de
l’intervention de la Russie en Syrie
efface un peu les souvenirs douloureux
de la nation lors de son intervention –
en tant qu’URSS – en Afghanistan dans
les années 1980, quand elle avait échoué
à empêcher les extrémistes islamistes
soutenus par les États-Unis de prendre
le contrôle de la nation.
Que pensez-vous
du mouvement des Gilets Jaunes en France
?
Les manifestations
des Gilets Jaunes ont commencé à Paris
après que le gouvernement Macron a
annoncé son intention d’augmenter la
taxe sur les carburants, un plan
abandonné depuis. À une époque où
l’austérité paralyse de grandes parties
de l’Europe, l’augmentation du coût du
carburant aurait eu un impact négatif
important sur les navetteurs, en
particulier ceux résidant en dehors des
zones urbaines.
Les manifestations
ont rapidement dépassé le prix du
carburant, alors que les Gilets Jaunes
continuaient de descendre dans les rues
de Paris et d’autres villes françaises
pour protester contre la hausse du coût
de la vie et les défaillances du
gouvernement Macron en général. Ils ont
également réclamé, entre autres,
l’augmentation du salaire minimum,
l’imposition progressive, la sécurité de
l’emploi, la promotion des petites
entreprises, la réforme des retraites,
le plafond des loyers et la réduction
des salaires des politiciens. Des appels
à la démission de Macron ont suivi. Un
grand nombre d’étudiants et de
travailleurs se sont joints aux
manifestations des Gilets Jaunes alors
qu’ils évoluaient d’une vague de colère
générale face à la hausse proposée de la
taxe sur les carburants à une critique
du gouvernement Macron, de l’austérité
et des échecs du capitalisme en général.
Bien sûr, les
protestations ont été marquées par des
arrestations massives – plusieurs
milliers de personnes au cours des
dernières semaines – et par la violence
policière, ce qui n’est pas rare lorsque
les élites des sociétés démocratiques et
libérales autoproclamées se trouvent
sous la pression même légère des masses.
Les politiciens et les médias
occidentaux ne ménagent aucun effort
pour montrer à quel point leurs sociétés
sont démocratiques, libérales et
respectueuses des droits civils, et
agissent avec dédain envers les
gouvernements – non alliés – qui
traitent sévèrement les manifestants.
Imaginez à quel point les médias d’ici
décriraient différemment les événements
si ces manifestations avaient lieu en
Russie, en Chine ou en Iran. Dans
l’ensemble, les médias ont ignoré la
violence policière et se sont concentrés
sur la violence d’un petit nombre de
manifestants, délivrant le message selon
lequel les manifestations ont été
détournées par l’extrême gauche et
l’extrême droite alors qu’en réalité,
les problèmes soulevés par les Gilets
Jaunes touchent les citoyens français de
la classe ouvrière et de la classe
moyenne dans tous les domaines, quelle
que soit leur position politique, les
participants venant d’horizons très
divers et ayant des points de vue
diversifiés.
Alors qu’à certains
égards les manifestations commençaient à
ressembler à la situation de 1968 en
France, l’événement le plus proche d’une
révolution que la France ait connue dans
les temps modernes, le gouvernement
Macron a été contraint de faire quelques
concessions, telles que le retrait des
projets de taxe sur l’essence, une
augmentation du salaire minimum de 100
euros et une demande aux entreprises
rentables de verser à leurs travailleurs
une prime de fin d’année.
Lorsque les riches
et leurs représentants politiques font
face à la pression de la base, ils sont
prêts à faire des compromis, bien que ce
soit avec de petites concessions, au
lieu de risquer de voir les
manifestations grandir et perdre ainsi
beaucoup plus. Nous voyons le succès de
l’action directe. Nul doute qu’ils
chercheront à l’avenir une occasion de
récupérer le peu de terrain cédé à
contrecœur. En signe de désespoir, nous
avons vu sortir le scénario «si tout le
reste échoue, blâmons les Russes» alors
que des récits émergeaient selon
lesquels des comptes de médias sociaux
prétendument favorables au Kremlin
faisaient la promotion des
manifestations des Gilets Jaunes. Cette
propagande ne fait que rendre Macron et
ses alliés plus faibles et plus
ridicules.
Comparez cela à
l’Ukraine, où l’Occident a réellement
participé aux manifestations de Maïdan
en 2013-2014, qui se sont ensuite
transformées en coup d’État contre un
président élu. Les politiciens
américains étaient à Kiev en 2014 pour
parler aux manifestants et distribuer
des biscuits. Les médias occidentaux ont
adopté une position généralement
favorable aux manifestations en Ukraine,
beaucoup plus violentes et impliquant la
police, attaquée et tuée par des groupes
armés paramilitaires d’extrême droite.
Bien que cela ne se
produise bien entendu jamais, ne
serait-il pas amusant de voir des
responsables politiques russes se
présenter à Paris pour encourager les
manifestants dans leur objectif de
renverser Macron, tandis que les médias
russes, chinois et iraniens rendaient
compte en permanence de la réaction
brutale et autoritaire de la police
française face aux manifestations
pacifiques et dénonceraient le manque de
démocratie, de droits de l’homme et de
stabilité du pays ?
Interview
réalisée par Mohsen Abdelmoumen
Qui est le Dr.
Tomasz Pierscionek ?
Le Dr. Tomasz
Pierscionek est médecin et commentateur
social sur la médecine, la science, la
technologie et la politique. Auparavant,
il était membre du conseil
d’administration de Medact, une
organisation caritative de
professionnels de la santé qui milite
contre les inégalités en matière de
santé aux niveaux national et mondial.
Dans le cadre des travaux de Tom au sein
de Medact, il a co-rédigé un rapport
fructueux sur les effets des drones
armés sur la santé publique. Le rapport,
Drones: the physical and
psychological implications of a global
theatre of war (Drones: les
implications physiques et psychologiques
d’un théâtre mondial de la guerre), a
fait l’objet d’une couverture médiatique
dans divers journaux et revues
spécialisées, dont le BMJ, le
Lancet et le Guardian.
Tom a obtenu une
maîtrise en biosciences médicales et
moléculaires et un diplôme en médecine
de la Newcastle Medical School. Après
avoir obtenu son diplôme, il a terminé
sa formation de médecin junior avant de
passer une année à voyager et à
travailler comme médecin suppléant.
Aujourd’hui il est
rédacteur en chef du
London Progressive Journal et
est apparu en tant qu’invité à
l’émission Sputnik de RT
et à Kalima Horra d’Al-Mayadeen.
Ses articles ont été publiés dans
diverses publications, dont RT Op-ed,
Morning Star, Global Research,
Fort Russ et Socialist Appeal.
Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour
publication
Le sommaire de Mohsen Abdelmoumen
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|