Analyse
Algérie : Le peuple manifeste,
le système Bouteflika subsiste
Mohsen Abdelmoumen

Mardi 23 avril 2019
L’Algérie continue
à traverser l’une des crises les plus
profondes de son histoire. Tout un
peuple, soit des millions d’Algériens,
est dans la rue alors qu’il n’y a aucune
réponse politique offerte par le pouvoir
en place incarné aujourd’hui par un
président coopté, Abdelkader Bensalah,
l’un des hommes les plus haïs d’Algérie,
qui est une figure centrale dans le
système Bouteflika qui continue à
diriger l’Algérie. Ce dirigeant du RND
a toujours été au service de Bouteflika
et a soutenu le 5e mandat.
Tous les outils du règne de Bouteflika
sont là, et le RND et le FLN dirigent
encore l’Assemblée. Le peuple algérien
veut faire table rase du passé et
chasser ce système pourri qui a ruiné le
pays et face à cette situation critique,
Ahmed Gaïd Salah s’est mis en difficulté
en impliquant l’armée dans une équation
très compliquée, s’accrochant à
l’application de l’article 102 de la
Constitution, c’est-à-dire un processus
complètement biaisé quand on sait que
c’est le gouvernement Bedoui issu du
système Bouteflika qui va organiser des
élections avec Bensalah à la tête de
l’État, prouvant ainsi que le système
est toujours intact. De fait, même si
Bouteflika n’est plus là, son système
est présent partout et le peuple n’en
veut plus. Nous sommes dans le 5e
mandat sans la présence de Bouteflika,
et son entourage qui est toujours là se
livre à une guerre des clans féroce, or
la guerre des clans est très mauvaise
pour l’État, car les clans ne sont pas
au service de l’Algérie mais à celui de
leurs intérêts personnels. L’État qui
est absent et les clans qui se livrent
bataille via les médias, les réseaux
sociaux, etc. sont très dangereux pour
le pays et ce qui se passe en ce moment
risque d’emporter ce qu’il reste de
l’État algérien. Le peuple n’a certes
pas demandé que les clans se battent
comme des gladiateurs dans des arènes,
il a demandé une meilleure gouvernance,
une justice indépendante, un État de
droit, la justice sociale, et une
véritable démocratie. Nous n’y sommes
pas encore et il faudra du temps avant
d’y parvenir. Les résidus de l’ancien
système, eux, ne veulent qu’une chose :
ramener ce grand mouvement populaire à
une confrontation avec l’armée, au
risque de plonger le pays dans le plus
noir des chaos, se recycler et se
régénérer pour continuer à goinfrer.
Bensalah qui a organisé ce lundi 22 une
conférence bidon avec des représentants
bidon qui ne représentent qu’eux-mêmes,
vient de limoger et de nommer des walis
comme s’il était un président de plein
exercice. Que signifie ce foutage de
gueule ? Le peuple lui demande de
dégager et ce sinistre personnage exerce
le pouvoir comme s’il avait été élu.
Nous sommes devant une usurpation de
fonction caractérisée, une véritable
arnaque au su et au vu de toute la
planète. De quel droit se permet-il
d’exercer le pouvoir ? De quelle
légitimité se réclame-t-il ? Chaque jour
apporte son lot de malheurs au pauvre
peuple algérien qui ne mérite pas
d’avoir ces crapules comme dirigeants. Il n’y a pas eu de
grands changements depuis le départ
d’Abdelaziz Bouteflika, à part Ali
Haddad el mgemmel, el kharay, qui
s’est jeté de lui-même dans la gueule du
loup par bêtise, en se retrouvant à 3
heures du matin à un poste frontalier
avec des liquidités et deux passeports,
fuyant parce qu’il croyait qu’il allait
être arrêté chez lui, sachant qu’il a
tant de choses à se reprocher. Mais ce
n’est qu’un fait divers et Ali Haddad
qui nous a joué un remake de Bonnie and
Clyde sortira bientôt de prison grâce
aux interventions de ses copains du
MEDEF français. Issad Rebrab a rejoint
Ali Haddad à El Harrach qui semble
devenir un endroit très prisé de la jet
set algéroise. On va bientôt y retrouver
tout le club des Pins et Moretti qui
vont devoir se délocaliser. Tout le
monde, tous ceux qui ont tourmenté le
peuple algérien pendant des années, tous
ces gens avec armes et bagages, les
amants, les maîtresses, les serviteurs,
les eunuques, tout le monde en taule !
La saison estivale a commencé à El
Harrach et le peuple algérien attend
avec impatience la suite du feuilleton.
Nous caressons l’espoir de voir tout ce
joli monde, Saïd Bouteflika en tête,
figurer dans un Prison Break à
l’algérienne, ou dans la Cage aux folles
c’est selon les goûts. La prison est le
lieu naturel pour la pègre, ils ne
seront pas dépaysés. Pour Rebrab, on ne
s’inquiète pas, il y aura bientôt des
manifs avec banderoles « Free Issad
Rebrab » et pourquoi pas un concert
style Wembley pour Mandela, un Rebrab
Day. Cependant, le système Bouteflika ne
comporte pas que des imbéciles du style
Ali Haddad, d’autres, plus dangereux et
rusés sont toujours là, bien en place.
Ainsi pourquoi les maîtres du système
lui-même, à savoir la fratrie des
Bouteflika, sont-ils toujours à la
résidence de Zéralda ? Gaïd Salah a
traité le clan présidentiel d’el
issaba, de gang de malfaiteurs et de
forces extraconstitutionnelles, pourquoi
n’a-t-il pas arrêté Saïd Bouteflika
alors que celui-ci continue à manœuvrer
en toute impunité et même à donner des
ordres ? Par exemple, comment se fait-il
que c’est un proche de Saïd Bouteflika
qui est nommé à la sûreté intérieure ?
Et que fait encore Habba el Okbi en tant
que secrétaire général à la présidence
alors que Bouteflika n’y est plus ? Et
pourquoi avoir gardé le staff de
Bouteflika à la présidence ? Qui a nommé
la ministre de l’Industrie et des Mines
Djamila Tamazirt, alors qu’elle est
impliquée dans un scandale de corruption
et qu’elle a déjà été virée de ce
ministère à l’époque du ministre Yousfi
qui lui a intimé de choisir entre la
démission et la prison. Elle a été
chassée comme une malpropre et la voilà
revenue ministre. De qui se moque-t-on ?
De nombreuses
interrogations circulent en ces temps
incertains où règnent la rumeur, le
charlatanisme, les informations les plus
folles répercutées par des médias
irresponsables qui ne visent que le
scoop au mépris de toute déontologie.
Alors que le peuple a initié un grand
mouvement révolutionnaire pour aller
vers un vrai changement, de l’autre
côté, c’est du grand n’importe quoi. Le
spectacle est permanent et la presse
ainsi que les médias qui appartiennent à
des oligarques, tous issus du clan
Bouteflika, et ajoutons-y les agitateurs
professionnels des réseaux sociaux,
rivalisent de « scoops ». Tout le monde
joue un rôle pour un clan ou une
officine bien précis. Et tout le monde
est devenu expert de l’armée et des
services de renseignement, sur lesquels
chacun commente et fantasme. L’Algérie
est le seul pays au monde où l’on
discute chaque jour de l’armée et des
services. Or, il faudrait s’arrêter car
cela n’apporte rien de bon au pays. Ce
sont des sujets très sensibles et peu
d’entre nous sont susceptibles de faire
un commentaire judicieux à leur propos.
Où allons-nous comme cela ? De même
qu’il ne faut pas croire au Père Noël,
il ne faut pas croire non plus les
sornettes de certains faux prophètes qui
passent leur temps sur les réseaux
sociaux à enfumer le peuple en
s’improvisant porte-paroles du peuple
alors qu’ils n’en ont ni l’étoffe ni la
carrure. Ce ne sont que des héros en
carton, virtuels, qui participent au
brouillard dans lequel est plongée
l’Algérie. A défaut d’avoir des
contrepouvoirs sains, une opposition
saine, des médias sains, on a une bande
de zigotos qui se prennent pour le
nombril du monde et qui ne servent
certainement pas la cause du peuple. Ces
charlatans sont nés du désert politique
et médiatique que Bouteflika a créé. Les
responsables de cette maladie sont les
Bouteflika qui ont réalisé
méthodiquement un travail de sape
pendant des années. Je rappellerai
néanmoins cette phrase : « celui qui
sait ne parle pas et celui qui parle ne
sait pas ».
Mais n’oublions pas
d’où nous venons. Nous avons failli
avoir un 5e mandat avec une
pléthore de larbins – ceux qui
s’étripent joyeusement aujourd’hui, tels
Seddik Chihab et Ahmed Ouyahia, le
premier accusant le second d’être un
traître et un ennemi de l’Algérie
travaillant avec des forces étrangères
pour déstabiliser le pays – qui
vénéraient un cadre. Chihab était
pourtant enthousiaste à l’idée d’un 5e
mandat, tout comme son maître Ouyahia,
et il a été son bras droit pendant des
années. Ça ne le gênait pas trop à
l’époque d’être l’adjoint d’un ennemi de
l’Algérie, semble-t-il. Mais il ne faut
pas s’étonner du jeu trouble qu’il joue
aujourd’hui. Il cherche à sauver le RND
et à se positionner pour l’avenir.
Rappelons que cette raclure a lui-même
été poursuivi en justice quand il était
maire de Kouba et il a fui les tribunaux
en se cachant derrière l’immunité
parlementaire. Il n’a jamais rendu des
comptes pour ses nombreux détournements
de biens publics. Certains anciens
larbins de Bouteflika au FLN font de
même et prétendent aujourd’hui être avec
le peuple. Tous ces gens veulent se
positionner dans la période qui vient
alors qu’ils n’ont rien à faire dans la
nouvelle Algérie. Ils font partie de
l’ère Bouteflika et doivent assumer
leurs responsabilités et disparaître
dans le caniveau d’où ils proviennent.
À ceux qui donnent
des ordres et des contrordres, arrêtez
votre cirque ! Le coup de la chaise
musicale pour embrouiller le peuple ne
sert à rien. Vous avez perdu le match,
n’essayez pas de gagner avec des
prolongations. Or, c’est ce que fait le
système Bouteflika qui veut gagner du
temps pour effacer les traces de sa
forfaiture et – pourquoi pas ? –
recycler certains de ses larbins dans
l’Algérie de demain. Bien qu’on se
réjouisse de voir Ouyahia ou les
Kouninef traînés en justice, on veut
voir aussi tous les autres devant les
juges. Nous ne boudons pas notre plaisir
quand le peuple algérien poursuit dans
les rues des corrompus, qu’ils soient
ministres, anciens ministres ou
responsables de ceci ou cela, comme le
wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, nommé
par el issaba et chassé de la
casbah par le peuple. Mais nous voulons
surtout les voir derrière les barreaux.
Rappelons-nous cependant que le système
peut sacrifier ses éléments les plus
zélés pour survivre. Je conseille à tous
ceux qui ont eu une responsabilité sous
l’ère Bouteflika de se terrer chez eux
comme des rats, sinon ils auront affaire
au peuple. Qu’ils arrêtent de provoquer
le peuple comme ces ministres qui ont
été poursuivis lors de visites
protocolaires ou encore comme Aboudjerra
Soltani, ce sinistre personnage, qui a
failli être lynché à Paris et qui a pris
la fuite dans le métro. Tous doivent
payer sans exception : de la famille
Bouteflika à ses larbins, tous ceux qui
ont constitué le régime Bouteflika
doivent être jugés et disparaître de la
scène quel que soit le poste dans lequel
ils ont sévi. Ils se tiennent tous par
la barbichette. On aurait tant espéré un
Nuremberg à l’algérienne pour juger les
criminels du clan Bouteflika et ceux qui
les ont servis pendant des années. Il
faut juger la corruption. Pourquoi n’y
aura-t-il pas un vrai procès de ceux qui
ont pillé et ruiné l’Algérie sous l’ère
Bouteflika ? Parce que tout le monde
s’est servi et que chacun possède des
dossiers sur les autres, style
El-Bouchi. Ils ont tous des dossiers en
réserve qu’ils font parfois fuiter à la
presse ou à certains larbins de la
presse qui travaillent pour eux. Quand
l’un veut casser la concurrence, il fait
fuiter tel document par un larbin.
Comment se fait-il que les relais
médiatiques de Saïd Bouteflika
continuent à travailler pour lui au
moment où j’écris cet article ?
Concernant les soi-disant convocations
de Loukal, l’actuel ministre des
Finances et ancien gouverneur de la
Banque d’Algérie, et d’Ouyahia ancien
Premier ministre, il est intrigant de
constater comment les gens se sont
attroupés devant le tribunal pour les
huer. Pendant ce temps, le ministre des
Finances était en train d’installer le
DG des Douanes. Cet incident en dit long
sur les supposées poursuites en justice
qui visent el Issaba (le gang) :
le peuple veut des véritables procès
fait par une justice indépendante et non
pas des simulacres de procès et une
agitation médiatique de diversion.
Chiche, jugez-les tous et pendez-les
haut et court ! On ne veut pas d’une
justice à deux vitesses qui sert les
intérêts des clans.
Ce mouvement
populaire, cette révolution – car c’en
est une – a réussi à stopper la folie
pure du 5e mandat d’un
président grabataire, voire mort.
Néanmoins, ce mouvement citoyen est dans
le rejet et non dans la proposition, le
peuple sait ce qu’il ne veut pas, mais
s’il aspire à un système démocratique et
à un État de droit, il n’y a aucune voix
représentative pour relayer ses
demandes. Bien malheureusement, ce grand
mouvement du peuple algérien, inédit
dans l’histoire, n’est pas organisé et
face à lui, on trouve un système qui est
très bien organisé et bien rôdé dans ses
pratiques mafieuses qu’il a eu tout le
temps de peaufiner. Or, sans
organisation du mouvement citoyen, il y
a peu de chances que le système
Bouteflika soit déboulonné. Même si les
institutions sont délabrées par 20 ans
de « bouteflikisme », l’ossature du
système, c’est-à-dire la rente qui le
maintient en vie et qui arrose la
clientèle, ces clans et cercles occultes
qui se chamaillent en ce moment comme
des chiffonniers, l’ossature du système
donc est toujours bien en place. Ce
grand mouvement du peuple n’a hélas pas
reçu d’offre politique de la part des
différents acteurs de « l’opposition ».
Loin de moi l’idée de tirer sur
l’ambulance, on sait très bien dans
quelles conditions est née l’opposition
algérienne, après le 5 octobre 1988, et
elle n’a jamais fait son autocritique.
Elle est devenue une sorte de clone du
système. Et nous sommes arrivés à une
impasse. Le peuple a son agenda qui est
de manifester et le système a son agenda
aussi qui est d’organiser des élections
qui seront une véritable forfaiture. Le
peuple qui, avant, était dans
l’abstention, aujourd’hui manifeste, ce
qui est très différent, car de passif,
le peuple est devenu actif. Il
manifestait sa révolte par l’abstention
dans l’urne, et aujourd’hui il la
manifeste dans l’espace public. Il ne
veut pas de ces élections dans un tel
contexte, et d’ailleurs des maires
refusent d’organiser les élections, et
certains juges ne veulent pas les
superviser. Le peuple a opéré une grande
transformation, que nous avons connue
grâce au système Bouteflika qui n’a pas
eu l’intelligence d’opter à temps pour
un remplaçant du sultan Abdelaziz et qui
nous a, au contraire, plongés dans
Zanqat el-hbal. On peut remercier
les fameux « stratèges » de Bouteflika
comme Habba El Okbi et Cie, Saïd
Bouteflika à leur tête, parce que c’est
grâce à eux et à leur stupidité, à leur
incompétence politique, que nous
connaissons un mouvement historique qui
a marqué l’histoire et qui impressionne
toute la planète.
Mais vers où va ce
mouvement ? Voyons par exemple le
mouvement des Gilets Jaunes en France
qui en sont à l’acte XXIII, c’est-à-dire
à leur 23e samedi de marche.
Malheureusement, le mouvement se démène
en vain, le pouvoir restant de marbre
face aux revendications des Gilets
Jaunes. Il faut aussi être attentif aux
différentes manipulations et tentatives
de récupération et autres magouilles.
Les cercles occultes ne rêvent que d’une
chose : que le mouvement s‘essouffle car
cela permettrait au système de se
recycler et de perdurer. C’est ce qu’il
tente de faire en ce moment en
sacrifiant quelques fusibles. On a deux
visions différentes et deux mondes
parallèles : nous avons la rue qui
rejette tout le système et qui veut un
changement radical, qui veut choisir ses
représentants, qui veut une vraie
démocratie donnant le pouvoir au peuple,
et de l’autre coté, le système se débat
pour survivre à cette crise, c’est une
question de vie ou de mort pour lui, il
veut survivre malgré le peuple et contre
le peuple. L’agenda du clan sera
catastrophique pour le pays parce qu’il
perpétue le système Bouteflika avec les
même outils que naguère, et avec l’aval
de certaines puissances étrangères qui,
d’ailleurs, sont fortement dérangées par
le mouvement populaire, la France en
tête. Car l’impact de ce grand mouvement
citoyen sur les autres pays se fera
sentir tôt ou tard, comme ce que l’on a
vu au Soudan et même dans d’autres pays.
Il est fort à parier que d’autres
mouvements populaires s’inspireront de
celui d’Algérie. L’enjeu de ce mouvement
est très important car, s’il réussit, il
sera un exemple pour tous les peuples de
la terre. C’est la raison pour laquelle
ceux qui sont aux manettes du pays
gagnent du temps et espèrent faire
capoter le mouvement. Ils misent entre
autres sur le ramadan qui approche pour
éloigner le peuple des manifestations.
La seule solution, comme je l’ai déjà
dit dans plusieurs articles, est que le
peuple s’organise. C’est essentiel. Il
doit se méfier des fanfaronnades de
quelques guignols qui se prennent pour
des champions de la politique, alors
qu’ils ont grappillé au râtelier pendant
des années et qu’ils ne se sont jamais
opposés aux mandats successifs de
Bouteflika. On serait même tenté de
postuler pour obtenir un brevet de
révolutionnaire auprès de certains
salonards algérois qui n’ont jamais cru
dans le peuple algérien mais qui sont
devenus subitement de grands
révolutionnaires qui aiment le peuple.
Aujourd’hui que la momie a rejoint son
sarcophage, tout le monde est devenu
opposant. On voit ainsi émerger des
personnalités qui se verraient très bien
en capitaine de vaisseau. Et pourtant,
si ces gens étaient des leaders, ça se
saurait, ils auraient donné naissance à
ce mouvement populaire, or ils ne sont
que des suiveurs qui surfent sur la
vague. Il n’y a pas d’avant-garde ou
d’élite qui a impulsé le changement,
c’est le peuple et lui seul qui a crié
Barrakat ! et qui a fait
naître ce mouvement.
Tout se passe entre
le peuple et l’armée, cette dernière
étant chargée, une fois de plus, de
gérer la situation. Cela fait partie de
l’histoire de l’Algérie, chaque fois que
le pouvoir civil est incapable de gérer
les crises qu’il génère, l’armée arrive
à la rescousse pour tenter de remettre
le pays sur les rails, ce qui n’est
pourtant pas son rôle. C’est extrêmement
dangereux quand on sait que des complots
existent pour tenter de démanteler les
armées fortes de certaines nations, et
privilégier, dans le monde
arabo-musulman, la prépondérance
d’Israël et de son armée. L’armée
algérienne s’expose énormément en jouant
un rôle politique comme elle l’a déjà
fait dans le passé. Il faut faire très
attention à ne pas exposer l’armée plus
qu’il ne faut, car la situation à la
fois géopolitique et politique interne
est particulièrement périlleuse. Bien
sûr, c’est la seule institution encore
debout et historiquement, elle a
toujours été au centre du pouvoir en
Algérie – j’en ai d’ailleurs parlé avec
le Dr. Ghediri dans
l’interview que j’ai réalisée avec
lui -, mais veillons à ne pas trop tirer
sur la corde. Il est clair que nous ne
pouvons pas rester dans un processus
purement constitutionnel qui a atteint
ses limites et dont le peuple a montré
qu’il ne voulait pas. Celui-ci clame
haut et fort au cours de ses
manifestations qu’il ne veut pas de
l’article 102, ni de Bensalah, ni de
Bedoui, ni du système Bouteflika qui
organise les élections. Le peuple ne
rentrera jamais chez lui tant qu’il
n’aura pas obtenu ce qu’il veut. Il faut
sortir de la Constitution avec cet
article 102, installer une transition et
reconstruire des institutions. Ne
croyons pas que ce sera facile de
rebâtir un pays qui a été volé, pillé,
ruiné par la fratrie Bouteflika. Nous ne
sommes pas des rêveurs, on sait très
bien que le processus de changement
prendra du temps. Ce n’est pas un
système « déboulonnable » facilement,
contrairement à ce que beaucoup croient
et qui pensent que les manifestations
suffiront à le « dégager ». Personne ne
dira que les manifestations ne sont pas
utiles. Si, bien sûr, elles sont utiles
et il faut qu’elles continuent.
N’oublions pas qu’elles ont permis de
décrocher le cadre. C’est un grand
soulagement de savoir qu’il n’y aura pas
de 5e mandat, et nous le
devons au peuple algérien, mais il faut
veiller à ne pas perdre davantage de
temps – nous avons déjà perdu 20 ans ! –
et à prendre un virage historique en
devenant un pays où le peuple choisit
ses représentants. Le peuple veut
aujourd’hui être l’acteur principal et
l’armée peut accompagner ce processus et
le protéger, et ensuite prendre du recul
en laissant émerger des forces
politiques issues du peuple, et en les
aidant s’il le faut. Mais gare !
Plus le mouvement dure, plus il y a des
manœuvres d’agitateurs qui essaient de
jeter le discrédit sur le mouvement
populaire en le provoquant. Il faut à
tout prix éviter d’aller vers la
confrontation. Par exemple, qui a donné
l’ordre à Ould Kaddour de nommer à la
tête du MCA, le plus grand club de
football d’Alger, Omar Ghrib, un voyou
et repris de justice, avec pour
instruction de casser les manifestations
d’Alger en infiltrant les manifestants
et en utilisant les beltagias,
spécialité de ce sinistre individu connu
pour être un trafiquant de drogue ? À
qui fait référence Ould Kaddour en
disant que l’ordre de nommer Ghrib vient
« d’en haut » ? De qui parle-t-il,
sachant que cet Omar Ghrib est un proche
de Sellal et du gang des malfrats
Bouteflika qu’il a servi pendant des
années ? La présence de voyous qui
harcèlent les femmes qui sont une
garantie du pacifisme des
manifestations, vise à faire rentrer
celles-ci à la maison afin de pouvoir
réprimer les manifestants. De la même
manière qu’on a toujours dit qu’il faut
interdire de mêler la religion à la
politique, il faut interdire de mêler le
football à la politique. Et ce n’est pas
avec un Zetchi, serviteur zélé de Saïd
Bouteflika et toujours en place à la
tête de la FAF, qui a transformé le
championnat algérien en championnat de
la cocaïne, de la violence et de la
corruption, que nous allons y arriver.
Par ailleurs, ce n’est pas un hasard si
juste après la nomination d’Omar Ghrib,
il y a eu les incidents à la Grand Poste
qui ont failli tourner au désastre. Il
est important de rappeler que si quelque
chose arrive à des manifestants lors des
prochaines manifestations, les éléments
d’el Issaba seront les
principaux responsables et seront
poursuivis. Je rends hommage au
jeune Ramzi Yettou qui avait été blessé
lors de la 8e manifestation
du vendredi et qui est mort à l’hôpital
suite à ses blessures. Il faut que ceux
qui l’ont tué soient punis pour leur
crime. Il s’agit du deuxième martyr de
ce grand mouvement historique après
Hassan Benkheda, le fils de Benyoucef
Benkheda. Et enfin, je n’arrêterai pas
de réclamer la libération immédiate de
Hadj Ghermoul qui est toujours incarcéré
pour s’être opposé au 5e
mandat. Libérez-le !
Il est un fait que
le pays ne pourra pas supporter
longtemps cette situation. Le clan des
Bouteflika a clochardisé l’État et a mis
l’Algérie sur la paille, et l’a laissée
ruinée politiquement et économiquement.
Il faut cependant penser à reconstruire.
Si la même guerre des clans qui sévit
dans l’État – d’ailleurs où est l’État,
il y a juste une guerre des clans ? – se
propage dans l’armée, seul corps fort et
structuré, qu’arrivera-t-il ? Nous
sommes en train d’assister aux
conséquences de la déstabilisation de
l’État algérien voulue par Bouteflika.
Tout est à reconstruire au niveau
politique et économique, et je n’envie
pas le prochain président algérien.
Personnellement, je suis pour que le
peuple garde ses espaces publics pour
toujours, qu’il puisse les utiliser
comme espaces d’expression populaire,
des places fortes où la politique se
fait, où le peuple dit son mot, car
désormais, rien ne se fera sans le
peuple. Néanmoins, il faut commencer à
chercher des solutions, et l’état-major
est face à une grande responsabilité
puisque l’armée est devenue le seul
interlocuteur du peuple, celui-ci
refusant le système en place. Le chef
d’état-major a permis à l’ancien système
de continuer à exister dans cette
nouvelle Algérie qui se dessine et il
faut que Gaïd Salah rectifie le tir en
instaurant une période de transition
avec des représentants du peuple. Cette
transition ne peut pas être
constitutionnelle avec un Bensalah et un
Bedoui comme acteurs majeurs. Ils
appartiennent au passé et représentent
tout ce qui est honni par le peuple
algérien. L’armée pourrait soumettre à
l’approbation du peuple des
personnalités susceptibles de mener
cette transition ou l’inverse, que ce
soit le peuple qui désigne celles et
ceux qui ont sa confiance. Mais je
reviens toujours au fait que le peuple
doit s’organiser commune par commune,
ville par ville, wilaya par wilaya pour
élire ses représentants. En ce moment,
le rapport de forces est en faveur du
peuple, mais si on perd du temps et si
on n’élimine pas les résidus de l’ancien
système, celui-ci va se régénérer. Le
peuple se ferait alors voler sa belle
victoire et l’Algérie replongerait dans
le marasme. C’est pourquoi il faut
absolument stabiliser la situation en
évitant une confrontation qui serait
catastrophique, or plus ce climat dure,
plus ce risque augmente. Il ne faut
laisser aucune chance aux forces
occultes de l’ancien système qui sont
toujours là à manœuvrer dans l’espoir de
voler la révolution au peuple algérien.
Je répète que ces gens sont des traîtres
et des gangsters et ils doivent tous
être jugés pour le mal qu’ils ont fait à
l’Algérie. Ainsi, les accords du
Val-de-Grâce sont des accords
politiques, économiques et culturels
secrets que les Bouteflika ont signés
avec la France, et qui doivent être
abrogés. De quel droit les Bouteflika
ont-ils prolongé les accords d’Évian ?
La fratrie Bouteflika, en signant des
accords secrets avec la France, est
coupable de haute trahison. Les
Bouteflika ont hypothéqué la
souveraineté et l’indépendance
nationales et ils doivent être jugés !
Ce sont eux la tête d’el issaba.
Ce qu’ils ont fait est pire que ce que
le peuple algérien peut imaginer et les
Algériens ont le droit de savoir. À
titre d’exemple, c’est dans ce cadre des
accords secrets signés au Val-d-Grâce
que certains colons ont récupéré les
terres qu’ils avaient possédées jadis en
Algérie et les Algériens qui les
occupaient se sont retrouvés à la rue.
Autre exemple : des milliers d’hectares
de terres ont été offerts à des
particuliers, dont des Français, pour
l’extraction de l’or dans le sud
algérien, ou encore le gaz algérien qui
a été offert à la France pendant 16 ans,
ou bien la préférence donnée à la France
pour tous les contrats tels que la
gestion de l’eau, du métro d’Alger, de
l’aéroport, etc. ainsi que le rôle d’Ali
Haddad et des Kouninef auprès du MEDEF,
la famille Kouninef étant liée à Israël
et, cerise sur le gâteau, Saïd
Bouteflika a donné des promesses de
normalisation avec Israël. Au moment où
j’écris ces lignes, le transfert des
devises et la fuite des capitaux se
déroulent en toute tranquillité,
notamment vers la France. Le pillage
continue. Cela explique le fait que la
plupart des Bouteflika et des traîtres
qui les entourent ont des biens
immobiliers en France. Par ces accords
secrets, l’Algérie a sauvé l’économie
française. Bouteflika a donné de
l’argent à Sarkozy qui n’a rien rendu en
échange, sous Hollande, c’étaient les
contrats, et ça continue sous Macron.
Autre preuves de trahison avec les
Américains, cette fois : qui a donné le
droit à Ould Kaddour de signer des
contrats avec Chevron concernant les
forages de gaz de schiste ? Et quid de
la nouvelle loi des hydrocarbures pondue
par un cabinet américain qui doit être
appliquée en 2019 ? C’est tout à fait
illégal et il faut que ces contrats et
ces lois faits par el Issaba
soient déclarés caducs et non avenus
parce qu’ils sont le produit d’un
pouvoir illégitime. L’armée doit
intervenir et arrêter ces individus, ce
serait un gage de bonne volonté de la
part de Gaïd Salah et cela nous
montrerait si le chef d’état-major est
réellement du côté du peuple face à
el issaba. On le voit, les forces
anticonstitutionnelles continuent à
tirer les ficelles. Il faut démanteler
tout ce système par les faits et non pas
virtuellement ou par des opérations de
com. Il faut juger les coupables pour
haute trahison et les pendre haut et
court ! C’est le sens de mon combat
depuis des années contre la fratrie
Bouteflika. C’est que nous, les
patriotes, nous avançons avec le cœur
comme les vainqueurs et nous ne tournons
pas le cul comme les vaincus.
Gaïd Salah, vous
les avez traités d’el issaba, que
font-ils aujourd’hui à la tête des
secteurs sensibles ? Il faut écouter le
peuple et aller vers le changement,
sinon cela va se radicaliser et
l’impasse va se perpétuer et donner
naissance à une crise majeure sans
issue. Il y va de l’intérêt de
l’Algérie. Le monde nous regarde. S’il
n’y avait pas ce grand peuple, la horde
sauvage nous aurait ramenés vers
l’implosion. Gaïd Salah ne peut pas
continuer à « mardiriser » en faisant
ses communiqués du mardi lorsqu’il est
en déplacement dans une région
militaire, et le peuple ne peut pas non
plus « vendrediriser » ad vitam aeternam
avec des manifs tous les vendredis sans
plus de résultat. C’est le peuple qui
protège le pays et son armée, et
vice-versa. L’ANP est l’armée du peuple
et elle doit trouver une solution
politique à cette crise, et le peuple
doit faire corps avec son armée et
déjouer tous les plans machiavéliques
qui veulent une confrontation entre le
peuple et son armée. C’est autour de ces
deux facteurs que l’on arrivera à
consolider la nation algérienne : peuple
et armée. Seuls comptent ces deux
éléments dans l’équation algérienne, le
reste est insignifiant. En attendant
d’avoir des représentants dignes de ce
nom, le peuple continuera sa lutte de
tous les vendredis en s’adressant à son
armée. Le peuple algérien a choisi son
destin et il décide de son avenir. Toute
légitimité vient du peuple. C’est LUI la
Constitution.
Mohsen
Abdelmoumen
Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour
publication
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